Les mois passèrent, et Severus continuait de regarder l'enfant. Cette enfant qui semblait avoir une soif de connaissance qui pourrait égaler Hermione Granger. Il savait par Mrs Prince que l'enfant prenait les livres des années supérieurs, quelles que soient les matières. Elle s'était réconciliée avec ses amies, mais restait quand même distante.

Toujours la première aux dortoirs, toujours la première levée, comme si elle le faisait exprès. Plusieurs fois, il l'avait vu sursauter lorsqu'un élève cassait par inadvertance un flacon pendant son cours, ou qu'il claquait la porte. Son regard de pure terreur à ce moment-là l'avait empêché de lui lancer une remarque sarcastique.

Il l'avait vu ainsi passer de la terreur pure en un calme olympien après avoir plongé la main dans sa poche. Et il aurait mis sa baguette au feu que sa main saignait quand Maëva l'avait ressorti de sa poche. Mais cela avait été si fugace, que l'instant d'après, quand il s'était approché d'elle, il n'y avait rien de plus qu'une tache d'encre rouge. Avait-elle remarqué qu'il l'avait vu ? Était-ce du sang ou de l'encre ?

– Vous semblez bien pensif, Severus, remarqua Minerva, l'avant-veille du départ des élèves pour les vacances de Noël. Est-ce miss Parker qui vous pose problème ?

– Je persiste à croire qu'elle nous cache, à nous et à ses amis, quelque chose. Je pense déjà que ses notes ne reflètent pas ses réelles capacités. Ses réponses sont très précises, mais inachevées, comme si elle s'interdisait d'avoir de trop bonnes notes.

– Il est vrai que j'ai remarqué cela aussi, commenta Harry Potter, pensif, occupant le poste de professeur de défense.

– Il suffit que quelqu'un brise un verre pour la faire passer dans un état de panique extrême. Brise un verre ou claque une porte, une explosion…

– Elle a peut-être peur des bruits forts, elle est née moldue, mais il y a eu beaucoup d'attentats et… proposa Minerva, en regardant l'élève à son tour.

– Moi aussi j'ai vu cette réaction, osa déclarer Neville, en suivant leur regard. Au dernier cours, une plante a décidé de briser une vitre. J'ai cru que miss Parker allait s'évanouir de peur. Je lui ai dit d'aller prendre l'air. Elle est vite revenue, et semblait plus calme.

– Avait-elle les mains dans les poches ? demanda expressément Severus, en braquant ses yeux dans ceux de Neville.

– Eh bien, je crois, je ne suis plus sûr.

– Oui ou non ? insista le potioniste, sous le regard rempli d'incompréhension de ses collègues.

– Oui.

Se désintéressant complètement de ses collègues, il regarda de nouveau la jeune fille qui avait à peine touché à son assiette. Le regard baissé, elle semblait jouer avec quelque chose sous la table. Soudain, les deux paires d'yeux couleur onyx se croisèrent. La peur qu'il lût dans le regard de la jeune fille lui fit comprendre qu'il n'était pas fou. Elle cachait bel et bien quelque chose dans ses poches, et qu'on le découvre semblait être la dernière chose que l'enfant voulait. Manque de chance, il comptait bien le découvrir.

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– Miss Parker, un instant s'il vous plaît, suivez-moi.

Il ne devait pas lui laisser le temps de cacher l'objet, quel qu'il soit. C'est dans cette optique qu'il l'avait attendu à la fin du repas, sachant qu'elle partait bien avant les autres.

– Pourquoi ?

– Ne posez pas de questions.

– Pourquoi ? répéta la jeune fille.

– Cela suffit, vous obéissez ! claqua la voix froide de son professeur, la faisant se tendre.

Maintenant dans le bureau austère, Severus regarda son élève qui n'avait pas dit un mot. Elle ne le regardait pas en face, comme si cela pouvait lui éviter une punition.

– Videz vos poches.

À sa grande surprise, loin de se rebeller, cette dernière s'exécuta. Un bout de parchemin froissé, un stylo, un paquet de mouchoirs, ses gants, sa baguette… pour l'instant, il n'y avait rien d'exceptionnel. Lorsqu'elle posa un flacon, l'ancien Mangemort fut très intéressé, avant de constater que ce n'était qu'un simple flacon de fond de teint « texture mousse, couvrance parfaite » si on en croyait l'étiquette.

Maëva n'était pas folle. D'une manière ou d'une autre, il avait compris ce qu'elle faisait à chaque fois qu'elle mettait la main dans ses poches, si anodin ce geste soit-il. Elle se doutait qu'il allait vouloir en savoir plus. Mais il ne pouvait pas la trouver. Elle était cachée. Il pouvait bien lui demander de montrer ses mains, retourner ses poches, quitter sa robe d'école, il ne trouverait rien. Pour la simple et bonne raison que sa lame n'était plus dans ses poches, mais cachée par l'ourlet de sa jupe. De plus, s'il lançait des sorts de révélations il ne verrait rien. Le fond de teint ne servait pas à cacher ses boutons, comme il supposait, mais à cacher ses plaies et ses bleus à la vue de tous.

– Déguerpissez.

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Les élèves étaient en train de partir en calèche pour rentrer chez eux. C'étaient les fêtes de Noël, synonyme de famille, de cadeaux, de joie, et de repos. Mais Severus, assis dans un fauteuil confortable dans ses appartements, un verre de brandy à la main, ne pouvait pas s'empêcher de penser à Maëva.

D'ailleurs, il aimait beaucoup ce prénom. Cette jeune fille qui semblait effrayée par le moindre bruit, qui se cachait des autres, évitait les contacts, les questions, constamment sur ses gardes, ou infiniment triste. D'une certaine manière, elle lui ressemblait, lui au même âge.

Son verre glissa de sa main pour s'écraser au sol, tandis que les dernières pièces du puzzle s'assemblaient. Ses réactions, ses paroles, ses gestes, son angoisse d'aujourd'hui. Cette enfant était battue. Il en était sûr. Le fond de teint ce n'est pas pour être apprêté, c'était pour cacher ses marques. Par réflexe, il regarda l'heure. C'était trop tard. Le train venait de quitter la gare et partait à grande vitesse pour Londres. Enfouissant sa tête dans ses mains, il pria tous les Dieux du monde de s'être trompé sur toute la ligne.

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Elle était terrorisée. L'hiver était toujours la pire période. Celle où la tristesse d'être seul était la plus forte. Celle où ses souvenirs heureux quand sa femme ne l'avait pas quittée étaient le plus présents. Ainsi que la rancœur envers sa fille.

– On arrive ! s'exclama Céleste, enchantée.

– Il neige aussi ici ! C'est génial ! Renchéri Ruby, en essayant de voir les paysages blancs pendant que le train ralentissait. Tu as vu, Maé ?

La concernée ne répondit pas, trop occupée à essayer de ne pas montrer sa panique.

– Tu n'as pas l'air bien, remarqua Céleste, la trouvant blanche.

– Si, si, je pense que j'ai pris froid c'est tout.

– Tu pourras te reposer pendant les vacances, ça va te faire du bien, commenta Ruby, en enfilant sa cape d'hiver.

– Oui, murmura la jeune fille avant d'éclater en sanglots.

– Hey, mais pourquoi tu pleures ? paniqua Céleste, en s'agenouillant à son niveau.

– Ce n'est rien, c'est la fatigue, c'est tout … Je suis juste énervée à cause de Rosier…

– Ne t'en fais pas, il ne sert à rien, ne l'écoute pas, déclara Ruby en sortant du compartiment.

Essuyant ses larmes avec la manche de son pull, elle fit un pâle sourire à Céleste qui lui souriait, avant de descendre du train, sa malle à la main. Elle avait encore une bonne heure de trajet en transport en commun avant de rentrer chez elle, cela allait lui permettre de se calmer. Une bonne bouteille, ne pas rester dans son champ de vision trop longtemps, ne pas lui répondre, être polie, veiller à ce que le frigo soit plein, sortir se balader, oui, cela devrait aller. Deux semaines, ça passe vite non ? Elle avait bien tenu toutes les vacances d'été, et s'en était plutôt bien sortie.

Cependant, elle comprit que cela allait être différent quand elle vit son père l'attendre sur le quai. Et au regard et grimace d'incommodité qu'on lui lançait, il n'était sûrement pas sobre.

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Severus marcha d'un pas pressé jusqu'au bureau directorial, occupé maintenant par Minerva McGonagall. Très bonne directrice, tout le monde s'y accordait. Plus de professeur narcissique, trouvée au fin fond de l'Albanie, ou au fond d'une malle : que des professeurs qualifiés, compétents et ayant envie de partager leur savoir. Oui, même lui, Severus Rogue rentrait dans cette catégorie. Mais hors de question qu'il l'avoue à voix haute ! La gargouille le laissa passer sans mot de passe, comme toujours quand il s'agissait d'un professeur. Montant les marches quatre à quatre, il frappa à la porte pour prévenir de sa présence avant de franchir la porte.

– Minerva, Harry, salua-t-il d'un signe de tête pour chaque personne.

– Severus. Assieds-toi ! Tu as besoin de quelque chose ? demanda Minerva, pendant qu'Harry demandait à un elfe une autre tasse de thé.

– J'ai besoin d'accéder au dossier de miss Parker.

– Maëva Parker ? Pourquoi ? demanda la directrice, en se tournant vers ses étagères néanmoins.

– Je suis persuadée que cela se passe mal chez elle, ou de plus en plus mal. Au début de l'année elle était très distante avec ses amies : méfiante, se cachait, comme pour ne pas leur montrer quelque chose. Cela s'est estompé jusqu'au moment des vacances de Noël, où elle recommence à se cacher, être distante, comme si ses angoisses avaient repris le dessus.

Déposant le dossier scolaire devant Severus, Minerva remonta ses lunettes sur son nez, regardant Harry qui était songeur.

– Je ne pense pas qu'il y ait à s'inquiéter, après tout elle ne cachait rien dans ses poches, elle est juste timide ou introvertie. Et pour ses notes, c'est probablement de la confiance en elle. Cela ira mieux avec le temps, elle découvre le monde magique après tout, elle est née moldue.

– Elle a été adoptée, corrigera-t-il. On ne peut pas réellement savoir. Et son fond de teint était pour cacher ses marques.

– Comment le sais-tu ? s'interloqua Harry.

– C'est écrit sur le dossier, ricana Severus, ou la mention « adoptée » s'inscrivait sous l'identité.

– Et pour les marques ?

– C'est une supposition, marmonna Severus. Elle est trop intelligente pour utiliser un sort de désillusion.

Minerva regarda, sourcils froncés, ne se souvenant pas d'avoir déjà vu cette mention quelque part ou sur un autre dossier, que ce soit en direction ou quand elle était sous-directrice.

– Rien n'indique que cela soit son père ou un membre de sa famille, c'était peut-être un autre élève qui lui fait peur ? Tenta Harry. Rien ne prouve qu'elle cache quelque chose.

– Et la faire passer dans des états pareils pour une simple vitre brisée ? s'enquit Severus, en haussant un sourcil sarcastique, en faisant référence à la discussion avec Neville à table.

– Allons, Severus, je suis sûr qu'elle passe un merveilleux Noël. N'y pensez plus, vous restez avec nous pour le repas de Noël ?