Hello !
Texte écrit pour le chiche donné par Miss Macaronii : "Trèfle, peux-tu me raconter comment le Tonttata Leo a réussi à utiliser les fils de Doflamingo pour faire de la couture ?", sur le Forum de tous les périls.
Deux sombres inconnus, l'impro visible à chaque paragraphe et une interprétation des "fils" qui m'arrangeait... Et la longueur qui m'a échappé, parce que c'était étonnamment drôle à écrire xD
Bref, j'espère que ce texte vous plaira, et merci Miss !
Depuis qu'un gamin accidentellement tiré d'un incendie lui avait promis allégeance infinie, Doflamingo avait décidé qu'il aimait les enfants. C'était tant mieux, parce qu'un équipage jeune avait un certain nombre d'avantages : discret, glauque, manipulable. Du moins c'est ce qu'il promettait à ses seconds quand ils demandaient, et en un sens c'était vrai, modeler cette jeunesse selon ses principes était amusant. Ça le changeait des massacres- qu'il aimait tout autant ! mais qui devenaient parfois lassants- et le reposait de la surveillance de la famille ; les enfants risquaient moins de s'amouracher d'une civile et de le trahir, quand même. Ils ne donnaient jamais de raison de les punir, qu'ils soient bons ou mauvais ; Doflamingo avait le pardon facile et la fierté encore plus, pour ceux qui vivaient pour lui autant que lui pour eux.
En bref, donc, Doflamingo aimait les enfants, fait relativement connu du grand public, et sa collection était devenue conséquente au long des années. Ils grandissaient lentement, et se ramassaient si vite, que l'aile qui leur était dédiée n'avait pas été vide depuis longtemps. Il hésitait à s'arrêter, avant de devoir remodeler le bateau pour en accueillir plus. En l'état actuel, il pouvait les éviter la plupart du temps et n'aller les voir que quand il était d'humeur à se baigner dans leur innocence. Si le confinement se brisait les petits humains ne vivraient pas bien longtemps, dans les pattes des vrais pirates. Sans compter qu'il n'aimait pas plus que ça la nouveauté dans sa famille, il la voulait puissante et stable…
Mais face au tout petit garçon, il ne put simplement pas résister. Il n'avait encore que des humains à bord, une fée serait divertissante au pire et un bon jouet pour les petits au mieux. Le petit être trembla sous son regard, visiblement pas rassuré par le sourire qui avait remplacé sa grimace meurtrière. Les civils, tous les mêmes.
Pourtant, pour une fois, il n'était pas venu détruire, juste visiter et reprendre des vivres- il fallait bien laisser certains en vie, pour se nourrir plus tard. Casser ce village miniature n'aurait même pas été drôle, il ressemblait à un jouet, sans compter qu'il n'y avait trouvé personne, sauf ce petit être unique. Il devait y avoir une histoire longue et bizarre derrière tout ça, et il s'en fichait. Diversion ou malédiction, il avait mieux à faire qu'étudier le passé de chaque coin qu'il pillait.
- On l'embarque, déclara-t-il à l'intention d'un pirate en lançant quelques fils de sécurité autour de lui.
Il avait décidé de ne pas s'attacher à celui-ci, de voir avant de l'adopter complétement, une rare période d'essai- même s'il sentait que c'était déjà trop tard, il l'aimait bien, ce petit machin vert, et il était curieux de voir en quoi il grandirait si les autres ne le dévoraient pas…
Sous son costume, Leo fulminait. Ce n'était pas un bon déguisement et il n'était même pas bon acteur, comment ils avaient pu le confondre avec un enfant ? C'était insultant ! Il n'avait jamais aimé le plan, mais il l'aimait encore moins maintenant qu'il marchait !
Ils l'emmenèrent- même pas le chef rose en personne, non, ce serait trop facile- dans la garderie et il se retrouva à la merci de quinze gamins en manque de divertissement. Pas qu'il les déteste, il faisait même une très bonne nourrice quand on l'y obligeait, mais leur servir de compagnon de jeu ? Pas pour lui. Surtout quand ils décidèrent qu'il ferait une parfaite poupée.
Inutile de préciser que Leo ne passa pas une bonne semaine. Il affronta vaillamment leurs jeux, les courses et compétitions qu'ils inventaient, mais il déchanta quand une des fillettes l'attrapa et entreprit de raconter ses exploits de tortionnaire, trouvant en lui un public conquis. Il ne croyait pas vraiment à ses histoires, mais son imagination l'effarait si elle était sincère, et l'horrifiait si elle était inspirée de faits réels, ce qui était plus probable. Le blond sanguinaire avait déjà prouvé son potentiel, Leo lui-même l'avait vu torturer des innocents avec des prétextes inexistants, mais ces enfants… Ils étaient encore moins maitrisés que lui, ils pouvaient faire encore plus de mal.
Sa peur affrontait son cœur. Il ne pouvait pas les tuer, mais les laisser serait contraire à sa mission, qui était de protéger son peuple et sauver les âmes terrifiées par la menace plumeuse. Il ne pouvait guère demander d'aide, seul qu'il était, espion abandonné… Mais qu'importe, il trouverait un moyen de s'en sortir ! Il chercha dans ses souvenirs quelque indice, un moyen de se sortir de là sans le secours des enfants sur lesquels ils avaient compté.
- Et après je lui ai arraché les ongles, sur des mains brûlées ça fait encore plus mal, déclara l'enfant éclairée d'une lampe torche avec un grand sourire.
- N'importe quoi, ils sentiraient rien ! protesta un garçon un peu plus âgé.
- Bien sûr que si ! Quand la peau est à vif c'est plus sensible, c'est pour ça qu'on a les nerfs à vif !
- On a pas les nerfs à vif ca voudrait dire qu'ils sont sur la peau, protesta un autre en fronçant les sourcils.
Peu à peu, Leo voyait poindre un espoir- cette génération était contaminée, mais pas pourrie, ils étaient élevés par un monstre mais celui-ci ne les avait pas encore initiés à la vie réelle… Ce serait tendu, mais il pouvait encore réussir. Il le devait, de toute façon ! Il se gifla mentalement pour ses doutes- il n'allait pas se décourager à cause d'une poignée de gamins, quand même ! Il était le courageux garde du corps royal, alors il couragerait et garderait ! Doflamingo était terrifiant, mais il avait promis d'en débarrasser le monde, et ainsi il ferait.
Mué par cette nouvelle motivation, il observa ses compagnons. S'il avait eu des ailes ils les auraient arrachées, mais en l'état il restait trop humain pour être en vrai danger. Ils avaient beau parler d'horreurs, ils n'en avaient jamais encore faites, comme les enfants qui idéalisaient un héros sans l'imiter. De là, deux routes s'offraient à lui…
Pendant que Lucci tressait ses cheveux, il se mit à réfléchir.
- Mais, t'es pas censé bouger !
- T'allais me toucher !
- N'importe quoi, j'avais super bien visé à côté !
Il surveillait le duo en souriant doucement- Umi et Licci s'étaient lancés dans un concours de lancer de couteau, remplacés par des petites arbalètes et des carottes en plastique. On faisait avec les moyens du bord, hein. Lucci s'était proposé arbitre et cible, mais il n'avait aucune confiance en sa sœur, et… Oui, Leo connaissait désormais bien presque tous les enfants avec qui il cohabitait depuis presque trois semaines. Il devait constamment se rappeler qu'il ne devait pas parler comme un adulte, ni se vexer quand les nourrices le maternaient, mais ceci omis ce n'était pas la pire vie, même si elle était un peu plate.
- Tortuti !
Il refusait le surnom, par contre. Son vrai nom de code était à peine mieux, mais le raccourci bébé ? Mauvais. Il ne les laissa que parce qu'il ne pouvait pas se permettre de se les mettre à dos, et que son rôle en bénéficiait (pour sa défense, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas été un enfant, et l'étiquette surnom était lointaine dans ses souvenirs.)
- DOFFY !
Le couinement d'un des bambins fit soudain taire l'assemblée, quelques secondes avant l'arrivée dudit Doflamingo. Leo serra les dents en s'accrochant à la couette de Mimia, qui s'était jetée vers le blond en oubliant l'homme perché sur son épaule.
- Bonjour, bonjour… Attends un peu que je ferme la porte, dit doucement- réellement doucement, gentiment, pas doucoureusement, il ne savait pas trop quoi en penser- en s'agenouillant pour être à hauteur des plus jeunes.
- Regardez, j'ai fait un dessin !
- C'est moi ?
- Qui mange un bras !
Vous avez déjà vu un vil corsaire fondre de bonheur ? Non ? Vous avez de la chance, selon Leo. C'était une vision qui risquait d'ébranler les fondements de toute votre morale par sa sincérité. Heureusement, ce ne fut pas son cas longtemps, le souvenir des crimes frais dans son esprit, rafraichi par le beau dessin de la petite.
Il passait toujours à l'improviste selon des humeurs qu'il n'avait pas encore réussi à déchiffrer. Il parlait un peu à chacun, s'asseyait avec Chérie et Puce- les ainées, les plus bavardes- pendant que Fai s'efforçait de grimper sur sa jambe, sous les yeux émerveillés des autres. Puis il partait, sans rien avoir dit ni fait de notable, de bonne humeur si le pirate qui était venu l'interrompre ne l'avait pas gâchée… C'était un mystère pour Leo, au début, mais il commençait à le cerner, du moins il le pensait même s'il avait très peu de matière à étudier. Il ne savait rien du bateau ; rien de l'équipage ; rien de l'organisation de cette famille, peu surtout du fruit du capitaine. Mais il avait un début de plan.
- Captain…
- Capitaine ! piailla un enfant, par répétition ou pour corriger.
- Quoi.
- On a besoin de vous là-haut, pour Russian…
- J'arrive. (Puis, voyant que le pirate ne partait pas) Quoi, tu crois que je vais me perdre ?
- Désolé.
Sur un hochement de tête du blond, il disparut, et celui-ci se leva avec un soupir. Il balaya l'assemblée du regard, ébouriffa distraitement les cheveux du bambin le plus proche et fit mine de partir.
- Au fait, Tortilla, je vois que tu t'intègres bien.
Il sursauta, le sang glacial dans ses veines, par chance dispensé de répondre. Lui avait-il seulement jamais parlé ? Même les premiers jours il s'était contenté d'observer, plus intéressé par ses propres enfants et leur traitement de lui que lui-même…
- Bienvenue dans la famille.
Il lui adressa un dernier sourire franc avant de passer définitivement la porte. Le cœur de Leo sauta un battement- il comprenait enfin, un peu, ceux qui trouvaient le capitaine rose beau. Malgré les plumes, malgré les lunettes et tout ce qu'il savait sur lui… Ce sourire avait presque encore plus de force que son habituel rictus.
- Bon, je vous dis ça, mais vous devez promettre de ne le répéter à personne, d'accord ? Surtout aucun adulte, ils ne doivent pas savoir !
Récif, Lucci, Licci et Umi étaient autour de lui, sagement regroupés dans un coin autour d'une partie de cartes dont ils avaient réussi à exclure les autres. Il avait choisi les plus prometteurs, un petit groupe aux âges divers mais raisonnables, sur lesquels il était presque sûr de pouvoir compter s'il réussissait à les convaincre. Il avait décidé assez vite qu'il ne neutraliserait pas Doflamingo seul : ce n'était pas tout de l'approcher, encore fallait-il le pouvoir nécessaire. Dans son cas, il résidait en ces alliés.
- Promis.
- Oui, si un de nous parle on le donnera à manger aux requins !
- Allez, c'est quoi ton secret ?
Il les regarda une dernière fois et hocha la tête, l'air sérieux.
Récif, un assez grand garçon, fort, à la peau d'olive- c'est-à-dire vert clair- et aux cheveux bruns, toujours sérieux, qui parlait peu mais jamais pour rien dire. Lucci et Licci, les jumeaux intrépides, plus petits, la sœur véritable gymnaste, le frère excellent parleur, pour des petits. Et Umi, la lanceuse de couteaux qui trainait toujours avec Lucci, qui était là depuis si longtemps qu'elle les avait tous vu arriver, malgré son âge. Il ne les avait pas vraiment choisis, ils s'étaient seulement présentés au bon moment ; c'étaient eux qui l'avaient ramassé au premier jour pour ne plus le lâcher, alors il était logique de rester avec ceux dont il était le plus proche. Récif seul avait été ajouté, parce qu'il fallait toujours quelqu'un dans son genre dans une équipe, et que Leo n'était pas sot au point de faire l'impasse.
- Très bien. En réalité… J'ai un fruit du démon, moi aussi.
- Menteur…
- C'est vrai ? chuchota Récif.
- Bien sûr ! Mais je ne peux pas le montrer ici, ce serait trop risqué.
- C'est quoi ?
- De la couture, un peu comme monsieur Do-fla-min-go, dit-il en articulant à la façon des petits aux prises avec un mot compliqué.
- C'est pas vrai. Il y a qu'un seul fruit du démon à chaque fois !
- J'ai pas dit exactement le même ! Je peux pas contrôler les gens, en fait, mais j'ai quand même les fils et tout !
Il réprima un frisson au souvenir du pirate blond qui avait vacillé sur le pont, rattrapé comme par miracle. Une scène anodine, mais qui indiquait que même sur son équipage le capitaine exigeait un contrôle absolu, que chaque pas ne se faisait qu'avec son approbation… Il avait de la chance qu'il laisse les enfants tomber et courir sans interférer, sa mission aurait été impossible transpercé de fils de marionnettes.
- Prouve-le, alors !
- D'accord. Donnez-moi vos mains.
- Ça va faire mal ? s'inquiéta Umi, sa petite main tremblante entre les autres.
- Mais non. Tenez, séparez vous un peu… Récif, tu bouges pas surtout, d'accord ? Il faut pas que les autres voient !
Le garçon chargé de faire barrage hocha la tête et Leo fit apparaitre un petit fil, qui passa par les paumes des enfants maintenant muets, avant de tirer légèrement, rapprochant les mains par une force qu'ils ne pouvaient repousser. Il avait pris soin de le faire aussi petit que possible, pour respecter sa promesse, et il constata avec satisfaction qu'aucun ne s'était mis à pleurer de douleur.
- Ouah.
- Détache-nous, demanda Récif sans lâcher le tas des yeux.
- C'est trop bien ! Tu devrais le dire à monsieur Doffy !
- Surtout pas !
Il rêvait de rectifier leur vision du monstre, mais ce n'était pas le moment. D'abord, il fallait les convaincre, les libérer, les convaincre encore ; ces pirates en devenir étaient secondaires à son peuple ! Il s'obligea à choisir ses prochains mots avec soin, lui qui avait l'habitude de parler sans réfléchir. Les années de cohabitation avec des gradés plus futés que lui lui avaient montré comment faire, il n'avait qu'à les imiter pour manipuler un peu les enfants… Même si lui leur ferait faire plus que leur lit.
- Mais pourquoi ? Il serait super fier !
- Oui, vraiment content, renchérit Lucci, il adorerait !
- J'ai un autre secret, si vous voulez tout savoir.
- Nooooooon !
Enfermée ici, la collection de Doflamingo manquait cruellement des aventures et des secrets qui rendaient la vie enfantine digne d'être vécue, et un homme avisé- ou chanceux- n'aurait aucun mal à exploiter ce manque.
- Eh, vous là-bas, vous faites quoi ? Revenez un peu par ici !
Il leur rappela rapidement de ne rien dire et les cinq enfants coururent vers le surveillant, l'air de rien, s'échangeant seulement des regards entendus à travers la pièce.
Au royaume de Tontatta, deux professions s'affrontaient : les tisserands et les couturiers. Chacune utilisait des techniques ancestrales pour fabriquer les meilleurs vêtements sans jamais avoir recours à l'aide de l'autre. Ils luttaient sans un mot, les deux guildes assez installées pour attirer toujours de nouveaux membres, qui amenaient avec eux des adeptes de tous les métiers, qui se retrouvaient isolés de l'autre moitié de population par association. Le boulanger de la rive gauche devait marcher aux montagnes de droite pour sa farine, sans quoi sa femme couturière le répudierait, et les enfants se retrouvaient punis pour avoir joué avec des rejetons ennemis avant même qu'ils fussent en âge de comprendre ce qu'était un vêtement.
Au fil des ans, les quelques élus s'étaient imposés, rendant leurs guildes essentielles à une vie paisible, entrainant leurs voisins innocents dans l'affaire. Jusqu'à ce que la fille du maire, apprentie tisserande, fiancée à un gentil petit boucher, soit vue dans un concile de couturiers. Ce fut le chaos- que fallait-il croire, que fallait-il faire ? Les deux camps s'échangeaient des membres, mais n'en partageaient jamais.
Ce fut l'apocalypse. La confiance était disparue, enterrée avec la neutralité, chacun se devait de trouver une cause : tisserand, couturier, pro-unité, anti-traître, futur espion… Une multitude de factions sembla fleurir en une nuit. Parmi elles, une seule eut la chance de convaincre le protecteur de la ville, gardien qui les défendait depuis des années des envahisseurs. C'était celle qui en avait marre de toutes les autres et rêvait d'un monde paisible, peu importe qui le dirigeait, tant qu'on pouvait enfin parler météo avec n'importe qui dans la rue sans d'abord examiner l'origine de sa veste.
Alors, avec l'aide de ses compagnons, le gardien organisa un grand concours qui mettrait fin à la vieille rivalité. Un gagnerait, ou ils apprendraient la valeur de l'amitié, peu importe tant que quelque chose changeait.
Hélas, juste avant la date du jugement, un pirate apparut, grand, puissant, blond et rose.
- Doflamingo !
En effet, c'était Doflamingo, même si les villageois ne connaissaient guère son nom. Tout à leur querelle, ils s'étaient désintéressés des affaires du monde. Et pourtant, un petit couturier trouvait l'idée des plumes fascinante… Mais il était trop tard pour changer la pièce.
Le pirate ne savait rien du concours. Il vit seulement un bel objet, tout en finesse, du tissu le plus délicat, où les couleurs semblaient se fondre ensemble sans coupure, artistement cousu… Et il le prit. Vola honteusement- enfin, suite à un combat honnête, mais les quelques villageois présents au moment du vol ne furent pas si cléments dans leurs récits- le seul espoir des couturiers.
Ce fut la panique. Qu'allaient-ils faire ? Ils refusaient d'abandonner ! Le maire proposa un report, qui fut accordé le temps des réparations nécessaires de la ville, parce que les pirates avaient fait grand dommage. Mais la disparition du vêtement fut gardée secrète. Tous espéraient le retrouver et le présenter au concours comme prévu.
Ils envoyèrent donc un enfant, parce que le pirate aimait les enfants, récupérer le trésor volé. Il avait pour cela un mois, trente jours.
- On a compris, déclara Récif d'un air sage. C'est toi, l'enfant qui doit récupérer le vêtement ?
- Oui, avoua-t-il.
Il avait finalement opté pour la vérité ; hormis son âge, les quatre enfants savaient maintenant tout. Il espérait que ça suffirait à les convaincre. Qu'ils comprendraient l'urgence…
- On va t'aider ! s'exclama Licci. Hein les filles ?
- Oui, bien sûr ! acquiescèrent Lucci et Umi en chœur.
- C'est gentil, merci !
- Mais comment ?
Récif avait mis la main sur un problème de taille, et tous se plongèrent dans une intense réflexion, la moitié d'entre eux se frottant le menton pour la stimuler. Ce geste devait être efficace, puisqu'Umi releva bientôt la tête.
- Tu pourrais servir d'appât !
Encore. Est-ce qu'il avait une tête à vouloir se bouffer ? Faudrait que ses alliés arrêtent de vouloir le sacrifier, à un moment ! Mais tout le monde avait l'air ravi par l'idée, réfléchissant très sérieusement à la meilleure utilisation de cette capacité.
- Tu le distraits pendant qu'on vole le truc !
- La chose, corrigea Récif.
- Sauf que si il se fait punir, il pourra plus rentrer, fit remarquer Lucci. Ce serait pas pratique pour rendre le truc…
- Ah oui, c'est vrai. Mais nous on sera pas assez petits pour bien le distraire, et on peut pas sortir tout seuls en plus…
L'idée de l'appât rejetée, la recherche d'idée se poursuivit, chacun dans son coin, pendant les activités de l'après-midi, le dîner, et pour certains une partie de la nuit. Tous les quatre, sans exception, avaient saisi l'urgence de la situation, et ne pensaient plus qu'à aider leur ami. Leo en était profondément touché. Si jeunes, et déjà si fiables…
- On lui plante des aiguilles tout partout.
- On met le feu à sa porte.
- On met un seau d'eau sur sa porte.
La dernière suggestion venait de Leo, pas plus inspiré que ça. Ils étaient dehors, dans un petit jardin clôturé, à l'écart de l'agitation des grands. Le soleil les avait vite fatigués et ils avaient abandonné le ballon et les cordes, préférant s'allonger et regarder les nuages, comme la plupart des autres- Chérie seule avait préféré dessiner dans l'ombre du mat.
Deux jours, et ils n'avaient trouvé aucune idée acceptable. Leo ne leur en voulait pas, lui n'en avait pas non plus. Il en voulait un peu au chef de guilde- c'était bien beau de l'envoyer là, mais il était censé y faire quoi ? Il allait pas faire long feu, contre Doflamingo !
- T'en as vraiment besoin, au pire ?
- Bien sûr ! s'indigna-t-il à voix basse, autant que sa faible énergie le permettait.
- Je veux dire, au pire vous perdez et vous apprenez à tisser…
- C'est pas que ça. Si je rapporte rien, le chef va accuser les tisserands de l'avoir volé, et on sera en guerre…
- Mais c'est monsieur Doffy qui l'a pris !
- Ben, il y a assez peu de témoins en fait, et le chef est assez mauvais perdant donc il prendrait n'importe quelle excuse…
- C'est nul !
Il haussa les épaules. Il l'aurait bien défendu, mais là tout de suite, c'était difficile en restant discret- ils poussaient déjà les limites.
- Et si on faisait un tout nouveau truc ?
La voix de Récif le tira de son coloriage et il leva la tête.
- Quoi ?
- Tu sais. Un nouveau vêtement. On n'aurait pas à voler le votre et tout le monde serait content.
Il hésita. C'était de loin le meilleur plan qu'ils avaient trouvé et le temps pressait, mais…
- Tu sais coudre ?
- Un peu. Et la mère de Licci et Lucci était couturière aussi.
- Quoi ?
- Enfin je sais pas si elle leur a appris, mais on doit pouvoir se débrouiller un peu, tu nous apprendras les détails…
Il bondit en l'air et étreignit le cou immense du garçon. C'était bien, intelligent, génial ! Ça pourrait marcher ! C'était une tentative désespérée, et qui ne serait pas facile, mais c'était du concret !
- Réunis les autres, on va essayer !
Chaque heure libre qui suivit fut occupée par la couture- Licci et Umi chargées de distraire le surveillant pour ne pas attirer l'attention, pendant que Lucci et Récif cousaient comme leur montrait Leo. Sa petite taille était une bénédiction pour la recherche de matériel- oui, le concours aurait un chapeau pour un enfant minuscule, et alors- et son fruit fournissait les aiguilles et le fil, même si ce n'était pas fait pour et n'était pas pratique.
Enfin, le chef d'œuvre fut fini. Les cinq regardaient le morceau de tissu, richement décoré, pas moins beau que l'original, avec fierté et accomplissement.
- Tout le monde… Merci…
Il ne savait plus quoi dire, et les autres restaient sagement silencieux aussi, peu habitués à réconforter des gens.
- C'était cool, dit finalement Lucci.
- Oui !
- Tu devrais y aller bientôt, du coup ? demanda Récif.
Il les regarda, chacun son tour, leur image s'imprégnant dans son esprit. Il avait accepté, au fil des semaines, qu'il ne les sortirait pas de là, mais ça ne rendait pas la séparation plus difficile. Qu'adviendrait-il d'eux, s'ils restaient avec Doflamingo ? Ils avaient encore si bon fond… Peut-être qu'il pourrait les emmener. Mais ils n'avaient pas l'air si malheureux, et il laisserait encore dix enfants derrière, et le village n'était pas équipé pour de grands humains… Sans compter que les emmener le forcerait à avouer qu'il n'était plus jeune lui-même.
- Papa a promis de venir demain, dit soudain Umi. Ce sera plus sûr bientôt.
Il était venu le matin même. En effet, partir maintenant serait idéal, il aurait le temps de s'éloigner avant qu'il ne remarque son absence.
Il se leva, le vêtement serré contre lui, les remercia une dernière fois et partit.
La paix ne se fit pas au royaume de Tontatta, mais l'influence du héros Leo et de ses récits prouva la vérité des vols de pirates, et unifia quelque peu les villageois. Les tisserands et les couturiers ne se réconcilièrent pas, mais les perdants contestèrent le jugement, et sans cesse de nouveaux concours se firent, jusqu'à ce que les années attendrissent les mœurs. Maintenant que la compétition était ouverte, ils n'avaient plus de raison de se battre dans la vie de tous les jours, et les tensions se dissipèrent peu à peu. L'importance de Leo dans ce processus était discutable, mais il avait au moins acheté le temps nécessaire à la pacification du royaume, et il ne regretta jamais son voyage.
Souillé. Il avait voulu souiller son havre de paix, ses petits soldats innocents, l'œuvre de toutes ses récréations. Il ne savait pas ce que ce petit truc leur avait raconté, mais il sentait qu'ils n'étaient plus tout à fait à lui. Doflamingo serra les poings.
Pourtant, au fond de lui, il était un peu fier du fils traitre ; quoi qu'il ait fait, quoi qu'il ait voulu, il avait réussi, et il avait su charmer ses frères. Il décida de ne pas retourner raser son village tout de suite- ils étaient loin de toute façon, et il y avait une jolie petite île sur la liste d'abord.
