Chapitre 3 : Une équipe incomplète
Le lendemain, collège Raimon, début des cours…
Aki regarda Endou entrer dans la salle de classe, l'air concentré. Il passa à côté d'elle sans la voir et gagna sa place sans même entendre son salut.
_ Je me demande dans quelle classe il est… il faut que je le sache pour lui demander de nous rejoindre…
Aki soupira et secoua la tête. Ootani plissa les yeux avec amusement.
_ Tu es amoureuse d'Endou.
_ Quoi ? N… Non ! Pas du tout !
_ Mouais…
Aki rougit et se cacha derrière son cahier, incapable de soutenir le regard de sa camarade, gentiment moqueur.
_ Au fait Aki, tu savais qu'un nouvel élève allait intégrer notre classe ? Je discutais avec une copine dans la classe de Natsumi et elle lui aurait dit que son père lui avait dit qu'un nouveau rejoindrait la classe du capitaine du club de foot. C'est la nôtre !
_ Ah bon ? Ah… le professeur arrive.
Ootani se retourna sur sa chaise au moment où Fuyukai entrait dans la salle de classe d'un pas trainant, l'air toujours aussi exténué. Un jeune homme blond portant l'uniforme bleu du collège le suivait, les mains dans les poches et le visage impénétrable. Il s'arrêta devant les élèves sagement assis et les regarda bien en face de son regard sombre.
Un cri effaré troubla le silence, accompagné d'un bruit de chaise qui tombe au sol.
Le jeune homme blond haussa un sourcil, tout aussi étonné.
Fuyukai gratta sa joue mal rasée. Ce que ces jeunes étaient bruyants…
_ Endou-kun, il y a un problème ?
Le jeune homme brun secoua la tête, sans pour autant détacher son regard du blond. Il avait eut raison de prier son grand-père !
_ C'est incroyable ! C'est le destin qui nous a réunit dans la même classe ! La Déesse de la Victoire doit se dire qu'il faut que tu rejoignes le club de foot !
_ Endou-kun, rassis-toi.
Cette fois le jeune homme obéit, les yeux brillants et un sourire euphorique sur le visage. Fuyukai se racla la gorge.
_ Bien, maintenant que le calme est revenu… je vous présente Gouenji Shuuya. Il nous vient de Kidokawa Seishuu. Faites-lui bon accueil.
Gouenji inclina légèrement la tête alors que ses nouveaux camarades de classe lui souhaitaient la bienvenue dans une joyeuse cacophonie. Pour être tout a fait franc, il n'y prêtait pas grande attention. Son regard sombre était rivé au sourire lumineux du jeune homme au bandeau orange. Face à un tel sourire, il sentait sa détermination flancher. Combien de temps résisterait-il à l'appel du football que véhiculait ce sourire ?
Pourtant il ne devait pas, sous aucun prétexte, trahir sa promesse. Et la surface lisse d'un pendentif contre sa poitrine était là pour le lui rappeler.
_oOo_
Lorsque la cloche sonna la fin du cours, Gouenji eut à peine le temps de glisser son cahier dans son sac qu'Endou se plantait devant son pupitre avec un sourire rayonnant, flanqué d'une jeune fille que Gouenji jugea rapidement sans intérêt. C'était la même fille qu'il avait vu la veille.
_ Salut ! Je ne me suis pas présenté, hier soir. Je m'appelle Endou Mamoru, et je suis le capitaine du club de foot du collège. Position, gardien de but ! Ton tir était impressionnant ! Tu ne voudrais pas intégrer l'équipe ?
Gouenji pencha la tête sur le côté. N'avait-il pas reçu la même proposition la veille ? Pourquoi sa réponse aurait-elle changée en une nuit ? Certes, on dit que la nuit porte conseil, mais il ne changerait jamais d'avis à ce sujet.
Pas même pour un sourire aussi éblouissant.
Il détourna le regard, se concentrant sur un point indéterminé sur lequel il espérait ne pas être interrogé.
_ Endou-kun, nous devrions y aller, non ? Nous devons encore recruter des joueurs…
_ Mais…
_ Ta copine à raison. Je ne rejoindrais pas votre club, tu perds ton temps avec moi.
Endou baissa la tête, son sourire se fanant légèrement. Il emboita le pas à son amie, déjà à la porte de la classe. Il s'y arrêta et se retourna vers Gouenji avec un regard étrangement sérieux.
_ Je suis certain que quoi qu'il arrive, ce n'est pas une perte d temps d'être avec toi. Si tu changes d'avis, préviens-moi !
Le jeune homme blond entrouvrit la bouche, surprit. Mais Endou était déjà parti, sans voir ses joues étrangement rouges.
_oOo_
Rez-de-chaussée…
Endou s'arrêta lorsqu'il vit la jeune fille aux longs cheveux roux faire le guet au pied de l'escalier, bras croisés et menton fièrement levé, comme si elle attendait quelqu'un. En l'apercevant, elle grimaça avant de se diriger vers lui.
_ Tu devrais laisser Gouenji tranquille. Il ne jouera plus au foot à cause de sa petite sœur. Mais ce ne sont pas tes affaires. Cherche plutôt des joueurs potables pour le match contre Teikoku, histoire d'éviter que notre glorieuse école ne sombre dans la disgrâce par la faute d'un club de foot minable. Cela dit… Si recruter des joueurs est trop demander au capitaine, ne soyez pas étonnés que votre club soit dissout !
Endou la toisa avec un regard froid qui ne lui ressemblait pas.
_ Je sais ce que j'ai à faire. Je m'occupe de recruter mes joueurs, et nous remporterons le match, tu peux être rassurée. Mais je sais aussi une chose : Gouenji rejouera au football. Ça se voit qu'il aime trop ça pour arrêter.
La jeune fille haussa les épaules d'un air hautain et s'éloigna d'un pas vif, sans même être suivie du regard par Endou.
_ Quelle pimbêche celle-là ! Elle se trompe, et je vais le prouver ! Notre équipe ne sera pas dissoute ; et je finirais par jouer au foot avec Gouenji ! Je pourrais peut-être demander à Kazemaru… Il est toujours de bon conseil !
Le jeune homme brun s'élança en courant vers le seul endroit où il était certain de trouver son ami, le terrain d'athlétisme.
En passant devant le foyer sportif, il vit Aki discuter avec animation avec un garçon de petite taille portant un bonnet rayé rose et bleu qui lui donnait des airs de chats. Sans doute le fameux Matsuno. Ravi de voir que son amie s'occuper de le recruter, il accéléra l'allure pour rejoindre au plus vite Kazemaru.
_oOo_
Terrain d'athlétisme…
Kazemaru sentait à peine le sol sous ses pieds, filant comme le vent qui rugissait à ses oreilles. Courir seul, sans personne pour entraver sa course… Il était né pour courir, ne faire qu'un avec le vent.
Il ralentit sa course en bout de piste, jusqu'à s'arrêter.
_ Kazemaru-san !
_ Miyasaka…
Son camarade aux cheveux blonds s'arrêta lui aussi de courir, essoufflé.
_ C'est incroyable ce que tu vas vite ! Tu es le plus rapide du club ! Avec toi, on va gagner toutes les compétitions !
_ Tu te débrouilles bien aussi. Te voir courir me rappelle que je ne dois pas me relâcher, sinon, un de ces jours tu vas me dépasser !
Son ami rosi sous le compliment, ses yeux vert pétillant joyeusement.
Kazemaru se dirigea vers le banc où était posé sa bouteille d'eau et la vida en quelques gorgées.
_ Tiens ? Kazemaru-san, ce ne serait pas Endou ?
Le jeune homme à la queue de cheval bleue tourna la tête et sourit.
_ Endou ! Que nous vaut ta visite ?
Le jeune homme au bandeau orange reprit sa respiration avant de regarder son ami avec espoir.
_ J'ai besoin de joueurs pour le club de foot… En fait, j'ai quelqu'un en tête, mais je ne sais pas comment faire pour le recruter… Il m'a dit ne plus vouloir jouer au football mais je suis certain que c'est faux !
_ Besoin de joueurs… Ah oui, j'ai entendu cette histoire de match amical. Ça fait le tour du collège. Une défaite équivaudra à la dissolution de votre club. Je n'aimerais pas qu'on nous fasse un chantage pareil avec l'athlétisme, pas toi Miyasaka ?
_ C'est sûr !
_ Quoi qu'il en soit… Endou, je suis désolé, mais je ne vois pas comment forcer quelqu'un à faire ce qu'il ne veut pas faire. Mais peut-être que s'il te voit aussi obstiné que tu l'es d'habitude, il finira par changer d'avis !
_ Je vois… Merci Kazemaru ! Bon, je dois encore trouver d'autres joueurs ! A plus !
Endou sourit largement et fit demi-tour. Il s'arrêta au bout de quelques pas et se retourna vivement.
_ Et toi Kazemaru, ça ne t'intéresserait pas de jouer au foot ? Tu es tellement rapide que ça pourrait nous aider ! Et tu dis toujours vouloir te mesurer aux meilleurs des meilleurs !
_ Je parle de l'athlétisme, Endou… Désolé !
_ Pas grave ! Miyasaka ?
_ Dé… Désolé…
Endou balaya ses excuses d'un sourire avant de repartir pour de bon, toujours aussi motivé.
_ Il est… énergique.
_ Un peu trop, parfois !
Kazemaru et Miyasaka s'esclaffèrent joyeusement avant de reprendre leur entrainement.
_oOo_
Foyer sportif…
Aki se retint de justesse de crier victoire en brandissant son poing en l'air comme le faisait Endou. Elle avait réussit à convaincre Matsuno Kuusuke de les rejoindre ! A vrai dire, elle l'avait seulement convaincu d'essayer le foot le temps d'un entrainement, mais c'était toujours ça.
Le jeune homme se gratta la tête à travers son bonnet rayé d'où s'échappaient des mèches rousses, se demandant bien pourquoi la jeune fille devant lui se mordillait la lèvre en trépignant sur place.
_ Ah ! Kino !
La jeune fille se retourna et Matsuno la vit rougir comme une pivoine alors qu'un jeune homme aux cheveux bruns retenu par un bandeau orange arrivait vers eux d'un pas déterminé.
_ Endou-kun ! Matsuno va nous rejoindre !
L'intéressé agita la main en souriant en direction de celui qui était désormais son capitaine. Du moins jusqu'à ce qu'il ne se lasse.
_ Bonjour ! C'est vrai que je n'ai jamais joué au foot, mais j'aime bien essayer de nouvelles choses, alors pourquoi pas ? Je veux bien faire un test pour un entrainement. Oh ! Et tu peux m'appeler Max !
_ C'est super ! Il ne manque plus que… sept… plus Max… huit… neuf, dix, onze. Trois joueurs ! Enfin, deux, car je sais que je vais réussir à convaincre Gouenji !
_ Tu es encore bloqué là-dessus…
Endou sourit largement avant de frapper ses mains l'une contre l'autre.
_ Bien ! Ne baissons pas les bras ! Allons-y !
Aki hocha la tête et, bien décidée à venir en aide à Endou, le suivit pour trouver les joueurs manquant.
Matsuno les regarda s'éloigner en grattant son bonnet.
_ Bon… je suppose qu'il va falloir que je me documente un peu sur le foot… C'est quoi déjà les postes ?
_oOo_
Endou se sentait de plus en plus joyeux. Avec Matsuno dans l'équipe, ils ses rapprochaient lentement mais surement de leur rêve de participer au Football Frontier.
_ Je te jure ! Ce couloir est hanté !
_ Je l'ai vu moi aussi ! On aurait dit Sadako, dans le noir comme ça, avec ses cheveux qui tombe devant son visage !
_ Mais c'est un mec, non ?
_ Ouais, bah mec ou pas, il est vraiment flippant le fantôme.
Aki se rapprocha d'Endou en entendant la discussion du groupe qu'ils venaient de dépasser. Mais pourquoi diable Endou avançait-il d'un pas aussi alerte droit vers le couloir hanté ?
_ Endou-kun… Je ne crois pas qu'on trouvera…
_ On ne perd rien à aller jeter un coup d'œil dans la salle du fond !
L'optimisme du jeune homme ne cesserait jamais de l'étonner. La demoiselle le suivit bon gré, mal gré, cachant au mieux son angoisse alors qu'ils se rapprochaient d'une salle de classe à la porte entrouverte laissant échapper une obscurité sinistre.
Endou avala difficilement sa salive en ouvrant en grand la porte coulissante. La salle de classe était plongée dans la pénombre à cause des rideaux tirés, un rayon de soleil pâle ne filtrant que d'un petit jour entre deux pans de tissus.
Une ombre bougea dans le fond de la salle.
Le jeune homme recula instinctivement. Il ne croyait pas aux rumeurs prétendants le collège hanté, mais il devait bien admettre que face à l'ombre aux longs cheveux noirs, il commençait à remettre en question ses certitudes !
_ Je vous attendais…
La voix trainante de l'ombre arracha un hurlement à Aki qui quitta la classe en courant. Endou voulut l'imiter lorsque l'ombre s'accrocha à son bras.
_ Je veux jouer... au football…
Le mot magique fit son effet chez le jeune homme. Il se retourna vers l'ombre, les yeux soudainement brillant.
_ C'est vrai ?
Ses yeux s'étaient habitués à la semi-obscurité de la salle de classe. Maintenant, il pouvait voir que l'ombre n'en était pas une. C'était un collégien bien vivant, dont les cheveux étaient gris et non noir, dissimulant ses yeux, et dont la bouche avait un pli d'inquiétude causé par la crainte de se faire refuser l'accès au club de foot qu'il convoitait tant.
_ C'est génial ! Je cherche justement de nouveaux joueurs !
_ Je sais… Je me suis dit que je pourrais peut-être… Pardon, ma présence va s'en doute vous déranger…
_ Non, non ! Pas du tout ! Je suis ravi de t'accueillir ! Tous ceux qui aiment le football sont les bienvenus ! Euh… C'est quoi ton nom ?
_ Kageno Jin…
_ Et bien Kageno, heureux de faire ta connaissance !
Endou lui tendit la main avec un sourire sincère et Kageno la serra. C'était bien la première fois que quelqu'un ne lui tournait pas le dos à cause de son effrayante apparence.
_oOo_
Aki était bien plus pâle que d'ordinaire lorsqu'elle vit Endou revenir, suivi d'un sinistre jeune homme qui, même en pleine lumière, avait l'air effrayant.
Endou avait l'art et la manière de choisir ses joueurs…
_ Au moins il ne nous manque plus que deux personnes… Tu as déjà demandé à Kazemaru ? Il ne rechigne jamais à jouer avec toi quand tu n'as personnes pour t'entrainer.
_ Je lui ai déjà demandé...
Aki n'eut pas besoin de plus pour comprendre que Kazemaru avait décliné l'offre.
_ Il vous manque des joueurs ?
Endou, Kageno et Aki se retournèrent pour se retrouver face à un jeune homme brun à l'allure de premier de la classe. Il remonta ses lunettes sur son nez avec un petit sourire narquois. Il tenait des mangas sous son bras, comme s'il s'agissait d'objets à la valeur inestimable.
_ Que cela est intéressant…
_ Tu as envi de jouer au football ?!
_ Je n'ai pas dit ça. Cela dit, venez me voir quand il ne vous manquera plus qu'une personne. Le journal du collège en fera son chou gras, je vois ça d'ici : ''Le grand et magnanime Megane Kakeru sauve le club de football !'' Oui, ça me plait. N'oubliez pas, je serais le joueur qu'il vous manquera, le sauveur venant compléter votre équipe !
Le dénommé Megane s'éloigna en continuant de discourir sur son rôle de héros du football sauvant de la disgrâce un petit club inconnu.
_ Endou-kun, rassure-moi… Tu ne vas pas faire appel à lui, hein ?
_ Parfait ! Il ne manque plus qu'un joueur !
Endou partit en courant, plantant là Aki avec le sinistre Kageno.
_oOo_
Tour d'Acier…
Endou rattrapa le pneu après lui avoir fait décrire un large mouvement de balancier. Il avait eut beau mettre toute son énergie dans ses recherches, personnes d'autre n'avait souhaité rejoindre le club. Le football était pourtant un sport si merveilleux ! Comment pouvaient-ils tous y être aussi insensible ? C'était incompréhensible. Et ses coéquipiers qui ne levaient pas le petit doigt…
Le jeune homme posa son front contre la surface rugueuse du pneu et ferma les yeux.
C'était à cet endroit que Gouenji l'avait sauvé avec son tir enflammé…
Si seulement un tel joueur acceptait de le rejoindre... Il pouvait bien dire ce qu'il voulait, c'était bien Gouenji plus que n'importe qui d'autre qu'il voulait. Avec lui, rien ne lui paraissait insurmontable.
Endou rouvrit les yeux en se rappelant le conseil de Kazemaru, ne pas baisser les bras, montrer sa détermination à celui qu'il convoitait et le faire changer d'avis. Et pour cela, il devait s'entrainer !
Le pneu effectua un nouveau mouvement de balancier avant d'être dévié par un violent coup de vent, entament une rotation infernale qui percuta Endou de plein fouet. Le jeune homme sentit une étrange force l'envahir lorsque son outil d'entrainement préféré heurta sa main, comme un courant électrique dans tout son corps. Cela ne l'empêcha pas de faire un splendide vol plané et de s'écraser dans la poussière.
Deux pieds apparurent dans son champ de vision, chaussés des chaussures aux couleurs de Raimon. Son cœur s'emballa brièvement, imaginant déjà que Gouenji avait changé d'avis.
_ Tu cherches toujours des joueurs ?
Endou releva la tête et sourit.
_ Kazemaru !
Le jeune homme aux cheveux bleus aida son ami à se redresser et lui tendit la main.
_ Je ne promets pas de rester mais, en tant qu'ami, je te dois bien ça. Je vais t'aider face à Teikoku !
Endou s'accrocha à sa main en la secouant vivement des deux siennes.
_ Merci !
Kazemaru plissa les yeux et se pencha pour regarder derrière Endou.
_ Et vous ? Vous êtes là depuis longtemps, non ? Vous aussi vous voulez vous mesurer aux meilleurs !
Endou vit avec joie tous ses coéquipiers sortir de leurs cachettes. Il se sentait si heureux qu'il en aurait pleuré. Son poing se leva vers un ciel crépusculaire orange et or.
_ Super ! Les gars ! Il est temps de jouer au football !
