Hey !

Et voilà, un nouvel OS. Pour le coup il ne vient pas des nuits du FoF, j'ai profité du Camp Nano d'Avril pour l'écrire. J'espère qu'il vous plaira !

Merci à Flo à et yoh-nee pour leurs reviews !


Les terres de pluie

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Ballotée par les aspérités du chemin, la roulotte tangue à loisir sous l'ombre de la nuit. Il leur faut bien ça pour voyager. De jour, le moindre bout de chemin menace la peau pâle de Naruto, et les pouvoirs de Sasuke se replient comme les pétales d'une fleur qui reforme son bouton. Enfin, ce n'est pas tout à fait juste. Dans l'ombre d'un abri sans soleil, ils retrouvent tous les deux leurs féroces capacités. Mais ils voyagent à découvert, et Kakashi est le seul ici qui ne s'inquiète pas de voir le soleil pointer le bout de ses rayons.

C'est lui, d'ailleurs, qui conduit. Une paire de rênes en cuir dans les mains, il dirige les chevaux et poursuit à l'occasion le livre posé sur ses cuisses.

Derrière, cachés par le bois solide de la calèche et la ligne tendre d'un rideau, le traqueur et le vampire échangent de brefs coups d'œil.

Sasuke redresse la tête. Il les voit, les regards glissés qu'on lui adresse. Les cercles bleus qui vont et viennent, s'égarent et s'en retournent à lui. Ce qu'il ne sait pas, en revanche, c'est la marre de pensées qui s'écoule dans la tête de son prisonnier.

Il aurait bien dit associé, mais c'est encore trop tôt pour retirer ses menottes en bois béni à la créature. Qui sait quelle est la part de vraie dans son récit ? Il préfère ne pas le découvrir trop tard.

– Eh ?

Le garçon ouvre la bouche. Sa voix sonne comme un grelot. Un son aussi doux qu'il irrite, un tremblement irrégulier qui s'embellit. Chaque fois qu'il l'entend, Sasuke grimace et apprécie. Il sent les rires forcés à l'intérieur.

– Quoi ?

– T'as dit que tu venait du clan Uchiwa, hein ?

Oui. Et c'est bien la première fois que l'autre lui pose une question. Le brun préfère rester sur sa méfiance.

– Pourquoi ?

Naruto se redresse. Dans son dos, les menottes grattent. Le bois de chêne ne semble pas le gêner.

– J'sais pas, j'en ai jamais entendu parler. T'es pas de la région, hein ?

– Non.

Ça, il peut le dire. L'information présente peu de risques.

– T'es d'où, alors ?

La question lui laisse quand même une blessure à l'égo. Le clan Uchiwa fait partie des plus connus du pays. Le nom glisse au-delà des frontières, si loin que même les Hyuga ont su le trouver quand ils ont eu besoin de ses services.

Il grimace, de réaliser que sa réputation ne le précède pas. Que ce simple mot, Uchiwa, ne suffit pas à tirer des frissons sur la nuque du vampire.

– Des terres de pluie.

– Oh. Je vois vite fait. J'ai dû y passer un jour.

Il a dû ? Il n'est pas assez vieux pour dire ce genre de chose. Sasuke doute que la mémoire d'un si jeune vampire soit déjà percée de trous.

– Tu t'en souviendrais, si tu y avais mis les pieds.

– J'ai la mémoire courte.

– Je vois ça.

Et ça le fait rire.

Le noiraud soupire. Il se tourne à peine, juste ce qu'il faut pour observer, derrière le rideau à l'arrière de la calèche, la nuit qui tangue. Des étoiles par milliers.

Ses pouvoirs ne sont jamais aussi enivrants que lorsqu'elles s'éteignent à leur tour, abandonnées par une nuit sans lune. Mais la prochaine n'aura pas lieu avant dix jours.

– Il fait nuit plus longtemps qu'ailleurs, là-bas.

– Ah ouais ?

Il hoche la tête. C'est une réponse amplement suffisante.

Les terres de pluie. La région ne porte pas si bien son nom. Il y pleut, oui. Parfois plus qu'ailleurs, mais pas tant que ça. En revanche, il y fait froid, si bien que tous les pays que Sasuke a visités jusque-là lui semblent agréablement chauds - et leurs habitants sont affreusement ramollis. Mais, effectivement, on y trouve les nuits les plus longues. C'est d'autant plus vrai pour ceux qui, comme les derniers représentants de son clan, vivent au pied des montagnes.

Sur son village, le soleil effleure la terre entre huit et cinq heures, selon la période de l'année. La neige les accompagne une moitié d'an. C'est sur la couche blanche qu'il a fait ses premiers pas.

– Mais c'est pas la galère, pour vivre ? Vous faites comment ?

– On s'habitude.

Il ne comprend pas, lui, comment font les autres pour supporter autant de lumière. Cet astre levé haut qui brûle la peau, dans certaines régions.

La lune ne fait jamais mal. Il peut la contempler tant qu'il veut.

– C'est pour ça que t'utilises pas tes pouvoirs de jours ?

– Je n'en ai pas besoin, il rétorque.

– T'en as pas besoin, ou tu peux pas t'en servir ?

Le traqueur serre les dents. Ça, c'est mauvais. Un regard pour la bête, et il souffle entre ses lèvres.

Taille-bise.

Il sent l'énergie glisser hors de son corps comme un morceau de son âme. Un prolongement de lui qui s'évapore dans l'espace. Une mèche blonde tombe dans le cou du garçon, alors qu'une coupure nette se dessine dans le bois de leur étrange demeure. Une autre boucle, recourbée, tombe sur ses genoux. Naruto la regarde sans comprendre.

C'est un sort qui requiert pas mal d'efforts. Faire de l'air un élément et solide et si fin, ça lui a demandé des années de pratique. Sasuke espère que ça suffira à l'effrayer. Il n'a pas envie de lui courir après, s'il lui prenait la bonne idée de s'enfuir au levé du soleil.

– Ça répond à ta question ?

– Mm, tu pourrais refaire la même chose de jour ?

– Peut-être.

Non. Pas sans s'épuiser. Passé le terme de la nuit, il peine à tirer hors de lui la force qu'il abrite.

– Et toi, tu peux courir combien de temps au soleil sans finir en poussière ?

– Pas bien longtemps.

Et il glousse. Un bruit de loutre des neiges. Toujours ce même grelot au fond de sa gorge.

– J'imagine que si tu réponds pas, c'est que t'es pas fait pour le jour.

Sasuke regarde dehors le morceau de lune qui pétille. Il se résigne. C'est une faille connue du clan Uchiwa, de toute façon. Un faible point faible pour un chasseur de vampires. Et une brèche simple à colmater pour qui sait bien s'entourer.

Il lui faut le retour du silence pour poser à nouveau ses yeux sur Naruto. C'est plus simple de l'observer maintenant qu'il ne sent plus ses yeux sur lui. Les deux mèches sacrifiées ne se remarquent déjà plus, perdues dans la masse blonde. Elles s'effacent.

Ce moment, lui aussi, s'effacera.

– Eh, dit ?

– Quoi encore ?

– Vous ferez quoi de moi, une fois que t'auras discuté avec la tête du clan Hyuga ?

– J'aviserai quand ce sera le moment.

– Mais on est d'accord que si j'ai rien fait, t'auras pas besoin de m'éliminer, hein ?

– On sait jamais.

Non, sans doute pas. Si Naruto dit vrai, et tout porte à croire que c'est le cas, il compte bien mettre son nez dans cette histoire. Il y a un vampire inconnu à châtier, un vampire qu'Hiashi semble vouloir protéger. Ça vaut le coup de chercher.

Et puis, l'autre l'intrigue. Ce sceau sur son ventre, sa nature enchaînée. Possible qu'il lui soit utile. S'ils ne trouvent rien chez les Hyuga, il y réfléchira, mais...

Oui. Il préfère brider son espoir, il ne veut plus jamais connaître la déception mordante qu'il a trop de fois essuyée. Mais il garde l'idée au chaud.

– Quoi on sait jamais ?

– Tu es un vampire.

Même limité, il doit se nourrir. Quoi qu'il ne se soit pas plaint pour l'instant, son apparence docile n'est qu'une belle couverture pour la soif qui tapisse sa gorge. Sasuke s'occupera de ce problème en temps voulu. Mais il ne l'oublie pas.

Les bêtes de nuit ont besoin de sang. Et ils savent où le trouver.


Et voilà ! A la prochaine !