Note : Je n'ai pas mis à jour cette fanfic depuis ... trop longtemps. Mais me revoilà avec Tony. Je rappelle que c'est un UA plus ou moins situé après Iron Man 2.
Voyage impromptu
La seconde victime du jeu cruel du Destin fut le très célèbre Tony Stark. Il n'était pas un magicien au fort potentiel, ne possédait aucun artéfact particulier, et ne pouvait compter que sur son intellect – et son argent – pour se sortir des situations les plus compliquées. À première vue, il ne s'agissait que d'un homme comme un autre, avec juste un ego un peu trop surdimensionné et une armure fonctionnelle. L'avenir n'allait pas tarder à démontrer qu'il était bien plus que cela.
Si Tony avait beaucoup fait parler de lui les quelques années avant l'Incident, ce n'était pas uniquement à cause de ses industries spécialisées autrefois dans l'armement militaire. Il avait eu des problèmes avec l'un de ses plus anciens associés et avait manqué de mourir à plusieurs reprises, démontrant ainsi à tous qu'il n'était pas l'être intouchable esquissé dans les pages des journaux mais bien un humain avec ses faiblesses et l'espérance de vie qui allait avec. Il avait choisi de se protéger de son mieux en créant une armure qui lui avait sauvé la vie et qui faisait désormais partie intégrante de son existence, au grand dam de certains de ses amis. Sa conférence de presse et son fameux « Je suis Iron Man » avaient enflammé la presse et les réseaux sociaux tout en attisant la jalousie de nombreux industriels. Non content d'être redevenu le centre de l'attention, le milliardaire avait dû survivre à l'empoisonnement dont il était une victime involontaire à cause de la source d'énergie qui le maintenant en vie. Pendant tout ce temps, le Shield – une organisation plus ou moins gouvernementale et plus ou moins secrète – avait veillé sur lui et continuait de le faire sans grande discrétion. Il n'avait donc pas le temps de s'ennuyer, tiraillé qu'il était entre son sens de la justice un peu faussé et ses histoires sentimentales qui ne duraient pas plus d'une nuit.
Si les journalistes faisaient des paris sur le temps qu'il lui faudrait avant de demander Pepper Potts en mariage, Tony, lui, savait déjà qu'aucune date ne serait fixée. La femme qui lui servait de secrétaire, de pense-bête et souvent de conscience n'était rien de plus que sa meilleure amie. Il leur arrivait de flirter mais sans conséquence, chacun ayant une idée précise de ce que l'autre avait en tête. Pepper méritait bien mieux que son sale caractère et elle n'hésitait jamais à lui dire en face ce qu'elle pensait de son comportement. Leur amitié était l'une des plus précieuses aux yeux du génie et il n'aurait brisé ce lien pour rien au monde. Il ne voyait pas en elle une compagne avec qui construire sa vie. De toute manière, il se sentait plus à son aise parmi ses pièces mécaniques et ses robots aux multiples usages quotidiens. S'il souhaitait un café, il lui suffisait de le demander à ses machines, de même s'il éprouvait subitement l'envie de connaître la météo à l'autre bout du monde – et il aurait pu s'interroger sur les éruptions solaires s'il n'avait pas eu d'autres centres d'intérêt plus urgents. Son Intelligence Artificielle, mélancoliquement nommée Jarvis en hommage au majordome de ses parents, avait assez de ressources pour palier à la presque absence de vie humaine dans son entourage.
Le jour-même de l'Incident, l'héritier Stark n'était pas seul dans sa luxueuse tour marquée à son nom – un coup de génie de son ego, encore une fois. Comme souvent depuis quelques semaines, il discutait du monde et des rares événements étranges qui s'y déroulaient en compagnie de l'agent Phil Coulson. Ce dernier était le genre d'homme à ne pas se laisser faire et à être prêt à sacrifier sa vie pour les besoins de sa nation, cela au sens le plus littéral du terme. Tony s'entendait bien avec lui et ne lui reprochait que son incroyable idolâtrie pour Captain America, un soldat d'une autre époque que son père avait connu et qu'il avait tant de fois porté aux nues, plus régulièrement que son propre fils. Le milliardaire ne comprenait pas l'engouement du protégé de Nick Fury et se permettait parfois des petites piques ironiques, sans toutefois se mettre à dos l'homme qui devenait peu à peu l'un de ses rares amis.
Un tournevis entre les dents, Tony écoutait donc l'agent du Shield qui lui parlait d'anciens projets de l'organisation. Phil n'était pas avare de détails lorsqu'il s'agissait d'évoquer des missions accomplies à la perfection par son agence, même s'il cachait les aspects les plus secrets censés n'être connus que par des agents de haut niveau. Il encensait souvent le directeur pour son bon sens et ses actes héroïques, ce qui ne surprenait pas tant Iron Man. Ce dernier avait effectué ses propres recherches sur Fury et il devait bien admettre que le borgne possédait un curriculum vitae fort impressionnant, bien qu'il eût tendance à trop se reposer sur les opinions particulières de certains de ses agents. À cause d'un compte-rendu extrêmement détaillé de Natasha Romanoff, le génie avait été rayé de la liste des potentiels membres des Avengers – et il ne s'en portait pas plus mal. La rousse n'appréciait pas son caractère qu'elle jugeait trop instable – et elle avait peut-être raison de le noter, il ne le niait pas, même s'il n'avait pas l'impression d'être au même niveau que Banner qui lui était véritablement instable. En y réfléchissant bien, l'ingénieur s'estimait heureux de n'être qu'un consultant parmi tant d'autres parce qu'il n'était plus très sûr d'avoir envie d'intégrer une équipe chargée de la protection de la Terre. Selon lui, leur si jolie – et petite – planète bleue ne nécessitait pas autant de moyens car le danger viendrait obligatoirement de ses habitants, une menace que les forces armées étaient censées savoir gérer. Il ignorait alors que son point de vue risquerait de changer quelques années plus tard en découvrant les soldats d'un Titan fou.
Tony n'était pas quelqu'un qui adhérait aux théories conspirationnistes sur la fin du monde ou sur les invasions extraterrestres. Il ne se pensait pas assez égocentrique pour supposer qu'il n'y avait personne d'autre dans l'Univers mais il partait du principe que si une puissance cosmique existait, elle aurait déjà fait tout son possible pour attaquer la Terre et mettre tous ses habitants à genoux. En tout cas, c'est ce que lui aurait accompli s'il avait pu rejoindre une autre planète. Il ne mettait pas en doute les idées de certains scientifiques à ce sujet, il fallait bien avoir des complots assez variés pour faire vivre les plus ragots. Cependant, si on lui avait demandé à cette époque s'il croyait ou non en un dieu ou en un être non-terrien, il se serait moqué de son interlocuteur sans la moindre hésitation et aurait rétorqué que le seul dieu sur Terre était lui-même puisqu'il survolait les continents dans une armure suffisamment solide pour le protéger de bien des ennuis.
« Je vous ai déjà parlé de mes cartes ? s'enquit Coulson sur un ton débordant d'enthousiasme. »
Tony dut se retenir pour ne pas répliquer qu'il avait lancé le même sujet de discussion la veille. Ce n'était pas la faute de Phil si le Captain était devenu une icône pour bien des générations mais le milliardaire aurait aimé rappeler à tout ce petit monde que le si célèbre Steve Rogers n'était rien de plus qu'un souvenir comme un autre, mort pendant la guerre. Même si le Shield prétendait qu'il y avait peut-être une chance de retrouver son corps un jour ou l'autre, Iron Man se moquait de tous ces chercheurs. Il savait que sa réaction était démesurée et qu'il agissait ainsi par peur, parce qu'il refusait de croire que le sérum injecté à un pauvre petit gars de Brooklyn avait pu conserver un homme pendant des décennies. Rogers n'était que le fruit d'une expérimentation qui devait rester enfermé sous sa couche de glace, rien de plus.
« Fury m'a dit que je m'emportais un peu, reprit l'Agent avec une moue gênée. Mais ce n'est pas moi qui tente de former une équipe de super-héros.
— Vous ne pensez pas que le terme est un peu … surestimé ? s'amusa Tony en remettant à sa place une énième vis. Des super-héros, c'est pour les gamins, dans les pages de leurs comics. Je veux bien que la Terre soit protégée mais il faudrait voir la réalité en face.
— Tout le monde n'a pas d'armure derrière laquelle se cacher, remarqua Coulson avec un haussement de sourcil. Même le Shield n'a pas ce genre de technologie.
— Touché. Mais mon armure n'est pas une cachette, c'est un complexe de sécurité pour sauver ma misérable existence. »
L'humour se mêlait à l'amertume, cocktail détonnant mais très familier depuis un certain temps. Plus les jours passaient et plus le milliardaire se demandait si sa vie avait un sens. Il avait fait fortune grâce aux industries de son père, en semant la mort et la destruction, et cela lui revenait parfois en pleine face lorsqu'il tombait sur des articles qui mettaient en avant le nombre de blessés dans des pays éloignés de sa petite tour. Certes, il avait changé la donne en essayant de mettre tout cela aux oubliettes et en produisant autre chose mais le mal était déjà fait et il n'avait pas la possibilité de le modifier. Si les industries Stark devaient entrer dans les livres d'histoire, nul doute que les articles parleraient en premier lieu des armes de haute qualité qui y avaient été créées.
Tony se reprit dans le sombre fil de ses pensées, plaquant sur ses lèvres un sourire qui ne remontait pas à ses yeux et qui lui donnait l'air d'un pantin un peu fou.
« Venez, j'ai quelque chose qui devrait vous plaire. »
L'ingénieur se dégagea de son fouillis mécanique pour ouvrir un placard. Les étagères étaient remplies d'un méli-mélo d'inventions en tout genre, rangées selon une logique qui lui était propre. Il écarta quelques prototypes non terminés, jeta derrière lui une paire de lunettes qui ne fonctionnait toujours pas et trouva enfin l'objet de sa fouille. Une expression de triomphe illumina son visage lorsqu'il montra à l'agent du Shield un bouclier à l'armature moderne mais au dessin familier. Phil s'extasia comme une groupie sur l'étoile au centre du modèle et repartit dans ses explications sur le costume de Captain America. La joie évidente de l'Agent devint contagieuse, allégeant le cœur de Tony qui lui apprit qu'il avait dessiné ce bouclier pour accompagner son armure mais qu'il avait abandonné le projet en songeant qu'il ressemblerait beaucoup trop au fameux héros de l'Amérique.
« Je suis Iron Man, pas une vulgaire copie.
— Vous auriez pu remonter dans l'estime de Fury avec ce genre de symbole.
— Et devenir un candidat idéal pour son équipe de clowns ? Non merci, je suis très bien dans mon atelier, à remonter des robots qui m'apportent mon café tous les jours. Mais vous Coulson, vous n'avez jamais rêvé de partir et d'aller vous allonger sur une plage, dans un bon petit coin de paradis, avec quelqu'un à votre bras ? De faire un break loin du Shield ?
— Je suis un agent fidèle, j'ai signé pour la vie que je mène et je ne m'en plains pas. »
Tony n'était pas persuadé de la véracité des propos de l'Agent mais il préféra ne pas insister, lui laissant le bouclier pour lui faire plaisir. Il retourna au bricolage de son armure sous l'œil attentif de son ami, vissant et dévissant, donnant parfois des consignes à Jarvis pour estimer un calcul sur ses propulseurs. Il en était à se demander s'il allait changer la couleur de l'alliage lorsqu'une chaleur immense commença à s'installer dans son corps. Il crut avoir oublié d'éteindre quelque chose et fronça les sourcils, soucieux. Il ne portait pas son armure, celle sur laquelle il travaillait semblait être en bon état – si on omettait les pièces disséminées un peu partout sur le sol – et aucune fumée ne brouillait sa vision. Près de lui, Phil poursuivait ses commentaires sans paraître dérangé par un quelconque ennui tandis que l'Intelligence Artificielle restait silencieuse, comme si tout était normal dans l'atelier. L'ingénieur était pourtant persuadé de sentir ses cellules s'échauffer et il se mit à paniquer en voyant des flammes surgir tout autour de lui. Il eut juste le temps d'apercevoir le regard étonné et terrifié de l'Agent ; l'instant suivant, les alentours se troublèrent et tout ce qui était à portée de sa vue disparut.
Une brusque nausée saisit Iron Man dès que le brouillard se dissipa. Ses jambes ne le soutenaient plus, comme s'il avait couru une bonne dizaine de marathons, et il s'effondra à genoux, incapable de garder sa position debout tant sa tête tournait. Une vague de froid s'empara de son être, contrastant avec la chaleur qui l'avait assailli quelques secondes plus tôt. Il ignorait où il se trouvait, qui était l'inconnu étrange qui l'observait à quelques pas de lui et pourquoi une odeur de cire brûlée flottait dans l'air, imprégnant l'atmosphère. À vrai dire, il ne savait pas s'il venait de plonger en plein rêve ou si son imagination lui jouait des tours à cause de sa fatigue récurrente. Il supposa brièvement qu'il s'agissait d'un test tordu du Shield, un nouveau produit mis au point par leurs laboratoires et que Fury avait voulu essayer sur lui en une sorte de punition mais cela ne ressemblait pas à ce que l'organisation avait l'habitude de faire – tout du moins, pas à son encontre.
Tout en grommelant, Tony se releva, grimaçant en constatant qu'il vacillait encore, mais soulagé de voir que son réacteur émettait toujours sa lumière bleue. Il s'employa à détailler enfin l'inconnu, remarquant sa tenue en cuir qui n'avait rien de commun avec des habits occidentaux, son regard vert à la fois curieux et très méfiant, et l'étrange lueur qui entourait l'une de ses mains.
« Vous pouvez me dire où je suis ? tenta le milliardaire. »
N'obtenant aucune réponse de la part de l'autre homme, il inspecta l'environnement dans lequel il avait atterri. Les meubles, particulièrement le lit qui trônait en majesté dans la pièce, l'informèrent sur l'utilité première de l'endroit. En toute logique, il était dans une chambre, même si cette découverte ne l'éclairait pas vraiment et le laissait plutôt perplexe – pour quelle raison était-il dans une chambre ? Plusieurs bibliothèques s'alignaient contre les murs, avec des étagères pleines de livres trop nombreux pour tous rentrer dans son champ visuel. Les tissus sur le sol et le lit ainsi qu'autour des fenêtres lui firent redouter d'être tombé dans un pays différent du sien – et il ne savait pas encore comment. Il sentit les prémices d'une crise de panique qui se réveillait, rappelant à son esprit un sournois syndrome de stress post-traumatique qui guettait la première occasion pour revenir en pleine face. Il n'avait rien de personnel contre le fait de voyager mais, la dernière fois qu'il s'était éveillé dans un pays étranger, sans défense, il s'était retrouvé à deux doigts de la mort, obligé de construire des armes pour des assassins. Si à l'époque il s'en était sorti en créant son armure, il n'y avait rien de bien utile à portée de mains dans cet endroit.
« Est-ce que vous me comprenez quand je vous parle ? Ou vous êtes muet ? réessaya-t-il pour engager la conversation. »
La réaction de l'autre individu le désarçonna. Au lieu de répondre d'une façon ou d'une autre, il leva sa main auréolée de la lumière verte et bougea légèrement ses doigts en marmonnant des mots dans une langue que Tony ne connaissait pas. La lueur autour des phalanges de l'inconnu s'amplifia, devenant presque aveuglante, et Iron Man eut un mouvement de recul en associant aussitôt cette lumière à quelque chose qui n'avait rien en commun avec la science qui était la sienne. Le mot « magie » flotta instantanément dans son esprit mais il se força à le repousser en se sermonnant. La magie, peu importait ce qu'en pensaient le Shield et Fury, n'était qu'une invention pour avoir le dessus sur les plus faibles et les plus crédules, rien de plus. Tout cela lui donnait l'impression d'être plongé dans un film à petit budget destiné à effrayer des enfants et il croisa les bras, plantant son regard dans celui de l'autre homme.
« Qui êtes-vous ? demanda finalement l'étranger.
— Ah, vous n'êtes donc pas muet, le railla Tony. Et vous parlez ma langue, quel miracle !
— Nul miracle, misérable. Je serais bien incapable de discuter avec vous dans votre dialecte. Vous n'êtes vraisemblablement pas un elfe, ni un nain. Un géant des glaces, peut-être, ils maîtrisent à la perfection l'art de la dissimulation. »
Nain ? Elfe ? Géant des glaces ? Plus l'inconnu lui parlait et plus le milliardaire se sentait déconnecté de la réalité, comme si quelqu'un venait de le brancher à une console de jeu dont les options défileraient dans une langue imaginaire.
« Doucement, d'accord ? lâcha-t-il en faisant au mieux pour ne pas montrer qu'il commençait à avoir l'envie irrésistible de fuir. Je ne sais même pas où je suis et je n'ai pas compris un traître mot de votre petit discours. On est où là ? Turquie ?
— Vous êtes sur Asgard, à la cour du roi Odin. »
Asgard. Odin. Décidément, son cerveau débloquait. Ces termes étaient étrangement familiers pour Tony, comme s'il les avait déjà entendus par le passé, prononcés dans son enfance lorsque sa mère lui lisait des histoires. Il essaya de retrouver dans ses souvenirs à quoi s'apparentaient ces deux noms, et un rire nerveux s'échappa de sa gorge lorsqu'il fit le lien avec des contes qu'il croyait avoir oublié. Odin était un dieu des légendes nordiques, un gars un peu bourru qu'il aurait volontiers associé à Fury si ce dernier avait eu plus d'humour et moins d'agents à son service.
« Vous vous moquez de moi, hein ? Et vous allez me dire que vous êtes Thor ? Avec un marteau haut de gamme option son et lumière ? »
La crispation de la mâchoire de l'homme aux yeux verts alerta le milliardaire. Il y avait une certaine douleur dans le regard de l'inconnu, mêlée à un sentiment qu'il apparentait à une colère contenue. En toute franchise, Tony eut l'impression de se revoir plus jeune lorsqu'il était en désaccord avec son père sur l'idole de l'Amérique. Il en déduisit que l'étranger devait éprouver une certaine rancœur à l'égard du dieu du tonnerre – ou de quelqu'un qui portait le même nom parce qu'il n'était toujours pas sûr d'avoir atterri dans un autre monde où les divinités étaient réelles. Dans tous les cas, cet homme semblait en détester un autre, avec assez de force pour que lui, un handicapé des sentiments, fût capable de s'en rendre compte.
« J'ai compris, on ne parle pas de Thor. Vous êtes qui alors ?
— Je suis Loki, fils d'Odin. La question serait plutôt, qui êtes-vous ?
— Tony Stark, génie, milliardaire, playboy, philanthrope et …
— Et à la langue bien pendue, l'interrompit l'autre d'un air excédé. »
Un sourire étira les lèvres de Iron Man en percevant l'irritation chez son hôte. Il était décidément le plus doué pour exaspérer son auditoire, y compris à la cour du si célèbre Odin – si toutefois il s'agissait de la vérité et non pas d'une ruse de la part du dénommé Loki. Si sa mémoire était bonne, c'était le nom du dieu des mensonges et de la fourberie, sûrement pas sans raison. Tony tenta d'expliquer à l'Ase qu'il venait de la Terre et qu'il ignorait de quelle manière il avait pu voyager d'un monde à l'autre, laissant ainsi entendre qu'il prenait pour argent comptant ce que l'inconnu lui avait dit – il préférait entrer dans son jeu pour l'instant et aviser plus tard. Le regard du dieu s'agrandit de stupeur lorsqu'il comprit enfin qu'il avait devant lui un humain, mortel, en chair et en os.
Peu pressé d'attendre des réponses qui mettaient trop de minutes à lui parvenir, l'héritier Stark reprit son inspection de la chambre. Les bougies et le dessin étrange autour de ses pieds finirent par lui tirer un nouveau rire nerveux alors qu'il notait dans un coin de sa tête qu'il lui faudrait en discuter avec Pepper. Son amie serait sans doute ravie d'apprendre qu'il était apparu pendant une invocation quelconque, comme un mauvais démon surgissant du néant parce qu'un adepte de la magie noire requérait une aide extérieure. Loki avisa l'objet de son attention et s'empressa de faire disparaître le matériel d'un mouvement du poignet, faisant battre en retraite la bonne humeur de Tony. Il n'aimait pas le paranormal, pas à ce niveau-là, et encore moins alors qu'un homme étranger lui parlait de dieux et d'Asgard.
« Maintenant que vous savez d'où je viens, vous n'auriez pas un arc-en-ciel express pour me ramener chez moi ? »
Tony avait pris le ton de l'ironie mais en se creusant la tête pour repenser au si mythique Bifröst censé aider à passer d'un monde à l'autre. S'il était véritablement sur Asgard – ce dont il doutait encore – et si le gars en face de lui avait des pouvoirs – ce dont il ne doutait plus mais qui lui faisait assez peur même s'il ne le montrait pas – alors il n'avait plus aucune raison d'être coincé dans cette chambre. Un petit tour de magie et il serait enfin chez lui, à rire de cette histoire avec Pepper ou Rhodey ou Coulson – non, pas Coulson, ce serait une très mauvaise idée de faire courir le bruit d'un autre monde à un agent du Shield qui servait d'œil manquant à Fury. Tout ce que l'ingénieur voulait, c'était un aller simple pour la Terre, sans possibilité de retour, et avec les frais de transport gratuit. Quant à oublier l'existence d'Asgard et de ce Loki, ce serait amplement facile s'il se plongeait dans des verres d'alcool.
Il déchanta bien vite lorsque les yeux verts du dieu se posèrent sur lui. Il n'y lisait ni colère ni agacement, juste de l'incertitude qu'il n'était pas sûr de comprendre. L'espace d'un instant, il se demanda si Loki était bien à l'origine de son petit voyage à travers – à travers quoi au final ? Un espace-temps ? Un espace tout court ? Comment pouvait-il appeler son aventure qui le bousculait d'un monde à un autre grâce à de la magie ? Jarvis aurait trouvé le mot adéquat pour combler le trou désormais béant de ses questionnements mais il n'avait pas son Intelligence Artificielle sous la main et le regrettait déjà.
« Bon, je ne suis pas pressé, mais …
— Je ne peux pas vous renvoyer chez vous.
— Il vous manque la formule de retour, c'est ça ? se moqua Tony. »
La meilleure défense restait encore l'attaque et elle lui permettait de ne pas penser à son estomac qui se serrait de plus en plus alors qu'il prenait conscience de sa situation. Loki lui adressa un regard brillant de reproches avant de lui indiquer qu'il n'avait jamais eu l'intention de faire venir quelqu'un sur Asgard mais plutôt d'en repartir lui-même, sans devoir utiliser le Bifröst. Un court instant, le mortel dut réfléchir à la signification de ses paroles, s'interrogeant sur les raisons qui poussaient une personne à ne pas prendre un moyen de locomotion qui était pourtant efficace s'il en croyait les légendes. Remarquant son trouble, le dieu lui murmura qu'il voulait avoir plus de libertés, pour ne pas dépendre d'Heimdall, le gardien du Bifröst, et ne pas se plier aux règles de son père, le grand Odin. Cette dernière information sonna comme un écho dans l'esprit de Tony qui se dit que lui et le dieu n'étaient pas si étrangers. Toutefois, il n'avait pas envie d'être bloqué dans un monde qui n'était pas le sien à cause d'une mésentente familiale.
Loki fit la sourde oreille à ses supplications, lui refusant tout accès à la sortie de sa chambre. S'il avait eu son armure, le milliardaire aurait déjà fracassé les murs pour partir à la recherche de cet arc-en-ciel de malheur mais il n'avait rien, pas même une clef anglaise, pour se défendre. Il maudit le dieu et son ego qui l'empêchaient de reprendre le chemin du retour. Il se moquait bien de savoir que le magicien risquait gros si sa présence venait à être découverte car lui ne rêvait que de son lit et de son atelier.
« Dites-moi où est votre Bifröst et j'irai seul, implora Tony. Votre gardien n'est pas obligé d'apprendre que c'est à cause de vous que je suis là.
— Il n'y a pas pléthore de magiciens sur Asgard, répliqua le dieu des mensonges avec un rictus. Et j'encours une lourde peine si un mortel est surpris dans notre palais.
— Vous allez faire quoi alors ? Me tuer et vous débarrasser de mon cadavre ? »
L'éclat dans les pupilles de Loki eut raison des dernières traces de bravade du génie. Il aurait presque pu jurer que sa proposition plaisait grandement au dieu, comme s'il lui avançait la clef de tous problèmes sur un plateau d'argent, en lui tendant en même temps la hache qui servirait à son supplice. Il déglutit en se reprochant d'être incapable de garder sa langue dans sa poche, cherchant d'autres arguments qui se bloquèrent dans sa gorge. Que pouvait-il dire, de toute manière ? Il n'était qu'un mortel dans un royaume où vivaient des dieux – ce fait était en train de se faire une place importante dans son esprit, s'accommodant des nouvelles révélations comme si c'était un fait ordinaire – et il ne serait qu'une victime anonyme aux yeux de ces êtres. Métaphoriquement, il avait les mains liées, sans aucune porte de sortie, sans rideau à faire tomber sur le devant de la scène pour saluer son public.
Pour la première fois depuis qu'il avait revêtu son armure, il eut peur. Ce n'était pas comme son combat contre Stane ou les plans foireux d'Hammer. Tony était la proie d'une puissance qui le dépassait et d'un dieu dont les doigts s'étaient glissés autour d'un poignard. Sa mortalité lui sautait aux yeux de la pire façon.
