Bonjour,

Voici le chapitre final de cette mini-fic. Cela m'a fait très plaisir de l'écrire, dans le cadre du concours des associations improbables, sur HPF.

J'espère que cette fin vous plaira.

Bonne lecture !


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— Astoria ! Tu viens ? Nous allons être en retard chez ta sœur.

— Je t'ai déjà dit trois fois que j'arrivais, ça ne sert à rien d'en rajouter !

Exaspérée, la jeune femme claqua la porte de la salle de bain avec un peu plus de violence qu'elle ne l'aurait voulu. Il était pourtant hors de question de s'en excuser. Le menton levé, elle passa devant son mari, saisit son manteau et franchit la porte d'entrée. Puis, elle se retourna, consciente d'être un peu mesquine :

— Bon, tu te dépêches ?

— Mon coeur, je ne sais pas ce que tu as en ce moment, mais ton attitude commence à me taper sérieusement sur les nerfs, souffla Drago, les sourcils froncés.

— Oh, excuse-moi de ne pas être une précieuse poupée docile…

— Mais pourquoi tu dis ça ? Tu n'as pas l'impression d'exagérer un peu ?

Depuis quelques jours, en effet, Astoria Malefoy vivait dans une colère permanente. Rien de ce que son mari disait ou faisait ne lui convenait. Quand il rentrait tôt du bureau et la sollicitait pour faire une promenade ou voir des amis, elle s'énervait parce qu'elle voudrait plus de temps pour elle après sa journée de travail. Mais quand il rentrait tard, elle se plaignait qu'il la délaisse. Quand il la laissait lire tranquille, elle se sentait mal aimée, et quand il s'approchait d'elle, elle avait l'impression d'étouffer.

Astoria était parfaitement consciente de ces paradoxes, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une vive rancoeur envers Drago, directement liée à sa culpabilité. En somme, elle n'avait pas l'esprit tranquille.

Ils se rendirent à pied chez Théo et Daphné. Le couple vivait à dix minutes de chez eux, facilitant les dîners en famille. Habituellement, cela leur permettait de profiter de l'air frais et du paysage féérique de la campagne. Mais ce soir, entre les jeunes mariés, l'ambiance était électrique. Astoria savait parfaitement qu'elle avait tort, mais elle n'avait aucune envie d'arranger les choses entre eux, pas pour le moment.

Un regard vers le ciel et au lieu de s'extasier sur les étoiles, elle se demanda si elle aurait des nouvelles de Neville ou si quelque chose s'était définitivement brisé entre eux. Le regard du jeune homme la hantait. Tout se passait si bien pourtant, ils avaient surmonté leur gêne initiale, et voilà qu'il lui demandait avec qui elle était mariée ! Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire, d'abord ? Ils avaient cet accord tacite, celui de ne pas parler de leur vie sentimentale et il était venu tout gâcher. Pire, il la jugeait. Les yeux bleu du jeune homme s'étaient assombris, voilés par une colère incompréhensible. De quel droit Neville Londubat se permettait-il de la juger ?

— Théo, ils sont là !

Daphné se précipita vers eux dans une tornade blonde et enlaça Astoria comme si elle ne l'avait pas vue depuis une éternité. Puis, elle pressa la main de Drago et emmena sa sœur à l'écart, dans leur petit jardin, comme à leur habitude. La brunette eut à peine le temps d'adresser un signe de la main à Théodore Nott. Drago, un sourire triste au coin des lèvres, la regardait s'éloigner. Cette vision la frappa en plein cœur et la culpabilité monta encore d'un cran. Elle ignorait que c'était possible.

Alors, sous le regard ébahi de sa grande sœur, Astoria se mit à pleurer. Affolée, Daphné l'entraîna sur un banc en pierre, à l'abri des regards. D'un geste maternel, elle enlaça sa petite sœur et lui caressa tendrement les cheveux. Les deux sœurs s'étaient considérablement rapprochées depuis la fin de la guerre.

— Je… Je… Je…

Sa voix tressautait, les mots peinaient à sortir de sa gorge, les larmes ruisselant en cascade le long de ses joues blafardes. Elle se sentait si mal à présent, le cœur broyé par un étau invisible. Oh, elle en suffoquait !

— Chut, tout va bien ma puce, murmura Daphné, dans sa patience infinie. Je suis là.

— Tu ne comprends pas…, hoqueta sa cadette. Je suis un monstre.

— Je suis sûre que non, Astie. Et si c'est Drago qui a dit ça, je vais aller lui dire gentiment ce que j'en pense, ajouta-t-elle d'un ton menaçant.

Mais Astoria ne se dérida pas. Elle prit quelques minutes pour se calmer, dans les bras de sa sœur, puis se redressa lentement. Essuyant ses larmes du revers de la manche de son long manteau, elle lui raconta tout, n'omit rien. La découverte du journal, les lettres, le rendez-vous coupable. Daphné l'écouta avec attention, ne l'interrompant à aucun instant, essuyant même de temps à autre les larmes qui s'échappaient des yeux d'Astoria.

— Tu vois, je suis horrible. Je fais payer Drago pour quelque chose qu'il n'a pas fait et je n'arrive pas à me sortir Neville de la tête, alors même qu'il n'y a rien entre nous.

— Déjà, je vais t'apprendre une chose que tu ne sais pas : Hannah Abbott, qui a repris le Chaudron Baveur à Londres, est la compagne de Neville. Il me semble que c'est une information qu'il n'a pas jugé utile de te confier. Il n'est pas tout blanc non plus, Astie.

Prise au dépourvu, l'ex-Serdaigle regarda sa sœur avec des yeux ronds. Effectivement, elle ne le savait pas, dans son esprit, il était célibataire. Il se comportait comme tel, en tout cas. Ainsi, elle n'était pas la seule à délibérément cacher l'existence de la personne qui partage sa vie. D'abord, elle lui trouva des excuses : ce n'était pas venu dans la conversation, il ne lui avait fait aucune avance franche, mais tout de même… S'il avait été honnête, il l'aurait mentionnée.

— Le mariage, c'est une sacrée étape dans une vie, tu enchaînes ta vie avec celle d'une autre personne, pour le meilleur comme pour le pire. Tu n'as pas eu beaucoup de petit-amis, ce n'est pas anormal que tu te demandes si avec un autre, les choses en iraient autrement. Mais je crois que tu idéalises beaucoup ce Neville. Que sais-tu de lui, finalement ?

Les paroles rationnelles et bienveillantes de Daphné Nott agirent comme un baume sur son cœur. Non, ce n'était pas exactement ce qu'elle voulait entendre, mais sans conteste, ce fut ce qu'elle avait besoin d'entendre. Comme depuis toujours, Daphné était la plus mature des deux, la plus posée et la voix de la raison. Aux yeux admiratifs de sa petite sœur, Théodore avait une chance de dingue. Belle, intelligente, calme et gentille comme un cœur, il n'aurait pu trouver meilleur parti.

— Merci Daf, tu es un ange, tu le sais ça ?

— Il fallait bien qu'on t'attribue un ange gardien avec tout ce qui t'arrive, ma pauvre chérie, répondit-elle en riant. Qu'est-ce que tu penses faire maintenant ? A propos de Neville ?

— Je…, hésita-t-elle un instant. Je pense que le plus raisonnable est de cesser de lui écrire, de ne pas le relancer. Mais, demanda-t-elle d'une petite voix, tu ne crois pas que je passe à côté de quelque chose ?

Daphné éclata d'un rire cristallin, faisant rougir sa petite sœur.

— Rappelle-toi à quel point tu as fais suer Drago Malefoy sang et eau pour un simple dîner avec toi ! Pour Neville, il a suffi de souvenirs nostalgiques et de quelques lettres pour que tu sois prête à tomber dans ses bras, sans même savoir que son cœur était supposément déjà pris ! Et puis ma chérie… Je sais que celui que tu aimes vraiment, c'est Drago. Ce que tu ressens avec Neville, c'est de la passion, le frisson de l'inconnu, des premières fois. Ce n'est pas ce qui fait un couple.

La brune acquiesça, rouge de honte. Bien sûr, Daphné avait complètement raison, sur toute la ligne. Elle avait pris le temps d'apprendre à connaître Drago, s'assurer qu'il n'était pas un vil Mangemort comme on voulait le dépeindre par ailleurs et qu'il était véritablement prêt à renier ses principes dépassés sur la pureté du sang. Au fur et à mesure, une vraie tendresse s'était installée entre eux, remplaçant la fougue des débuts. Et Neville… Il n'était qu'un fantasme, voilà tout. Certes, cela la faisait rêver, mais c'est dans la réalité qu'on construit une relation, une vie.

— On rentre ? Il commence à faire vraiment froid.

°OoO°OoO°

Il épousseta la neige, collée à sa lourde cape lors du trajet, puis tapa des pieds pour nettoyer ses chaussures, recouvertes de boue.

— Bonsoir Neville ! Ta table habituelle ? demanda Madame Rosmerta, passant devant lui.

— Oui, c'est parf… Tu sais quoi ? Non, je vais changer un peu. Surprends-moi. Nous serons quatre.

La serveuse lui lança un drôle de regard mais n'ajouta rien. D'un coup de baguette, elle prépara une table près de l'escalier massif qui menait à l'étage, bien loin de son emplacement favori près de la fenêtre. Il ne se sentait pas prêt à y retourner. Il entendait toujours l'ombre des rires d'Astoria qui subsistait entre ces murs,. C'était parfaitement idiot, mais suffisamment réel. Depuis ce rendez-vous, il n'était pas retourné au Chaudron Baveur. Pendant un mois, il avait esquivé les questions, de plus en plus inquiètes, d'Hannah. Toutes sortes d'excuses furent inventées. Un week-end il ne pouvait pas rentrer car il y avait conseil de classe, puis ce fut un séminaire, ou encore une oreillongoules très contagieuse. Il commençait à être à court d'imagination, mais il ne se sentait pas prêt à rentrer. Comment pourrait-il regarder Hannah dans les yeux désormais, maintenant qu'il n'était plus si sûr de son amour pour elle ?

La porte de l'auberge s'ouvrit à nouveau et ses amies entrèrent les unes à la suite des autres, toutes droit venues de Londres. Hermione fut la première. D'un grand geste, elle sécha le petit groupe, faisant évaporer la neige. Puis elle nettoya d'un second coup de baguette leurs chaussures maculées de boue.

— Merci Miss Granger ! Si tous les clients étaient aussi attentifs que toi, ce serait bien moins fatigant à entretenir, s'exclama Madame Rosmerta avec un clin d'œil.

La jeune femme sourit avec amusement et s'avança vers Neville d'un pas décidé. Elle tira la chaise face à lui. Ses cheveux bouclés et désordonnés étaient rassemblés en un chignon lâche qui mettait en valeur l'ovale de son visage. Visiblement, elle était directement venue du bureau. Luna, derrière elle, regardait les lieux d'un air nostalgique et soupira d'aise en s'installant à la droite d'Hermione. Ginny, quant à elle, ébouriffa les cheveux de Neville, qui ne put l'esquiver, et s'assit à côté de lui. Le quatuor terrible de leur septième année commune à Poudlard fut reformé le temps d'une soirée, sur une proposition enthousiaste de Ginny.

— Hannah nous a dit de te dire bonjour. Elle pense que tu es atteint de disparition pathologique, commença Luna, d'une voix douce, en guise de préambule.

Embarrassé, Neville bredouilla un vague « Elle exagère » et balaya le sujet en leur demandant d'une voix forte comment elles allaient.

— Je crois que je vais bientôt prendre ma retraite sportive. Pas tout de suite, je vais au moins aller au bout de la saison, ajouta-t-elle devant le regard stupéfait de ses amis. Mais il est bientôt temps de raccrocher le balai. Parce que…

Elle retira finalement ses gants et présenta sa main gauche, sur laquelle brillait un rubis entouré de diamants.

— Oh, il s'est ENFIN décidé ! Félicitations Gin', c'est génial ! s'exclama Hermione, qui battait les mains d'excitation. Tu n'es pas obligée d'arrêter ta carrière pour ça, non ?

— Oh, je sais bien, répondit Ginny, un sourire éclatant. C'est mon choix. Et puis, annoncer ça n'était qu'un prétexte pour vous montrer cette bague.

Ils éclatèrent de rire. Luna et Neville la félicitèrent à leur tour, ce dernier ressentant une contraction d'estomac. La bague d'Astoria s'imposa dans son esprit ainsi que ses dernières paroles : Drago. Drago Malefoy. Il avala une gorgée de sa chope pendant que les jeunes femmes discutaient des noces à venir. Il profita d'un temps de pause pour demander à Hermione :

— Et toi ? Ton nouveau travail te plaît ?

Les regards se tournèrent vers la brune qui leur expliqua en quoi consistaient ses nouvelles fonctions. Pour être honnête, Neville n'en avait cure. Il n'attendait que l'occasion de poser sa question suivante.

— Et du coup, il y a des gens qu'on connaît dans ton service ?

— Non, la plupart sont sortis de Poudlard bien avant qu'on y soit… Ah si, il y a cette femme, Astoria Malefoy. Je ne me souvenais pas d'elle, par contre, elle était plus jeune que nous.

Neville resta silencieux. Pourquoi avait-il voulu qu'Hermione en parle ? Pour s'assurer qu'Astoria disait bien la vérité ? Ou alors, pour le plaisir masochiste d'entendre son nom ?

— Oh ma pauvre, ricana Ginny. Une Malefoy ! Alors, est-ce qu'elle est aussi désagréable que les… spécimens qu'on connaît ?

— En fait non, réagit Hermione d'un ton sérieux. Je ne la fréquente pas vraiment pour l'instant, mais elle est gentille et très compétente, de ce que j'en sais.

— Neville, ça va ?

L'interrogation de Luna provoqua un gros blanc dans leur conversation. Le jeune homme ne s'était pas aperçu qu'il avait serré les poings. Il regardait fixement son verre pour ne trahir aucune émotion, ce qui était loin d'être une mince affaire pour lui. Mais le regard acéré de Luna n'avait rien manqué de ces changements.

— Oui, oui. Excusez-moi les filles, je vais aller prendre l'air. Je suis un peu fatigué ce soir.

Sans attendre de réponse, il se leva et quitta le Chaudron Baveur. Il était ridicule. Il avait besoin de parler d'elle, mais en même temps, il savait qu'il n'en avait pas le droit. Comment pourrait-il l'exorciser désormais ? Le jeune homme soupira et regarda la neige tomber à ses pieds.

Il se faisait honte à lui-même. N'était-il pas quelqu'un de droit, d'honnête ? Celui qui avait toujours recherché la justice au détriment de son sort personnel ? Alors pourquoi perdait-il ainsi la tête ? Il ne connaissait pas Astoria, pas réellement. Ah, si seulement elle n'avait jamais envoyé cette lettre ! Sans nul doute, il serait actuellement auprès d'Hannah… Mais en cet instant, il ne savait pas, il ne savait plus.

Des pas crissèrent dans la neige derrière lui. Sans se retourner, il sut qu'il s'agissait d'Hermione. Il imagina sans peine le débat qui avait animé les trois filles, Ginny voulant le suivre immédiatement, Luna lui conseillant plutôt de le laisser tranquille pour le moment et Hermione se levant d'un air sérieux et murmurant « Je vais voir ce qu'il se passe. »

— Neville ? Est-ce que je te dérange ?

— Non, lui répondit-il, le cœur lourd. Je suis désolé pour…

— Ne t'inquiète pas. Elles sont reparties sur le mariage de Ginny, on est tranquilles pour un petit bout de temps. Tu veux marcher un peu ?

Il acquiesça et suivit les boucles désordonnées de son amie alors qu'elle menait le chemin. Une fois qu'ils furent à distance, Hermione reprit :

— Je dois t'avouer une chose. Je m'inquiète pour toi depuis quelques semaines déjà. Oui, insista-t-elle devant le regard surpris de son ancien camarade. Tes lettres sont… différentes. Et Hannah m'a appelée en pleurs, il y a quelques jours, persuadée que tu allais la quitter.

Cela lui fit l'effet d'un coup de poing au cœur. Sous le choc, Neville s'arrêta net. Le ton d'Hermione était loin d'être accusateur, mais la culpabilité l'enflammait de l'intérieur.

— Non… souffla-t-il, mal à l'aise. Je l'ignorais.

— Je ne te juge pas, Neville. Tu es mon ami et surtout, quelqu'un de bien. Je veux juste que tu saches que je suis là pour toi. Ginny et Luna, aussi.

— J'ai besoin de dire la vérité à quelqu'un, je ne peux plus garder ça pour moi, murmura-t-il en retour, la voix cassée.

Silencieuse, Hermione le prit par le coude et ils reprirent leur marche. Et il lui avoua tout. La première lettre, les souvenirs du passé, la correspondance, jusqu'au rendez-vous et puis son nom marital. Malefoy.

— … Je crois que je l'ai vexée. J'étais stupéfait. Qu'elle soit mariée, ça ne me choque pas, elle a tellement de qualités. Mais avec Malefoy ! Tu réalises un peu ? Celui qui nous a harcelés pendant des années ! Ca ne te semble pas étrange, injuste même ?

Les sourcils froncés, le yeux perdus vers l'horizon, Hermione prit son temps pour répondre. Neville l'observait nerveusement, se demandant s'il avait dépassé les limites. Il se persuada que oui. Par Merlin, pourquoi n'avait-il pas su se taire ?

— Les années ont passé, tu sais… Malefoy a certainement changé, reprit-elle d'une voix posée. Il ne faisait pas le fier les dernières fois que je l'ai vu. De toute façon, c'est entre elle et lui, nous n'avons pas à juger leur couple, tu ne crois pas ?

Elle avait raison, bien sûr. Comme toujours.

— Et puis Neville… Qu'espères-tu exactement ? Elle est mariée, tu as Hannah. Si tu veux vraiment être avec Astoria, il faudrait que tu penses à Hannah, la situation n'est pas juste pour elle. Tu as le droit de ne plus l'aimer, mais tu ne peux plus continuer à agir derrière son dos… Ça te détruit de l'intérieur et elle ne mérite pas ça non plus.

Être avec Astoria. Etrangement, ces mots furent les seuls sur lesquels il bloqua. Il ne se l'était jamais dit. Il ne voulait pas vraiment être à ses côtés… N'est-ce pas ? Il rougit furieusement en imaginant sa main se glisser dans la sienne, ses yeux vert pâle se plonger dans les siens. Il s'enfonça dans sa cape, bénissant la nuit de masquer ses états d'âme aux regards indiscrets.

— Neville ?

— Oui, tu as raison. Je dois prendre une décision. Merci Hermione.

Hermione hocha la tête, son inquiétude pas tout à fait dissipée. Neville, lui, était déterminé. Il devait revoir Hannah et s'éclaircir les idées. Au fond, il savait qu'il devait oublier Astoria. Et de toute manière, n'était-elle pas trop bien pour lui ?

°OoO°OoO°

Les pavés du Chemin de Traverse luisaient sous le soleil implacable de ce mois d'août. Le thermomètre battait tous les records et ce n'était pas la brise suffocante qui allait alléger l'atmosphère. Au cœur de l'après-midi, rares étaient les courageux qui s'aventuraient dans les rues caniculaires de Londres. La plupart des sorciers avaient préféré s'envoler vers les plages ou les parcs ombragés du pays. Les courses scolaires et le shopping pouvaient bien attendre un jour plus clément.

Mais Astoria et Daphné n'en avaient cure. C'était ce jour qu'elles avaient prévu pour se retrouver et pas un autre, alors qu'importait si elles devaient user d'un sortilège de confort pour se rafraîchir ? Les deux femmes marchaient bras dessus bras dessous, vêtues de leurs atours les plus estivaux.

— C'était bien sympa aujourd'hui. Je suis contente qu'on ait passé la journée ensemble, ça faisait longtemps.

— Oh oui, à peine deux semaines, ironisa Astoria avec un sourire radieux. N'empêche, j'ai un peu soif quand même.

— Allons se prendre un verre de citronnade pimentée avant de rentrer, ça fait teeellement longtemps que je n'en ai pas bu !

— Trois semaines ? s'écria la cadette, revêtant une expression faussement choquée.

Daphné éclata de rire et fit mine de frapper sa sœur, qui esquiva élégamment le geste, un sourire narquois.

— Je te trouve bien insolente aujourd'hui, Astie. Viens !

Astoria se figea soudain en voyant la destination vers laquelle sa grande sœur l'entraînait. Non. Pas le Chaudron Baveur.

— Ce n'est pas une bonne idée, Daf…

— Astie… Ca fait presque un an maintenant. Il ne sera sûrement pas là, en plus. Viens.

Presque un an… Plutôt dix mois. Astoria avait certes pris sa décision et n'avait pas recontacté Neville. De toute façon, il ne lui avait pas donné de nouvelle non plus, la confortant dans son choix. En conséquence, l'attitude de la jeune femme envers Drago s'était grandement améliorée et ils avaient retrouvé une certaine complicité. Malgré tout, certaines nuits, l'image de Neville Londubat la tenait éveillée. Même à sa sœur, sa plus grande confidente, Astoria ne l'avait pas avoué, préférant bannir son nom de toute conversation.

Le cœur tambourinant dans sa poitrine, elle entra dans le bar à la suite de Daphné. Il faisait si frais à l'intérieur, comparativement à la rue ensoleillée, si bien que les deux sœurs frissonnèrent l'espace d'un instant, le temps de se réhabituer à des températures acceptables. Astoria lança un regard circulaire autour d'elle. Il y avait du monde aujourd'hui, beaucoup avaient choisi de se réfugier dans ce bar plein de vie. Une femme blonde, sans doute la fameuse Hannah, leur adressa un signe de main à leur entrée. Astoria lui répondit d'un sourire timide, ignorant la culpabilité qui lui remuait les entrailles. Neville n'était nulle part en vue. Etait-elle déçue ou rassurée ?

— Ne t'inquiète pas. Assieds-toi ici, chuchota sa grande sœur, l'entraînant dans un coin, près d'un grand escalier.

— Daphné ! Comment vas-tu ? lança Hannah, s'approchant d'elles, les mains sur les hanches.

Elle avait un beau visage, remarqua-t-elle. Ses longs cheveux blonds tressés en couronne autour de sa tête le mettaient en valeur. Ses yeux chaleureux se posèrent sur Astoria, qui baissa aussitôt la tête, soudainement très intéressée par un pli de sa robe.

— Je te présente ma petite sœur, Astoria. Excuse-la, elle n'a pas l'habitude de la foule…

La jeune brune retint de justesse un regard meurtrier et salua la patronne avec courtoisie.

— Je te laisse passer la commande, Daf. Je suis désolée, pourrais-je savoir où se situent les toilettes ?

Hannah lui indiqua un étroit couloir qu'elle n'avait pas remarqué en entrant, et expliqua leur emplacement. L'ex-Serdaigle en profita pour fuir sans demander son reste. Elle ressentait le besoin de s'asperger le visage pour s'éclaircir les idées et passer à autre chose. Les émotions se bousculaient en elle, si bien qu'en longeant le couloir vers la dernière porte, elle ne fit pas attention à la personne qui sortait justement d'une pièce à ce moment-là. Evidemment, elle percuta de plein fouet l'homme, qui la retint en glissant une main derrière son dos. Neville. Sous le choc, elle l'observa les yeux écarquillés, la main posée sur son torse.

Des mèches châtain s'échappaient sur ses yeux bleu, alors qu'il la regardait avec stupeur. Suffisamment près pour sentir son parfum discret de cèdre et de terre fraîchement retournée, Astoria observa sa mâchoire bien dessinée, jusqu'à ses lèvres fines légèrement entrouvertes. Réalisant ce qu'elle faisait, ses joues se teintèrent de rouge vif, brûlées d'embarras.

Un bruit de verre provenant de la salle de bar les fit sursauter tous les deux. Neville jeta un regard autour de lui, s'assura qu'ils étaient seuls et entraîna la jeune femme dans la pièce qu'ils venait tout juste de quitter. Il s'agissait d'une réserve, dont l'odeur de poussière et de carton agressèrent les narines d'Astoria, peu habituée à ce type d'environnement. Mais en cet instant, elle s'en fichait éperdument. Il était là, devant elle. Le monde n'existait plus. Il n'y avait plus de clients, plus de Daphné, plus d'Hannah, plus de Drago. Seuls comptaient son visage, ses yeux, ses lèvres.

— Neville, je suis déso…

Son chuchotement fut brusquement interrompu par les lèvres de Neville sur les siennes. Astoria avait tort. Le monde n'avait pas disparu, puisqu'il venait d'exploser tout autour d'elle. Elle répondit ardemment au baiser, les jambes flageolantes, les bras glissés autour du cou de Neville. Il n'y avait plus qu'eux, perdus dans ce moment volé, hors du temps. Il fut le premier à briser le contact, à regret.

Il la contempla longuement, les yeux voilés de tristesse dans la pénombre ambiante. Seule une faible lueur tremblotante les éclairait. Ils se comprirent aussitôt. Ils avaient honteusement cédé à la tentation, mais cela ne signifiait pas qu'ils avaient eu raison. Les mots de Daphné lui revinrent en mémoire, porteurs d'une sagesse bienvenue : Ce que tu ressens avec Neville, c'est de la passion, le frisson de l'inconnu, des premières fois. Ce n'est pas ce qui fait un couple.

— Si seulement les choses étaient différentes, soupira-t-il.

— Oui, répondit-elle à regret. Ça ne doit pas se reproduire.

Il acquiesça péniblement. Ils étaient sur la même longueur d'ondes. La réalité frappait à leur porte. Quand ils quitteraient cette pièce, tout devrait à nouveau suivre l'ordre établi. Astoria fut la première à poser une main sur la poignée. Incapable de lever les yeux vers lui, elle articula à mi-voix :

— Adieu Neville. Sois heureux.

— Je te le souhaite aussi, Astoria. Même si c'est avec Drago Malefoy, ajouta-t-il avec un sourire peiné.

Et elle le laissa là, avec un dernier sourire, prête à affronter le monde extérieur. A chaque pas, un pan de la réalité la giflait. Qu'avait-elle fait ? Le regrettait-elle, de s'être laissée entraîner ? Non, se répétait-elle. Cela n'a rien à voir avec Drago. Cela n'a rien à voir avec Hannah. La passion les avait saisis, ils devaient solder cette occasion manquée. Mais à quoi bon ? lui soufflait sa conscience, celle qui avait une ressemblance troublante avec la voix de Daphné ? C'était nécessaire. Maintenant, je peux tourner la page. Drôle de façon de le faireElle retourna face à sa sœur, qui sut immédiatement que quelque chose est arrivé.

— Buvons, et partons, se contenta de répondre Astoria au regard inquisiteur de l'aînée.

Non, elle n'était pas fière d'elle. Non, ce n'était pas dans ses habitudes. Mais maintenant, elle savait ce que ressentait son sauveur de boue, elle savait que son béguin était partagé, elle savait qu'ils étaient parvenus à la même conclusion, et avaient simplement volé ce souvenir, celui de leurs lèvres entremêlées. Un souvenir qu'elle chérirait, mais qui ne la tiendrait plus éveillée la nuit. Cela, elle en avait la certitude.

Pourtant, à un aucun moment, elle ne croisa le regard d'Hannah. Jamais plus, elle ne remettrait les pieds au Chaudron Baveur, quoiqu'en dise Daphné. Sa vie auprès de Drago pouvait reprendre, sereinement cette fois. Elle réalisa qu'elle l'avait choisi, depuis le début. Et tant pis si elle devait vivre avec cette faute.

°OoO°OoO°

— Neville ?

Hannah s'avança dans le salon. Neville, un sourire nostalgique sur les lèvres observait la cheminée dont le feu ronflait, diffusant une chaleur infernale dans l'appartement.

— Un feu de cheminée pendant la journée la plus chaude de l'année ? Tu ne cesseras jamais de m'étonner mon chéri.

Pour simple réponse, il rit. Elle ne vit pas la peine et la honte lutter dans son esprit. Il méritait de brûler lui aussi, pour ce qu'il lui avait fait. Pourtant, d'un coup de baguette, le jeune homme éteignit le feu. Seules quelques flammes survécurent, hypnotisantes.

— Oh tu n'étais pas obligé…

— Je sais, répliqua-t-il d'un ton grave.

Il embrassa Hannah sur le front et l'entraîna vers le couloir. Derrière lui, les cendres continuaient à voleter. Seul un petit bout de parchemin subsistait, léché par les flammes. Avant qu'il ne se consume tout à fait, on put distinguer un seul mot : Astoria.


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Et voilà, c'est sur cette fin mi-figue mi-raisin que je termine leur histoire éphémère. Aviez-vous deviné que cela se finirait ainsi ?

J'adore Daphné en grande soeur... C'est un personnage qui mériterait que je l'explore aussi à l'occasion.

Je rappelle quand même que je ne cautionne pas la tricherie envers son partenaire (nope nope) ! Mais il n'empêche que je me suis bien amusée en mettant ces personnages dans cette situation, loin des habituels bourreaux des coeurs. Bref, ça me change un peu.

Merci de m'avoir lue et une review, même minuscule, fait toujours (beaucoup) (énormément) plaisir.