Chapitre 3 :

Draco se réveille avec un mal de tête carabiné, un de ceux qui est consécutif à une trop grande consommation d'alcool. Et même s' il n'en est pas spécialement fier, ceux là, il les connait plutôt bien. Mais ce n'est pas vraiment ça qui lui donne envie de se rouler en boule dans son lit pour y mourir, ce sont les flashs qu'il a de la nuit dernière.

D'habitude quand il se torche à ce point, les souvenirs qui lui reviennent les lendemains sont ceux d'hommes sans visage –mais surtout sans vêtements- avec lesquels il s'est vautré dans le stupre-enfin dans les moyens de ses capacités, car l'alcool n'a pas tendance à noyer que son foi mais aussi sa libido-.

Non, cette fois, dans ses flashs l'homme ressemble bien trop au Potter barbu et revêche qui figure dans la presse pour être une illusion et il reste habillé tout le long.

Il se souvient des hiboux au repas du soir qui apportaient les journaux aux quelques employés de Poudlard qui n'étaient pas partis en vacances. Que des publications exceptionnelles, au point qu'au début il a été un peu inquiet qu'on annonce une troisième guerre mondiale ou une sorte de fin du monde mais la presse sorcière s'était en réalité empressée de rapporter la conférence de presse de Potter du matin même (un évènement en soi) dans laquelle l'Elu annonçait son homosexualité.

Il avait écouté, complétement sonné, les commentaires de ses collègues –tous aussi stupéfaits que lui mais pas pour les même raisons-. Puis une fois dans sa chambre il avait lu attentivement tous les articles de tous les journaux qui parlaient de Potter et quelque part au milieu de tout ça, il avait décidé que boire serait une bonne idée. Parce qu'en dévoilant son homosexualité au monde, Potter l'a trahis une seconde fois.

Draco s'est demandé, et il se demande toujours, pour quel homme Potter a fait ce qu'il a refusé de faire pour lui. Qui donc a réussi ce tour de force ? Crivey ? Un autre ? Il est certain que d'ici quelques semaines il aura sa réponse, quand l'Auror s'affichera au bras de celui pour qui il a décidé d'arrêter de se cacher.

En attendant, la suite de ses souvenirs est flou mais il pense que, ivre de rage –et ivre tout court d'ailleurs-, il a dû amener Potter à lui grâce à la marque, sinon pourquoi aurait-il débarqué ici en pleine nuit ? Il croit aussi se souvenir que l'échange entre eux a été bref mais non dénué d'animosité. Il est presque certain d'avoir insulté le brun et d'avoir été insulté en retour.

Il a déjà imaginé comment ça serait de revoir Potter. Même s'il avait toujours été persuadé que c'était pour le mieux de ne plus le croiser, son imagination n'avait cessé de carburer à plein tube sur le thème du « Si jamais je me retrouve face à lui». Parfois les dialogues changeaient, parfois c'était les lieux ou les circonstances mais toujours, à chaque putain de fois dans toutes les scènes fantasmagoriques que son esprit inventait, il y avait une constance : Draco restait digne face à Potter.

Ouaip, digne et détaché, pas une ridicule loque avinée dans l'incapacité de tenir debout, le cheveu hirsute, les vêtements imbibés de whisky.

Draco renifle son t-shirt et son odorat lui confirme qu'à un moment donné le tissu a bu aussi. Il se met difficilement en position assise et retire son involontaire compagnon de beuverie avant de le jeter quelque part sur sa droite.

Il a la désagréable impression que son estomac et sa tête se livrent un combat interne pour savoir lequel des deux peut parvenir à lui faire lui infliger le plus de dégât.

Quand il se lève, il est quasiment obligé de courir aux toilettes pour vomir, donc il suppose que l'estomac gagne cette première manche. Il espère qu'il lui reste une potion anti-gueule de bois quelque part dans son stock.

Ce n'est que vingt minutes plus tard alors qu'il se trouve sous la douche et que son esprit commence à s'éclaircir, notamment grâce à la potion, qu'il décide de réfléchir sérieusement aux conséquences de son comportement de la veille.

Le coming-out de Potter le laisse encore sous le choc mais ce que lui a fait : utiliser la marque pour l'amener ici, le perturbe encore plus.

Parce qu'il y a sa thérapie qu'il continue de suivre religieusement une fois par semaine et aussi le fait qu'il arrive de nouveau à faire de la magie normale sans tomber dans une crise de tétanie aigue, alors il a cru que sa crainte de se comporter un jour comme Voldemort était derrière lui.

A l'évidence, il a eu tort.

Il sait, il a toujours su, qu'il doit débarrasser Potter du tatouage. C'était une erreur de penser que la situation pouvait rester en état, la nuit dernière le lui a prouvé. A présent, il faut juste qu'il rassemble assez de courage pour aller voir Potter et en finir avec ça.

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Ça lui prend quatre jours pour rassembler ce courage-et encore il se trouve rapide- et c'est surtout à cause des cauchemars récurrents qui avaient à peu près disparus mais qui semblent être revenus en force avec un léger changement cependant. Il ne se voit plus en train de torturer des moldus sous les encouragements enthousiastes de Voldemort, non à présent c'est lui qui oblige un Potter livide et accablé à torturer des innocents.

Donc quand il arrive finalement au département des Aurors, un mardi matin d'aout, il se sent comme si il est sur le point d'affronter une armée de dragons alors qu'il s'apprête juste à se retrouver face à son ex et aux dernières nouvelle le souffle de Potter n'a pas encore le pouvoir de cracher des flammes. Ça aurait été plus simple d'ailleurs si le balafré avait une haleine à assommer un cheval. Il se sent aussi extrêmement fatigué mais il espère que ça ne se voit pas trop.

Quand il demande à voir Potter à l'Auror de service à l'accueil, un homme antique de l'avis de Draco. Le croulant lui répond que Potter n'est pas là. Quand il demande quand est-ce que Potter sera de retour, il lui répond que ce genre d'information n'a pas à être divulgué à des civils. Draco sent sa patience s'effilocher et il est sur le point de demander à l'Auror derrière son comptoir si sa mère a couché avec un scroot à pétard pour qu'il ait cette tête de con mais Weasley sortant de nulle part –ou plus vraisemblablement de son bureau- l'interpelle avant qu'il n'ait le temps de satisfaire sa curiosité.

-Je m'occupe de lui Augustus, dit-il à l'Auror. Monsieur Malfoy est une vieille connaissance.

Augustus les regarde puis regarde le gros registre sur son bureau avant d'y griffonner des mots d'une étrange écriture gracieuse qui ne va pas du tout, selon Draco, avec l'allure du type.

Augustus marmonne quelque chose que Draco n'entend pas car Weasley le traîne déjà à l'extérieur du département des Aurors.

Ils se retrouvent dans la même ginguette où ils ont déjà mangé, mais il y avait Potter avec eux à l'époque. Weasley investit les lieux en saluant quasiment tous les habitués et les employés par leurs prénoms.

Après toute cette ennuyeuse effusion de bonne humeur, Weasley commande un grand capuccino avant de demander à Draco ce qu'il veut, c'est plutôt surprenant de voir ce crétin mettre en application quelques règles de politesse.

-Café, répond-il succinctement parce que Weasley ne mérite pas qu'il fasse l'effort de prononcer une phrase complète. Noir.

-Noir ? demande Weasley l'air sincèrement intéressé, c'est pour être assorti à ton âme?

Draco hausse un sourcil. Il aurait du s'attendre à cette vieille blague éculée de la part Ronald-Belette-Weasley.

-Non, c'est pour être assorti à ton cul une fois que je t'aurai balancé le sortilège de feu Deymon qui trépigne déjà au bout de ma baguette.

Weasley prend un air outré et quand il parle sa voix est au moins de deux octaves trop hauts.

-Premier café ensemble depuis une éternité et tu veux déjà me montrer ta baguette ? Un peu de tenue Monsieur Malfoy !

Des clients ricanent et l'un d'entre eux fait même un high five à Weasley. Draco prie pour avoir la patience de supporter les pitreries du rouquin, en même temps il est dégouté de l'image que Weasley vient d'évoquer. Comme Draco pourrait un jour vouloir montrer sa bite à ses ridicules fesses tachetées ! Supporter sa compagnie est malheureusement le meilleur moyen pour savoir où se trouve Potter alors Draco reste.

Finalement Weasley le suit jusqu'à la table la plus à l'écart et s'assoit en baillant.

-J'étais d'astreinte cette nuit, dit-il finalement en le fixant comme si Draco pouvait être intéressé de savoir pourquoi le miséreux était fatigué, mais t'as l'air encore plus crevé que moi Malfoy. Vous n'êtes pas sensés être en vacances vous autres les professeurs ?

-Je suis toujours aussi frais que la rosée du matin, répond Draco. Toi par contre, tu as l'air d'une merde.

-Toujours un plaisir de bavarder avec toi, commente Weasley en soufflant sur sa tasse.

-Je suis réputé pour mon exquise conversation, confirme Draco. Où est Potter ?

-En Pologne, depuis hier.

-En Pologne !? répète Draco surpris.

-C'est un pays à l'Est, entre l'Allemagne et la Russie, une situation géographique qui ne lui a pas très bien réussie dans le passé.

-Je sais où se trouve la Pologne, connard ! siffle Draco. Alors comme ça, Potter balance sa petite bombe et se tire à l'étranger. Typique de lui !

Il est en colère. Potter est encore parti comme si le fait d'annoncer son homosexualité n'était qu'une broutille et que le monde sorcier-et lui- n'était pas devenu tout en émoi après une telle révélation.

-Si tu penses que c'est typique de lui, alors tu ne le connais pas si bien que ça, répond Weasley.

-Toujours le chevalier roux du héros, tu n'es jamais fatigué de ce rôle Weasley ?

-Et toi tu n'es jamais fatigué de lui coller toutes les tares de la terre sur les épaules ? lui réplique Weasley sèchement. Cette mission en Pologne était prévue depuis un moment et elle ne doit durer qu'une dizaine de jours ensuite il revient. C'est Hermione qui lui a conseillé de faire sa conférence de presse juste avant de partir, histoire de laisser les journalistes s'en donner à cœur joie, lui voulait faire ça après et être là pour encaisser la moindre injure à son encontre.

« Pour qui a-t-il fait ça ? Quel est le type qui a réussi à le faire tomber amoureux à ce point ?» ces questions sont là au fond de sa gorge mais Draco refuse de les prononcer, parce que ça s'apparenterait beaucoup à de la jalousie.

-Bien sûr Granger est dans le coup. J'aurai du m'en douter, ricane-t-il à la place.

-C'est Weasley depuis plus de huit ans, tu sais, le jour où elle m'a épousé.

Draco balaie la remarque d'un geste de la main.

-Je me suis toujours demander, dit-il à la place, comment tu as fait pour accepter que ton pote soit gay aussi facilement. Granger, je comprends, elle vient d'une famille moldue aux idées progressistes, mais toi, bien que ça me coute de nous trouver un point commun, tu es un sang-pur comme moi. On nous a inculqué certaines valeurs. Je veux dire je serais le premier homophobe du coin si je n'aimais pas autant les bites.

Weasley se contente de hausser un sourcil devant sa vulgarité, ne prenant même pas la peine de rougir ou de paraître choqué alors que c'était le but évident de Draco.

-Je ne crois pas, lui répond-t-il finalement après l'avoir soupesé du regard. Etre gay et homophobe n'est pas incompatible, tu sais. Tu ne l'es pas maintenant donc il n'y a aucune raison qu'une version hétérosexuelle de ta personne le soit. Tu étais un gamin intolérant mais Hermione disait déjà à l'époque que ce n'était qu'une façade. Et ma femme a très souvent raison, ce qui est plutôt agaçant mais on finit par s'y faire.

-Je suis ravi d'apprendre que vous vous êtes penchés dans les profondeurs de ma conscience, ironise Draco, mais ça ne répond pas à ma question.

Weasley semble surpris qu'il attende vraiment une réponse et pour tout dire Draco est surpris aussi mais il veut vraiment savoir pourquoi ce type ne réagit pas comme le commun du monde sorcier. Certes Potter est son meilleur ami mais Draco sait que sa propre mère espère encore qu'il change de bord, se marie et lui offre des petits enfants.

Quand Weasley se décide enfin à parler son ton est passé de léger à sérieux.

-Harry a changé ma vie, dit-il. Il en a fait une aventure et pour ça il pourrait même aimer se taper des chèvres, du moment que la chèvre est consentante, je l'encouragerais. Ça n'a rien à voir avec les valeurs qu'on m'a inculqué, ça a juste à voir avec lui. Je l'aime tel qu'il est.

-Ok, souffle Draco en se levant, après avoir passé quelque seconde à fixer Weasley comme un hibou, j'ai eu ma dose de bons sentiments pour toute une vie. Pourquoi faut-il qu'avec vous autres les gryffondors chaque conversation doivent se terminer par une sorte d'ode à l'amitié ou à l'amour ? C'est complétement malsain.

-Intéressant de te voir affecté Malfoy, commente Weasley avec un léger sourire.

Draco lui jette un regard noir. Weasley a une imagination débordante.

-Je vais mettre cette erreur d'interprétation de mes émotions sur le compte de ta fatigue, répond-t-il sèchement. Hiboute moi quand ton meilleur-ami-à-la-vie-à-la-mort reviens dans les parages.

Draco a le temps d'entendre la voix amusée du rouquin dire « Je n'y manquerais pas, Malfoy ! » avant de se retrouver dehors et de prendre une grande goulée d'air frais.

°O°O°O°O°

Treize jours plus tard le hibou qui l'attend dans la grande salle ne vient pourtant pas de Weasley mais de Potter en personne.

Le mot est succin mais les mains de Draco tremblent quand même un peu quand il le replie.

« Je serais à Poudlard cet après-midi. Si tu veux toujours me rencontrer, rendez-vous à 14h au terrain de quidditch.

H.P. »

Ça ne lui laisse que trois heures, il n'aime pas ça, être pris au dépourvu par Potter entre tous mais peut être que même s'il avait des années de préparation avant de le revoir (ce qu'en quelque sorte il a eu) il se sentirait tout aussi désemparé. Ça n'empêche que Draco aurait préféré avoir la main mise sur le lieu et le jour du rendez-vous. Tenter de débarquer sans prévenir au bureau de Potter est d'ailleurs exactement ce qu'il a fait, juste pour se sentir un peu en position de force. Sauf que ce connard était en Pologne donc son plan est tombé à l'eau.

D'un autre côté, il vaut mieux que tout se termine au plus tôt. La rentrée est dans cinq jours et savoir que cette histoire de marque sera derrière lui à quelque chose de vivifiant. Il va se débarrasser du dernier lien qui le lie à Harry Potter et tourner enfin la page.

Ça va être bien.

Sauf que quand il se trouve devant Potter trois heures plus tard sur le même terrain de quidditch qui a été témoin de tant de leurs affrontements il comprend que quelque chose ne va pas.

Potter se tient devant lui sans sourire, avec sa barbe noire que Draco déteste et ses yeux verts qui le fixent sans ciller. Il l'a juste salué d'un bref signe de tête. Et ça ne va pas car Draco comprend soudainement pourquoi il déteste cette barbe.

Et c'est comme si son inconscient a osé de lui planter un coup de couteau dans le dos. Il est tellement surpris par cette révélation qu'il reste bêtement là, silencieux en encaissant le choc.

Il déteste cette barbe pas parce qu'il la trouve moche, au contraire ça donne à Potter une allure plus sauvage qui lui va terriblement bien. Non il la déteste car il ne l'a jamais touchée, ses doigts ne connaissent sa texture. Il la déteste car il ne sait pas l'effet que ça fait de la sentir se frotter contre sa peau à lui. Sa peau rougirait probablement sous l'irritation, surtout aux endroits sensibles comme l'intérieur de ses cuisses…

Draco serre les dents, puis il remarque aussi que Potter a quelques cheveux blancs qui détonnent dans la masse noire du reste de sa tignasse et il les déteste aussi pour la même raison, car il ne les connait pas. Ils sont la preuve de deux ans sans l'approcher. Il a envie de frapper quelque chose.

-Ron a dit que tu voulais me parler, soupire finalement Potter probablement lassé de se faire dévisager, mais tu sembles plutôt sur le point de m'écorcher vif. Peut-être que je devrais partir avant que ça ne dégénère.

-Non, reste, dit Draco trop rapidement. Je sais me comporter en être civilisé.

-Ouaip. Tant que tu n'as pas bu, réplique Potter amèrement.

Leur regard à tous les deux se posent sur le bracelet en cuir que Potter porte au poignet et la culpabilité de Draco est si grande qu'il en a la nausée.

-C'est pour ça que je voulais te parler, explique-il après avoir pris une grande inspiration, je tenais à m'excuser. Je n'aurais jamais du me servir de la marque. Encore une fois.

-C'est vrai, confirme simplement Potter. Tu n'aurais pas du.

« Et je vais te l'enlever. J'en suis enfin capable ! Tu seras débarrassé de moi et je serais débarrassé de toi !»

-C'est tout ce que tu voulais me dire ? Je peux y aller ?

-Quoi ? Ma vue t'insupporte tellement que tu es pressé de t'enfuir ? ironise Draco qui se sent complétement perdu et totalement incapable de dire à Potter qu'il peut lui enlever la marque. Il s'assoie lourdement sur le banc des tribunes. « -J'ai pensé qu'après deux ans nous pourrions avoir une vraie conversation. »

C'est faux, il n'a jamais voulu avoir une vraie conversation avec Potter et il doit lui enlever ce foutu tatouage alors pourquoi raconte-t-il toutes ces conneries ? Il agit comme s'il essaie de rester le plus longtemps possible en compagnie de l'homme qui lui a brisé le cœur et qu'il a passé plus de deux années à éviter. C'est totalement irrationnel.

Potter le fixe clairement sur la défensive. Cette défiance ouverte le contrarie, Draco ne voit pas d'autre explication au sentiment de tristesse qu'il ressent.

-Une vraie conversation ? répète-t-il comme si ces trois mots lui écorchaient la gorge. De quoi veux-tu parler ?

-De Marc-Antoine. Il est mort, lâche Draco à son propre étonnement.

Il est en train de perdre totalement pied dans cette conversation et il ne comprend pas ce qui lui arrive. C'est vrai que Marc-Antoine, le zonure qui lui servait d'animal de compagnie est mort cet hiver mais il n'avait aucune intention d'en faire part à Potter. Et l'éclair de douleur qui passe dans les yeux verts ne le surprend pas. Potter était attaché au lézard. Ils communiquaient ensemble en fourchelangue, il vivait même avec lui dans la maison des Blacks avant que Draco ne le reprenne avec le reste de ses affaires.

Tant mieux s'il a mal, pense Draco farouchement. Tant mieux s'il a mal, se convainc-il. Potter lui a brisé le cœur alors il veut briser le sien en retour même si ça doit être à coup de lézard mort. Alors tant mieux s'il a mal !

-Je suis désolé, murmure finalement Potter en le fixant d'un air concerné. Je sais à quel point tu tenais à lui.

Draco hausse les épaules. « Ce n'était qu'un gros lézard ! » veut-il répliquer nonchalamment mais sa gorge est trop serrée, il aurait du savoir que Potter allait lui balancer des paroles de réconforts –même si elles sont complétement conventionnelles- c'est dans sa nature de golden-boy, pourtant ça le touche quand même. Il a envie de rire devant son impuissance.

Potter fait montre d'un peu de compassion à son encontre et au lieu de trouver ça vomitif il a envie à son tour d'effacer le pli triste qui a pris place au coin de sa bouche et les rides du lion au dessus de ses sourcils froncés.

-Il n'a pas souffert, dit-il alors en détournant les yeux. Enfin il était malade…mais j'ai fait en sorte qu'il ne souffre pas.

Marc-Antoine était mort d'une sorte de cancer, ça avait été rapide. Du jour au lendemain il avait refusé de s'alimenter –même de sauterelles- et neuf jours plus tard il était mort en dépit des soins de Draco. C'est bizarre de se sentir encore triste des mois plus tard et que Harry Potter soit le seul qui puisse comprendre sa peine sans que Draco ne se sente complétement ridicule.

-Je suis sûr que tu as fait tout ton possible.

Il y a un nouveau silence pesant avant que Potter ne bouge inconfortablement, ce qui fait que les yeux de Draco se pose de nouveau sur lui.

« -Tu voulais me dire autre chose ? demande Potter d'une voix plus lasse.

De toute évidence il veut en finir au plus vite.

Draco redresse les épaules, pas encore prêt à le laisser partir. Plus tard il réfléchirait à son attitude mais pour l'instant il continue de laisser son instinct prendre les rennes et son instinct a besoin de savoir qui est celui qui a volé le cœur de l'homme qui fut le centre de son monde. –il ne comprend pas encore que mettre la fin de cette phrase au passé est une totale aberration-.

-Je voulais aussi te féliciter, dit-il avec autant de détachement dont il est capable.

Potter a le mauvais gout de ne pas comprendre immédiatement où il veut en venir et fronce de nouveau les sourcils. Draco a l'impression qu'il fait ça souvent. Il n'était pas comme ça avant. Il souriait plus. Mais il vaut probablement mieux qu'il ne le fasse plus, Draco ne se souvient que trop de l'effet qu'ont sur lui ses sourires.

-Pour quoi ?

-Et bien, tu sembles enfin avoir trouvé quelqu'un d'assez spécial pour vouloir annoncer au monde entier que tu es gay. Le bonheur conjugal mérite quelques louanges, tu ne crois pas ?

Draco se demande s'il est masochiste car il a un peu l'impression de suffoquer rien qu'en évoquant l'homme mystère. Mais il est sûr que rien ne se voit sur son visage placide et c'est la seule bonne chose dans toute cette confrontation.

Potter cligne des yeux et le regarde comme si Draco parlait une langue étrangère puis-pour changer- son air renfrogné revient au galop.

-Il n'y a personne de spécial, répond-t-il. Si j'ai fait cette annonce c'est parce que Devnet O'Flaherty a été victime d'une attaque homophobe. Tu avais raison d'ailleurs, il est amoureux de Ophiuchus. Hermione m'a convaincue que faire mon coming-out serait un premier pas pour changer les mentalités du monde sorcier.

C'est au tour de Draco de cligner bêtement des yeux. Il se souvient bien sûr des deux élèves de Potter et que l'un d'entre eux –Ophiuchus Léto, un sang pur- est devenu élève Auror, il avait quelques cours en commun avec Potter. Mais il ne s'attendait pas à ce que ce soit à cause d'eux que l'Elu ait complétement retourné sa veste en ce qui, du temps de Draco, était encore de l'ordre du sombre secret cadenassé à double tour dans les recoins de sa vie privée.

« Mais que je suis con !» pense Draco alors que la réalité le frappe avec la force d'un train en marche.

Puis il se met à rire, ce n'est d'abord qu'un gloussement mais bientôt il n'arrive plus à le retenir. Ce n'est pas un beau rire, il est cassant, nerveux et tendu. Draco se demande si les mecs de l'asile d'aliéné ont aussi ce même genre de rire qui sort à présent de sa gorge. Quand il lève les yeux sur Potter, le regard désemparé que ce dernier lui jette lui fait l'effet d'une douche froide et son rire s'éteint heureusement.

Son corps tremble pourtant encore de son récent éclat mais il se relève de son banc pour se trouver à la même hauteur que Potter.

-Te rends tu comptes Potter, dit-il enfin d'une voix tellement acide qu'il pourrait cracher des citrons, que tu as été incapable de faire ton coming out pour nous ou même juste pour toi, mais tu le fais pour aider un petit PD qui s'est fait amocher. C'est tellement toi que ça en devient caricatural.

« Putain de sauveur ».

Il a envie de rire encore mais il est presque certain que s'il le fait il va se mettre aussi à pleurer alors il se contente de se tenir là, tout tendu, sur le point d'exploser de rage et de dépit.

Il aurait pourtant du savoir, Potter trouve toujours, toujours la force de se battre pour les autres. Il vient seulement de comprendre qu'il n'était pas assez important pour qu'il se batte pour lui aussi.

-Peut-être que j'aurais été capable de le faire pour nous si tu m'avais laissé plus temps, si tu y avais cru aussi, ose dire Potter.

-Tu déconnes ? souffle Draco.

Mais Potter ne semble pas déconner. Il secoue la tête, ses yeux verts sont bizarrement brillants et son corps est aussi tendu que celui de Draco.

-Puisqu'on en est à parler à cœur ouvert, reprend-t-il, la vérité Malfoy, c'est que tu n'as jamais cru en nous. Dès que tu posais les yeux sur moi, c'était un peu comme si j'étais ton putain miracle personnel, trop bien pour l'ancien mangemort, n'est-ce pas ? Tu as toujours cru que je finirais par te quitter. Qu'entre nous ça ne pouvait pas durer…

-Et à raison, fulmine Draco, tu es celui qui a laissé Crivey mettre sa bite dans ton cul !

Il est lui-même choqué par sa rage mais Potter se contente de sourire amèrement.

-Ouaip, ça a du te faire un choc de voir qu'en fait ce n'est pas que j'étais trop bien pour toi mais l'inverse. Le héros est tombé de son piédestal, n'est-ce pas ? Je ne suis qu'un homme et j'ai merdé. Et je t'ai perdu.

-Ne fais pas de moi le connard ici ! crache à présent Draco hors de lui. Je ne t'ai jamais considéré comme un surhomme. Mais J'avais confiance en toi ! Je t'aimais bordel !

Harry sursaute et secoue la tête.

-Non, répète-t-il, tu n'as jamais cru en nous…j'étais le seul qui…

-Et comment aurai-je pu y croire ? Alors que tu cachais notre relation à tout le monde ! Si j'avais été important pour toi, tu aurais fait pour nous ce que tu as fait pour O'Flaherty et Leto !

- Tu étais important pour moi ! coupe Harry furieusement. Tu l'es toujours putain ! Tu es l'homme de ma vie Malfoy !

Draco complétement sonné recule comme si Potter vient de le frapper et non de lui faire une sorte de… déclaration d'amour ? Non, c'était carrément une déclaration d'amour et c'était aussi la dernière chose à laquelle Draco s'attendait. Le sol se serait ouvert sous leurs pieds qu'il aurait été moins surpris.

-Quoi ? croasse-t-il tandis que son cœur s'emballe péniblement.

-Pas la peine d'être aussi choqué, reprend Potter qui a tout de même l'air d'avoir envie de se retrouver n'importe où sauf ici, je ne vais pas t'embêter avec ça, sois sans crainte. Je finirais par cesser de t'ai…de ressentir tout ça, c'est juste une question de temps.

Draco recule de nouveau, il ne sait pas comment réagir, il recule comme s'il se trouve devant un incroyable danger. Il veut dire quelque chose mais probablement pour la première fois de sa vie il se retrouve littéralement à court de mots.

-Je vais y aller à présent, dit Potter. Salut.

Toujours muet, Draco le regarde partir.

« Merde, pense-t-il, il vient de se passer quoi là ? !?»

A suivre…