La sonnerie de mon téléphone n'a de cesse de retentir. Je ne peux l'atteindre, ni l'éteindre ; la table basse s'éloigne sous mes multiples efforts. Elle reste à jamais inaccessible, dans un cycle perpétuel de frustration. Jusqu'à ce que... Je me réveille. Ce n'était qu'un foutu cauchemar, engendré par les appels incessants que je reçois depuis plusieurs minutes.
Et ce réveil en sursaut est loin de me réussir. Quelques injures peinent à traverser mes lèvres alors que je me relève. J'ai le crâne complètement explosé, aucun souvenir de la veille, ni ce qui a pu m'amener à m'endormir sur le canapé, habillée de surcroît.
Enfin, alors que cet insupportable son cesse, je saisis mon téléphone pour m'enquérir de l'heure. 18:55. Bordel. Ma journée est passée dans cette tentative foireuse de récupérer la cuite de la vieille. En plus, j'ai l'infime chance de découvrir plus d'une quinzaine d'appels manqués de Dabi. Etonnant qu'il n'ait pas déjà cramé son téléphone.
Ah... En voilà un nouveau. Si je suis tentée de l'envoyer sur la messagerie, je n'en fais rien. J'éloigne juste l'appareil, suffisamment loin pour pas qu'il m'éclate les oreilles.
— BORDEL MITSUKI ! gueule-t-il. Tu fous quoi?
— Je dormais.
— Bouge ton cul. T'as cinq minutes.
Putain.
Après quelques nouvelles injures, je me prépare, quitte mon appart'. J'en oublie ma veste, mes clés, mon masque. La précipitation ne me réussit jamais mais là je n'ai pas vraiment le choix, ni l'envie que la moitié du quartier prenne feu sous son impatience.
• point de vue extérieur •
Dans un hangar isolé, abandonné au milieu d'une zone industrielle désaffectée, les deux hommes se font face. Vingt longues et interminables minutes se sont écoulées, dans un silence glacial, dans un échange de regards gênés. L'embarras est palpable.
Les appels répétés de Dabi ont rythmé cet instant d'ennui et de lassitude. Toujours soldé par un échec, quelques étincelles se sont mises à crépiter autour de lui. La patience n'est pas son fort. Elle obligeait d'être là.
Enfin, elle décroche.
Un prénom, quelques mots la sommant de rappliquer rapidement.
Hawks est resté un instant surpris, interdit face à la conversation. Mitsuki. Ce prénom est chargé de souvenirs, d'émotions bien qu'il n'en montre aucune. C'est une malheureuse coïncidence qui fait remonter cette vague de nostalgie en lui, au pire moment. Il n'a pas le temps de s'attarder sur ses souvenirs alors qu'il est dans une position si délicate.
— Mon associée arrive, précise-t-il, un poil agacé.
Cinq minutes pile s'écoulent. Le bruit d'un moteur est audible à l'extérieur, le grincement de la porte alerte les deux hommes. Mais ce n'est qu'elle, qui arrive enfin. Dans un véritable exploit, qui lui coûtera sans aucun doute quelques amendes pour excès de vitesse, feu rouge grillé.
— Tu t'es pas remise de la cuite d'hier?
— M'en parles pas.
Sa vicieuse migraine est toujours présente. Ses cheveux sont en bataille, ses habits froissés et négligés. Elle peine même à mettre un pied devant l'autre. Son départ précipité, son réveil non désiré, tout se lit si facilement dans son attitude, sur son visage. Pourtant, la plus grande surprise lui est encore à venir. Car elle ne l'avait pas remarqué, en entrant. Son attention focalisée sur le rapiécé.
Mais il est là. Aussi étonné qu'elle.
• point de vue de Mitsuki •
Je ne pensais plus jamais le revoir, je l'espérais du moins. Mes yeux se sont légèrement écarquillés, ma bouche s'est entrouverte. Dans mon état actuel, il m'est difficile de masquer la surprise. Pourtant, Dieu sait que j'aurais aimé ne faire comme s'il s'agissait d'un parfait inconnu. La vie n'est, semble-t-il, pas aussi simple et une vague et désagréable nostalgie se mêle à ma confusion. Je peux lire dans son regard, l'état similaire qui le possède. Il est bien plus dans la retenue que moi.
Tant mieux.
— Qu'est-ce qu'il fait là?
— Je t'ai déjà expliqué ça hier, bordel.
— Trou noir.
— Tu fais chier. Et arrête de boire, c'était déjà assez pénible de te traîner jusqu'à chez toi.
— Aaaaaah. Tout s'explique ! Mais aucun remerciement ne traverse mes lèvres. Je lui rendrais une faveur plus tard, peut-être.
— Quant à lui, il va collaborer avec nous afin de faire tomber Endevor. Tu v-
— Pourquoi je devais venir?
La patience du rapiécé s'évanouit peu à peu alors que ses poings se serrent. Faudrait que j'arrête de le pousser à bout. Ne me suis-je pas déplacée uniquement pour éviter ça? Ce serait dommage de ruiner mes efforts. Vraiment dommage.
— Tu vas servir de contact, vérifier les informations. Tout le bordel.
Il faut avouer qu'une certaine complicité s'est nouée entre nous. Entre l'alcool et nos collaborations, Dabi est devenu mon contact privilégié auprès de l'alliance, nous liant presque d'amitié. Je ne le remarque pas encore mais cela ne semble guère plaire à Hawks. Ses poings sont alors serrés, ses épaules crispées, se réfugiant dans un silence presque parfait.
— Fais ton boulot de larbin et n'oublie pas ta promesse.
Oh merde. Ça va compliquer beaucoup de choses. Peut-être ment-il mais c'est tout à fait mon genre de promettre des trucs une fois alcoolisée et d'oublier ce dont il s'agit le lendemain. Puis on me les rappelle ; je constate l'ampleur de ma connerie.
Sérieusement, faut que j'arrête de boire.
Alors que je songe à cet engagement, Dabi quitte d'un pas tranquille le hangar nous laissant, Hawks et moi dans une situation délicate. Un nouveau silence s'installe. Aucun d'eux n'ose parler, La gêne est intense ; il est difficile de connaître la marche à suivre. Dois-je faire comme s'il était un parfait inconnu ou tenter de raviver les bons vieux souvenirs? Je n'avais jamais envisagé de le revoir, peut-être le croiser au coin d'une rue avant de disparaître. Mais là, tout est différent. Nous allons devoir collaborer ensemble.
— Quel est le plan pour Endevor?
— Je ne pensais pas que tu faisais partie de l'alliance des vilains.
Son insouciance et sa jovialité habituelle ont disparu. Je ne l'avais jamais vu sérieux ; je ne peux nier que ça lui ajoute du charme.
— Nous avons chacun suivi notre voie. Tu es devenu un héro, moi un vilain. Tu collabores avec nous, on est presque pareil.
— Pourquoi? grogne-t-il, avec un calme olympien.
— J'en ai aucune idée. C'est arrivé, un jour et voilà. Ce plan.
Il est si simple. Hawks l'attire, on lui envoie un Nomu sur la gueule. Maintenant, je dois m'assurer que ce n'est pas un piège et que le plan réussit. Ou échoue. Qu'importe, je ne fais qu'obéir aux ordres.
— Il reste un certain nombre de détails à voir. La fatigue devient de plus en plus forte, presque insoutenable. Sans parler de mon crâne toujours aussi douloureux ; réfléchir dans cet état c'est impossible. Tiens, réplique-je en lui filant mon numéro.
Cela nous permettra d'entrer plus facilement en contact, prévoir un rendez-vous. Il faudrait éviter que des preuves du plan persistent et se perdent entre de mauvaises mains. C'en est déjà pénible. Car par ce simple geste, par cette collaboration forcée, des sentiments oubliés sont ranimés. Enfouis au plus profond de moi, je croyais les avoir fait taire. Pourtant, ils persistent. Cela n'est que le début. Nous reprenons contact, nous ravivons une amitié disparue.
Moi qui espérait ne plus jamais le revoir,
Le destin me joue un tour bien cruel.
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Vu que plusieurs chapitres étaient prêts, je vous les poste tout de suite, uhuh.
