STRANGER THINGS | UNE FAMILLE AVANT TOUT

CHAPITRE 4 – PAS DE TA FAUTE

Avertissement : Stranger Things, ses personnages et son univers apparaissent à Netflix et aux frères Duffer. Je ne possède aucun droit sur cette licence et je ne tirerai aucun bénéfice pécuniaire de cette histoire.

Une semaine s'était écoulée depuis cette discussion nocturne qui les avait tous les deux émus autant qu'il était possible. Leur relation n'avait, depuis lors, jamais été aussi fusionnelle et proche. Eleven considérait Hopper comme son père et lui, comme sa fille. Une famille avant tout, comme l'avait promis le chef de la police. Les angoisses de l'enfant avaient également diminué, si bien que désormais, les cernes qui soulignaient ses yeux chocolat se dissipaient pour qu'elle adopte à nouveau un visage frais et des traits détendus. Chaque soir, Hopper lui lisait une histoire pendant une demi-heure avant d'éteindre la lampe de chevet et de l'embrasser sur le front. Ce à quoi elle répondait toujours par un « Je t'aime papa » qui le faisait toujours fondre de l'intérieur. Ensuite il regagnait son lit où il se permettait de savourer ce bonheur nouvellement acquis. Plus que jamais, il voulait se battre pour conserver cette paix et c'est dans ce sentiment de bienêtre qu'il s'endormait et plongeait dans un sommeil réparateur. Depuis la mort de Sarah, il n'avait pas connu de nuit aussi paisible que celles qu'il vivait maintenant.

Pourtant, cette nuit-là ne fut pas comme les autres. Ce ne fut pas le chant tonitruant de son réveil qui le sortit de ses rêves, mais un cri de terreur qui déchira le calme de la cabine. Lorsqu'il ouvrit les yeux, il fut ébloui par les lampes dont les clignotements sauvages semblaient se caler sur le rythme des hurlements. Pour Hopper, il n'y avait aucun doute sur l'origine de cette perturbation. Chassant les derniers stigmates de sommeil, il bondit hors de son lit et se précipita dans la chambre de sa fille. Celle-ci se tordait dans son lit, comme possédée, en hurlant de peur. Ses couvertures avaient été éjectée du lit et trainait lamentablement sur le sol. Dans son pyjama bleu à l'effigie de Dumbo, trempée de sueur, Eleven était tourmentée par un cauchemar comme elle n'en avait plus vécu depuis longtemps. Lentement, son père adoptif s'approcha du lit et finit par s'assoir sur le bord du matelas. Le sommier grinça légèrement sous son poids, mais cela ne réveilla pas l'enfant terrorisée. Elle continuait à se tortiller, finissant presque par arraché le drap sur lequel elle était couchée. Comme toutes les fois précédentes, Hopper lui caressa le front aussi délicatement que ses mains calleuses le lui permettaient en murmurant des paroles apaisantes.

- El, ma chérie. C'est bon, je suis là. Réveilles toi pour moi, s'il te plait. Tu es en sécurité.

Mais rien n'y faisait. Le cauchemar qui s'acharnait sur elle l'emprisonnait dans une prison de peur devant laquelle le chef de la police se sentait impuissant. La détresse de sa fille le rendait malade. Après quelques minutes de gestes et de paroles inefficaces, Hopper perdit patience et n'en pouvant plus de la voir souffrir ainsi, la saisit par les aisselles et la prit contre lui. Elle se débattit dans son sommeil mais son père tint bon et la serra contre son cœur. La berçant de droite à gauche pour la calmer, il accompagnait cette douce valse d'une berceuse dont il pensait avoir oublié les paroles. Lors des derniers mois que Sarah avait passé à l'hôpital, branchée à une armée de tuyaux, elle avait montré des difficultés à s'endormir dans cette chambre froide et si peu familière. Hopper lui chantait alors cette chanson tous les soirs jusqu'à ce qu'elle ferme les yeux. Cela faisait des années que cette comptine ne lui avait plus traversé l'esprit. Devant cette situation, elle lui était revenue comme une vieille amie. Alors, il chantonnait doucement, en essayant d'empêcher le souvenir de Sarah dans son lit d'hôpital de s'imposer dans son esprit.

Eleven, dans le délire de son mauvais rêve, commença à faire trembler les meubles. Dans la cuisine, un verre se fracassa sur le sol. Mais Hopper n'y fit pas attention et resserra son étreinte sur sa fille. Les larmes se mêlant aux cris de terreur, l'enfant commençait à avoir du mal à respirer. Paniqué devant la manière dont la situation évoluait, le chef de la police se leva, tenant Eleven contre lui comme un Koala s'accrocherait à une branche d'eucalyptus, et il traversa la cabine pour aller s'assoir sur le canapé du salon. Il ne savait pas pourquoi il les avait déplacés. Pourtant, pour une raison qu'il ignorait, cela semblait fonctionner. Du moins pendant un court instant. En effet, si les cris commencèrent à s'atténuer, ils ne tardèrent pas à prendre une tonalité encore plus violente. En plus de cette cacophonie, Hopper sentit une force inexpliquée le poussé vers l'arrière. Avant qu'il puisse s'en rendre compte, son corps se plaqua contre le dossier du fauteuil et la petite fille, toujours secouée de hurlements assourdissants, se libéra de son étreinte pour voler à travers la pièce et atterrir lourdement sur le sol. Les yeux d'Eleven était maintenant ouvert et large comme des soucoupes volantes, rempli d'une terreur sans nom et d'une incompréhension embrumée par des images réminiscentes de son cauchemar. Vivement, elle rampa sur le sol pour aller se blottir dans le coin de la pièce les genoux replier contre sa poitrine qui trahissait sa respiration saccadée.

Hébété, il regarda autour de lui pour comprendre ce qu'il s'était passer. Bien sûr, la réponse était évidente. Ce n'était pas la première fois qu'il subissait, généralement par un geste involontaire, les pouvoirs télékinétiques de sa fille adoptive. Pourtant, chaque fois, il lui fallait quelques secondes pour remettre ses idées en places. Alors, une fois que son esprit s'éclairci, il se leva sur fauteuil et alluma les lampes du salon pour qu'El puisse se repérer plus facilement. Connaitre son environnement l'aidait généralement à se sortir des derniers souvenirs de ses mauvais rêves. Les halos de lumières jaunes vinrent éclairer la silhouette tremblante et sanglotante d'une petite fille terrorisée. Avec autant de douceur et de délicatesse dont il était capable, Hopper s'approcha d'elle et s'agenouilla à quelques centimètres du coin où elle se réfugiait. Lentement, il porta sa main vers son visage. Dans un premier temps, elle regarda cette main comme si elle avait des dents. Puis lorsque l'index du chef de la police intercepta une larme sur sa joue, elle vint à son contact. Alors seulement, Hopper se permit se s'approcher s'avantage et d'enrouler ses bras réconfortants et protecteur autour des épaules de sa fille. Celle-ci se jeta presque à son coup et, ses petites mains agrippant le tissu de son t-shirt, enfuit sa tête dans son coup. Il s'assit alors et s'adossa contre le mur, accablé par une vague de soulagement. Le cauchemar avait fini par libérer son enfant.

- Tout vas bien, mon cœur, tout va bien, je suis là.

Eleven ne répondit pas mais se cola encore davantage au torse de son père. Ses pleurs continuaient et ne sachant pas quoi faire pour qu'ils s'arrêtent, Hopper se contenta de tracer des cercles dans son dos tout en murmurant d'une voix douce des paroles se voulant rassurantes. Après quelques minutes, une éternité pour le cœur sensible du chef de la police, la fille se calma et retrouva un semblant de respiration stable. Plus le temps s'écoulait, plus la tension dans le cœur de son père se relâchait. Sans qu'il ne s'en rende compte, une peur ancienne, endormie au fond de son subconscient, avait resurgi d'un passé qu'il aurait préféré oubliée. Jamais Eleven n'avait fait de crise pareille et le sentiment d'impuissance qu'il avait ressenti ressemblait beaucoup trop à celui présent lors des derniers mois sur Terre de sa Sarah.

- Je suis désolé, murmura El d'une si petite voix qu'il dut tendre l'oreille pour l'entendre.

- Tu n'as rien fait de mal, ma puce.

Doucement, Hopper, serrant sa fille dans ses bras, se releva et se déplaça jusqu'au canapé. Celui-ci avait été légèrement reculée suite à l'explosion télékinétique d'El. Lorsqu'il s'assit, le chef de la police sentit l'enfant se coller encore plus près de son corps. Son souffle chaud lui balayait agréablement le coup alors que quelques larmes tachaient son t-shirt. Ils restèrent dans cette position longtemps. Trop longtemps pour que l'un ait l'autre n'ait pu compter les minutes qui s'étaient écoulées. Enfin, Hopper brisa le silence.

- Tu veux me parler de ton rêve ?

Eleven ne répondit pas, se contentant simplement de soupirer légèrement.

- ça a bien marché pour un certain Martin Luther King tu sais…

Bien évidemment, cette blague passa bien au-dessus du seuil de compréhension de la fille, dont la culture générale était limitée. Ce n'était pas la première fois qu'Hopper tentait une plaisanterie, qui tombait généralement à plat. Comme il l'avait prévu, elle ne réagit pas, continuant de se serrer contre lui aussi prêt qu'elle le pouvait.

- Très bien, capitula-t-il, tu n'es pas obligé d'en parler. Mais si un jour, tu le souhaite, sache que je suis là pour toi. Je serai toujours là pour toi.

Quelques secondes passèrent avant qu'Eleven ne se décide à prendre la parole.

- Monstre.

Hopper n'était pas sûr d'avoir bien entendu. La voix de sa fille était étouffée par le tissu de son vêtement, pourtant, il ne lui en fallait pas plus pour deviner l'objet de son cauchemar. Alors, il n'a pas répondu dans l'espoir que l'enfant continue sur sa lancée. Ce qu'elle fit après avoir repris sa respiration.

- Me poursuivait. Alors, je suis revenue à la Cabine mais tu…

Elle refoula une autre crise de larmes.

- Mort.

Une pierre tomba dans l'estomac de son père. Il écarta un peu le corps de sa fille du sien pour qu'il puisse la regarder dans les yeux.

- Tu as rêvé que j'étais mort.

Eleven hocha timidement la tête. Une émotion inconnue hantait son esprit et Hopper détestait ne pas comprendre quels maux la tourmentaient. Il voulait la protéger mais il ne pouvait le faire s'il ne connaissait pas le coupable.

- Tu vois bien que je suis là. Je ne pars pas.

Mais El leva vers lui des yeux remplis d'une autre lueur. Ce n'était plus de la terreur. En tout cas, ce n'était plus uniquement de la terreur. Il y avait aussi une once de culpabilité. Hopper fronça les sourcils lorsqu'il aperçut cette nuance amère dans ses iris chocolat.

- Tout le monde était mort ! Mike, Will, Joyce… et toi. Tous mort ! Comme Benny ! Barbara ! Bob ! Ils sont morts… à cause de moi ! C'est ma faute !

Des larmes piquèrent les yeux du chef de la police. La détresse qui brillait dans le regard d'Eleven lui brisa le cœur. Comment pouvait-elle se juger responsable de ce qu'il s'était passé ? Elle était la victime d'homme mal intentionné qui n'avait pas hésité à oublier leur humanité pour la traiter comme un sujet scientifique. Un vulgaire rat de laboratoire. Ils n'avaient le droit de la faire se sentir coupable pour leurs erreurs !

-Oh El, ma petite chérie, qu'est-ce que tu racontes. Comment cela pourrait être de ta faute ? Tu nous as tous sauvé. Tu te souviens ?

Il lui caressa les cheveux et passa ses doigts dans ses boucles rebelles. Il ne savait pas quelles idées noires lui traversaient injustement la tête mais lorsqu'il ne vit pas s'éteindre la culpabilité dans son regard, il comprit que ce sentiment était ancré au plus profond d'elle.

- Mais c'est à cause de moi que la porte était ouverte et que le monstre a tué. Et que les méchants en ont eu après toi, et les autres…

Elle se leva et se recula un peu en baissant les yeux. Hopper ne pouvait pas deviner quelle honte elle ressentait d'être la cause de leur malheur. La dernière chose qu'elle voulait était de mettre en danger sa famille et ses amis. Pourtant, s'ils étaient tous en danger, c'était à cause d'elle.

D'abord prit au dépourvu, son père ne tarda pas à se ressaisir. Il s'agenouilla devant sa fille et planta son regard doux dans le sien. Jamais plus, il ne voulait entendre de tel mots dans la bouche de cette enfant qui avait déjà beaucoup trop souffert. Alors il lui murmura ces mots :

- El, je ne sais pas grand-chose, mais il y a un truc dont je suis sûr. C'est que toute cette merde. Toute cette horreur. C'est pas ta faute.

La fille baissa les yeux vers ses pieds.

- C'est pas ta faute, répéta-t-il.

Elle ne répondit pas, persévérant dans sa fixation du sol. Elle se murait dans un silence à cause d'un tourbillon d'émotion qui lui prenait la gorge. Pour avoir vécu avec elle pendant un peu moins d'un an, il commençait à peine à décrypter son caractère.

- Ce n'est pas ta faute.

Cette fois, elle releva la tête et posa sur lui un regard rempli de larme de culpabilité. Sa langue semblait toujours liée mais ses yeux en disaient long. Elle ne le croyait pas encore. Dans sa tête, le tribunal avait déjà rendu son verdict.

- Ce n'est pas ta faute.

Enfin, la carapace d'Eleven se fissura. De nouveau sanglot inondèrent ses paupières et débordèrent sur ses joues rouges. Hopper la prit dans ses bras et dans un geste paternel, l'embrassa sur la tempe. Il continua à lui répéter en boucle cette même phrase « ce n'est pas ta faute ». Enfin, après une demi-heure de sanglot et d'excuse de la part d'El, tout se termina. La fatigue refit surface et la fille fut emportée par ce tsunami. Tout en continuant de la rassurer, Hopper la porta jusqu'à son lit. Il la recouvrit de sa couverture et resta quelques instants à son chevet. Les yeux à demi-fermé de l'enfant le fixait encore. Dans quelques minutes, elle s'endormirait et toute cette crise ne serait plus qu'un mauvais souvenir.

- Papa ?

- Oui mon cœur ?

- Je ne veux pas que les méchants te fassent du mal.

- Ils ne me feront pas de mal. Il faudrait qu'ils m'attrapent avant et je ne compte pas les laisser faire. Et puis, tu seras là pour me protéger hein ?

Un fantôme de sourire se dessina sur les lèvres d'Eleven. Le premier depuis son cauchemar. Pour cette vision, Hopper se rendit compte qu'il pourrait tuer. Même dans l'obscurité de la chambre, il le voyait rayonner et une profonde chaleur conquit son cœur.

- Bonne nuit ma chérie. Je t'aime.

Il l'embrassa sur le front puis éteignit la lampe de chevet.