Disclamer : Rien ne m'appartient
Titre : Wild With All Regrets
Auteur : Cithara
Traducteur : Ange Phoenix
Bêta : Antidote
Résumé : Deux ans après la bataille finale, Severus languit à Azkaban avec peu d'espoir de gagner sa liberté. Le ministère accepta finalement de tenir un procès, attendu depuis longtemps, à une seule condition : que Severus soit remis à la garde de Harry pendant la période de liberté conditionnelle. Severus et le monde des sorciers avaient changé entre-temps, et Severus devait se réconcilier avec ses deux changements.
Autorisation : J'ai l'autorisation de l'auteure pour cette fanfiction
Wild With All Regrets
Chapitre 4
« Eh bien, je dois dire que je suis très satisfaite de vos progrès, » dit Maggie alors qu'elle et Severus redescendaient après l'avoir examiné.
« Facile à dire pour vous, vous ne vivez pas dans cette épave qui me sert de corps », grogna Severus en la suivant et en reboutonnant les derniers boutons de sa chemise.
« Ce n'est pas une épave », argumenta Maggie en se retournant vers le bas de l'escalier, Severus devant s'arrêter brusquement pour éviter de lui rentrer dedans. « Vous avez pris un kilogramme et ta blessure guérit bien. Je vous avais dit que ce serait un processus lent. »
« Il ne fait pas dans le processus lent », dit ironiquement Harry depuis sa place au coin du feu, continuant à regarder le livre sur ses genoux.
Severus le toisa fixement, ou plutôt, il lui lança un regard sur le côté de la tête tandis que l'homme continuait à lire. « Alors que vous êtes réputé pour posséder le don de la patience », dit-il en injectant à ses mots un ricanement aussi fort qu'il pouvait le faire.
Il vit la lèvre de Harry se plisser légèrement, mais il ne leva toujours pas les yeux.
Maggie s'écarta et Severus entra dans le salon, essayant d'éviter le regard sévère, rempli de reproches, que la femme lui adressait.
« Ces choses-là n'arrivent pas du jour au lendemain », dit-elle en se dirigeant vers l'autre fauteuil et en extrayant son dossier de la chemise qu'elle portait, puis en sortant un stylo de sa robe et en commençant à griffonner quelques notes dans la marge.
« J'en suis bien conscient », dit Severus en essayant de ne pas laisser transparaître l'irritation dans sa voix.
Harry leva les yeux vers lui, son expression plus amusée que réprobatrice, et inexplicablement Severus sentit ses nerfs irascibles s'apaiser quelque peu.
« Réfléchissez, » dit Harry en posant son menton sur son poing tout en continuant à le regarder, « toutes ces fois où vous m'avez dit que je me comportais comme un enfant irascible, vous me donnez vraiment du fil à retordre maintenant. »
« Je ne suis pas — » commença à grogner Severus, mais Harry se contenta de sourire et de dire,
« Voyons Severus, cette couleur que vous commencez à prendre ne vous va pas du tout au teint. »
« Ne cracher pas des bêtises, les enfants », dit Maggie en continuant à apporter ses modifications au dossier médical de Severus.
« Oh qu'ils s'y mettent », dit Ron, apparaissant dans l'embrasure de la cuisine, un gros morceau de sandwich à la main. « Ils sont plus heureux quand ils s'entretuent », ajouta-t-il avant de prendre une bouchée d'une taille impensable.
Severus redirigea son regard noir vers le rouquin, mais c'était plutôt modéré, car il savait que les mots de Ron étaient vrais. Deux semaines s'étaient écoulées depuis la conversation qu'il avait eue avec Harry sur ce qui s'était passé la nuit de la bataille finale et il semblait que ça avait apaisé les choses entre eux. Ils n'étaient plus en train de se tourner autour, prudemment, d'entretenir des conversations trop polies, de s'assurer qu'ils se comportaient au mieux.
Severus avait été surpris par la facilité avec laquelle ils s'étaient familiarisés. Ils se trouvaient sur un terrain stable et reprenaient l'habitude de s'insulter, mais maintenant sans rancune. Severus commençait à se sentir plus proche de lui-même que de la silhouette à moitié morte qu'on avait ramenée dans le monde des vivants au départ.
Il y avait très peu du garçon qu'il avait connu autrefois dans l'homme qu'il apprenait à connaître. Harry avait l'esprit vif et donnait le meilleur de lui-même quand Severus l'affrontait. Il avait un sens de l'humour étonnamment sophistiqué et était plus que prêt à relever le défi de répondre aux commentaires caustiques et acerbes de Severus. Découvrir qu'il appréciait Harry était presque aussi choquant que de découvrir qu'il trouvait l'homme attirant.
« Maintenant que vous avez pris un peu de poids, je pense qu'il est temps d'introduire de l'exercice dans le plan de votre rétablissement », dit Maggie en le regardant après avoir lu ses notes. « Rien de trop intense, peut-être un peu d'aérobic léger ou... »
Elle fut interrompue par un grognement très fort et très amusé de Harry, et Severus le regarda en levant un sourcil. L'homme ricanait pratiquement tandis que Ron et Maggie se contentaient de le regarder avec perplexité.
« Et qu'est-ce qui est si drôle, je vous prie ? » demanda Severus, provoquant un nouveau grognement inélégant de la part de Harry.
« L'idée de vous voir faire de l'aérobic ! » dit Harry en se laissant aller à des rires. « Je vous imagine très bien en legging fluo, avec des chaussettes hautes et un bandeau, donnant du fil à retordre à Jane Fonda ! »
« Vous êtes dangereusement proche de finir en ingrédient de potions », lui grogna Severus, ce qui ne sembla que l'amuser davantage, et il continua à ricaner de manière incontrôlable tandis que Severus faisait de son mieux pour empêcher sa lèvre de tressaillir en réponse.
« Peut-être pas de l'aérobic », dit Maggie en regardant Harry comme pour vérifier s'il avait perdu la tête. « Une petite marche devrait suffire, il y a de nombreuses occasions d'en faire par ici. Ça ne te ferait pas de mal d'y aller aussi », dit-elle en s'adressant à Harry, qui semblait encore amusé par son propre trait d'esprit.
« Je n'ai pas besoin d'exercice », protesta Harry en se redressant dans le fauteuil pour mettre en valeur son physique. Severus fit de son mieux pour empêcher ses yeux de suivre les mouvements de l'homme.
« Tout le monde a besoin d'exercice », dit Maggie d'un ton posé, en refermant le dossier et en le replaçant dans la chemise. « Tu passes beaucoup trop de temps enfermé ici, ça te ferait du bien de sortir de temps en temps. »
« Je suis occupé », protesta Harry. « Je n'ai pas le temps de partir en randonnée ! »
« Je ne suggère pas une randonnée », dit Maggie comme si elle s'adressait à un enfant de cinq ans, « mais une promenade de trente minutes chaque jour vous ferait du bien à tous les deux. »
Elle rangea le dossier et se leva comme si elle déclarait l'affaire réglée, puis se dirigea vers le perron pour récupérer sa cape. « C'est toujours d'accord pour samedi ? » demanda-t-elle à Harry en attachant le fermoir à sa gorge.
« Samedi ? » demanda Harry en fronçant les sourcils.
« Oh franchement ! » Maggie se renfrogna. « Ça fait des lustres qu'on a organisé ça ! Le mariage de mon cousin, tu te souviens ? Tu as accepté d'y aller avec moi. »
« Oh, merde, c'est ce samedi ? » interrogea Harry en se passant une main dans les cheveux.
« Oui Harry », dit Maggie, les mains sur les hanches.
Ron et Severus échangèrent un regard, heureux de ne pas avoir à subir le mécontentement de Maggie. Harry ouvrit la bouche pour reprendre la parole, mais Maggie le coupa en disant.
« Ne t'avise pas de dire que tu ne viendras pas. J'ai dit à tout le monde que tu serais là et si je me présente à une autre fête de famille sans quelqu'un à mon bras, je n'en finirai pas d'entendre parler de ça ! »
« Je ne peux pas abandonner Severus », dit Harry en lui jetant un regard désespéré.
« Je suis sûr que je suis parfaitement capable de passer une soirée seul », dit-il doucement, et les narines de Harry s'évasèrent légèrement tandis qu'il lui lançait un regard noir.
« Bien, c'est réglé », dit Maggie avec un hochement de tête. « Je viendrai te chercher à 16 heures, sois prêt ! »
Heureusement, Maggie avait transplané avant de voir le salut à deux doigts qu'Harry lui envoya. Il jeta son livre sur la table basse et marmonna : « Je déteste les mariages. Pourquoi ai-je accepté d'y aller ? Et vous n'avez été d'aucune aide ! » dit-il en se tournant vers Severus.
Severus haussa les épaules et lui lança un sourire en coin. « Vous auriez dû faire plus attention à ces commentaires sur le legging, n'est-ce pas ?
» Sale type », grogna Harry, en se levant et en se dirigeant vers la cuisine.
Severus s'autorisa un petit grognement d'amusement et s'installa sur le canapé. Malgré les protestations de Harry, il se demandait, et ce n'était pas la première fois, si sa relation avec Maggie était plus qu'il n'y paraissait. En ce qui le concernait, les gens assistaient généralement aux mariages des personnes avec lesquelles ils avaient une relation, et Maggie avait dit qu'elle avait dit à sa famille qu'il serait là.
Il s'était dit que ça ne le dérangeait pas, qu'est-ce que ça pouvait lui faire qu'ils se voient ? Malheureusement, il était beaucoup moins doué pour se mentir à lui-même qu'aux autres.
Il fut distrait par un Ron qui s'éclaircit la gorge et se pencha en avant sur sa chaise avant de dire : « Pourrais-je vous parler de quelque chose, professeur ? ».
« Nous devons l'appeler Severus, tu te rappelles ? » fit la voix de Harry depuis la cuisine, accompagnée des bruits habituels que Severus entendait lorsqu'Harry préparait le déjeuner. « Mais ne l'appelle pas "Sevvie", ça ne passe pas très bien. »
Severus roula des yeux et dit à Ron : « Que puis-je faire pour vous ? »
« Eh bien, c'est un peu délicat », dit Ron avec un soupir. Il tapota ses doigts sur ses genoux pendant un moment avant de dire : « Draco veut venir vous voir ».
Severus attendit de voir ce qu'il y avait de délicat là-dedans, mais comme Ron ne dit rien de plus, il dit : « Je ne vois pas où est le problème. »
« Il ne sait pas s'il sera le bienvenu, il pense que vous le détestez », dit tristement Ron.
« Quoi ? » s'exclama Severus avec incrédulité. « Vous n'êtes pas sérieux ? »
« Vous ne savez pas ce qu'il a traversé ces deux dernières années, il est... il est si différent du garçon dont vous vous souvenez. Il ne s'est jamais pardonné ce qui s'est passé avec... avec Dumbledore, il est complètement rongé par la culpabilité d'avoir dû intervenir et d'être celui qui... » Ron se tut, visiblement mal à l'aise. Il prit une grande inspiration et se frotta la nuque, puis il dit : « Je pense que ce serait vraiment bien qu'il vienne vous voir, mais si vous ne voulez pas le voir, je trouverai un moyen de le lui annoncer gentiment. »
« Bien sûr que je le verrai », dit Severus, n'ayant pas besoin de réfléchir à la question. « Il n'était qu'un enfant quand tout ça est arrivé, comment pourrait-il penser que je lui en tiendrais rigueur ? »
« Il a traversé beaucoup d'épreuves », dit doucement Ron. « Il a passé beaucoup de temps à faire un examen de conscience assez sérieux. Je doute que vous reconnaissiez l'homme qu'il est devenu. »
« Eh bien, ça ne sera pas différent. J'essaie toujours de me réconcilier avec vous et Harry. »
Ron lui fit un sourire en coin et dit : « Je suppose que nous sommes tous différents. Beaucoup de choses ont changé. »
Severus hocha la tête. « Dites-lui que je serais plus qu'heureux de le voir. »
Ron eut l'air soulagé. « Merci, c'est un poids en moins sur mon esprit. Je l'amènerai dans une semaine environ, si ça ne vous dérange pas ? »
« Ça va aller. En attendant, essayez de le rassurer en lui disant qu'il n'a rien à craindre de moi. »
« Croyez-moi, je lui répète ça depuis des lustres, mais il ne le croira pas tant qu'il ne l'entendra pas de votre bouche. »
Severus était assis seul dans le fauteuil au coin du feu et lisait le dernier journal de Potions qu'Hermione lui avait procuré. Harry était sorti avec Maggie pour assister au mariage de son cousin et il ne savait pas à quelle heure il devait rentrer. Il était parti, très élégant dans une robe bleu foncé taillée à la perfection, se plaignant tout le temps qu'il détestait les mariages et s'assurant que Maggie savait qu'elle lui était redevable.
C'était la première fois que Severus était seul depuis près de deux mois, et bien que cela ne le dérangeait pas nécessairement, la compagnie de Harry lui manquait. Il avait toujours été habitué à une existence solitaire, même à Poudlard, il n'avait pris ses repas avec le personnel que parce que c'était obligatoire, et il avait été heureux de rester dans ses appartements autant que possible.
Mais aujourd'hui, après deux ans d'isolement, sans aucun contact humain, il avait appris à apprécier la compagnie. Il ne l'aurait jamais admis, mais il aurait été difficile de trouver une meilleure compagnie que celle de Harry. Il appréciait le temps qu'il passait avec l'homme, lui parlant et le taquinant, appréciant l'esprit vif de la langue de Harry et la façon dont l'homme était capable de tenir une conversation animée et stimulante.
Il posa le journal sur la table basse et appuya sa tête contre le fauteuil, fermant les yeux un instant. Sa vue n'était plus ce qu'elle avait été ; le temps qu'il avait passé enfermé avait fait des ravages sur tous les aspects de sa santé, et sa vision n'en était pas sortie indemne. Il lui était difficile de se concentrer sur des documents pendant de longues périodes, et c'était encore pire le soir, quand il y avait moins de lumière. Il lui était également difficile de s'adapter aux changements de lumière et, tôt ou tard, il devrait vaincre sa fierté et admettre qu'il avait probablement besoin de lunettes.
Dans l'ensemble, sa santé s'améliorait lentement. L'acclimatation à la vie hors d'Azkaban avait été à la fois difficile et euphorique. Avoir retrouvé sa liberté et sa santé mentale était plus que merveilleux, et chaque jour, il était reconnaissant pour les plaisirs simples de respirer et de dormir dans le confort et la sécurité. Mais cela ne changeait rien au fait qu'il se sentait à la dérive dans un monde qu'il n'était plus sûr de comprendre. Tout lui semblait étrange, et lui-même se sentait étrange en conséquence.
Il ne savait plus où était sa place, ni à quoi il servait, si ce n'était à préparer pour le Ministère des potions que personne d'autre ne semblait capable de préparer. Il n'avait pas de revenu, pas de maison à lui, et pas de véritable but au jour le jour. Il savait qu'il devait vivre discrètement en attendant son procès, mais le problème était qu'il n'avait aucune idée de ce qui pouvait y avoir au-delà. Il savait que la fondation de Harry avait mis en place un programme pour ceux qui avaient besoin d'être réintégrés dans la société sorcière, mais l'idée d'en avoir besoin ne lui plaisait pas.
Il était sur le point d'abandonner et d'aller se coucher lorsqu'il entendit un bruit sec à l'extérieur de la maison alors que la porte d'entrée s'ouvrait brusquement. Maggie apparut sur le perron, tenant dans ses bras ce qui semblait être un Harry très mal en point. Elle le traîna dans la pièce et le jeta sur le canapé tandis que l'homme gémissait et se blottissait contre le côté du canapé, regardant Maggie.
« Mais qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda Severus, il se leva et rejoint Maggie, en regardant Harry qui dirigea son regard vers lui.
« Certaines personnes ne peuvent pas gérer leur alcool », répondit Maggie en serrant les dents. « Reste là, je vais te chercher de l'eau », dit-elle à Harry en se dirigeant vers la cuisine, Severus la suivant.
Elle sortit un verre d'un des placards et le remplit d'eau du robinet, puis se tourna vers Severus et dit : « J'aurais dû savoir qu'il ne fallait pas le laisser mettre la main sur ces deux derniers verres de vin. Il boit à peine et il ne le supporte pas bien quand il le fait. Au moins je l'ai ramené ici avant qu'il ne commence à devenir larmoyant. »
Elle retourna dans le salon, et Severus resta dans l'embrasure de la porte, la regardant s'agenouiller devant Harry et glisser une main derrière sa tête, la tenant en l'air alors qu'elle mettait le verre d'eau à ses lèvres.
« Bois-le, espèce d'idiot, avant que je ne te le verse sur la tête », lui dit-elle d'un air contrarié.
« Mmf, je peux me débrouiller », protesta Harry en se mettant dans une position assise délicate et en prenant le verre des mains de la jeune femme.
« Écoutez, je suis désolé de vous faire ça, mais je dois vraiment retourner à la fête. Ça vous dérange si je le laisse avec vous ? » interrogea Maggie.
« Il n'y a pas vraiment le choix, » dit Severus avec ironie, « il vit ici. Bien que je m'attendais à ce qu'il reste avec vous ce soir. »
« Moi ? Pourquoi resterait-il avec moi ? »
« Eh bien » dit Severus, mal à l'aise. « Vous deux étant... »
« Harry et moi ne sommes pas ensemble », dit Maggie avec un sourire. « Loin de là ! Je ne suis pas le bon genre pour lui et il n'est vraiment pas mon type même si je l'étais ! Et moi qui pensais que vous étiez doué pour lire les situations. J'imagine qu'Azkaban a mis à mal vos sens aiguisés, hein ? ».
Severus se hérissa en entendant ses commentaires et aurait pu répliquer si un petit coin de son cerveau ne lui criait pas que Maggie venait de lui dire que Harry était gay. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais rien n'en sortit. Maggie lui sourit et dit :
« Pour satisfaire votre curiosité, Harry est en couple avec personne, je pense qu'il attend l'homme idéal. »
« Vous parlez de moi ? » demanda Harry, levant des yeux troubles vers eux, à peine capable de réaliser qu'il avait entendu son nom.
« Oui, de toi, pas à toi, alors mets ta ceinture », répondit Maggie. « Je dois vraiment y retourner, désolée de vous laisser avec lui. Mettez-lui juste un peu d'eau dans la gorge et mettez-le dans son lit. »
« C'est votre avis médical, c'est ça ? » demanda Severus avec un sourcil levé et elle sourit avant de transplaner.
Severus soupira et regarda Harry, qui sirotait son eau comme un enfant qui n'avait pas l'habitude de boire dans une vraie tasse.
Il demanda : « On vous met au lit ? » et Harry leva les yeux comme s'il cherchait à savoir qui lui avait parlé.
« Je ne suis pas fatigué », dit-il en bafouillant ses mots.
« Vous avez du mal à vous tenir droit », argumenta Severus.
« Je ne veux pas aller me coucher. Pas fatigué et le monde devient bizarre quand je m'allonge. Vous pouvez me faire quelque chose pour que ça s'arrête ? »
Severus secoua la tête et s'assit sur le canapé, à côté de Harry, lui prenant le verre des mains avant qu'il ne glisse. « Je crains que ce genre de potion ne prenne vingt-quatre heures à préparer. »
Harry renâcla et a dit : « Vous dites ça pour me faire souffrir. » Il gémit et laissa sa tête tomber en avant dans ses mains, gémissant doucement : « Je déteste boire. Je ne le fais jamais, ça ne me convient pas. J'aurais dû dire non au whisky. »
« Le whisky ? » fit écho Severus, regardant Harry avec amusement. « Pas une idée judicieuse pour quelqu'un qui n'a pas l'habitude de boire. »
« Parce que, c'est un truc de famille. Tous les Weasley boivent comme des trous, vous voyez, Bill et Charlie, c'est fou. Est-ce que ma mère buvait ? » demanda Harry, et Severus se sentit brusquement réveillé.
« Quoi ? » demanda-t-il, et Harry leva les yeux pour le regarder.
« Ma mère, est-ce qu'elle buvait ? » demanda-t-il encore.
Severus fronça les sourcils, incapable de comprendre comment Lily avait été amenée dans la conversation et confus de savoir pourquoi Harry l'interrogeait à son sujet.
« Je... ne sais pas », répondit finalement Severus, déconcerté par le fait que Harry continuait à le regarder.
« Mais vous la connaissiez pourtant, n'est-ce pas ? Je veux dire que vous la connaissiez vraiment, tous ces souvenirs, tous ces trucs dans ta tête. Vous... l'aimiez », dit-il, ses yeux se fermant puis se rouvrant quelques instants plus tard.
« Harry... » commença Severus, ne voulant pas avoir cette conversation dans ces circonstances, voire pas du tout.
« Toutes ces années et je ne l'ai jamais su », dit doucement Harry, secouant la tête puis regardant comme s'il regrettait son geste. « Pas étonnant que vous me détestiez. »
« Harry, je ne vous ai jamais détesté », dit fermement Severus, et Harry le regarda en fronçant les sourcils.
« Si, vous m'avez détesté », dit-il en hoquetant légèrement. « Vous me détestiez parce qu'elle est morte pour moi et que vous l'aimiez. »
Severus prit une profonde inspiration et essaya de trouver la meilleure façon de gérer la situation. Il savait qu'à un moment donné, cette conversation allait avoir lieu, que Harry voudrait des réponses de sa part, mais il n'était pas sûr qu'il soit prudent de ratisser de vieux os alors que Harry pouvait à peine voir clair.
« Je pense que vous avez légèrement mal interprété les choses », commença-t-il finalement. « J'étais très jeune quand j'ai rencontré votre mère, et j'ai été bouleversé. Elle a été la première amie que j'ai eue, la première personne qui m'a traité comme un être humain, qui m'a montré de la gentillesse. Pendant un long moment, j'ai cru être amoureux d'elle, alors que j'étais trop jeune et trop naïf pour comprendre que l'adoration pouvait être confondue avec quelque chose de plus significatif. »
Il marqua une pause, détestant le fait de devoir revivre ces souvenirs, de devoir affronter toutes les choses qu'il avait enterrées depuis si longtemps. Son amitié avec Lily, toute sa jeunesse, n'étaient pas des parties de sa vie qu'il voulait examiner de trop près. Il avait fait des erreurs qui avaient noirci toute sa vie et il n'avait pas encore réussi à réconcilier ces choses dans son propre esprit, et encore moins à essayer de les expliquer à une autre personne.
Il savait qu'il le devait à Harry, que l'homme avait tous les droits de lui poser des questions sur les souvenirs qu'il avait vus, de comprendre les circonstances qui les avaient conduits là où ils étaient maintenant. Cela ne signifiait pas que ce n'était pas douloureux, et Severus n'était pas doué pour affronter ses propres émotions ou pour déterrer des choses qui auraient dû être enterrées depuis longtemps.
« J'ai fini par comprendre que ce que je ressentais n'était pas de l'amour, du moins, pas au sens romantique du terme. Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre que votre mère n'était pas la bonne personne pour moi... que... qu'aucune femme ne serait la bonne personne pour moi. J'ai mis du temps à me réconcilier avec ça. »
« Pas la bonne personne pour vous ? » répéta Harry, fronçant les sourcils vers lui, essayant visiblement de démêler les faits dans son esprit brumeux. « Parce qu'elle était... oh », dit Harry avec un long soupir. « Vous êtes... vous n'êtes pas... oh », dit-il à nouveau, apparemment à court de réponses. « Mais j'ai vu », protesta-t-il. « J'ai vu quand elle est morte... vous aviez... le cœur brisé », dit-il, en prononçant le mot avec beaucoup de précautions autour de son bredouillement.
« Bien sûr que je l'avais », répondit Severus, « tout comme vous l'auriez eu si Ron ou Hermione était mort. Ce n'est pas parce que je n'étais pas amoureux d'elle que je n'ai pas été dévasté par sa perte. Le fait que tout soit de ma faute a rendu la chose... insupportable. »
Il n'avait pas voulu faire ça, il n'avait pas voulu s'asseoir devant Harry et admettre que si ses parents étaient morts, c'était à cause de lui. La culpabilité l'avait rongé au fil des ans et il y avait fait face de la seule façon qu'il connaissait — tourner son amertume et son ressentiment vers Harry et en se convainquant qu'il était en quelque sorte à blâmer. Si Harry n'avait pas été l'Élu, rien de tout cela ne serait arrivé. C'était des conneries, bien sûr, il le savait très bien, mais y être confronté après toutes ces années était stupéfiant.
Il sentit une main sur son épaule et leva les yeux vers Harry, surpris. L'homme faisait de son mieux se concentrer sur lui, mais il n'y avait aucune hostilité, aucun reproche dans son expression alors qu'il regardait Severus avec insistance.
« Ce n'était pas votre faute, » dit doucement Harry.
« Bien sûr que si, » argumenta Severus. « Je lui ai dit, j'ai parlé de la prophétie à Voldemort. Il n'aurait jamais su, il ne se serait jamais attaqué à vous si je n'avais pas été là. »
Harry lâcha un lourd soupir et retira sa main de l'épaule de Severus, se rapprochant un peu plus sur le canapé à côté de lui pour que leurs bras se frôlent. Il y avait eu un silence pendant un moment, Severus supposa que Harry essayait de rassembler ses pensées et de les arranger dans une sorte de cohérence, mais il souhaitait que l'homme dise quelque chose.
« Je ne peux plus m'accrocher au passé », dit finalement Harry, sa voix dépassant à peine un murmure. « Tant de choses se sont passées, il y a eu tant de douleur, tant de pertes. On pourrait passer le reste de notre vie à trouver quelqu'un à blâmer pour chaque petite chose qui arrive, mais au final, ça ne fait que nous rendre amers et creux. »
Il parlait lentement, essayant de ne pas trébucher sur ses mots, essayant de s'assurer que son discours n'était pas brouillé, mais le sentiment derrière ce qu'il disait était palpable. Severus regarda le feu devant lui, se sentant incapable de regarder l'homme à côté de lui qui se montrait plus généreux que ce que Severus estimait être en droit d'attendre.
« Je ne veux plus que vous vous blâmiez, je ne veux pas que vous vous accrochiez à toute cette douleur, elle vous tuera plus sûrement que cette morsure de serpent. Ne pouvons-nous pas... ne pouvons-nous pas trouver un moyen d'aller de l'avant, de nous aider mutuellement à dépasser ça ? »
Severus ne savait pas comment répondre. Il le voulait plus qu'il ne pouvait le dire, il voulait trouver un moyen de laisser le passé derrière lui, trouver l'absolution de sa culpabilité et trouver un moyen de faire la paix avec tout ce qui s'était passé. Ses pensées étaient constamment tourmentées par ce qu'il avait fait, par toutes les erreurs qu'il avait commises et par tout ce qu'il pensait devoir aux personnes qui, dans sa vie l'avaient soutenu, pendant ses transgressions.
Il s'était souvent demandé ce que Lily aurait fait de lui si elle avait été encore en vie. Elle aurait été horrifiée par la façon dont il avait traité son fils au fil des ans, mais peut-être aurait-elle compris le raisonnement derrière tout cela s'il avait eu l'occasion de le lui expliquer. Elle était la personne la plus chaleureuse et généreuse qu'il ait jamais connue, et elle aurait été furieuse contre lui pour avoir gâché sa vie comme il l'avait fait, pour avoir laissé la culpabilité et la honte le ronger jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un homme tordu par le ressentiment et le dégoût de soi.
Harry se rapprocha encore plus et après un moment ou deux, Severus sentit la tête de l'homme se poser sur son épaule. Il y avait eu une pause, puis Harry glissa sa main sur celle de Severus. Il entrelaça lentement leurs doigts et tint la main de Severus avec douceur.
Severus était tellement surpris qu'il ne pouvait rien faire d'autre que de regarder leurs mains entrelacées, stupéfait que Harry ait fait une telle démarche. Il déplaça lentement son pouce d'avant en arrière sur la peau douce de la main de Harry, et Harry sembla prendre cela comme étant la réponse de Severus à sa question. Severus le sentit se détendre contre son épaule, se blottir un peu plus contre lui et émettre un léger soupir. Severus serra doucement la main de l'homme puis posa sa tête contre celle de Harry, les deux hommes assis regardant fixement le feu, puisant le réconfort qu'ils pouvaient l'un dans l'autre.
Et voici le quatrième chapitre !
J'aime beaucoup l'évolution de la relation Sev / Harry !
Et vous ?
