Et voici le chapitre 4 ! Merci de suivre cette fiction chaque lundi et excellente lecture à vous !
Cela faisait maintenant un mois depuis le retour de Milo. Le calme était revenu au Sanctuaire. Les spectres se faisaient discrets, ne voulant pas déclencher de discorde sous la moindre forme. Rhadamanthe était absent, personne ne l'avait vu depuis la grande réunion qu'avait annoncé le Grand Pope. Vivre dans les montagnes non loin de la maison du Scorpion semblait le convenir parfaitement. Eaque allait le voir quelques fois et faisait plusieurs aller retour entre le sanctuaire et les enfers, en profitant pour remplir ses tâches de Juge et rassurer Hadès sur l'état de son Porteur. Minos lui, s'était accommodé à la maison du Scorpion. Il lisait, cuisinait et veillait à ce que le chevalier d'or se porte bien et ne commette pas d'interdit dut à sa situation de grossesse.
Pourtant, Milo se portait à merveille. Comme il l'avait toujours fait, il se levait le matin, mangeait sainement et buvait beaucoup d'eau, avant de passer ses matinées à discuter avec Camus qui parfois venait le voir où qu'il allait visiter dans sa maison. Bien sûr, il ne pouvait plus s'entraîner comme il le souhaitait. Porter des poids, faire quelques séries de pompes ou d'abdos n'était clairement plus faisable. Alors il courrait près de son temple et rentrait avant de prendre une douche. La présence de Minos ne le dérangeait plus vraiment. Il était devenu un meuble et quelque part, le Gold était au final rassuré de le savoir là. Il n'avait pas la moindre idée de comment cette grossesse pouvait évoluer et l'air de rien, être mordu de douleur un jour ou l'autre commençait à le travailler.
Ce midi encore, sur sa terrasse, il discutait à table avec Camus de tout et de rien. Tout le monde savait qu'il ne fallait pas venir vers le Scorpion et lui parler de ce qui se passait vers le bas de son ventre. Il ne voulait pas en parler. Pourtant, cette fois-ci, le Verseau transgressa cette règle.
— Comment va le petit ? questionna-t-il entre deux bouchées de salade.
— Le petit ? Quel petit ?
— Celui qui grandit dans ton ventre.
Milo leva les yeux vers son ami, tout de suite saisit par l'agacement. Mais Camus affronta son regard l'air de rien, continuant de macher ce qu'il avait en bouche.
— Pourquoi parles-tu de ça d'un coup ?
— Non, je me disais que cela faisait un mois maintenant. Pas de changement ou de signe particulier ?
— Non, répondit sèchement le Scorpion.
— Tu me le dirai de toutes façons, continua le Verseau en coupant du pain.
— Camus, ce qui se passe dans mon ventre ne te regarde en rien. C'est gentil de t'inquiéter, mais je ne souhaite pas en parler, d'accord ?
— Tu sais, à la réunion avec Athéna, j'ai été l'un de ceux qui se sont beaucoup agacés. Maintenant, je me dis que ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose.
— … Pardon ? se vexa le Porteur. Tu as perdu l'esprit ou quoi ?
— Je ne dis pas que c'est totalement juste, rectifia le chevalier des glaces. Je dis juste que…
Il coupa un instant, voulant trouver les bons mots. Ce n'était peut-être pas une bonne idée de mettre son ami en colère pour le moment.
— Vingt milles années de paix, je ne veux pas me montrer égoïste mais quelque part, après toutes les guerres et tous ceux que nous avons perdus aujourd'hui et dans le passé… Je me demande si ce n'est pas une bonne pause que nous avons méritée. Et pas simplement nous… Athéna aussi.
Le Porteur quitta son ami des yeux, pensif, avant de remettre du pain dans sa bouche.
— Peut-être que je ne devrais pas le dire ? continua Camus. Je suis un chevalier après tout, je suis fait pour me battre. Mais tu sais quoi… Bien qu'on dise tous le contraire, un moment donné, nous aussi avons envie de profiter de la vie et de marcher paisiblement, sans nous inquiéter de quoi que ce soit. Personnellement, aujourd'hui je le reconnais.
— Je peux comprendre ton point de vue, admit Milo.
— Je suis certain que quelque part tu le penses aussi…
— Camus. Hadès a planté sa semence à l'intérieur de moi et je suis censé l'accepter ?
— Ce n'est pas ce que j'ai dit, corrigea le Verseau en haussant les épaules. Evidemment que c'est injuste. Mais dis-toi que cette fameuse paix, à la fin de tout ça, tu l'auras aussi. Maintenant, est-ce que ça en vaut la peine… Tu es le seul à pouvoir juger. Mais… Insulte-moi si tu en as envie, je ne sais pas si nous serons capables de voir ce bébé quand il naîtra, mais je donnerai n'importe quoi pour savoir s'il a ton visage, conclut-il en souriant gentiment. Ne te vexe pas, s'il te plaît.
— Je ne me vexe pas. Mais tu commences sérieusement à tenir le même discours que Minos.
— Tout va bien avec lui ?
— Il sait se faire discret. Il adore cuisiner pour moi. J'avoue que c'est pas mal quand j'ai la flemme.
— Les Juges des enfers ont l'air de te mettre sur un piédestal. Si un jour on m'avait dit que les choses se passeraient comme ça… Sérieusement, n'est-ce pas dingue ? rit Camus.
— A qui le dis-tu…
Le scorpion finit son assiette en secouant la tête et soupirant, quand son meilleur ami reprit la parole, un peu plus grave.
— Il y avait aussi autre chose que je voulais te demander.
— Hm… ?
— Tu sais, depuis la fin de la guerre, je me suis toujours demandé ce qui se passait entre Kanon et toi.
Milo se figea quelques secondes, avant d'essuyer ses mains sur sa serviette.
— Tu veux me le dire ? reprit Camus.
— Qu'est-ce que tu veux dire par là, répondit Milo.
Camus se mordit la lèvre, ne quittant pas le scorpion du regard. Il reposa sa question avec plus de développement :
— Au début tu étais en colère contre lui, tu disais qu'il n'avait rien à faire ici. Tu l'as attaqué dans le dos de tout le monde, a exercé ton propre jugement sur lui comme si tu étais en droit de le faire, mais bon, c'est toi tout craché… Tu l'as accepté dans nos rangs et ensuite, tu as commencé à traîner avec lui. Tu faisais tes missions avec lui, tes courses avec lui, tes promenades avec lui et l'air de rien, je crois que tu peux avouer que tu es même allé jusqu'à me mettre sérieusement de côté…
— Haha, j'avoue. Le petit Camus est jaloux ?
— Je n'étais pas dérangé mais ça m'a rendu curieux.
— Qu'est-ce qu'il y a de si curieux à ça. Nous sommes devenus bons amis. J'ai appris à mieux le connaître… Et en effet, j'ai un peu regretté de m'en être prit à lui à la bataille contre Hadès.
— Milo, arrête. Qu'est-ce qui s'est passé entre lui et toi ?
Le Scorpion resta taciturne, commençant à débarrasser la table.
— Tu veux un dessert ? Minos a fait un gâteau, il y a des fruits sinon.
Camus secoua la tête et croisa les bras, retenant un rire.
— Alors c'est bien ce que je pensais, affirma le Verseau.
— Et à quoi pensais-tu, Monsieur je sais tout ?
— Ce n'était pas de l'amitié lui et toi. Je ne le répèterai pas.
— Camus, soupira le scorpion. Ca n'a jamais été plus que de l'amitié entre Kanon et moi, ne raconte pas de bêtises. Il a eu un moment d'égarement et je l'ai rejeté.
— Et de quel moment d'égarement s'agit-il ? s'intéressa le Verseau.
— … Il m'a avoué qu'il avait des sentiments pour moi. Evidemment ne le répète pas.
— Kanon t'a déclaré sa flamme ?
— Je l'ai repoussé et je lui ai dit qu'il délirait. Apparemment, il a toujours aimé les hommes… Mais je ne le savais pas à ce moment-là. Bien sûr j'ai été surpris… J'ai gardé le secret depuis.
— Tu penses qu'il t'aime toujours ?
— J'en sais rien, on n'en a jamais parlé depuis. Et je ne l'ai pas croisé depuis mon retour…
— S'il a été jusqu'à venir te voir et se déclarer, c'est qu'il était vraiment sérieux avec toi. Il doit certainement ressentir encore quelque chose.
— Pourquoi tu veux en parler d'un coup, tu n'as pas l'impression que c'est malaisant pour moi ?
— Je voulais juste savoir. Pour le coup, il doit être celui qui encaisse le moins cette situation autour d'Hadès. Il doit se sentir blessé et furieux.
— Je lui ai déjà fait comprendre gentiment qu'il n'y aura jamais rien entre nous… Je ne vois pas ce que je peux faire de plus.
Le Porteur se leva avec les assiettes en main quand soudainement, il fut saisi par un grand haut le cœur, accompagné d'un affreux vertige. Les assiettes glissèrent et se brisèrent sur le sol, Milo tombant à genoux à côté, une main à l'estomac.
— Milo ?! s'inquiéta Camus en venant près de lui. Ça ne va pas ?
— Attends… Je…
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Le Gold rejeta tout ce qu'il venait d'avaler en un clin d'œil, vomissant le fond de ses tripes sans crier gare. Minos, alerté par le bruit de la vaisselle, les rejoignit à la terrasse et couru vers le jeune homme. Il posa une main sur son dos et le rassura :
— C'est normal. Est-ce que vous avez mal quelque part ?
— Non, maugréa le scorpion. Mais j'ai un immense vertige.
— Ce sont juste les premiers signes de grossesse. Allez vous reposer, je vais m'occuper du reste. Je vous accompagne jusqu'à votre chambre.
— Arrête de me traiter comme une chose fragile, s'agaça Milo en se relevant doucement. Je peux y aller tout seul.
— Bien, bien, je voulais juste aider…
— Laisse-moi tranquille.
Le Gold entra dans son Temple direction les toilettes, question de vomir tout ce qui lui restait. Minos croisa les bras, face à un Camus un peu perdu. Le Verseau n'avait pas vraiment croisé le Griffon depuis la réunion avec le Grand Pope, et le voilà seul avec lui, se demandant ce qu'il devait dire.
— Je vais nettoyer, décida le chevalier des glaces prêt à aller chercher de quoi.
— Laisse, je m'en occuperai, lança le Juge. Aussi, j'ai entendu votre conversation.
— … Hein ? dit Camus curieusement.
— A propos de Kanon, celui qui a affronté Rhadamanthe il y'a un an aux enfers.
Camus fronça les sourcils sur ses gardes.
— Je rêve. C'est une habitude chez les spectres d'écouter aux portes ?
— J'étais juste à côté en train de lire, comment étais-je censé ne rien entendre ? Mais, plus important, il n'y a aucun risque que cet homme s'approche à nouveau de Milo, n'est-ce pas ?
— Pourquoi cette question ?
— Je suis impressionné par le chevalier du Scorpion. Il a bouclé le premier mois de grossesse sans douleurs ni dérangements quelconques, comme si de rien n'était. Ce n'était jamais arrivé auparavant…
— Quel est le rapport avec Kanon ?
— Le rapport ? commença Minos en posant les yeux sur le Verseau. Son corps commence à réagir au bébé, ce qui signifie que les choses sérieuses vont commencer dès maintenant. Je ne veux pas qu'il soit exposé au stress par rapport à cet homme… Puis-je donc te demander de le garder le plus loin possible du Porteur ?
— Ne serait-ce pas plutôt parce que ce serait vu comme un déshonneur que le Porteur d'Hadès s'énamoure d'une autre personne ? Si c'est ce que tu crains il n'y a aucun risque, je connais Milo comme ma poche et il n'a jamais été intéressé par les hommes.
— Mais cet homme est intéressé par lui.
— Eclaire ma lanterne veux-tu… ? Hadès attend simplement de Milo qu'il délivre son enfant avant de le laisser tranquille, pourquoi agis-tu comme s'ils étaient un couple ? Milo est seul et libre.
— Tant qu'il porte cet enfant, il est préférable que le chevalier du Scorpion ne connaisse aucun autre, par principe. Il sera libre de faire ce qu'il voudra par la suite, ni moi, ni Hadès n'en auront quelque chose à faire. Quant au stress, je ne rigole vraiment pas. Milo est quelqu'un de sanguin de base, il le sera probablement bien plus à cause de la grossesse, ce qui peut être mauvais pour le bébé. Je tiens à ce qu'il reste loin de toute forme d'hostilités.
— Milo n'est pas le style d'homme qu'on enferme et qu'on prive de tout. Cette grossesse est déjà compliquée pour lui, si tu te mets à le surveiller comme un enfant, je ne donne pas cher de ton sang.
— Je ne fais que mon travail et je me fiche bien des conséquences tant que le seigneur Hadès est satisfait et que son bébé arrive en ce monde en bonne santé. Je n'ai rien contre Kanon, mais s'il pose problème, je vais devoir m'en occuper.
Le Juge s'en alla sans dire le moindre mot, allant récupérer des produits et une serpillère afin de nettoyer le désastre.
Pendant ce temps, dans la salle de bain, Milo continuait à se vider de ses tripes, la main à l'estomac. Une fois terminé, il soupira et s'adossa contre le mur, reprenant peu à peu ses esprits. C'était la première fois qu'il se sentait aussi flasque. Il se leva doucement et se brossa les dents, avant de se rendre dans sa chambre à pas de tortue pour s'y allonger sur le dos, les mains derrière la tête. Ses yeux croisèrent le panier de Lune Rose que Minos avait ramené avec lui, poussé selon ses dires, par Hadès. Quand le visage du chef des spectres traversa l'esprit de Milo, il se grisa légèrement puis se tourna sur le côté. Impossible de penser à lui sans que cette discussion autour de son passé ne revienne à la surface. Hadès savait. Il savait qu'il avait menti à tous, toutes ces années, prétextant avoir tout oublié de son horrible jeunesse. Milo l'avait écrasée entre ses mains et jetée dans un coin, voulant vivre comme si elle n'avait jamais existé. Jusqu'ici, il s'en était bien sorti. Mais il savait quelque part dans son cœur que tôt ou tard, il devrait faire face à son passé et se délivrer de ses nombreux traumatismes. Le chevalier posa une main sur son bas ventre, pensif, puis finit par s'endormir.
Chapitre 4.
La vie avant la mort
A l'heure du dîner, Milo silencieux, buvait doucement sa soupe de légumes. Le Griffon l'observait curieusement.
— Vous avez dormi toute la journée, dit le Juge. Et vous en faites une tête… Quelque chose ne va pas ?
— Tout va bien. J'ai juste une horrible nausée.
— Les nausées ne sont pas très agréables, mais malheureusement vous devrez passer par là. Si vous voulez, nous pourrons prendre un peu l'air après le repas, il y'a une brise agréable ici à la tombée de la nuit.
— Pourquoi pas. Je ne risque pas de trouver le sommeil rapidement après avoir autant dormi de toutes façons.
— Je dois aller voir Rhadamanthe demain dans les montagnes. Pas que je m'inquiète à son sujet, mais tout de même.
— Parle-moi d'Hadès.
Le Griffon haussa les sourcils, surpris de la demande du Porteur.
— Le seigneur Hadès ?
— Si je devais être honnête, les mots de Rhadamanthe m'ont énormément piqué pendant la réunion d'il y'a un mois. Tu sais, quand il nous a dit que nous n'étions pas fichus de simplement écouter et exécuter ce qu'Athéna nous demandait de faire.
— Oh… Ce n'était absolument pas contre vous, vous savez.
— J'ai fini par me faire à tout ça, c'est vrai. Mais même aujourd'hui, je me demande comment vous pouvez obéir aussi facilement à de telles choses. Nous avons toujours obéi à Athéna, sans jamais faillir, mais cette fois-ci, nous nous sommes presque tous montrés rebelles à ses décisions… J'avoue que Rhadamanthe n'a pas eu tort ce jour-là. Comparé à vous trois, nous n'étions pas le meilleur exemple.
Minos écoutait silencieusement le chevalier, sa petite cuillère tournant dans un thé brûlant. Milo finit par poser ses coudes sur la table, dubitatif :
— Pourquoi êtes-vous aussi fidèle à Hadès… ? Je veux dire… Vous étiez des humains comme nous autrefois. Pourquoi servir celui qui veut plus que tout détruire toute forme d'humanité… ?
Le Juge bu quelques gorgées de sa tasse, avant de pousser un soupir.
— Tout ce que vous savez dire d'Hadès est qu'il méchant, horrible et cruel pour vouloir éradiquer une planète entière. Avez-vous autre chose à lui reprocher ?
— Autre chose ? N'est-ce pas déjà assez ?
— Vous ne savez vraiment rien de cette divinité, regretta Minos. Si vous preniez le temps de réfléchir, vous sauriez que personne ne poserait le genou devant lui s'il était le monstre que vous décriviez depuis des siècles.
— Tu étais un être humain avant de devenir un spectre ! Tu connais les humains. Penses-tu que c'est le sort que nous méritons tous ? Je ne te comprends pas.
— Comme tu l'as dit, j'ai été humain moi aussi. Et dans une profonde détresse, aucun de ces fameux humains n'est venu me tendre la main, jamais personne.
Remarquant le visage fermé du Juge, Milo perdit ses moyens.
— Que s'est-il passé… ?
Après une longue hésitation, le Griffon leva les yeux vers le Porteur :
— Je suis né dans une famille de médecins. Mais en grandissant, j'ai développé une maladie impossible à soigner. Au lieu d'aller à l'école, j'étais obligé de rester à la maison. Les seuls amis que j'avais étaient mes parents, qui se faisaient un sang d'encre chaque fois que mes pleurs les réveillaient au milieu de la nuit. Aucun docteur ne pouvait m'aider. Ma famille a dépensé toute sa fortune en soin mais cela n'a jamais rien changé. Il n'y avait rien à faire. Arrivait un moment où je n'étais même plus dans la capacité de marcher.
Il marqua une pause en buvant le reste de son thé. Le scorpion blessé par son témoignage, ne sut pas quoi dire. Il aurait voulu lui donner une preuve de soutien ou d'affection, mais il n'y parvenait même pas, bien trop intimidé et peut-être éhonté d'avoir osé poser ces questions.
— Ce qui était horrible dans tout ça, c'est que je ne pouvais pas en mourir, cette maladie ne donnait pas la mort. On en vivait et on en souffrait, tout simplement. J'ai longtemps espéré en me couchant le soir, ne pas me réveiller le lendemain. J'avais une envie folle d'en finir et je me suis surpris à désirer la mort bien plus que n'importe qui. Parce que je savais qu'elle seule pouvait me sortir de cet enfer. Alors un jour, j'ai accroché une corde et j'ai essayé de me pendre, mais Hadès est intervenu.
— Hadès… ? répéta Milo interloqué. Mais… ?
— Non seulement il m'a totalement guéri, mais en plus, il m'a montré la véritable origine de mes souffrances. Mon père était un médecin chercheur et quand j'étais dans le ventre de ma mère, il lui a proposé de tester des produits sur elle. Ils étaient censés ne pas être nocifs. Mais finalement c'est moi qui ai dut payer la facture… Ce qui m'avait rendu malade, c'était leur stupidité et leur soif de recherches abusives. Quand je les ai confrontés, ils se sont effondrés en larme, mais je n'avais plus de réserve d'affection pour eux. Je les ai tués la même nuit.
— Quoi ?! s'écria Milo le cœur battant. Tu as tué tes propres parents… ?
— N'ont-ils pas tué leur propre fils ? J'ai enterré leurs corps et j'ai quitté le pays pour devenir médecin. Après cela, l'esprit d'Hadès est venu me voir régulièrement et plus le temps passait, plus je m'attachais à lui. Je lui étais reconnaissant de m'avoir libéré de cette souffrance continuelle qui détruisait mon corps. Puis un soir, il m'a proposé de rester avec lui pour toujours. Plus tard, j'ai compris que c'était ce qu'il disait à tous ceux qu'il désirait garder près de lui en tant que spectre, conclut le Juge avec un sourire nostalgique. J'ai été tellement touché que je me suis donné la mort pour le rejoindre. Depuis, je ne le quitte plus. Je suis prêt à l'obéir coûte que coûte.
Milo baissa la tête, pensif. Voilà à quoi avait mené la vie de souffrance de l'homme qui se tenait en face de lui. Servir Hadès. C'était bien la première fois que quelqu'un le décrivait comme un sauveur devant lui, plutôt que comme un tyran destructeur. Minos finit son thé et continua :
— Voilà pourquoi je suis maintenant un spectre. Hadès a du cœur et il est capable de voir quand une personne souffre à l'intérieur, peu importe à quel point elle essaie de le cacher. Il est sensible aux souffrances des autres. S'il veut détruire l'humanité c'est parce qu'elle est pourrie jusqu'à la moelle et que de ce fait, des personnes innocentes en souffrent gratuitement.
— … Je vois, bafouilla le Scorpion.
— Et vous, dites-moi. Pourquoi servez-vous Athéna ?
Il craignait qu'il lui pose la question à son tour. Et à présent, il se sentait idiot, pathétique. Car ni lui, ni jamais le moindre chevalier d'or servait Athéna en retour de quelque chose. Ils leur dédiaient leur vie car on leur disait qu'ils devaient y être consacrés depuis l'enfance, point final. Les spectres eux, devaient tous avoir des raisons bien plus profondes que les leur.
— Et si on allait prendre l'air ? proposa Milo préférant détourner le sujet.
— Mais… ? Vous ne voulez pas me raconter votre histoire à vous aussi ? Ce n'est pas très juste.
Ce n'était pas qu'il ne voulait pas. C'était qu'il n'avait rien à raconter. Alors que le chevalier se leva, il sentit à nouveau la nausée faire son retour. Il donna un grand coup d'agacement sur la table avant de courir aux toilettes et de rendre tout ce qu'il venait de dîner. Minos le rejoignit, taquin :
— Bébé grandit ?
— Minos, ce n'est pas le moment !
— Je plaisante… Bien que ce soit réellement le cas.
Plusieurs maisons plus bas, Aphrodite revenait de mission et s'afférait à monter les onze temples avant celui du Poisson. Protégé du vent par un pull dont la capuche couvrait ses cheveux, il décida de faire une pause devant le Temple du Cancer, songeur. Aussi loin qu'ils se souviennent, lui et Angelo avaient toujours été amis. Leurs disputes et chamailleries étaient célèbres au sein du sanctuaire, et ce depuis l'adolescence. Mais peu importe à quel point ils se criaient dessus, se battaient ou s'évitaient, ils finissaient toujours par se réconcilier. A plusieurs reprises, Aphrodite s'était demandé si cette amitié était normale. Il avait beaucoup de points communs avec le Cancer, ils savaient tout l'un de l'autre et ne se faisaient, du moins en général, pas de secrets. Angelo était connu pour ne pas être le plus doré des chevaliers, mais Aphrodite ne cachait pas non plus avoir eu parfois recours à quelques malices. Il s'était beaucoup calmé au fil du temps, voulant prendre exemple sur certains de ses frères d'armes… Mais comme on le disait si souvent, chassez le naturel et il revient toujours au galop. Etaient-ils en bon termes cette fois ? Il n'était pas sûr. Ce n'était pas le grand coup de pied qu'il avait mit dans sa chaise il y'avait un mois qui poserait problème à leur amitié, les deux hommes s'étant déjà battus dans la boue et dans la roche un nombre incalculable de fois… Mais la facilité avec laquelle il avait pris les choses autour de Milo. Le Poisson savait que son ami n'avait pas tort dans ses arguments, et depuis, beaucoup de chevaliers s'étaient faits à la présence des spectres. De là, à ouvrir sa porte bien grand au Garuda des enfers, Aphrodite n'était plus aussi sûr. C'était la raison pour laquelle il hésitait à entrer dans la maison du Cancer, sentant la présence des deux individus au sein du Temple.
— Tu as fini ton sketch ? lança une voix à l'entrée.
Angelo s'avança les mains dans les poches, restant à l'abri avant de continuer :
— Rentre au lieu de rester dans le froid. Pendant combien de temps comptes-tu encore me faire la tête ? C'est ridicule.
— Je ne fais pas la tête, rétorqua le Poisson.
— Tu es blessé… ? demanda le Cancer plus attentif.
— Comment tu le sais ? sursauta-t-il.
— Tu ne te tiens pas de cette façon, d'habitude. Je vais te soigner, grouille idiot.
Angelo retourna à l'intérieur, laissant le gardien de la douzième maison avec un petit sourire rassuré. Il le connaissait si bien, il ne pouvait rien lui cacher.
Une fois dans les appartements de Masque de mort, Aphrodite retira doucement son imperméable. Il jeta un œil sur Eaque, assit à table devant un café. Non, c'était plus fort que lui. Eux ici, il n'y arrivait pas. Comment Angelo faisait-il ?
— Enlève ton haut, ordonna l'hôte en posant la trousse de soin sur la table basse.
Le Poisson s'exécuta, dévoilant la grande coupure sur son torse et s'assied sur le canapé, décidant de faire comme si le spectre était absent. Tout ce qu'il avait à faire était l'ignorer de toutes façons.
— Et tu pourrais au moins dire bonjour, piqua le Cancer connaissant très bien l'état d'esprit de son vieil ami. Il ne mord pas tu sais, j'ai vérifié.
— Tais-toi tu veux, répondit le Poisson.
Alors qu'Angelo appliquait le désinfectant sur la plaie de l'homme à la chevelure bleue, ce dernier se décida enfin à dévisager le Juge. Eaque haussa les sourcils avant de s'agacer de l'insistance du regard du nouveau venu :
— Un problème ?
— Ne fais pas attention, intervint Angelo. Aphrodite à son petit caractère, mais au fond il n'est rien de plus qu'un gentil petit poisson. Il est mon plus grand ami ici.
— J'ai cru le comprendre, vous étiez souvent tous les deux dans le royaume d'Hadès.
— Oui, affirma Aphrodite, quand tu ne le prenais pas avec toi pour l'un de tes jugements.
— Cela t'embêtait ? se renseigna Eaque. Tu sais, rien ne t'empêchait de nous accompagner, je n'aurai pas refusé ta présence.
— Les affaires du royaume d'Hadès ne m'intéressent pas, répondit le Poisson froidement. D'ailleurs, nous ne sommes pas obligés non plus de nous adresser la parole ici, n'est-ce pas ? Alors ne me parle pas.
— Aphrodite tu pousses un peu, gronda Angelo. Nous sommes en trêve, tu te souviens ? Pourquoi est-ce si difficile de te mettre ça dans la tête ?
— Cette trêve ne fait pas de nous des amis, si ?
— Ne regarde pas le spectre, vois juste Eaque. Et arrête de faire cette tête stupide, c'est pas du tout à ton avantage, crois-moi.
— C'est vrai que tu as vraiment un joli visage, remarqua le Garuda. Si tu avais été une femme, j'aurais sûrement tenté ma chance.
— … Pardon ? souffla Aphrodite sentant la colère monter d'un cran.
Angelo s'esclaffa avant de ranger la trousse de soin.
— Qu'est-ce que j'ai dit ? questionna Eaque se demandant pourquoi le Gold était si vexé.
— Ne te méprends pas, il a peut-être une apparence féminine mais s'il y a quelque chose dont il a horreur, c'est qu'on le compare à une femme, expliqua Masque de mort.
— Oh je vois, Monsieur complexe ? ajouta le Juge taquin.
— Je n'ai à complexer de rien, s'énerva Aphrodite. Je suis une belle personne et je l'ai toujours su. Mais il est vrai qu'au royaume des enfers, il n'y a aucune femme à se mettre sous la dent, ce ne doit pas être simple comme situation cher Juge. Est-ce pour cette raison que tu te mets à fantasmer sur tout ce qui est beau ?
— Pas très gentil ça, commenta le Cancer en allant se servir du café. Mais maintenant qu'il demande, j'aimerai bien le savoir aussi.
— Mais, n'êtes-vous pas dans la même situation ici au sanctuaire ? se vexa Eaque.
— Nous au sanctuaire avons fréquemment des missions, nous ne restons pas enfermés ici sauf en période de guerre, expliqua le Poisson. Donc on va dire qu'à force, nous avons largement eu le temps de devenir des hommes et de le continuer, contrairement aux spectres… Ca doit gratter dans le caleçon, par chez vous.
— Ololololo, ricana Angelo se faisant arbitre.
— Si ce n'est que ça, nous savons quoi faire maintenant, reprit Eaque avec un sourire en coin. Nous venons de découvrir que vers le sanctuaire d'Athéna, il y avait possibilité de passer commande pour un ou deux chevaliers pour se vider les couilles. Je te choisirai la prochaine fois, si tu y tiens.
— Alors là… Fallait oser, mais j'avoue, elle fonctionne bien aussi celle-là.
Eprit de colère, Aphrodite atteint Eaque d'une grande vitesse et donna un grand coup de poing sur la table qui se brisa en mille morceaux. Eaque, ayant sauvé son café, ne bougeait pas d'un centimètre, toujours amusé par la situation. Aphrodite enragé reprit la parole :
— Si tu veux te battre, je suis prêt, sale ordure.
— Je t'en prie, ne soit pas ridicule. Tu n'as pas la moindre chance contre moi, encore moins avec cette horrible coupure. Tu as dû perdre beaucoup de sang… Alors soit sage et reste assis avant de t'évanouir.
— Aphrodite, appela Angelo. Si tu as envie de casser du spectre fais ce que tu veux, mais pas chez moi, je ne veux pas de problèmes avec Shion. Et encore moins avec Athéna…
— Il ne cassera personne, reprit le Garuda en se levant face au gardien de la douzième maison. Cela me ferait presque de la peine de blesser un aussi joli visage. Sais-tu que c'est à cause d'une femme qui te ressemblait que j'ai donné ma vie à Hadès ?
— Hein ? bafouilla le Poisson. Qu'est-ce que… ?
— Quand je vivais sur Terre, je faisais du football. Je voulais devenir l'un des plus grands de ce sport. J'étais le capitaine d'une équipe fantastique et je gagnais bien ma vie. Puis un jour j'ai rencontré une femme, et tout autour de moi s'est écroulé.
— Ah les femmes, commenta Masque de mort, toujours se méfier de ces trucs-là.
— J'étais très amoureux d'elle. J'étais persuadé qu'elle m'aimait à son tour, mais je me suis trompé… Elle était vénale, infidèle et éternellement insatisfaite. Elle a dû me briser le cœur un bon millier de fois, mais je l'aimais toujours… Je crois que je n'avais jamais autant souffert avant de la rencontrer. J'ai perdu ma fortune, mon talent et je suis devenu dépressif. Elle était un poison auquel je ne pouvais me passer. Je savais qu'elle était le problème, mais je n'arrivais pas à la quitter. Je l'aimais trop…
— Pardon, mais quel idiot tu faisais.
— Je sais… L'amour rend aveugle, ne tombez jamais amoureux.
— Et donc, comment ça s'est fini ?
— Elle a disparu du jour au lendemain. Je l'ai cherché partout et j'ai appris plus tard qu'elle était partie avec un autre homme. J'ai pleuré une année entière, sans parvenir à guérir de tout ça. J'ai plongé dans l'alcool et dans les drogues, je n'étais plus que l'ombre de moi-même, c'était navrant. Puis un soir, en rentrant chez moi, j'ai vu des roses noires envahir mon jardin. Il y'en avait partout dans mon appartement, des pétales sur le sol. Je sentais que je n'étais pas seul mais je ne voyais personne. J'étais déjà capable de sentir la présence d'Hadès et tout le réconfort qu'il voulait me donner… Son aura était pure et bienveillante. J'en suis tombé amoureux en un rien de temps, je ne pouvais plus m'en passer.
— Hadès est vraiment venu te consoler d'un chagrin d'amour ? demanda Aphrodite méfiant.
— De votre point de vue je sais que ça peut paraître impossible, mais vous ne connaissez pas le seigneur Hadès, alors je peux comprendre. Les semaines sont passées et les roses noires continuaient de hanter mon appartement. L'esprit d'Hadès m'a dit d'oublier cette femme et de l'aimer à sa place, de rester avec lui pour toujours. Je n'avais plus que lui, le reste du monde m'avait oublié… Alors je me suis donné la mort et je l'ai rejoint sur le champ.
— Aphrodite ?! s'écria une voix à plusieurs mètres.
Eaque, Angelo et Aphrodite tournèrent les yeux vers Milo qui venait de pénétrer la maison, inquiet de voir le Poisson blessé. Minos était près de lui, regardant son collègue d'un air suspicieux.
— On se calme, ce n'est pas moi qui ai fait ça, tempéra le Garuda. Il vient de rentrer de mission.
— Et la table en miettes, c'est ? demanda Minos méfiant.
— … Une table en miettes, c'est tout, répondit le Juge en haussant les épaules.
Le scorpion se précipita vers Aphrodite :
— Que s'est-il passé ? Vous vous êtes battus ?
— Non…, dit le Poisson embarrassé. Il dit la vérité, je rentre de mission, il ne s'est rien passé.
— Je viens de le soigner, rassura Angelo. Rien de grave, t'en fais pas.
— Et toi Milo, comment te sens-tu ?
— Pitié, ne pose pas cette question, maugréa le Scorpion. Je ne veux pas parler de ça, mais sache que je me porte bien, voilà tout.
— Ok, c'est l'essentiel.
— Je vais marcher un peu, rentre bien et repose-toi. Je ne sais pas qui t'as fait ça, mais c'est pas du joli.
Milo continua sa route suivi du Griffon, qui jeta un dernier regard accusateur à son collègue. Une fois partis, Eaque s'étira et se dirigea vers sa chambre :
— C'est pas tout ça, mais je vais faire un somme moi.
— Attends, l'interpella Aphrodite.
Le Garuda se retourna, croisant le regard bleuté du Poisson qui resta un long moment hésitant. Le témoignage d'Eaque l'avait saisi et quelque part touché, il ne pouvait pas le nier. Aux enfers, il avait vu à quel point les spectres étaient si attachés à Hadès, bien qu'il ne sût l'histoire d'aucun d'eux, bien trop occupé à se préparer pour la guerre sous les ordres de Shion. Il s'était toujours demandé au fond, pourquoi ces gens humains auparavant, avaient tous décidés de se vouer au dieu des enfers. Maintenant qu'il avait eu un semblant de réponse, il sentait quelque chose de changé en lui. Il sortit une rose noire et la lança droite vers le Juge, qui arrêta la fleur entre ses doigts, en la regardant confus.
— Ooh…, murmura Angelo amusé. Il s'excuse, si c'est pas trop adorable.
— Ferme la toi, réagit le Poisson avant de prendre ses affaires et de quitter les lieux.
Eaque l'observa s'en aller puis reposa les yeux sur la rose noire, qui lui offrit de tendres souvenirs. Un sourire touché se dessina sur ses lèvres. Il tourna la fleur entre ses doigts puis alla dans sa chambre pour se coucher.
A la maison des Gémeaux, Saga, Kanon et Shaka étaient assis aux escaliers de l'entrée. Alors que Saga et la Vierge discutaient, le blond s'étonna du silence inhabituel dont faisait preuve l'ex-marina.
— Tout va bien Kanon ? demanda-t-il.
— Hm… ? Oui, pourquoi ?
— Tu es étrangement calme depuis une heure. Pourquoi ne nous dis-tu pas ce qui ne va pas ?
— Oh… Je me posais juste quelques questions. Sais-tu pourquoi tu n'es pas en droit d'approcher Milo ?
— Pas le moins du monde. Mais si tu penses que ça va m'arrêter, j'approcherai Milo chaque fois que j'en aurai envie. Je n'ai pas d'ordres à recevoir des spectres.
— Es-tu sûr que ça ne créera pas d'histoires ? se renseigna Saga. Je veux dire, il doit forcément y avoir une raison derrière tout ça. Tu étais le premier à être averti de ce qui allait arriver. Tu as même ressenti la douleur que Milo devra traverser.
— Même s'il y avait une raison, il serait impossible pour moi de la connaître. Je continue de croire qu'Athéna a prit la mauvaise décision, je n'ai pas un bon pressentiment. Heureusement, Milo semble s'en sortir comme un chef pour le moment… Tout ce que nous devons faire est attendre la suite des évènements.
— La suite des évènements, répéta Kanon. Ce type… Il aurait dû rester en enfer.
— En enfer… ? s'étonna Shaka. Tu ne parles pas sérieusement n'est-ce pas ? Tu étais proche de Milo, il me semblait que vous passiez beaucoup de temps ensemble depuis la fin de la guerre. Est-ce que tu es allé le voir, depuis ?
— Le voir ? Tss. Certainement pas. Ce type n'a pas besoin de moi.
Shaka haussa les sourcils, se demandant pourquoi son interlocuteur était soudainement si grinçant au sujet du Scorpion. Kanon continua en regardant les étoiles, songeur :
— Ce gars va avoir un enfant avec Hadès. Le seigneur Hadès lui-même. Waw. Les spectres sont à ses bottes et il est couvert d'honneur dans leur royaume, pourquoi ne reste-t-il pas là-bas ?
— Parce qu'il n'en a pas envie, répondit Minos en haut des escaliers.
Le Griffon s'approcha tandis que Shaka, Saga et Kanon le regardèrent confus. Milo était à côté de lui et fixait le jumeau du propriétaire des lieux, d'un air agacé et dépité. Le Juge continua son chemin vers les trois compères :
— En effet, le Porteur a tous les honneurs au royaume des enfers, personne n'avait jamais été traité comme lui. Mais il tenait à rester auprès de ses amis durant cette épreuve… Que se passe-t-il Kanon ? Sa présence te dérange-t-elle autant ?
— Apparemment oui, coupa le Scorpion. Mais ne t'en fais pas, je ne fais que passer, dit-il en descendant à son tour et passant à côté d'eux sans demander son reste.
— Ne dit pas de bêtises, dit Saga en se levant. Tu es ici chez toi et nous te préférons largement au sanctuaire qu'au milieu des spectres.
— Ton frère pense le contraire, lança Milo en arrêtant sa marche sans se retourner vers eux. Je n'imaginais pas un tel rejet de sa part. C'est sûr que je suis celui qui est descendu aux enfers supplier Hadès qu'il me fasse un bébé, j'en ai rêvé toute ma vie.
— Kanon, excuse-toi, demanda Saga.
— Ses excuses ne m'intéressent pas, conclut Milo en se dirigeant vers le Temple du Taureau.
Le Griffon observa le dragon des mers partir puis jeta un dernier regard à Kanon, avant de s'en aller à son tour.
— J'espère que tu es fier de toi, gronda Saga. Comment peux-tu dire de telles choses ? Milo est notre frère et il n'a pas demandé ce qui lui arrive.
Kanon resta un instant interdit, puis se leva et se rendit dans sa chambre, silencieux.
— Je peux savoir ce qui se passe avec lui ? demanda la Vierge.
— Je suis sûr qu'il ne voulait pas dire ça au fond de lui. Parfois quand il est faible, il a tendance à se cacher derrière un mur de méchanceté. Mais la vérité, c'est qu'il est bien plus doux et tendre que moi.
Le lendemain, le chevalier du Scorpion se réveilla au beau milieu de l'après-midi. Il avait marché la moitié de la nuit en compagnie du Griffon, avant de rentrer épuisé et de vomir le fond de ses tripes. Assit sur son lit, les mots de Kanon revinrent dans son esprit, ce qui créa un grand poids dans son estomac. Il savait qu'il ne devait pas y penser, mais c'était plus fort que lui. Il saisit une Lune Rose et la mangea, tâchant de se concentrer sur autre chose. Il savait. Il savait que ses mots seraient blessants, mais il les avait quand même dits. Même si Kanon n'était pas conscient de sa présence à ce moment-là, il avait tout de même dit ces choses. Et maintenant, ces phrases le hanteraient, Milo le savait, qu'il n'oublierait pas aussi facilement. Car tout ce qui venait de Kanon avait toujours quelque chose de plus à ses yeux.
Il se rendit dans la salle de bain, observant son visage dans le miroir. Passant une main dans ses cheveux décoiffés, il fixait quelques secondes son regard terne et fatigué. Les vertiges revenaient. Le chevalier ferma les paupières un instant, quand il sentit une présence de plus dans la salle de bain. Il se retourna vivement, voyant celui qui hantait ses pensées depuis la veille, assit sur le bord de la baignoire, pas très confiant.
— Kanon ? Qu'est-ce que tu fais là ?!
L'ex-marina se gratta doucement la nuque, cherchant ses mots :
— Je suis venu m'excuser pour ce que j'ai dit… Je ne sais pas ce qui m'a pris. Bien sûr que je suis content de te revoir.
L'atmosphère était pesante. Milo ne sut pas quoi répondre, encore surpris par sa présence dans sa propre salle de bain. Ses mots l'avaient touché et toute l'animosité qu'il portait contre lui s'évaporait peu à peu.
— Je ne pense pas une seconde que tu ais voulu cette situation, ajouta-t-il tête baissée. Je suis désolé.
Pressé, Kanon se leva et se dirigea vers la porte, quand le plus jeune le devança et la ferma avant qu'il ne puisse la traverser. Confus, le jumeau de Saga posa les yeux sur le Scorpion qui ne quittait plus son regard.
— Et donc, tu vas t'en aller juste comme ça… ? murmura Milo.
— Euh…, hésita le dragon des mers. Qu'est-ce que je suis censé faire d'autre ?
— Je n'en sais rien… M'embrasser ? Me dire que tu m'aimes ? Qu'on pourra passer au-dessus de tout ça et en ressortir plus fort ?
Kanon détourna le regard et soupira, tandis que Milo continua, l'expression blessée sur le visage :
— Sérieusement, je te dégoûte tant que ça… ?
— Tu ne me dégoûtes pas. J'ai du mal avec ce qui se passe, Milo.
— Oui, je sais, bien sûr que je le sais. Et j'en suis horriblement désolé. Si j'avais pu éviter tout ça tu sais que je l'aurai fait. Tu n'es pas venu me voir, ne serait-ce qu'une seule fois depuis que je suis revenu, pourquoi ?
— J'avais besoin de digérer. Et en plus avec Minos qui te colle aux basques, ce n'est pas si simple. Et puis… Je ne sais plus comment je dois me comporter avec toi.
— Te comporter avec moi… ?
— Milo, tu portes l'enfant d'Hadès !
Le scorpion baissa les yeux, se tripotant les doigts, dévoilant son angoisse. Si habituellement il savait rester maître de lui-même, c'était juste impossible devant Kanon. Il avait beau essayer, il n'y parvenait pas.
— Qu'est-ce que je dois faire moi dans tout ça ? reprit le frère de Saga. Tu imagines un peu à quel point ça me fait mal ? Je sais que tu ne fais que subir, mais pense un peu à moi aussi.
— Je ne fais que ça !
— Tu n'es pas venu me voir non plus pour en parler, à aucun moment. Saga m'a fait jurer de ne pas causer de problèmes et de ne pas te déranger.
— … Tu lui as dit pour nous deux ?
— Non… Il nous a vu, il y a longtemps, sans jamais me l'avouer.
— Quoi… ?
Il y avait un an, Milo et Kanon s'étaient mis d'accord. Oui, ils s'aimaient, ils en avaient marre de se le cacher. Ils voulaient passer du temps ensemble, se tenir dans les bras et s'embrasser sans plus hésiter. Mais ils savaient qu'ils n'en avaient pas vraiment le droit. Alors ils avaient conclu un contrat. Personne ne devait rien savoir de cette relation et si un jour, quelqu'un apprenait la vérité, ils en finiraient là. Milo avait menti délibérément à son ami la veille et sans le moindre regret. Kanon était bien trop cher à ses yeux pour se permettre de le perdre. Mais maintenant, Saga était au courant… Que se passerait-il à présent ?
— Je ferai mieux d'y aller maintenant, reprit Kanon.
— Attends… Nous n'allons pas nous séparer, n'est-ce pas ?
— Milo… Ce n'est pas le fait que mon frère sache la vérité qui m'inquiète. C'est… Tout ça, tu comprends ? C'est trop pour moi. Je sais que tu n'y es pour rien, c'est juste que…
— Oui je sais, j'ai couché avec lui et je porte son enfant, je sais. Kanon, peu importe ce qui s'est passé avec Hadès, ça ne signifie rien, je te le jure. Tu devrais le savoir non ? Cet enfant n'est pas mon enfant, c'est le sien. Je n'ai même pas d'affection pour lui… Tout ce que je veux c'est m'en débarrasser et que tout redevienne comme avant.
Milo saisit les mains de son homme et les serra fort.
— Je suis sûr qu'on peut surmonter ça. Je t'en prie, insista-t-il. Je sais que ce n'est pas facile pour toi non plus, je suis tellement désolé.
— Que comptes-tu faire après tout ça… ?
— Après quoi… ?
— Quand l'enfant naîtra… Qu'est-ce que tu feras ?
Milo se plongea dans la réflexion. A vrai dire, il ne s'était pas vraiment posé la question. Tout ce à quoi il pensait, c'était en finir, mais sans imaginer ce qui se déroulerait pour lui après. Puis, qu'est-ce qui pourrait se dérouler de toutes façons ? Les choses ne reviendraient-elles pas comme avant ?
— Milo… Tu as beau avoir de la haine aujourd'hui pour tout ce qui se passe, mais si Hadès avait pu faire un enfant tout seul, il l'aurait fait. C'est aussi ton enfant, que tu ressentes de l'affection pour lui ou non.
— Pourquoi tu dis ça… ? Je ne veux pas le savoir. Je ne veux pas me poser la question.
— Donc tu es en train de me dire que tu donneras le bébé à son père, sans problème, ni regret, que tu vivras comme s'il n'aura jamais existé, que tu ne le reverras plus jamais après l'avoir porté pendant neuf mois… ?
— Pourquoi rends-tu les choses si difficiles ?
— Je veux te faire revenir à la réalité ! Un enfant n'est pas quelque chose qu'on jette à la poubelle. Qu'est-ce que tu feras ?! Tu iras aux enfers pour le voir ? Ou tu l'élèveras toi et l'autre viendra ?
— Je n'en sais rien Kanon ! Je ne veux pas y penser !
— Eh bien moi j'y pense !
Le ton commençant à monter, Kanon décida de prendre le temps de respirer et de se calmer. Il lâcha les mains de son homme et fit les cent pas dans la salle de bain.
— Je suis désolé, dit-il. Je suis perdu. Je ne supporte pas que… Je veux dire… Tu as couché avec ce type… ? Tu n'as jamais eu assez confiance en moi, après presque un an. Tu as refoulé tes sentiments envers moi et tu t'es enfin ouvert. J'ai été patient, je ne voulais rien précipiter. Et… Quand j'ai commencé à vouloir plus de toi, tu as passé ton temps à me rejeter mais avec lui… Avec Hadès ?! Le dieu des enfers ?! Avec moi tu n'as jamais été prêt, mais avec lui ?! Tu as fait avec lui ce que tu n'as jamais voulu faire avec moi, et ça tu vois, je ne l'avale pas.
— Kanon, se lamenta Milo les larmes aux yeux. Je n'étais pas prêt avec lui non plus. Mais je savais que ça devait arriver alors je l'ai laissé faire.
— Pourquoi ne jamais m'avoir laissé faire moi aussi… ? Pourquoi tu n'as pas confiance en moi ? Ne t'ai-je pas déjà assez prouvé que je t'aime ?
— Je suis désolé. Mais je t'en prie, mets-toi à ma place.
— Me mettre à ta place, je l'ai fait pendant un an. Un an, Milo. Je sais que tu n'es pas responsable, mais c'est trop pour moi… Qu'un autre homme te touche me rend dingue, que tu doives porter son enfant en plus, ça me tue. Je suis désolé, pardonne-moi, tu n'y es pour rien, mais je ne veux pas souffrir comme ça.
Le cœur battant, le Porteur s'approcha à nouveau et posa ses mains sur le visage de Kanon. Il supplia en laissant échapper quelques larmes :
— Kanon je t'en prie. Ne dit pas ça, on peut en parler, Minos est allé voir Rhadamanthe… On est que tous les deux, je suis sûr que ça peut s'arranger. Laisse-nous une chance, je t'en conjure. Je veux me battre pour nous.
Mais le dragon des mers ôta les mains du Scorpion avec douceur de son visage, avant d'y déposer de tendres baisers remplis de regrets. Il ferma les yeux, retenant ses larmes et dit enfin :
— C'est terminé. Pardonne-moi.
J'espère que ce chapitre vous aura plu, j'ai déjà hâte de vous dévoiler la suite :) Merci de la lire et on n'oublie pas que review = salaire de l'auteur ! J'attends vos avis et impressions avec impatience. A la semaine prochaine !
