§ JE TE RETROUVERAI §

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Chapitre 4 : L'Inacceptable Vérité

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- Ça y est, t'es calmé ?

- Laisse-moi, Renji.

- Si tu veux, je reviens quand tu auras les idées en place. Tu t'es vraiment comporté comme le dernier des abrutis. Parler ainsi à Orihime san devant Rangiku san en plus, c'est vraiment pas malin.

Assis sur un banc en pierre au fond du jardin, Ichigo lui lança un regard noir. Sa colère toujours aussi vive, il n'avait vraiment pas envie d'entendre ça. Adossé contre un arbre, les mains au fond des poches, Renji le savait parfaitement mais ne se laissa pas démonter pour autant.

- Il n'est pas trop tard pour aller t'excuser, tu sais.

Le silence lui répondit. Renji soupira.

- Orihime san n'est pas une manipulatrice.

- Qu'est-ce que tu en sais ? grogna le roux, les poings serrés sur ses genoux. On ne la connaît pas.

- Non mais tu t'entends ? Si tu avais passé moins de temps à l'ignorer et plus à essayer de la connaître, tu le saurais, répliqua sèchement son ami. Si tu la croyais vraiment capable de te piéger, y a longtemps qu'on serait sur la route vers notre destination. Pourtant, tu es encore là !

Un autre silence s'installa pendant lequel Ichigo fusilla du regard les magnifiques fleurs dans l'herbe. Il ramassa un caillou qu'il jeta sur l'une d'elles, qui perdit ses pétales.

- Elle nous a menti, putain ! répéta-t-il, très agacé. Je suis sûr que Hirako et Lisa ont deviné son identité en plus et ils n'ont rien dit. Ils ont bien dû se foutre de ma gueule.

- Comment ils pourraient savoir qui est réellement Orihime san ? s'étonna Renji.

- Je ne connais pas les détails. Je sais juste qu'à un moment, ces deux-là livraient de la marchandise au palais impérial. Pour traiter avec eux, ils ont forcément vu l'empereur et sa femme, un peu comme Byakuya... Et la rumeur dit qu'Orihime est le portrait craché de sa mère !

Il bondit de sa place pour faire face à son ami. L'incompréhension et une sorte de déception suintaient de lui.

- On l'a sauvée plusieurs fois ! Qu'est-ce qu'elle voulait comme preuve supplémentaire pour nous faire confiance ?! C'est pour ça que je me suis énervé ! Surtout qu'on a une sorte de passé commun même si ça n'a pas abouti ! Et toi, t'es là à la défendre sans comprendre mon point de vue !

- Je ne dis pas que tu as eu tort dans le fond, seulement dans la forme, déclara Renji en se grattant la tête d'un air las.

- Je dois piger quoi, là ? se méfia Ichigo, les yeux plissés.

Son regard blasé rivé sur le ciel étoilé, un pied appuyé sur le tronc, Renji se disait qu'Ichigo n'était pas un abruti, mais un vrai con incapable de voir tout seul se laisser trop facilement envahir par ses émotions.

- Tu as une grande gueule. Ça ne signifie pas pour autant que tu peux dire tout ce qui te passe par la tête juste parce que tu es persuadé d'avoir raison, commença-t-il. Tu n'as même pas laissé une chance à Orihime san de s'expliquer. Sa mère et elle sont deux personnes différentes. Et puis, pour me sortir qu'avoir été fiancée avec toi aurait dû la pousser à se confier, ça sous-entend que tu lui as dit pourquoi tu as rompu vos fiançailles.

- Elle m'a posé la question chez Hirako et je lui ai répondu !

- Te connaissant, ton explication n'a pas dû lui donner envie de révéler sa véritable identité, en déduit Renji en roulant les yeux.

- Si tu me disais plutôt où tu veux en venir ! s'impatienta Ichigo.

- Que votre passé fantôme n'a aucune importance. On a signé pour la protéger, pas pour tisser des liens ou devenir amis, lui fit remarquer Renji.

- C'est pas ce que vous êtes tous les deux, peut-être ?

- Si, c'est pour ça que j'ai dit que tu n'as pas tort dans le fond. J'ai appris à la connaître durant le voyage, on discute plutôt bien et à aucun moment il n'y a eu de la méfiance entre nous. En tenant compte de ça, elle aurait pu parler mais ne l'a pas fait et je pense qu'Orihime san doit avoir une bonne raison. Peut-être qu'elle ne voulait rien dire ou alors elle ne le pouvait pas ? Moi, je veux savoir ce qui l'a poussée à se taire avant de péter un plomb comme toi.

- Elle va nous dévoiler ses raisons et après ? répliqua le roux, légèrement plus calme. On va reprendre notre route comme si de rien n'était, c'est ça ?

- Pourquoi ? Tu as l'intention de la laisser moisir ici et se démerder toute seule dans sa quête ?

- Évidemment que non, je suis pas ce genre de gars ! riposta aussitôt l'autre jeune homme. Je lui ai promis de la protéger jusqu'au bout, seulement...

- Seulement rien du tout, le coupa son ami avec grand sérieux.

Renji se décolla de l'arbre pour venir se planter devant celui qu'il considérait comme son frère même s'il ne le lui avait jamais dit. Il choisit volontairement de mettre du poids dans ses mots.

- Orihime san nous a menti mais on ne peut pas dire qu'on s'est montré honnête avec elle. Elle ignore qui on cherche et le danger réel qu'elle court en restant avec nous. En sachant ça, tu ne peux pas lui reprocher de ne pas s'être confiée. Elle nous connaît que depuis quelques jours et franchement, il n'y a qu'à passer un peu de temps en sa compagnie pour voir que cette fille n'est pas méchante et encore moins dangereuse.

Ichigo l'avait écouté attentivement. Il finit par détourner les yeux et s'éloigner de quelques pas. Sa tension avait diminué toutefois sa mauvaise humeur perdurait.

- T'es vraiment chiant quand tu sors ce genre de discours, finit-il par articuler. A croire que t'as emporté une part d'Ishida.

- Faut bien que quelqu'un te remette sur le bon chemin quand tu t'en écartes un peu trop, se moqua Renji.

- Dis pas ça comme si t'étais un exemple à suivre ! Tu fais moins le malin devant Byakuya !

L'insulté rougit légèrement.

- Oi ! C'est pas de moi dont il est question alors ne change pas de sujet ! C'est toi qui as déconné avec Orihime san !

- C'est toi qui as commencé en me débitant de belles paroles ! le contra Ichigo.

- Pour que tu prennes la mouche comme ça, c'est qu'il y a une part de vrai ! Admets-le et dis-moi merci !

- Je t'emmerde !

Ils s'écharpèrent verbalement encore un moment avant de retourner d'un commun accord dans la maison de Rangiku san. Cette fois, ils prirent le temps d'admirer la beauté du jardin éclairé par le clair de lune. Nul doute que leur hôtesse et son mari en prenaient grand soin.

- Tu comptes faire quoi finalement ? demanda Renji tandis que la maison se dessinait entre les arbres.

- La seule chose qui s'impose, prononça simplement Ichigo. Reste à voir comment ça va se passer.

Ils franchirent le halo de lumière tamisée diffusée par les lanternes. Ils ne virent personne, pas un bruit n'émanait de la belle bâtisse. En revanche, le salon était allumé d'après les rayons qui filtraient des panneaux coulissants.

- Je ne sais pas ce que ça va donner, mais je te souhaite bonne chance, lâcha Renji.

Sur ces mots, il coulissa l'un des panneaux et pénétra le premier à l'intérieur, suivi d'Ichigo toujours décidé à faire ce qu'il avait prévu.

{…}

- Eiji, tu ne devrais pas être là. C'est imprudent.

- Mon médecin m'a recommandé de faire de l'exercice, ce que je fais. Je ne veux pas passer toutes mes journées allongé.

- Je maintiens que ce n'est pas prudent...

- Miya, je ne peux déjà pas diriger le pays comme je l'entends à cause de ma santé fragile. Laisse-moi au moins me dégourdir les jambes tant que j'en ai encore la force, veux-tu ?

L'impératrice pinça les lèvres. Avec Eiji, ils se « promenaient » dans l'immense jardin entourant le palais en dépit de l'heure tardive. Le médecin de la famille avait en effet conseillé à son mari de pratiquer la marche à son rythme, ce qui n'empêchait pas Miyako de penser que c'était une très mauvaise idée.

- Très bien, encore cinq minutes puis nous rentrons, consentit-elle.

- Je crois être encore capable de ressentir quand mon corps arrive à sa limite. Je peux affirmer, très chère, avoir la force de me balader au moins une heure ! ricana Eiji qui marchait à pas lents à l'aide d'une canne.

Affaibli par la maladie, il ressemblait plus que jamais à un vieil homme qui n'avait pas perdu son humour. Exaspérée, sa femme lui tenait un bras dans l'attente d'une chute inévitable.

- Cesse de plaisanter, ce n'est vraiment pas drôle ! Crois-tu que j'ai envie de te voir avec des membres brisés parce que tu as été imprudent ? Notre famille n'a pas besoin de cela, nous sommes suffisamment couverts de honte depuis la fuite d'Orihime !

- Notre fille n'aurait pas pris une telle décision si tu ne l'avais pas effrayée avec ce mariage ridicule, déclara son époux, l'air grave. Tu as toujours mis trop de pression sur ses épaules, c'était une question de temps avant que cela n'arrive. Pour être honnête, je pensais que notre Orihime chan craquerait bien plus tôt, ce qui montre l'extraordinaire résistance dont elle est dotée. Et elle reviendra plus forte encore.

- Tu ne vas tout de même pas la défendre ! s'emporta Miyako tout en vérifiant les alentours pour éviter de se faire entendre. Orihime est destinée à te succéder, je n'y suis pour rien si elle a les épaules trop faibles. Un mauvais règne pourrait entacher notre famille sur plusieurs générations, c'est cela que je veux sauver !

Légèrement essoufflé, Eiji cessa de marcher, les deux mains sur sa canne. Miyako s'arrêta en même temps que lui.

- Nous ne serons plus là lorsque les prochaines générations monteront à leur tour sur le trône, mit-il en évidence. Je ne m'en soucie guère, je sais qu'Orihime veut régner en suivant son cœur et enseigner cela à sa descendance. Chose que tu l'empêches de faire et c'est pour cela qu'elle est partie. Tu lui en demandes trop, comme toujours.

- Tu recommences, je passe pour la méchante comme d'habitude ! Toi, tu la couves depuis sa naissance ! Crois-tu lui rendre service ?

- Si ma chère fille considère qu'elle doit traiter le peuple et ses conseillers avec respect, bienveillance et une juste autorité alors oui, j'estime avoir joué mon rôle. Peux-tu en dire autant, Miyako ?

Sous ses cheveux châtains-gris mi-longs, le visage d'Eiji se mua en une rare expression sévère. Son épouse sentit le rose lui monter aux joues sous l'effet de la gêne et de la colère dont elle ne pouvait laisser libre cours. Elle inspira à plusieurs reprises.

- Eiji, tu sais parfaitement que je...

- Excusez-moi, votre Majesté, votre Altesse.

- Sosuke ? reconnut l'empereur. Que faites-vous là si tard ?

Son conseiller personnel venait d'arriver derrière eux aussi silencieusement qu'une ombre.

- Une affaire urgente à régler avec l'impératrice, marmonna ce dernier incliné dans sa tenue impeccable.

- Pardon ? Cela ne peut-il pas attendre demain ? ne saisit pas Eiji tandis que sa femme était surprise par l'arrivée de son amant.

- Je crains que non, déplora Aizen en se redressant. M'autorisez-vous à m'entretenir avec son Altesse ?

- Eh bien..., hésita le père d'Orihime en se grattant la barbe. Ça me paraît étrange mais faîtes donc. Je vais poursuivre ma promenade au clair de lune, je t'attends dans notre chambre, ajouta-t-il à l'adresse de Miyako.

Les poings serrés, celle-ci le regarda s'éloigner avant de se tourner vivement vers Sosuke.

- Qu'est-ce qui t'a pris ? chuchota-t-elle, agacée. Tu vas éveiller ses soupçons !

- Il semble que j'ai interrompu une conversation délicate, conclut-il.

- Eiji m'accuse du départ d'Orihime.

- Ce qui est le cas, émit Sosuke sans prendre de pincettes.

- Oui, seulement j'aurais préféré que ce soit moins évident, pesta Miyako en arrangeant nerveusement son chignon haut. Eiji a décidé de suspendre les recherches. Tout le monde croit la version officielle, qui est qu'Orihime nous a envoyé un faucon messager indiquant qu'elle a besoin de prendre du temps pour elle avant la passation de pouvoir, et reviendra lorsqu'elle se sentira prête. En conséquence, je n'ai plus aucun moyen de savoir où cette petite garce se trouve ! siffla-t-elle à voix basse.

Une intense colère déformait les traits de son beau visage quelque peu marqué par le temps. Pourtant, toujours soucieuse de son image, Miyako conserva une posture droite et lissa son kimono d'un geste machinal. A distance dans des lieux stratégiques -pour avoir une vue d'ensemble- des gardes conservaient leurs yeux braqués sur le jardin pour assurer sa sécurité et celle de son mari. Pas question donc de montrer le moindre signe de faiblesse.

- Comme si ça ne suffisait pas, Eiji n'en fait qu'à sa tête, poursuivit-elle sur le même ton. Je dois constamment le surveiller. Il a encore un rôle à jouer, je ne peux permettre qu'il meurt bêtement à la suite d'une chute ou que son cœur lâche sous le poids d'un effort inconsidéré.

- L'empereur est mourant de toute façon, banalisa Aizen en glissant les doigts dans ses cheveux marron ondulés. Quelle importance donc qu'il nous quitte demain ou dans six mois ?

- Tu ne comprends pas ! répliqua l'impératrice, un œil sur les environs déserts. Mon mari a fait passer une nouvelle loi plus tôt dans la journée : s'il venait à mourir avant la cérémonie officielle, Orihime prendrait immédiatement sa place. Elle ne sera autorisée à se marier qu'au minimum un an après sa prise de fonction, le temps de se familiariser avec son titre d'impératrice. Vois-tu où je veux en venir ?

- Plus aucun moyen de pression et surtout, Grimmjow ne pourra pas suffisamment l'approcher avec la protection encore plus serrée dont elle bénéficiera, nota Sosuke qui réfléchissait, une main sur le menton. Le poison n'est pas non plus envisageable, tout passe par le goûteur...

- Ce n'est pas tout, ajouta sa maîtresse. Durant ce laps de temps d'un an, cette peste aura tout le loisir de se débarrasser de toi réduisant ainsi à néant notre projet de régner ensemble ! Seul Kami sama sait ce qu'elle me réservera... Il est donc impératif qu'Orihime épouse ton fils avant la mort d'Eiji, qui lui-même doit rester en vie le plus longtemps possible !

- Peut-être devrions-nous faire tuer la Princesse tant qu'elle se trouve dans la nature, suggéra froidement Aizen. Nous nous épargnerons bien des émotions.

- Certainement pas ! Eiji me soupçonnerait aussitôt et je perdrai mon titre, refusa Miyako incapable d'envisager cette possibilité. Nous nous en tenons au plan initial même si mon mari complique les choses avec cette satanée loi, fulmina-t-elle.

- Je comprends ta frustration, je peux toutefois t'assurer que ce scénario catastrophe a peu de chances de se produire. Car la Princesse sera de retour plus vite que tu ne le penses.

- Que veux-tu dire ?

Sosuke la conduisit discrètement à l'écart du chemin, sous les branches d'un bel arbre fleuri.

- J'ai reçu un faucon messager qui va te rendre le sourire : je sais où et avec qui se trouve ta chère fille.

- Comment est-ce possible ? n'en revint pas la maman d'Orihime. Nous n'avons aucun indice nous permettant de savoir quelle direction elle a prise après avoir traversé la forêt.

- Disons que j'ai une source, dévoila-t-il mystérieusement. La Princesse séjourne en ce moment même à Nargoya en compagnie d'un certain Kurosaki Ichigo et son ami.

Miyako se décomposa.

- Tu es blanche comme un linge, releva le conseiller d'Eiji. Qu'y a-t-il ?

L'impératrice posa sa main sur l'arbre en sentant ses jambes trembler, les yeux rivés sur le sol sans vraiment le voir.

- Rangiku vit là-bas, tu le sais bien et je lui ai confié mon secret, lui rappela-t-elle. A l'heure qu'il est, elle a dû le révéler à Orihime.

- Je croyais que tu n'avais plus rien à craindre à ce sujet ? l'interrogea son amant, les sourcils froncés.

- C'est le cas.

- Alors où est le problème ?

- Orihime n'en restera pas là. De toutes les personnes habitant le pays, pourquoi a-t-il fallu qu'Orihime croise la route de Kurosaki ? l'ignora Miyako.

Sosuke ne l'avait jamais vue ainsi. Miyako gardait en toute circonstance une apparence respectable, fière. Or, devant lui se tenait une femme aux épaules tombantes comme rattrapée par le poids du passé et habitée par un sentiment qui ne lui était pas coutumier : la peur. Frappé par cette vision qui prouvait que Miyako n'était qu'un être humain malgré son assurance légendaire, Aizen vint presser son bras pour tenter de la calmer. Pour que leurs projets aboutissent, il devait s'assurer qu'aucun grain de sable ne viendrait enrayer l'engrenage bien huilé.

- Pourquoi ce Kurosaki te met-il dans cet état ? murmura-t-il.

Miyako battit frénétiquement des cils, signe qu'elle revenait dans la réalité.

- Ce jeune homme en lui-même ne m'inquiète pas, prononça-t-elle enfin. Il pourrait cependant me créer des ennuis sans le savoir s'il continue de voyager avec Orihime.

- Je ne te suis pas, s'impatienta Sosuke.

La femme leva ses iris noisettes inquiets vers lui.

- Une personne dans l'entourage de Kurosaki Ichigo détient une information à mon sujet. Si elle venait à tomber dans l'oreille d'Orihime, mon avenir n'aura jamais été aussi incertain.

A quelques mètres de là, debout tant bien que mal sur la dernière marche en pierre menant au hall d'entrée du palais, Eiji avait observé une partie de l'échange entre sa femme et son conseiller. Le visage illisible, il regagna sa chambre.

{…}

- Te voilà enfin.

- Excuse-moi, je viens d'aller souhaiter une bonne nuit à Orihime.

Rentré en milieu de soirée, Ichimaru Gin, le mari de Rangiku, attendait patiemment sa femme sous les couvertures. A peine eût-il mis un pied chez lui qu'il sentit immédiatement que quelque chose de grave s'était passé. L'ambiance était lourde, oppressante. Gin avait trouvé sa femme et Orihime en grande conversation sur la terrasse. Il avait tout juste eu le temps de saluer leur jeune invitée lorsqu'elle passa près de lui, bouleversée, s'excusant au passage qu'il la voit ainsi. Rangiku, sonnée également, lui conseilla de laisser Orihime seule puis entreprit de lui raconter le détail des événements tout en allant préparer le dîner.

Son mari ne put cacher sa surprise vite remplacée par le choc : Orihime qui s'était enfuie du palais et forcée de garder secrète sa véritable identité, le mariage odieux auquel la condamnait l'impératrice, l'explosion de colère de Kurosaki Ichigo et pour finir Inoue Sora, l'enfant qui avait si souvent hanté les nuits de sa femme, était probablement en vie !

Alors qu'Ichimaru et Matsumoto retournaient dans le salon (les bras chargés de nourriture) en envisageant les scénarios possibles qui attendaient Orihime, Renji et Ichigo avaient fait leur réapparition. Sa colère de retour, Rangiku posa brutalement les plats chauds sur la table et ne se priva pas de dire à Ichigo ce qu'elle pensait de lui, à savoir qu'il était méchant, arrogant, goujat et d'autres choses encore moins flatteuses. Le roux encaissa sans rien dire, conscient qu'il n'était pas en position d'ouvrir sa bouche. Ce fut seulement quand Rangiku termina de le recadrer qu'il demanda si elle le mettait à la porte. La belle femme, toujours remontée, lui répondit par la négative. Ichigo avait marmonné un « merci » suivi d'un « je suis désolé » avant de disparaître dans la chambre qu'il partageait avec Renji. Celui-ci dégusta le repas avec le couple, moment pendant lequel ils firent plus connaissance. Sans Orihime et Ichigo qui ne se montrèrent plus de la soirée.

C'est donc après le dîner que Rangiku était passée se rendre compte de l'état de la princesse, qu'elle venait tout juste de quitter pour retrouver son mari. Sa chemise de nuit enfilée, elle le rejoignit sous la chaleur des draps.

- Comment va-t-elle ? s'enquit Gin en lui prenant la main.

- Orihime est perdue, tout se mélange dans sa tête, soupira tristement Rangiku. Sa vie difficile au palais et le sort que Miyako lui réserve la contrariaient déjà beaucoup. Si la violente réaction d'Ichigo l'a profondément blessée, le secret que je lui ai révélé a provoqué un raz-de-marrée émotionnel.

- Tu ne pouvais pas faire autrement, c'est Miyako qui t'a mise dans cette situation, ne l'oublie pas, la réconforta Gin. Orihime chan devait savoir. Grâce à toi, elle a le pouvoir de changer sa destinée.

- A quel prix ?

- Comment ça ?

Sa femme serrait fortement le drap de sa main libre, ce qui trahissait sa nervosité.

- Souviens-toi, je t'ai dit que quelqu'un a glissé le portrait de Sora sous la porte d'Orihime.

Son mari vit exactement où elle voulait en venir. Il l'enlaça avec douceur, son menton dans ses cheveux blonds pendant qu'elle se blottissait contre lui.

- Une personne du palais autre que Miyako a connaissance de l'existence de Sora, formula-t-il. Ça pourrait également être quelqu'un de l'extérieur décidé à remettre ce message à Orihime chan et de suffisamment rusé pour déjouer la vigilance des gardes.

Le cœur compressé, Rangiku ferma ses paupières, une paume sur son torse.

- Qui que soit cette personne, j'espère qu'elle veut le bien d'Orihime. Dans le cas contraire, je n'ose imaginer la nature du piège que cache une telle démarche. Toi et moi savons que mettre Orihime sur la piste de Sora n'est pas sans conséquences.

{…}

Des ombres crochues dansaient sur le mur. Même en sachant qu'il ne s'agissait que de la projection des branches d'arbres éclairés par la lune, cette vision n'avait rien de réconfortant. Toujours habillée, Orihime détourna les yeux et ramena ses genoux vers sa poitrine pour se mettre en position fœtale sur le futon. La maison était si grande que les chambres ne manquaient pas et heureusement. La belle désirait rester seule. Son corps épuisé, courbaturé, aspirait au repos plus que mérité, presque vital. Il avait atteint la ligne rouge de sa limite. Malgré cela, le cerveau et le cœur d'Orihime lourdement éprouvés et en proie à un torrent d'émotions ne parvenaient pas à lâcher prise.

Rangiku venait de partir après s'être assuré de son état. Inoue n'avait pas beaucoup parlé ni vraiment écouté. Elle n'avait même pas l'impression d'être réellement là. La seule information qui intégra son esprit, c'est que plus de deux heures s'étaient écoulées depuis cette... révélation. Lorsque sa tante de cœur lui annonça qu'elle avait un frère supposé mort bel et bien vivant, Orihime n'en crut pas ses oreilles et lui demanda de répéter. Prise d'une forte émotion à mi-chemin entre le déni et la sidération, la princesse, incapable de gérer son état, s'était précipitée dans sa chambre en percutant involontairement Ichimaru. Déboussolée, submergée par des souvenirs enfouis, la beauté auburn ne put retenir ses larmes dès que la porte claqua. Elle avait toujours souffert de sa condition d'enfant unique, réclamant un frère ou une sœur à ses parents étant jeune pour se sentir moins seule. Si son père avait toujours été favorable, sa mère, au contraire, demeurait hostile rien qu'à l'idée.

Aujourd'hui, Orihime comprenait pourquoi.

Sa maman avait mis au monde un enfant avant elle. Son grand frère qu'il lui fallait maintenant retrouver pour sauver sa propre vie. C'était insensé. Orihime passa un bras autour de ses jambes et serra l'autre poing sous son oreiller dans lequel elle pressa son visage triste. Le fait que sa mère soit à l'origine de son mariage à l'issue mortelle était déjà dur à accepter. Cependant, l'horreur enfermée dans un tel secret dépassait d'encore plus loin sa compréhension. Comment une mère pouvait-elle même songer à tuer ses enfants ? Si le pouvoir était capable de fourvoyer à ce point, Hime n'en voulait pas. De quel droit alors l'imposer à son frère ? Pourquoi cet homme qu'elle ne connaissait pas risquerait-il sa vie pour elle ? Pour qui passerait-elle, si ce n'est une inconnue égoïste, pour oser s'accrocher à un tel espoir ? La princesse laissa ses larmes couler librement. Il lui fallait se rendre à l'évidence : elle était prise au piège.

- Pourquoi la vie m'en veut-elle à ce point ? murmura-t-elle.

Comme pour lui apporter une réponse, des coups retentirent contre la porte. Fatiguée, le corps engourdi, Inoue bâilla et se leva difficilement pour faire face à son second visiteur nocturne.

- … Kurosaki san ? s'étonna-t-elle.

La dernière personne qu'elle s'attendait à voir après leur échange houleux plus tôt dans la soirée. Sa présence inattendue chassa brusquement ses pensées sombres. Orihime n'allait pas mieux pour autant : une autre dispute était-elle à craindre ?

- Tu pleurais ? releva Ichigo, les sourcils très froncés.

- Non, non, p-pas du tout ! bégaya-t-elle en séchant rapidement son visage du revers de la main. J'étais occupée à... Je me remémorais simplement... Vous vouliez me dire quelque chose ?

Ichigo garda ses yeux plantés dans les siens. Orihime rougit tout en s'efforçant de ne pas rompre la connexion visuelle. Le roux croisa les bras et s'appuya contre le chambranle, réduisant ainsi l'espace entre eux.

- Il faut qu'on parle, émit-il enfin.

- Maintenant ? Ici ?

La pauvre s'empourpra davantage. Elle avait certes déjà passé du temps seule avec lui, mais dans les bois ou une pièce neutre comme la cuisine de Hirako. Le faire entrer dans la chambre ne serait-il pas considéré comme trop... intime ?

- Allons dehors, suggéra Ichigo avant que l'imagination de la jeune femme devant lui ne dérive vers des choses improbables.

- Um... très bien, allons-y, accepta-t-elle, soulagée.

- Tu devrais prendre ton châle, ça s'est rafraîchi.

- Vous n'avez pas votre manteau.

- Je n'en ai pas besoin. Viens.

Le ton était donné. Non sans appréhension, Inoue attrapa son châle pour couvrir ses épaules et marcha dans son sillage. Ils traversèrent le couloir de la maison silencieuse, de la lumière filtrait sous la porte de la chambre de Rangiku et Gin à l'inverse de celle de Renji d'où s'élevaient des ronflements sonores. Ichigo ne dit rien mais il était bien dégoûté de partager la même chambre que lui. C'est que Renji ronflait plus fort qu'un sanglier lorsqu'il était crevé.

A ce sujet, Orihime réprima deux bâillements, le suivant lui échappa et la fit frissonner. Elle ignora cet énième signal de son corps, elle devait être en forme pour parler avec Kurosaki san. D'ailleurs, contrairement à ce qu'elle croyait, il ne l'emmenait pas dans le jardin. Ils venaient d'arriver dans la cour pavée à l'avant de la maison. Plus sobre et moins arborée, elle ne possédait pas moins de charme avec sa petite fontaine en pierre surplombée d'un chat, la tête levée vers le ciel, taillé dans le même minéral et très réaliste. Deux chaises se trouvaient à proximité, laissant supposer que leur hôtesse et son mari profitaient de temps en temps du clapotis de l'eau qui renforçait la sérénité du lieu. Ichigo opta pour cette direction.

- Écoute, Orihime, amorça le jeune homme qui n'en pouvait plus de ce silence.

Le cœur de la concernée loupa un battement. Sa manière de prononcer son prénom, sans hurler, lui causait des sensations qui picotaient sa peau.

- Ce qui s'est passé tout à l'heure n'aurait pas dû arriver, reprit le roux. Je...

Il regarda ailleurs, soupira puis reporta son attention sur elle.

- Je suis désolé, je n'aurais pas dû m'énerver comme ça, s'excusa-t-il sincèrement en frottant sa nuque, signe de son embarras. C'est mon caractère, j'ai horreur qu'on me cache des choses.

- Vous n'avez pas à vous excuser. Après tout, je suis responsable de la tournure des événements, murmura Orihime qui se repassait la scène. Je n'ai pas été honnête, j'en ai payé le prix.

Ils s'arrêtèrent devant la fontaine dont l'eau trouble se reflétait sur leurs visages, leur donnant un aspect presque irréel sous l'éclat de la lune.

- J'ai besoin de comprendre, la relança Ichigo. Pourquoi tu nous as menti ? Je sais qu'on se connaît depuis peu de temps, mais je croyais qu'avec Renji on t'avait prouvé que tu pouvais nous faire confiance. Me faire confiance, ajouta-t-il sur un ton à peine audible.

Les mains croisées devant elle, la princesse perçut sa déception, ce qui augmenta sa culpabilité. Elle ferma brièvement les yeux pour bien choisir ses prochains mots.

- Je vous assure que...

- Non, arrête de me vouvoyer. Tu tutoies Renji alors moi aussi, j'aurai déjà moins l'impression qu'on est comme des étrangers, grogna-t-il.

La belle se tourna vivement vers lui, un sentiment proche de l'indignation inondant sa poitrine.

- Je ne vous ai pas... Je ne t'ai pas caché la vérité pour cette raison ou un quelconque manque de confiance ! Je te rappelle que tu as aussi mis de la distance entre nous, notamment après notre échange dans la cuisine.

- Tu t'es renseignée sur une partie de ma vie que je ne suis pas du genre à étaler, se défendit-il. Et on revient au point de départ : pourquoi tu ne m'as pas révélé qui tu étais même à ce moment-là ? Pourquoi me demander si je suis en couple sans pour autant me dire que tu es la fille avec laquelle j'ai en quelque sorte été lié ? voulut-il savoir. Tu m'as dit ne pas croire les conneries sur l'avis de recherche. Donc ce n'est pas parce que tu craignais que je m'en prenne à toi que tu as gardé le silence ! Je me trompe ?

Orihime s'installa sur le bord du bassin, les mains agrippées à la pierre froide. Elle inspira avant de lui répondre.

- Chez Hirako kun, c'était de la curiosité. C'est étrange de faire face à l'homme auquel on a été fiancée et qui, en plus, a rompu ces fiançailles sans raison. J'estimais être en droit de savoir.

- Tout ça ne me dit pas pourquoi tu as caché ton identité, s'accrocha Ichigo décidé à lever le voile.

La beauté auburn savait pertinemment qu'elle ne pouvait se taire plus longtemps. Malheureusement, la vérité n'était pas plus facile à avouer.

- Lorsque nous nous sommes rencontrés, je venais de m'enfuir du palais. Je ne pouvais me fier à personne si près des terres impériales, les meilleurs gardes sont à ma recherche.

- Tu t'es enfuie ? répéta Ichigo, bouche bée.

- Um, confirma-t-elle en hochant la tête, ses prunelles remplies de souvenirs pas si lointains. Je t'ai dit que ma mère a toujours fait pression sur moi. C'était dur, parfois éprouvant mais j'essayais de vivre avec. Cependant, ce que j'ai appris dans la Salle du Conseil et la discussion que j'ai entendue peu après m'ont poussé à partir. Je le devais pour trouver des réponses.

Complètement largué, Ichigo s'assit à ses côtés.

- Qu'est-ce que tu essayes de me dire ?

Le cœur lourd, Orihime n'avait pas le courage de croiser ses iris si expressifs. Aussi, préféra-t-elle fixer un poisson nageant paresseusement et qu'elle venait tout juste de remarquer. Sauf que son visage, bien que baissé, demeurait tourné vers Ichigo qui, à sa grande surprise, tentait de déceler ses émotions.

- A quelques minutes d'intervalle, j'ai appris que toi et moi avons été fiancés et que ma mère m'imposait un mariage avec Grimmjow, l'un des fils d'Aizen, le conseiller personnel de mon père, lui annonça Hime la voix tremblotante. J'ai bien sûr refusé. Hélas, ma mère de l'a pas entendu de cette oreille et m'a menacé.

Elle se tut un instant. Répéter cela faisait toujours aussi mal.

- Grimmjow a pour mission de se débarrasser de moi. Ainsi, Aizen et ma mère pourront diriger le pays sans avoir effectué le sale travail quand mon père ne sera plus de ce monde, acheva-t-elle sans pouvoir retenir une larme traîtresse.

Ichigo était abasourdi. En souhaitant mettre les choses à plat avec Orihime, il ne s'attendait vraiment pas à entendre des choses pareilles.

- Ton père ne peut rien faire pour t'épargner ça ?

- Il est trop malade, je dois me débrouiller avec mes propres moyens.

- Ils sont quand même à trois contre toi. Ça veut dire que tu as un plan ? lâcha Ichigo, sceptique.

- En quelque sorte..., souffla la belle en séchant sa larme.

- Je ne connais pas personnellement ta mère, je l'ai seulement aperçue de loin, dit-il entre ses dents serrées. Elle est venue une fois avec ton père pour s'entretenir avec Byakuya, le frère de Rukia. On a su par la suite qu'elle lui a sorti tout un baratin pour faire affaire avec lui en mettant en avant vos richesses et qu'il avait tout intérêt à accepter. Tch !

Il se remit sur ses pieds en enfonçant les mains dans ses poches de pantalon d'un air agacé.

- Byakuya a refusé, elle lui a dit que ce n'était pas grave. Bizarrement, le lendemain, pas mal d'hommes qui bossaient pour Byakuya ont préféré partir pour entrer dans la garde du palais impérial ou quitter tout simplement la ville pour des raisons boiteuses. C'est là que j'ai compris que l'impératrice n'est qu'une garce, menteuse et manipulatrice. Ce que tu viens de me dire le confirme et ce qu'elle te réserve est juste dégueulasse.

Orihime ne s'offusqua pas, elle avait bien saisi qu'Ichigo n'aimait pas sa mère comme une partie du pays divisé en deux catégories : ceux qui vénéraient l'impératrice et ceux qui la redoutaient. A vrai dire, la princesse était plutôt focalisée sur ce qu'Ichigo venait de lui raconter. Ses parents avaient fait beaucoup de visites officielles et ne lui racontaient pas tout. Pour preuve : elle n'était pas du tout au courant de cette histoire avec ce Byakuya. C'était assez étrange, car le palais ne manquait pas d'hommes qui veillaient à sa sécurité.

Elle préféra mettre ça de côté pour le moment. Une explication devait encore être donnée. Courageusement, Inoue vint se placer devant Ichigo. Dans ses perles grises brillait la sincérité.

- Je ne savais pas quoi penser en voyant l'avis de recherche chez Ukitake san, plein de questions tournaient dans ma tête. Je n'ai rien dit sur mon identité par peur d'être reconnue et de voyager seule. Je me sens en sécurité avec toi et Renji kun. Sauf que plus le temps passait, plus je redoutais ta réaction impulsive si je révélais mon secret alors... j'ai préféré vous laisser tout découvrir ici, avoua-t-elle. Je suis vraiment désolée.

- Après avoir partagé l'enfer que tu as vécu et celui qui t'attend avec ce mariage merdique, difficile de t'en vouloir, consentit Ichigo.

Sa colère n'était plus dirigée contre Orihime, plutôt envers l'avenir que sa mère lui imposait. Cette femme n'avait décidément pas de cœur et traitait sa propre fille comme de la merde.

- Ce que ta mère a prévu pour toi me rend malade, siffla-t-il. Je vais t'aider à éviter ce mariage et rester en vie au passage.

- Je ne veux pas te mêler à mes histoires de famille...

- Je suis impliqué depuis la seconde où tu m'as tout avoué, l'interrompit fermement Ichigo. Je ne vais pas te laisser à la merci de ces malades.

- Tu n'as aucune obligation envers moi, pas la moindre raison de risquer ta vie pour moi, n'en démordit pas Orihime qui s'inquiétait des conséquences pour lui. Ce n'est pas comme si tu étais...

- … ton fiancé ? Tu crois que parce que j'ai mis fin à notre engagement, je me fiche de ce qui peut t'arriver ?

Son ton était plus froid qu'il ne l'aurait voulu. Orihime s'entoura de ses bras, honteuse de l'avoir contrarié. Un fois de plus.

- Je crois que toi et moi, nous apprenons encore à nous connaître. Tu as déjà tes problèmes, je ne veux pas t'en rajouter et puis… Disons qu'en dehors de mon père, je n'ai pas l'habitude que l'on se soucie de moi, répondit-elle d'une voix peinée, ses perles grises sur la fontaine.

Le jeune homme se détendit. Il voyait à présent ce que Renji avait tenté de lui faire comprendre : la personnalité de la femme devant lui était aux antipodes de celle de l'impératrice. Ichigo ne percevait ni méchanceté ni égoïsme et encore moins de la vantardise émaner d'Orihime. Elle avait une imagination débordante et des goûts culinaires effrayants, mais était aussi sociable, courageuse et l'intérêt des autres lui tenait à cœur alors qu'elle avait toutes les raisons d'en vouloir à la terre entière. Ichigo s'en rendait enfin compte. Ouais, Renji avait raison : il était vraiment le dernier des abrutis.

- Puisqu'on « apprend à se connaître » comme tu dis, sache une chose sur moi, dit-il plus calmement.

Elle reporta ses prunelles sur lui.

- Quand je protège une personne, c'est jusqu'au bout et sans limite de temps. Peu importe les obstacles, assura-t-il, une lueur au fond de ses orbes bruns.

Orihime rendit les armes. Il ne changerait pas d'avis, pas avec un tel regard déterminé. Très touchée, elle lui adressa son premier vrai sourire depuis le début de ce voyage.

- Je te remercie, Kurosaki kun.

Une étrange sensation contracta l'estomac d'Ichigo. L'éclat de l'eau nuançait la couleur des cheveux d'Orihime, ce qui attira son attention. Elle avait vraiment les cheveux longs et probablement doux... Loin de remarquer son intérêt, Orihime bâilla une nouvelle fois puis se frotta les yeux.

- Je suis contente que nous nous soyons réconciliés, cette situation me...

- Je te tiens ! Ça va ?

- Je suis désolée ! s'excusa-t-elle précipitamment en cherchant à s'éloigner au plus vite.

Une poigne la retint fermement. La beauté auburn avait senti sa tête tourner désagréablement, ce qui lui avait fait perdre l'équilibre. Dans un réflexe, Ichigo l'avait rattrapée.

- Tu ne crois tout de même pas que je vais te lâcher après ce qui vient de se passer, lui chuchota-t-il contre sa tempe. Tu m'expliques ?

Du sang afflua dans les joues de la princesse.

- Je ne dors pas très bien depuis mon départ du palais. Je crois que mon corps a dépassé sa limite.

En effet, peut-être en raison de leur mise au point qui lui ôtait un poids considérable sur le cœur, sa fatigue désormais plus intense devint impossible à ignorer.

- Il est très tard. Rentrons et essaye de vraiment te reposer cette fois, lui conseilla Ichigo.

Sa grande main pressant doucement son bras fin, il joignit le geste aux paroles. Troublée par cette facette de lui et surtout leur proximité physique, Inoue lui emboîta le pas et l'observa du coin de l'œil. A le voir comme ça, on n'imaginait pas Ichigo si prévenant. Elle savait qu'elle découvrirait un autre « lui » sous sa carapace. C'était peut-être le moment d'avoir une réponse à la question délicate qu'elle se posait ?

- Dis-moi..., murmura-t-elle, la teinte rose. En parlant de « fiancé », sais-tu... Je veux dire nos fiançailles...

- Je n'en sais rien, la coupa Ichigo pas plus à l'aise. J'ai plusieurs fois cherché à savoir comment on a pu se retrouver fiancés toi et moi. Mon père n'a jamais voulu me répondre.

- Ton père ?

- Il est lié à ça d'une façon ou d'une autre, grogna-t-il. Tu auras peut-être plus de chance que moi de le faire parler.

Hime le regarda sans comprendre.

- Tu voulais savoir ce que j'ai fait quand je t'ai laissée chez Hirako avec Renji. J'avais des trucs à faire dont vendre nos billets de bateau. J'en rachèterai d'autres plus tard, je dois d'abord vérifier une chose au Seireitei, l'éclaira-t-il.

- On raconte que c'est une cité magnifique. C'est là-bas que tu vis ?

- Si on veut. Ce soir, Renji a reçu un faucon messager : Rukia lui demande de rentrer.

Il ouvrit la porte pour retrouver la chaleur de la maison.

- Quand partons-nous ? demanda Orihime qui ne savait quoi penser.

Elle se souvenait que sa mère détestait les Kurosaki tandis que son père les appréciait. La belle, pour sa part, n'en connaissait aucun des membres jusqu'à sa rencontre avec Ichigo. Quel rôle avait donc joué le père de Kurosaki kun entre leurs deux familles ?

- Rangiku san t'a donné des infos sur la personne que tu cherches ? Après tout, on a fait un détour ça, la réveilla Ichigo.

Cette question non anticipée perturba Inoue, la précipita dans une réalité qu'elle fuyait : celle d'un frère qui avait échappé à une mort certaine et pouvait potentiellement la sauver d'un destin tragique.

- Rangiku san n'a aucune idée de l'identité de la personne que je cherche, mentit-elle avec un grand sourire pour masquer son mal-être. Mais elle m'a donné quelques pistes qui m'aideront à coup sûr !

- Tu n'es pas venue pour rien, c'est déjà ça. Au moins, tu n'avances plus à l'aveugle.

Elle ne dit rien, son sourire fané.

- Dans ce cas, on reprend la route demain, trancha Ichigo. Nous serons au Seireitei dans la journée. Plus vite on progressera dans nos recherches, mieux ce sera. Tu ne crois pas ?

- Um ? Oh si, bien sûr.

Ils avait atteint la porte de la chambre de la beauté auburn. Ichigo consentit à lui rendre sa liberté de mouvement tout en s'assurant de sa stabilité.

- Euh... bah, bonne nuit, bafouilla-t-il ne sachant quoi dire d'autre.

- Bonne nuit, gazouilla Orihime.

Déjà au milieu du couloir, il leva une main sans se retourner. Incapable de réactiver sa capacité à réfléchir, la princesse retrouva son futon avec reconnaissance. Le sommeil gagna la bataille contre ses émotions et elle sombra dans le monde des rêves dès que sa tête toucha l'oreiller.

{…}

Le lendemain matin, le moment du départ arriva. Contrairement à la veille, l'ambiance était légère quoiqu'un peu triste.

- Merci encore de nous avoir accueillis chez vous, Rangiku san, dit Ichigo. Et aussi pour la nourriture.

- C'est la meilleure nuit que j'ai passée depuis le début de ce voyage, affirma Renji en s'étirant.

- On le sait, t'as ronflé toute la nuit !

- C'est toujours mieux que de la passer à cogiter !

- Ça, c'est toi qui le dis !

- De rien, les garçons, c'était avec plaisir, les interrompit Rangiku. La porte sera toujours ouverte, la prochaine fois laissez juste vos émotions fortes à l'extérieur ! les taquina-t-elle.

- J'ai été content de te revoir, Orihime chan, même si j'aurais préféré que ce soit dans d'autres circonstances, sourit Gin sous ses cheveux gris.

- Merci, Ichimaru san, c'est réciproque, rayonna-t-elle.

Pendant que Gin indiquait à Renji et Ichigo un chemin caché pour sortir de la ville sans passer devant les gardes, Rangiku s'isola avec Orihime.

- Comment vas-tu ?

- Un peu mieux qu'hier, répondit honnêtement la jeune fille. Je ne pensais pas y arriver mais j'ai dormi toute la nuit. La fatigue accumulée depuis mon départ m'a submergée.

Ses joues se colorèrent en se souvenant s'être presque écroulée sur Ichigo.

- Ils sont au courant ? la ramena sur terre Matsumoto.

- Non, j'ai encore du mal à me faire à l'idée d'avoir un frère aîné...

L'autre femme fronça les sourcils.

- Tu vas devoir le dire à Ichigo et Renji, leur aide te sera indispensable.

Elle vérifia que les trois hommes étaient toujours occupés.

- Écoute, je t'ai dit que Miyako gardait un œil sur Sora depuis le moment où elle l'a fait confier. Eh bien, un détail m'est revenu.

- Lequel ? l'encouragea Hime.

- La famille adoptive de Sora a déménagé lorsqu'il était enfant. D'après mes souvenirs, ta maman m'a révélé qu'ils se sont installés à Rukongai qui se trouve à proximité du Seireitei où vous vous rendez. J'ignore s'ils y vivent encore, ce sera l'occasion pour toi de te renseigner !

Orihime ne partagea pas son excitation, plutôt habitée par le doute et l'appréhension.

- Tu as peur, décela la jolie femme.

- Vous n'en éprouveriez pas à ma place ? l'interrogea-t-elle tristement. Je dois retrouver un homme pour qui je ne représente rien et lui demander d'abandonner la vie qu'il s'est construite pour sauver la mienne.

- Je comprends ce que tu ressens, compatit Rangiku. Seulement, garde à l'esprit que c'est Miyako qui vous met dans cette position délicate. Sora était de toute façon destiné à devenir empereur. Si une personne peut le convaincre d'endosser ce rôle qui nous sauvera d'un règne tyrannique, c'est bien toi. Et puis qui c'est ? Il pourrait être heureux d'avoir une petite sœur aussi adorable que toi, suggéra-t-elle avec un clin d'œil.

La princesse se jeta dans ses bras.

- Merci. Merci pour tout, votre aide m'a été très précieuse !

- J'aurais aimé faire plus, murmura Matsumoto en caressant sa longue chevelure auburn. Je suis là si tu as besoin. Bonne chance !

- Orihime san, on s'en va ! la prévint Renji.

L'interpellée libéra sa tante de cœur.

- J'arrive ! Prenez soin de vous, ajouta-t-elle à l'adresse de Rangiku.

- Sois prudente, l'implora cette dernière. Tu ignores qui a glissé ce portrait sous ta porte tout comme les intentions réelles de cette personne.

Sa considération alla droit au cœur d'Orihime qui prit ses mains dans les siennes.

- Rassurez vous, je ferai attention, sourit-elle, ses océans gris brillants de larmes.

Sur ces mots, elle rejoignit Ichigo et Renji en saluant Ichimaru d'un signe de la main.

- Tu penses que ça va aller pour elle ? questionna-t-il son épouse.

- Avec ces deux-là pour la protéger, en particulier Ichigo, aucun doute.

Gin lui jeta un regard interrogateur, Rangiku se contenta de sourire malicieusement.

- Viens, nous avons un message à envoyer.

Elle retourna dans leur maison. Les trois têtes flamboyantes, elles, disparurent à l'angle de la rue.

{…}

Le ciel restait couvert en ce début d'après-midi, la maison de Rangiku et Gin était loin. Le chemin conseillé par celui-ci porta ses fruits : les compagnons quittèrent Nargoya sans croiser personne avec en bonus un raccourci vers leur destination. Au bout de quelques heures de marche, l'air iodé leur chatouilla les narines et la mer s'offrit à leurs yeux émerveillés. Ce changement de décor faisait du bien et donna une idée à Renji : puisque le Seireitei possédait un port, pourquoi ne pas faire le reste du trajet en bateau ? Le capitaine de l'un d'eux, qui se rendait justement dans cette ville, accepta de les y emmener en échange de quelques yens.

- Je me demandais un truc, lança justement Renji en regardant le paysage défiler. Rangiku san est mariée à Ichimaru, non ? Alors pourquoi tout le monde la connaît sous le nom « Matsumoto » ? Elle devrait s'appeler « Ichimaru », nan ?

Assis à côté de lui à l'avant du bateau de pêche, Ichigo le regarda avec l'air de dire : « T'es sérieux en me posant ce genre de question ? ».

- Qu'est-ce que j'en sais moi ? J'ai l'air de m'en soucier ?

- Ben, avoue que c'est bizarre.

- Elle doit préférer son propre nom même en étant mariée. Qu'est-ce que ça peut faire ?

- C'est bon, je me demandais, c'est tout, soupira Renji, les bras derrière la tête. A part ça, ça a l'air de mieux se passer entre toi et Orihime san. Ton plan d'aller la voir pour vous expliquer a marché. T'y es allé fort, t'as vraiment de la chance qu'elle t'ait pardonné mon vieux.

- Ouais même si je ne m'attendais pas à entendre les raisons de son silence, marmonna le roux.

Il posa le bras sur son genou plié, les yeux dans le vague.

- C'est vrai qu'elle n'a pas eu une vie de rêve malgré son titre, reprit Renji qui n'en revenait toujours pas. Je t'avais bien dit qu'elle avait une bonne raison.

- Oui, bon, ça va. Tu vas me le répéter combien de fois ?

- J'ai pas l'impression que tu lui as tout dit.

La note de sérieux dans sa voix incita Ichigo à se tourner vers lui.

- Tu sous-entends quoi ?

- Tu t'es énervé parce qu'elle ne s'est pas montrée honnête et tu fais la même chose, déclara son ami. On voyage ensemble, elle finira par apprendre la vérité.

- Ça n'a rien à voir et tu le sais ! se braqua l'autre jeune homme. Qui m'a dit chez Ukitake san « moins elle en sait, mieux c'est » ? Orihime doit déjà gérer une mère cinglée, un conseiller qui a des rêves de grandeur et un bâtard qui veut la tuer ! Pas besoin de la mêler à ça, c'est mon problème, décréta-t-il.

Renji tourna la tête à l'opposée sans un mot. La tension était palpable.

- On est bientôt arrivés, je vais prévenir Orihime, décida Ichigo en se remettant debout.

Le bateau n'étant pas très grand, il ne mit guère de temps à la trouver côté poupe. Il respira profondément pour faire redescendre sa tension avant d'ouvrir la bouche.

- On sera au Seireitei dans peu de temps, lui signala-t-il. Rassemblons nos affaires.

Accoudée dos à lui, elle ne réagit pas.

- Orihime ?

Elle sursauta puis pivota, sa longue chevelure suivant son mouvement. Elle en avait assez de se cacher sous son châle, se sentant prête à faire face à quiconque la reconnaîtrait.

- Excuse-moi, tu disais ? émergea-t-elle en retenant ses mèches fouettées par le vent.

- T'avais l'air ailleurs, lui fit remarquer Ichigo.

- Pas du tout, héhé..., rit nerveusement la beauté auburn.

- Vraiment ?

Une petite secousse leur indiqua que le bateau venait d'accoster.

- Oh, nous sommes arrivés ! s'excita-t-elle en passant près de lui. Viens, Kurosaki kun ~ !

Ichigo la vit remercier le capitaine, aller chercher son sac et mettre pied à terre avec Renji.

- Aïe ! s'écria soudain celui-ci en se tenant les côtes.

- O-Oh, Renji kun ! Est-ce que ça va ?! s'inquiéta-t-elle, une main sur son épaule.

- Putain, je suis pas sûr ! se plaignit-il en toussant.

- Que ça te serve de leçon ! Tu es parti en pleine nuit sans me prévenir, plusieurs jours et sans me donner de nouvelles !

Inoue cligna des yeux tout en observant la femme qui venait de hurler et qu'elle trouva particulièrement jolie. Très petite, les cheveux courts et noirs, élégamment vêtue d'un somptueux kimono bleu nuit brodé de lapins blancs d'où dépassait son poing fumant, elle était de toute évidence furieuse et les attendait de pied ferme sur le quai.

- Merde, Rukia ! parvint à articuler Renji. C'est une façon de m'accueillir ? Je suis là maintenant, c'est bon !

- Goujat !

- Ouille, arrête ! Lâche-moi !

- Même séparés pendant vingt ans, vous ne changerez jamais vous deux, intervint Ichigo, blasé.

- C'est de ta faute si Renji a déserté le Seireitei ? pesta la dénommée Rukia, la tête de Renji sous le bras.

- Je lui ai rien demandé, moi. C'est lui qui s'est incrusté.

- Ichigo, enfoiré ! l'insulta son ami entre deux souffles.

- Excusez-moi, vous êtes la petite amie de Renji kun ? osa Orihime. Lui et Kurosaki kun m'ont un peu parlé de vous.

La petite brune sembla enfin noter sa présence.

- Qui es-tu, toi ? lança-t-elle, méfiante.

- Nan mais sérieux, tu pourrais pas être plus polie ? se hérissa Ichigo. A se demander si tu es vraiment issue d'une famille noble. Et puis t'as pas trouvé plus ridicule comme kimono ? Argh !

Il eut droit à un coup de poing qui manqua de lui arracher la tête.

- Saleté !

Heureusement, Orihime avait l'expérience de ces démonstrations d'affection peu communes grâce à Hiyori et Hirako.

- Je suis...

Elle hésita. Devait-elle se présenter sous son faux nom ?

- Tu peux faire confiance à Rukia, déclara Renji en se redressant et frottant ses côtes endolories. Personne ne te trahira parmi nos amis.

La princesse hocha la tête pendant que Rukia croisait les bras, impatiente.

- Eh bien ?

- Je suis Inoue Orihime, enchantée ~ !

Les prunelles violettes de Rukia faillirent tomber.

- Inoue... La future impératrice... Par tous les kamis ! bégaya-t-elle en s'inclinant profondément. Veuillez excuser ma grossièreté ! Si nii sama apprenait mon attitude peu conventionnelle avec un être de votre rang... Je m'appelle Kuchiki Rukia, enchantée également ! Si mon humble personne peut faire quoi que ce soit pour vous être agréable, n'hésitez pas !

Ichigo roula les yeux. C'était tout Rukia ça, son amie avait cette fâcheuse manie de jouer la fille polie et bien élevée lorsqu'elle voulait faire bonne impression.

- Laisse tomber, Rukia. Orihime n'est pas comme sa mère.

- En effet, approuva gentiment la belle. Redressez-vous, je vous prie. En dehors du palais, je veux être traitée comme une personne normale. Pas de « Princesse » ou de « votre Altesse ».

Décontenancée, la petite Kuchiki regarda tour à tour Renji et Ichigo. Elle n'aurait jamais pensé que la Princesse du pays puisse être aussi... peu exigeante sur les règles de bienséance.

- Très bien, Inoue, consentit-elle.

- Yo, Sado ! lâcha Renji.

Un très grand homme bien bâti à la peau foncée, doté d'une touffe de cheveux sombre et ondulée venait de les rejoindre.

- Wouah, vous êtes grand et devez être drôlement fort ! ne put s'en empêcher Hime, impressionnée.

L'homme en question qui venait de saluer tout le monde se tourna vers elle.

- Hm. On me le dit souvent, acquiesça-t-il de sa grosse voix grave.

Il émanait de lui une force tranquille, une aura rassurante. Orihime l'appréciait déjà.

- Chad est mon meilleur ami, précisa Ichigo en cognant son poing contre celui du concerné. Je ne l'ai jamais vu se battre ou être intimidé par qui que ce soit.

- Je n'en doute pas un instant, rit-elle. Je suis Inoue Orihime, mais tu peux m'appeler Inoue. Ravie de faire ta connaissance, Chad san !

- Sado.

- Pardon ?

- Je m'appelle Yasutora Sado. Content de te rencontrer aussi, sourit-il.

- Pourquoi Kurosaki kun t'appelle-t-il « Chad » ? demanda-t-elle, les sourcils froncés.

- Va savoir, bâilla Renji. Un truc entre eux sûrement...

- Ah...

Sado échangea un regard lourd de sens avec Ichigo qui reçu le message et hocha la tête. De leur côté, Rukia et Renji recommençaient à se quereller, la petite Kuchiki n'ayant toujours pas digéré que son petit ami soit parti sans même lui laisser un mot. Amusée, la princesse se disait qu'elle n'allait certainement pas s'ennuyer et prit le temps d'admirer les environs.

Entouré d'un énorme mur d'enceinte, le Seireitei vaste et très riche prospérait sur la gauche. A l'instar de Nargoya, tout le monde ne pouvait pas franchir les entrées au nombre de quatre du même nom que les points cardinaux. Des personnes munies d'un laissez-passer faisaient la queue dans l'attente d'être contrôlées par les gardiens armés. Sur la droite s'étendait à perte de vue le Rukongai plus modeste et plus accessible. Aucune protection que ce soit une grille ou des gardes. Les maisons, les boutiques étaient parfaitement visibles et la circulation dans la ville semblait se faire sans autorisation. C'était comme se trouver entre deux mondes opposés qui vivaient côte à côte.

Les fins cheveux sur la nuque d'Inoue se dressèrent, elle se sentait épiée. Ses iris trahissant sa crainte scrutèrent toutes les directions à la recherche du coupable… qu'elle identifia. Il s'agissait d'une femme très âgée vêtue pauvrement, appuyée sur sa canne au milieu des habitants qui vaquaient à leurs occupations. Cette inconnue la fixait avec curiosité. L'avait-elle reconnue ?

- Allons-y, Inoue ! Tu dois être fatiguée après un tel voyage, s'éleva la voix de Rukia postée devant elle. Tu vas te reposer puis je te ferai visiter la citée si tu te sens assez en forme, qu'en dis-tu ?

- Euh... Oui, euh... Pourquoi pas... Avec plaisir ! se ressaisit-elle.

- Une minute... Ne serait-ce pas toi qui étais fiancée à Ichigo ?! s'exclama soudain Rukia, bouche bée. Comment se fait-il que vous voyagiez ensemble d'ailleurs et sans escorte ? Ce ne serait pas une visite officielle comme... ?

- On t'expliquera plus tard, la coupa Ichigo, agacé. Allez, on y va.

- Tu dois amèrement regretter d'avoir rompu vos fiançailles, se moqua son amie avec un sourire narquois.

- La ferme ! Au fait, ma famille est là ?

- Ton père a emmené tes sœurs « dormir à la belle étoile », ils rentrent demain, l'avertit Chad.

- Tant mieux, je suis pas d'humeur à entendre mon vieux jacasser, expira le roux en glissant une main dans ses cheveux hérissés.

- Par ici, Inoue, l'invita Rukia en lui montrant le chemin. Nous trouverons un moment pour te faire confectionner une tenue pour le bal. Je ne peux te laisser t'y rendre avec ces guenilles.

Ichigo qui suivait derrière se frappa le front. Rukia pouvait s'exprimer de manière si directe parfois...

- Un bal va avoir lieu ? s'étonna Hime, pas du tout vexée.

Il est vrai que sa robe rapiécée faisait pâle figure à côté du kimono parfait de Kuchiki san. Elle l'avait achetée dans un village il y a quelques jours pour se fondre davantage dans la masse.

- Mon frère en organise un en l'honneur de mon anniversaire, l'informa Rukia, ravie. Les clans les plus influents seront présents et tu es évidemment invitée.

Tout en l'écoutant parler, Orihime jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. La vieille dame avait disparu.

{…}

Le ciel or se nuançait de rouge, prémices du crépuscule. En dépit du milieu privilégié dont elle était issue, Orihime en avait pris plein des yeux en découvrant un Seireitei plus grand qu'elle ne l'imaginait. Ses précepteurs avaient omis de mettre l'accent sur de nombreux détails tels que la beauté du lieu ou encore La Falaise du Sokyoku qui servait à l'exécution des prisonniers.

La cité était divisée en treize clans en fonction de leur fortune. Le plus puissant n'était autre que celui des Kuchiki dont le chef, Byakuya, le frère de Rukia, imposait le respect sous toutes ses formes. Inoue ne l'avait pas encore rencontré, mais Rukia lui en parla des étoiles plein les yeux durant la visite du manoir de sa famille, décoré avec goût. Ça allait des portraits d'ancêtres aux rideaux de velours en passant par les vases en porcelaine C'est cela et bien des choses encore que la princesse découvrit durant la visite guidée que Rukia lui proposa. La petite Kuchiki possédait un caractère affirmé mais était aussi très gentille. Orihime ne comprenait vraiment pas pourquoi Kurosaki kun la qualifiait de « naine chiante et fouineuse »

- Il y a quelque chose entre Ichigo et toi ?

- Eh ?

Dans une ruelle du Seireitei, elles revenaient d'une balade en forêt. Toutes deux rentraient au Manoir Kuchiki, le rendez-vous pour le choix de la tenue de bal approchait.

- Ichigo n'est pas très bavard. Comme Renji, il n'est pas du genre à se confier, énuméra Rukia les yeux sur le ciel d'où perlaient les premières étoiles. C'est plus le style à foncer dans le tas et réfléchir après, s'exaspéra-t-elle.

Pour ce qu'elle en avait vu, Orihime ne put qu'approuver.

- Quand tu m'as raconté les circonstances de votre rencontre et la manière dont il a réagi en apprenant qui tu étais, je me suis dit qu'Ichigo t'avait peut-être parlé de lui, ce qu'il a vécu et que c'est pour cette raison qu'il a eu cette violente réaction. Qu'il attendait une sorte de réciprocité, supposa Rukia en reportant son attention sur Inoue.

- Ah c'est à ce genre de relation que tu fais allusion, se détendit-elle. Eh bien non, Kurosaki kun ne m'a pas confié des moments particuliers de sa vie. Il a seulement brièvement évoqué son père et j'ai entendu sur le quai qu'il avait des sœurs. Je ne sais rien d'autre.

- Je vois..., marmonna Rukia, l'esprit visiblement ailleurs.

- Je devrais savoir quelque chose que j'ignore ? s'inquiéta Hime.

L'autre jeune femme se crispa une fraction de seconde.

- Non, je... enfin… Comme je l'ai dit, Ichigo n'est pas du genre à se dévoiler, bredouilla-t-elle. Moi-même, je ne sais pas tout de lui alors qu'il est mon ami. Euh... Renji a probablement terminé de s'entretenir avec mon frère, et Ichigo et Sado doivent avoir fini leurs affaires de mâles primitifs ! changea-t-elle de sujet sur un ton plus énergique. Nous devrions leur proposer de choisir aussi ce qu'ils souhaitent porter le jour du bal, dans une pièce voisine évidemment. Les connaissant, ils pourraient arriver avec leurs vêtements de la veille, soupira-t-elle. Qu'en dis-tu ? Inoue ?

Celle-ci l'entendit comme à travers un épais brouillard. Elle était encore là, un sac de provisions à la main : la vieille femme qui l'observait sur le port. Un poing serré devant sa poitrine, Orihime frissonna. Qui était cette femme et surtout que lui voulait-elle ? Quelque chose lui disait que ça n'avait rien à voir avec son titre car cette fois, le visage de cette dame exprimait une profonde tristesse. Essayait-elle de lui faire comprendre quelque chose ?

- INOUE !

- Aah !?

Agacée par sa non-réaction, Rukia venait de la secouer. Elle se tourna dans la même direction et observa : divers vendeurs et un flux incessant de passants animaient la ruelle.

- Que regardais-tu avec autant d'intérêt ? fit Rukia, perplexe.

- Rien ! Allons-y ~ ! s'exclama joyeusement Orihime en l'entraînant avec elle, le poing en l'air.

Nul besoin de se retourner pour confirmer que la femme n'était plus là.

{…}

La nuit était tombée, le ciel nuageux, l'air frais. Orihime et Rukia trouvèrent leur tenue idéale pour le bal. Tous les garçons avaient décliné leur invitation « séance d'essayage », ce qui n'empêcha pas les filles de passer un agréable moment en compagnie de Nanao, la couturière officielle du clan Kuchiki. Une jeune femme menue à l'allure fragile mais qui savait se montrer sévère et redoutablement efficace dans son travail. Elle avait également en charge trois apprenties qu'elle formait avec passion et exigence. Au bout d'une heure ou deux, l'estomac d'Orihime gronda bruyamment, imité peu après par celui de Rukia. Loin de s'en émouvoir, Nanao demeura fermement décidée à prendre toutes les mensurations nécessaires avant de les laisser festoyer.

La salle à manger du clan Kuchiki pouvait sincèrement rivaliser avec celle du palais impérial aux yeux d'Orihime. Élégance, raffinement et harmonie résumaient le lieu. Les gravures sur les murs, l'immense peinture à l'huile au plafond représentant un cerisier fleuri et les filigranes dorés sur la vaisselle donnaient une idée précise de l'opulence et l'influence du clan Kuchiki.

Au cours du dîner, Orihime sympathisa avec Sado aussi gentil qu'elle l'avait supposé. Renji et Rukia, eux, alternèrent entre se joindre à une discussion groupée et se chamailler. Quant à Ichigo, il s'était joint à la tablée un peu plus tard. Son arrivée éleva le niveau sonore et doubla les prises de tête. Cette ambiance si différente de son quotidien enchanta Orihime qui y participa volontiers. Pour autant, la femme âgée n'avait pas quitté son esprit. Elle devait savoir, comprendre ce que cette inconnue lui voulait. L'occasion se présenta en fin de soirée.

Dans le bureau de son frère, Rukia finalisait avec lui le nombre d'invités présents le jour de son anniversaire. Renji, de son côté, s'était fait choper par Nanao pour enfin choisir sa tenue de bal. Et alors qu'Ichigo s'était éclipsé Kami sait où, Chad, lui, préféra aller se coucher.

Sa chevelure nouée en un chignon flou dans l'espoir de passer plus facilement inaperçue, son châle brodé autour de ses épaules sur sa longue robe bordeaux foncé, Orihime se dirigeait vers les portes principales du manoir silencieux.

- Où tu crois aller, princesse ?

La désignée se figea, le cœur battant contre ses côtes. Elle inspira pour en calmer la course.

- Qu'est-ce que tu fais là ? articula-t-elle.

- Je te retourne la question. T'es supposée être dans la chambre que tu partages avec Rukia.

- Je l'étais. Kuchiki san est avec son frère alors... um... j'ai décidé de voir le manoir la nuit...

- En commençant par l'entrée ?

- Eh bien, euh... il faut bien commencer quelque part, non ? s'enfonça la beauté auburn, pas plus convaincante.

- Tu ne vois donc pas d'inconvénient à ce que je t'accompagne dans ce cas ? la défia-t-il, sans cacher son exaspération.

Orihime soupira dans la défaite et consentit à lui faire enfin face. Dans l'ombre d'une armure de samouraï, les bras croisés, son sabre à la ceinture, Ichigo se tenait négligemment appuyé dos au mur ; tout de noir vêtu dans ses éternelles bottes, son pantalon près du corps et sa chemise ample donnant un aperçu de son torse ciselé. Nanao avait encore sévi et presque fait enlever de force la blanche qu'il portait en arrivant. « Se promener dans le noble manoir avec une telle horreur crasseuse est une insulte envers le clan Kuchiki ! Ce n'est plus une chemise mais un torchon et tant que tu y es, change aussi de pantalon ! » avait-elle pesté.

Orihime sentit la frustration l'envahir, son souhait de résoudre les étranges apparitions et disparitions de cette femme compromit par l'intervention d'Ichigo. Néanmoins, elle ne manqua pas de relever dans un coin de sa tête que le noir lui allait décidément bien et contrastait agréablement avec ses cheveux orange.

Gyaaah ! Ressaisis-toi, Orihime ! Ce n'est pas le moment de penser à des choses pareilles ! se reprit-elle mentalement.

La lèvre inférieure entre les dents, elle jeta un coup d'œil sur la porte principale protégée par quatre gardes. Peut-être qu'en se dépêchant un peu...

- Je t'aurai rattrapée avant que tu aies pu faire deux pas, la prévint le roux.

La belle expira à nouveau : aucune échappatoire possible. Elle combla les trois mètres qui les séparaient, ce qui eut pour effet de transformer sa frustration en malaise. Kurosaki kun, qui n'avait pas esquissé un geste, la fixait intensément sous sa frange en désordre, intensité renforcée par son aura intimidante.

- Je comptais sortir, dit évasivement Hime en se tordant les doigts.

- J'avais compris, répliqua-t-il sèchement. tu allais exactement surtout si tard ?

Inoue rompit brièvement leur lien visuel.

- Je ne sais pas où tu as passé une partie de la journée, je ne me suis pas montrée curieuse pour autant, se défendit-elle courageusement.

- C'est censé vouloir dire quoi ça ? grogna le jeune homme.

- Simplement que je ne t'ai pas questionné sur... euh... la manière dont tu t'occupes alors tu pourrais en faire autant me concernant.

Elle avait fait son possible pour adopter un ton neutre agrémenté d'un sourire timide. Ichigo plissa les yeux.

- J'étais dans la bibliothèque de Byakuya.

La princesse écarquilla les siens sous la surprise.

- Je sais qu'il ne faut pas se fier aux apparences, je ne me serais pourtant jamais doutée que tu étais un amateur de lecture !

- Je ne me souviens pas avoir sorti ça.

- Qu'aurais-tu fait aussi longtemps dans une bibliothèque si ce n'est pas pour lire des livres ? fit-elle, les sourcils froncés dans une moue amusante.

- Je t'ai dit où j'ai passé mon temps. A ton tour, s'impatienta Ichigo.

L'atmosphère entre eux redevint sérieuse.

- Je te l'ai dit : je voulais simplement aller faire un tour, broda-t-elle sans toutefois croiser ses orbes soupçonneux.

- Ah ouais ? J'ai plutôt l'impression que tu ne voulais pas être vue.

Il se décolla du mur ce qui réduisit davantage l'espace entre eux. Orihime, soudain passionnée par le sol, rosit. Elle n'avait qu'à légèrement avancer le menton pour que son nez touche son torse.

- Alors ? la pressa Ichigo.

Il la vit fermer les poings. Mais toujours pas un mot.

- Je me suis engagé à te protéger auprès d'Ukitake san et de Rangiku san, s'agaça-t-il. La moindre des choses, c'est de me prévenir quand tu te mets en tête de sortir seule en pleine nuit dans une ville que tu ne connais pas, surtout avec des soldats à ta recherche !

Orihime ne resta pas insensible à sa colère justifiée. Ce n'est pas qu'elle ne voulait rien lui dire par manque de confiance ou crainte de sa réaction. Non, le problème résidait ailleurs. L'estomac serré, elle ferma les yeux, des mèches cachant ses joues en raison de sa tête toujours baissée. De la tristesse accompagnée d'un autre sentiment filtraient d'elle.

Troublé, Ichigo ne savait pas comment réagir mais comprit malgré tout qu'il se passait quelque chose. Lui avait-il causé de la peine en haussant la voix ? S'il n'y était pour rien, Orihime avait-elle des problèmes à régler ? S'en allait-elle pour ne plus revenir ? Ses suppositions ne lui plaisaient pas du tout. Pourquoi ? Il n'en était pas certain mais une chose était sûre : pas question qu'elle aille où que ce soit sans lui dire la vérité. La crainte de sortir une parole inappropriée demeurait cependant. Tenter une autre approche semblait préférable. Après un temps d'hésitation, car pas très à l'aise dans ce genre de situation, Ichigo choisit de poser ses grandes mains sur les épaules d'Orihime qui tremblèrent. Persuadé d'avoir franchi une ligne interdite, le roux jugea plus sage de se retirer et s'excuser. A son grand étonnement, une petite paume retint sa main gauche, lui donnant apparemment la permission de rester là. Ichigo déglutit, le cœur emballé. Qu'allait-il se passer ?

De son côté, Orihime cherchait à mettre de l'ordre dans son coeur. Elle était de nature à encaisser, ne pas se plaindre. Sa mère lui avait rabâché toute sa vie qu'une impératrice ne doit jamais se montrer faible. Hélas, malgré ses efforts, venait immanquablement le moment où Orihime avait besoin d'être rassurée. Son père répondait toujours présent pour la réconforter, trouver les mots.

Sa relation avec Ichigo en était encore au stade de la découverte de l'autre, bien qu'elle ne sache pas grand-chose de lui. En dépit de son caractère parfois volcanique, Orihime sentait qu'elle pouvait lui faire confiance, ce qui avait du bon étant donné qu'ils voyageaient ensemble. Elle voulait être forte, ne pas se montrer émotionnellement faible devant lui, comme le jour de leur rencontre. Malgré ce que cela impliquait, Orihime réalisa ne plus pouvoir faire semblant. Son père n'était pas là, Ichigo si. S'il ne l'avait pas surpris sur le point de filer en douce, pas sûr pourtant qu'elle aurait craqué aussi vite. Était-elle arrivée à un stade de non-retour dans la gestion de ses sentiments ou bien Kurosaki kun détenait-il le pouvoir de lui donner envie de se dévoiler ? Orihime n'en avait aucune idée.

- Que faisais-tu là, Kurosaki kun ? répéta-t-elle, la voix instable. J'ai besoin de savoir.

Ce dernier, encore focalisé sur le fait qu'elle l'ait autorisé à la toucher, cligna des yeux pour revenir à la réalité.

- Je te trouve bizarre, l'éclaira-t-il, ses iris rivés sur le sommet de sa tête auburn. Sur la route de Nargoya, tu parlais beaucoup, tu laissais ton imagination vagabonder et tu as tenté de nous faire avaler des mélanges douteux, frissonna-t-il. Dès qu'on a quitté Ichimaru et Rangiku san, tu as plongé dans tes pensées au point que Renji et moi, on a dû insister plusieurs fois pour attirer ton attention. En plus, toi qui es du genre à t'extasier pour un rien, tu t'es isolée sur le bateau sans faire un commentaire sur le paysage. Je pense donc que quelque chose cloche chez toi, finit-il.

La princesse laissa l'ombre d'un sourire orner ses lèvres.

- Renji kun avait raison en fin de compte, ton côté protecteur te pousse à t'inquiéter.

- Quoi ?

Elle secoua négativement la tête.

- Ne fais pas attention.

Ichigo était franchement perdu.

- Orihime...

La jeune femme pressa sa main toujours sur son épaule, attirant de ce fait une nouvelle fois son attention sur leur intrigante proximité, qui différait de celle dans le jardin de Rangiku san. Décidée, la belle recroisa ses orbes bruns.

- Je me suis sentie observée aujourd'hui : sur le quai et en me promenant avec Kuchiki san. Les deux fois, il s'agissait une vieille dame.

- J'admets que c'est bizarre mais je ne vois pas le rapport avec ta sortie nocturne, répondit Ichigo.

- Je partais à sa recherche, je pense qu'elle veut me dire quelque chose, déclara Hime, la gorge déjà nouée. D'après son apparence, je pense qu'elle réside dans le Rukongai. C'est là-bas que je me rendais.

Le jeune homme la regarda comme si elle était devenue folle.

- Tu n'es pas sérieuse ? Le Rukongai est encore plus grand que le Seireitei, divisé en différentes parcelles où vivent toutes sortes de gens en fonction de leur classe sociale. Ça implique des tarés et pire encore ! Ça ne vaut pas le coup de risquer ta vie pour cette femme qui pourrait être n'importe où !

- Je dois la retrouver, s'entêta Orihime qui refusait de laisser tomber.

- Pourquoi ?!

Le courage d'Orihime faiblit. C'était une erreur de le mêler à ses histoires. Elle le savait. Il ne pouvait pas comprendre.

- Pardon de t'avoir embêté avec mes problèmes, abrégea-t-elle la discussion.

- C'est moi qui t'ai demandé des explications.

La tension d'Ichigo recommença à grimper. Elle lui cachait un truc, c'était évident. Pourquoi ne disait-elle rien ? Leur dispute dans le salon de Rangiku san ne lui avait-elle pas servi de leçon ?! Ce souvenir désormais à l'esprit, Ichigo se souvint également que crier sur Orihime pour obtenir des informations n'était pas la solution. Il ne voulait pas être encore responsable de ses larmes versées. C'est bien alors qu'il essaya de reprendre de contrôle de son humeur.

- Pourquoi tiens-tu tant à retrouver cette femme ? demanda-t-il plus calmement.

Encore cette manie agaçante de contempler le sol et garder la bouche close. Ichigo serra les dents. Bon sang, elle ne l'aidait vraiment pas. Il devait pourtant tenir et lutter contre son impatience qui lui faisait souvent dire des conneries.

- Que peut-elle t'apporter ?

La princesse l'entendit tout comme son exaspération mal dissimulée. Le nerf du problème la poussait à se taire : en partageant la vérité avec lui, ça la rendrait réelle. Incontestable. Et Orihime n'était pas certaine d'être prête. Ses prunelles grises égarées sur l'armure de samouraï, elle haleta presque quand une main chaude se posa sur sa joue pour lui faire tourner la tête. Une déception difficile à interpréter se déploya dans son être lorsqu'Ichigo la retira.

- Qu'est-ce que tu ne me dis pas ? l'encouragea-t-il à voix basse.

Il ne devait pas exister plus borné et déterminé que lui dans tout le Japon, ne put s'empêcher de penser Orihime dont la volonté de ne rien dire vacilla : les dernières fondations sur lesquelles elle reposait s'écroulèrent.

- Rangiku san m'a révélé un secret impliquant ma mère, commença-t-elle, les larmes aux yeux.

- Tu es aussi concernée par ce secret si Rangiku san t'en a fait part, c'est ça ? l'interrogea-t-il, pressentant que ce n'était pas anodin.

- En quelque sorte, oui.

La beauté auburn marqua une pause avant de formuler la vérité dont elle ne pourrait plus nier l'existence. Ichigo pressa doucement son épaule pour l'aider à sa façon. Il la sentait indécise et refusait qu'elle s'arrête en si bon chemin. Il voulait savoir.

- Ma mère a donné naissance à un fils avant ma naissance, confessa-t-elle, un énorme poids sur la poitrine. Elle l'a confié à une famille sans dire qu'il s'agissait de son enfant et des années plus tard, l'a fait condamner à mort.

Choqué, Ichigo resta sans voix.

- En lui montrant le portrait de l'homme que je cherche, Rangiku san m'a appris qu'il s'agissait en réalité de mon frère et qu'il est bel et bien vivant, poursuivit Inoue sans retenir ses traînées salées. Lui seul a le pouvoir d'annuler mon mariage et mettre fin à l'association de ma mère avec Aizen.

Elle s'entoura de ses bras dans un geste de protection, de réconfort.

- C'est grâce à Rangiku san que j'ai compris pourquoi ma mère ne m'aime pas, préférant le pouvoir. En plus de devoir vivre avec cette vérité, je dois retrouver un homme qui a subi un sort pire que le mien et lui demander de tout sacrifier pour moi qui ne suis rien à ses yeux ! pleura-t-elle. Je ne sais pas quoi faire...

Le chagrin qu'elle réprimait prit possession d'elle à travers son flot continu de larmes et ses sentiments contradictoires qu'elle n'avait plus la force de démêler. Pour Orihime s'ajoutait une autre réalité virulente : il lui fallait faire le deuil de l'amour d'une mère. Sa vie entière était remise en question, elle ne devrait pas faire partie de ce monde. Elle aimait son père, mais il ne représentait que la moitié de ce qu'elle était. L'autre moitié n'était que néant et elle devait trouver le moyen de se construire avec.

Une odeur familière lui emplit le nez par le biais d'un bout de tissu, une agréable chaleur se diffusait sur la partie droite de son visage et, enfin, un cœur battait contre son oreille. Abasourdie, Orihime réalisa être contre le torse d'Ichigo sans savoir si elle avait pris l'initiative dans son besoin d'être consolée ou s'il l'avait attirée contre lui. Déboussolée, elle entreprit de reculer et vite déverser une rivière d'excuses. L'occasion ne lui en fut pas donnée. Hime écarquilla ses océans gris, faisant ainsi chuter ses dernières larmes, quand Ichigo posa une main sur ta tête, l'autre sur son dos. Il n'y avait pas de message plus clair : ce rapprochement intime ne le dérangeait pas. Écarlate, Orihime ne savait pas comment réagir ni même quoi dire. Une chose était indéniable néanmoins : le réconfort qu'elle recherchait, elle le trouva dans ses bras. Elle avait passé tant de temps à se torturer l'esprit qu'elle préféra profiter de cette parenthèse sereine plus que bienvenue.

- Ce que tu vis n'est pas facile, débuta Ichigo dans un murmure. L'impératrice ne mérite pas que tu lui accordes de l'importance pour l'instant, tu dois retrouver ton frère.

- Et lui demander de sacrifier sa vie pour la mienne ? C'est tellement égoïste.

- Tu ne fais pas cette démarche par plaisir, ta mère te l'impose. C'est à ton frère de faire son choix. S'il refuse, on trouvera une autre solution.

- Laquelle ? Je n'ai aucune option, se lamenta-t-elle.

Le cœur du jeune homme pulsa.

- Tu m'as moi, lui rappela-t-il sur un ton ferme. Combien de fois il faut que je te le répète ?

- C'est simplement que…

- Non, la coupa Ichigo qui se fichait de la suite. Je ne te laisserai pas tomber alors je t'interdis de baisser les bras. Peu importe le moyen, on fera barrage aux projets de ta mère, son toutou de conseiller et son salaud de fils qui veut t'ôter la vie !

Sa témérité enveloppa Orihime comme un bouclier. Il avait raison, elle ne pouvait s'avouer vaincue sans avoir tout tenté.

- Je me défendrai jusqu'au bout, promit-elle en nouant ses bras fins autour de lui.

Cette fois, Orihime eut parfaitement conscience de son geste. Aucune réflexion, simplement l'envie de resserrer leur lien dans ce moment bouleversant. Tout ce qu'elle avait en tête actuellement, c'est qu'Ichigo apaisait ses craintes et ressuscitait son espoir. Ce n'était pas tout : les rares étreintes (autres que celles de son père) qu'elle avait reçues au cours de sa vie, elle y avait toujours répondu, une manière de s'en imprégner. Ichigo, en cet instant, ne faisait pas exception.

La stupéfaction, c'est ce sentiment qui régnait en Ichigo lorsque les mains de la femme dans ses bras se posèrent sur son dos. La femme dans ses bras. Rien que cette évidence dut faire son chemin. Il avait tué plusieurs fois sous ses yeux innocents, il était recherché, sa tête mise à prix. Pourtant, la femme dans ses bras l'enlaçait en retour. Cela n'avait pas le moindre sens pour lui, aussi préféra-t-il chasser ses interrogations dans un recoin de son esprit.

- Je préfère entendre ça, souffla-t-il. Et la vieille femme dans tout ça ?

- Rangiku san m'a dit que la famille de Sora kun… je veux dire, Sora nii s'est installée dans le Rukongai, se corrigea-t-elle difficilement.

- Tu penses que cette femme pourrait t'aider à les retrouver, conclut-il. C'est un peu tiré par les cheveux, cette femme pourrait être n'importe qui et rien à voir avec ton frère.

- Je croyais que tu me soutenais ? lança Inoue, déçue.

- C'est le cas, renforça Ichigo. Seulement là, il pourrait aussi bien s'agir d'un piège que de rien du tout. Le risque est trop grand pour ce que tu pourrais en tirer.

Orihime agrippa sa chemise au niveau de ses pectoraux et leva la tête vers lui. Son mouvement fit glisser la main du roux sur sa nuque. Cette recherche du moindre indice lui tenait vraiment à cœur désormais. En dehors du reste, rencontrer Sora en tant que frère n'avait pas de prix, elle qui avait si souvent connu la solitude. Ichigo devait entendre et accepter sa décision. Leur rapprochement inattendu donna à Orihime le courage nécessaire pour cela.

- C'est ma seule piste, Ichigo kun, je dois la suivre et voir où elle me mènera, déclara-t-elle fermement, une inhabituelle détermination teintant ses perles argentées. Je suis persuadée que cette femme ne s'est pas montrée deux fois sans raison, elle essayait de me transmettre un message. Il me faut la retrouver pour en avoir le cœur net.

Ichigo ne put nier qu'elle semblait aussi sincère que motivée notamment pour laisser tomber son nom de famille pour son prénom. Elle le plaçait enfin au même niveau que Renji. Il garda évidemment pour lui cette satisfaction.

- D'accord, Orihime, céda-t-il à contrecœur en espérant ne pas le regretter. Hors de question pour autant de te laisser partir seule à l'aventure, je viens avec toi. Allons-y.

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Bonjour / bonsoir à tous ! =) Je suis soulagée de poster enfin ce chapitre parce que pendant longtemps, je n'en voyais pas la fin. J'ai dû modeler et supprimer des passages, car j'ai surestimé ma capacité à faire tenir toutes mes idées dans le nombre de pages que je me suis imposé. Qu'à cela ne tienne, je suis parvenue sortir un chapitre qui me plaît et qui je l'espère vous a plu !

Merci pour la lecture, les reviews sur le chapitre précédent m'ont fait plaisir ! CaptainMai, je te renouvelle ici mes remerciements pour le travail monstre que tu as accompli avec mes histoires. J'ai vraiment aimé les redécouvrir sous un format différent et tellement réaliste !

Soyez prudents en cette période compliquée qu'on a hâte de classer dans le passé, rayon « mauvais souvenirs »... A la prochaine avec le chapitre 5 ;)