Chapitre 3 : Cauchemars

Sam ouvrit la porte de leur bureau au petit Max, lui laissant explorer les lieux, curieux. Le détective posa ses clés sur la table basse, vérifia ses messages avant d'aller s'asseoir derrière son bureau, desserrant sa cravate en soupirant d'aise de ne pas avoir de nouvelles de leurs créanciers. Il sourcilla en réalisant que le gamin le dévisageait plus particulièrement lui.

-Quoi? fit-il, interdit.

-… Tu fais tellement vieux…! s'écria Max.

Et ce n'était pas tant un compliment.

-Dans 19 ans, tu me parleras plus de mon haleine que de mon âge. Alors, que dis-tu de « notre » chez nous?

-Ouais. Pour ceux qui aiment les taudis avec des coquerelles, c'est pas mal, commenta le lagomorphe, n'ayant vraiment pas sa langue dans sa poche.

Sam hocha les épaules, habitué à ses commentaires acerbes. Il feuilleta les enveloppes non ouverte sur son bureau alors que Max continuait à explorer le local. Tombant sur les photographies sur le mur.

-Pourquoi les sacs de papiers sur nos têtes? questionna-t-il.

-C'est une photo de nous dans l'espace. Les sacs remplaçaient des scaphandres.

-Ohhh… Cool! s'écria Max, avant de retourner faire sa visite et toucher à tout.

Enfin, il reconnu une chose familière.

-Hé! Mon pupitre! Qu'est-ce qu'il fait là?

-Hum… Tu as décidé de l'emmener avec toi à la fin de ta scolarité…?

-J'lai chopper?! s'écria le gamin, avant de sourciller. Mais ça a aucune valeur!

« J'peux pas lui dire qu'il n'y a pas de siège à sa taille… » songea Sam, se levant et allumant la télé.

Il choisit une chaîne de divertissement. Il ne voulait pas perturber son jeune ami avec des choses de leur époque.

Max s'assit en tailleur sur son pupitre et écouta la télé, Sam pouvant finir de la paperasse et aller dans la pièce d'à côté, amenant un verre de lait et des cookies. Le gamin accepta l'encas et mangea sans lâcher des yeux l'écran.

-Vers quelle heure tu te couches? demanda Sam.

-Jamais, mentit le gosse, le détective hochant les épaules.

-Comme tu veux. J'vais aller prendre une douche à côté.

Max hocha les épaules, s'en fichant royalement.

Sam tenta de ne pas prendre trop de temps. Il avait le sentiment que laisser ce lapin seul plus de 2 minutes allaient causer l'apocalypse ou son équivalent dans leur bloc.

Il resta étonné de voir à son retour Max profondément endormi, le verre de lait ayant glissé au sol avec un biscuit à moitié manger. Sam sourit devant le spectacle, attendrit malgré lui. Il l'enveloppa dans une couverture et le mit dans leur lit. Pour sa part, il resta dans son fauteuil pour lire. Pouvant lever les yeux de son roman pour voir le gamin ronfler paisiblement, étaler en étoile.

Sam dut perdre le fil du temps car il se mit à somnoler et fut réveillé par des plaintes.

Il papillonna des paupières, observant autour de lui, cherchant la source du bruit.

Il réalisa que Max avait bougé dans son sommeil. À présent sur le ventre, la tête enfuit dans l'oreiller, il geignait et tremblait.

-Max? murmura-t-il.

Est-ce qu'il était malade? Est-ce qu'il faisait une indigestion?

Il repoussa cette dernière option.

Max n'avait jamais mal digéré quoi que se soit.

Le pourquoi il pouvait avaler n'importe quoi sans avoir le moindre haut de cœur.

Et le pourquoi ses pets étaient les plus odorants du pays.

Quoi qu'il en soit, il était plus inquiet de l'état de son petit ami que le mystère de son phénoménal estomac.

-Max…? répéta Sam, venant s'approcher du lit.

Il finit par entendre ce que le gamin répétait. Encore et encore.

Et la vérité le frappa en pleine figure.

-M'man… M'man… M'man!

Oh mince…!

Il venait de « cette époque ».

Sam sentit ses membres s'alourdir et ses yeux lui chauffer.

Merde, quel idiot il faisait…

Il aurait du appeler sa mère. Ou contacter le père de Max.

N'importe qui.

Il se sentait d'un seul coup inadéquat.

Max se réveilla en larmes, serrant les couvertures autour de lui, regardant autour de lui. Comme pour se prouver que ses souvenirs et ses visions étaient vraiment un cauchemar. Que sa mère fût toute proche, avec un sourire indulgent et une bouillotte pour le calmer et lui tenir chaud le reste de la nuit.

Mais la longue et triste mine de Sam le ramena à la réalité. Sa dure réalité.

Max détourna les yeux, serrant les dents, détestant pleurer. Encore plus devant témoin. Mais les larmes glissaient inexorablement sur ses joues, sans qu'on puisse les arrêter.

-… Pardon, Max… Je ne… J'avais oublié…, murmura Sam, ne sachant pas quoi faire.

-Oublier quoi? cracha Max, fermant les paupières, serrant les draps encore plus contre lui, au risque de s'étrangler.

Sam hésita avant de serrer la boule toute mitonné sur les draps contre lui, lui frottant le dos. Max se tendit, encore en colère.

-… J'suis désolé de ne pas être ta mère…, commenta-t-il, sachant que c'était elle qu'il voulait à l'instant précis.

Et tous deux savaient que peut importe laquelle des deux époques où ils se trouvaient, elle n'était plus.

Max renifla, finissant par se détendre mais sourcillant.

-… Et pis quoi encore? Tu essais de me dire que tu veux être mon père?! lança le lagomorphe, de la colère dans sa voix.

-Non! Non, nullement! riposta le grand chien, Max se dégageant et alla dans un autre spot du lit.

À genou, il brandit son canif de poche, montrant sa lame.

-Maintenant, garde tes pattes pour toi, le gros! T'es peut-être Sam, mais je laisserais pas un sale type me molester et me traiter de jouet!

Sam le dévisagea, étonné, avant de soupirer. Il se redressa du lit, la peine à l'âme, le lapin le dévisageant, toujours son arme en main.

-… Navré… Je ne voulais pas te rendre mal à l'aise… Juste moi et ma mère pouvions te réconforter de tes cauchemars, à cette époque…, commenta-t-il, allant ranger son livre laissé à l'abandon. Je vais te laisser seul.

Cette déclaration ne laissa pas Max indifférent, semblant d'un coup réalisé la portée de ses actions. Il se remit à trembler, déchirer entre son envie de rester fort, peu importe la situation…

Et son besoin crucial de chaleur et de tendresse, après le départ subite de sa mère.

-… A… Attends…! grommela-t-il, se forçant à ne pas verser d'autres larmes inutiles, Sam attendant sur le bas de la porte. Tu… Le lit est bien assez grand pour nous deux. Mais ne me touche pas!

Sam se tourna, hésitant, mais voyant le visage rouge et têtu de son jeune camarade, il hocha la tête.

Il gagna sa place dans le lit, laissant bien assez d'espace au lapin pour qu'il se couche dans toutes les positions inimaginables. Il lui tourna le dos aussi, s'assurant de lui laisser son intimité.

Il ne fut pas tant surpris que quelques minutes plus tard, il sentit le gamin se coller à lui en quête de réconfort et de chaleur. Mais il pourrait se remettre à jouer les durs s'il se retournerait pour l'enlacer.

Aussi Sam ne bougea pas de sa place, écoutant les reniflements du gamin et sentant son propre cœur s'en crever de douleur.

Merde… Il ne pouvait pas laisser Max comme ça.

Tant pis pour une quelconque enquête…! Il devait trouver une manière de lui changer les idées et le réconforter.

Le lendemain en mâtiné, il les conduit dans leurs anciens patelins. Un lieu où l'herbe était encore vert et qu'il n'y avait pas d'usine polluante pour intoxiquer les rivières, l'air et leur nez.

-Où on va? Où on va? demanda le petit Max, craintif.

Sam lui jeta un regard en coin.

Il avait si peur de revoir son père et d'être traiter en bébé?

-Dans ma famille… Maman a besoin d'un coup de main avec le toit. Elle nous offre le repas gratis.

-Chic! commenta Max, quoi que ne comprenant pas pourquoi elle demandait l'aide de Sam et non de gens travaillants dans le domaine.

Il semblait encore voir Sam comme un chien pataud et maladroit. Quoi que plein au as! Et ce détail ne le dérangeait pas.

Sam stationna sur le bord de la route, souriant à son jeune camarade.

-… Tu ne peux pas atteindre les pédales… Mais si tu t'installes sur mes genoux, tu peux conduire en tournant le volant. Ça t'intéresse?

Le lapin hochant vivement la tête, au point que Sam cru qu'il allait se la décrocher.

Ça le fit rire, laissant le gamin prendre ses aises et il démarra en douceur après quelques explications.

Le gamin tournait parfois trop sec, Sam ralentissant aussitôt. Ils étaient les seuls sur la route, il n'y avait aucun danger. Le pire qu'ils pouvaient faire, c'était échouer dans un étang. Et la Desoto avait vécu pire péripétie.

-Tu te débrouilles drôlement bien…! assura Sam, le gamin rigolant.

-Pour sûr! Quand je serais adulte, c'est toujours moi qui la conduirais!

-Si tu veux! répliqua Sam, ne voulant pas se battre avec son jeune protégé.

Quand ils arrivèrent devant la maison, Sam laissa Max descendre en premier et lui suggéra de rentrer.

-J'vais faire le tour de la propriété… Pour voir s'il y a autre chose à réparer. Tu n'as qu'à demander à maman si elle nous a fait un encas ou quelque chose…

-Okay! fit Max, partant d'un pas joyeux.

Sam soupira mentalement. Le jour, Max paressait si vivant et exubérant, comme à son habitude. C'était juste la nuit qu'il pleurait, en manque d'affection et privé de sa mère. Il espérait fortement que sa mère soit assez sage pour lui prêter main forte.

Il grimaça un sourire en entendant les cris de colère du lapin, et ceux ravie de la chienne.

-Lâche-moi! J'suis pas un bébé! s'énerva Max alors que Sam rentrait, sa mère ldonnant un dernier coup de langue affectueux au petit avant d'apercevoir son fils.

-Ah ha! J'vois que tu n'as pas changé, toi. Quel dommage…! J'n'aurais pas dit non à avoir deux bouts-choux à câliner…!

-Personne ne câline Max, maman…! rappela-t-il, la dame hochant la tête et déposant le lapin au sol, ce dernier s'essuyant avec force sa joue. La clôture a connu des meilleurs jours…

-Ton père remet toujours à plus tard les réparations…! soupira la maîtresse des lieux, s'essuyant le front. Il n'a plus le même entrain depuis sa retraite.

-Je sais, je sais…, marmonna Sam, avant de se pencher vers Max. Alors, petit? Tu reconnais l'endroit?

-Ça a pas changer…! Mais ta mère est rendu gâteuse et toute ridée…!

-Maxwell Hopp…! s'écria la maman de Sam, faisant mine de s'outrager, mais Sam se contenta de rire.

-C'est bon… Il n'arrête pas de me lancer des vacheries, ça fait presque du bien que quelqu'un d'autre soit sa victime…! commenta-t-il, avant d'étreindre sa mère dans ses bras. Tu as l'air en forme, maman…!

-Hum-hum, j'me porte comme un charme…! Merci de t'en soucier…! Tes sœurs ne pourront pas venir…!

-C'est mieux comme ça…! Cette histoire de voyage à travers les époques est déjà dure à croire…!

-Pas du tout! Toi et Max vous vivez tellement de truc invraisemblable…! commenta sa mère, avant d'aller en cuisine. J'paris que vous avez faim!

-Ouiiii! s'écria Max, Sam hocha les épaules.

-Pour sûr, mais ça peut attendre… J'vais aller faire des travaux sur la cours.

Sa mère lui lança un regard avant de sourciller.

-D'accord. Mais emmène ton père avec toi! Ça lui fera du bien de prendre l'air, pour changer!

Max mordit dans un biscuit, dévisageant Sam.

Ce dernier parut gêné mais hocha la tête. Le lapin entendit son camarade discuter avec une autre personne, l'autre grognant et râlant un peu. Il manqua s'étouffer avec son biscuit devant l'homme plus gros et avachis qu'il avait vu par le passé.

Il se rappelait du père de Sam pour être une force de la nature, un homme toujours vaillant et venant en aide à son prochain. Il avait toujours trouvé du temps pour aider Sam, ses filles et même Max pour leurs devoirs, leurs jeux et leur montrer de nouvelles choses.

Max sentit quelque chose pincer dans sa poitrine en voyant le vieil homme que Sam devait tirer par la main pour convaincre de sortir.

Il alla voir dehors pour réaliser que Sam faisait le gros du travail, son père lui tendant les outils. Au moins, ils parlaient et Sam souriait. Mais de voir les rôles inversé, le père jouer les assistants pour son fils…

-… C'est fou…, marmonna le gamin, la femme du logis hochant la tête.

-Presque 20 ans… Et Sam est un homme aussi vaillant que son père l'était. Sinon plus…! Je suis presque jalouse que vous soyez parti vivre en ville et vous avez laissez vos vieux parents…! Enfin, nous avons tous nos vies…! Et je suis reconnaissante que vous reveniez au moins deux fois par année pour manger mes pâtés, mes tartes et fassiez quelques travaux sur le terrain…! Et les sœurs de Sam vivent tout proche…!

Max ravala sa salive, sourcillant.

-… Tout… a vraiment changé…, marmonna le gamin, la chienne lui flattant le dessus de sa tête.

-Non. Tu n'as pas changé…! Tu es plus grand, plus impulsif que jamais…! Mais tu ne lâches pas les basques de Sam, et j'en suis reconnaissante…! commenta la dame, le lapin se tournant vers elle, voyant qu'elle lui faisait un clin d'œil.

Durant le repas, Sam mangea à sa faim, content de déridé son père et voir Max se changer les idées en jouant avec sa bouffe. Il trouva un moment pour parler seul à seul avec sa mère dans la cuisine, partageant son inquiétude.

-Je crains que je ne sois pas… capable de gérer la situation… Avec Max et… sa mère qui-

-Sam… Tu es excellent, au contraire…! Ne vois-tu pas comment il est serein? C'est grâce à toi…! commenta sa mère, lui tapotant l'épaule. Il sait qu'il est en sécurité, et ce n'est pas juste ma bouffe qui peut faire ça…! De toute façon, je tiens à te rappeler qu'entre les deux, Max est celui qui a le plus profité de la situation?

-… Hein?

-Tu as oublier? Il y a 19 ans…! Jour pour jour…! Sa rencontre chez le proviseur, votre soirée théâtre…!

Sam écarquilla les yeux.

Maintenant qu'elle en parlait… il se rappelait…

Juste ciel, c'était bien alors son Max du présent qui avait fait tout ça?

Oh seigneur…!