Bonsoir ! J'ai eu un léger problème lors de l'écriture de ce chapitre, ou plutôt je n'en ai pas eu assez... En effet, j'avais à l'origine prévu un chapitre d'environ 4000 mots, sauf qu'au fur et à mesure de l'écriture je me suis rendu compte que c'était infaisable, parce que j'étais trop inspirée. Il fera donc environ 15 000 mots, soit le volume actuel de la fic. Je suppose qu'on peut dire que c'est longuet x)
J'ai pensé à supprimer quelques passages, mais en même temps ça m'aurait broyé le cœur de le faire... alors je divise le chapitre en plusieurs parties. Celui-ci fait déjà 5000 mots, ce que j'avais prévu pour le chapitre entier, alors profitez bien !
Petite précision pour la lecture : Regulus veut dire "petit roi" en latin.
Les autres parties seront publiées le 10 avril et le 15 avril. Le chapitre suivant sera celui de Narcissa, et sera comme prévu publié le 20 avril. Désolée pour la gêne occasionnée et bonne lecture !
Sirius Black
Lorsque Sirius arriva, fatigué par une longue nuit de négociations du contrat de fiançailles entre sa cousine Andromeda et lui, ses amis étaient déjà sur le quai, riant follement, alors que leurs parents discutaient, le sourire aux lèvres. James, Remus et Peter s'étaient retrouvés à Londres dans la matinée et en avaient profité pour flâner sur le Chemin de Traverse, accompagnés par leurs parents qui leur avaient sans doute acheté de quoi se sustenter en attendant le chariot de friandises du train.
Le jeune sorcier eut un pincement au cœur en songeant qu'il manquerait sans doute de nombreux moments privilégiés avec les trois autres Maraudeurs. Ils avaient invité Sirius, bien sûr, mais ce dernier n'avait pas été assez stupide pour le mentionner à sa mère. Cette folle l'avait enfermé dans la cave, bon sang !
Certes, il avait sans doute été trop loin en accrochant aux murs de sa chambre des posters de Moldues dénudées – d'autant qu'ils étaient vraiment moches –, mais cela n'aurait jamais dû lui causer d'être enfermé dans un cachot ! Surtout quand il y avait des instruments de torture et des traces de sang séché encore visibles. Ce n'était pas une vision que des parents sains d'esprit infligeraient à leur gamin de douze ans, si ?
À peine son père avait-il relâché sa prise sur son épaule, Sirius fila comme une flèche vers James et ses parents, son visage déjà ensoleillé par un gigantesque sourire. Il eut bien une petite pensée pour son frère, mais Regulus voulait sans doute profiter encore un peu de ses parents. Il était encore un petit garçon, après tout.
Et puis, tant qu'il parvenait à mettre suffisamment de distance entre lui et cette famille de dingues, il se fichait bien du reste.
— Black, Regulus ! appela le Professeur McGonagall d'une voix forte tandis que le gamin précédent s'avançait vers la table des Serdaigle.
Sirius avait presque oublié qu'il était là, le petit Reg. Entraîné par James et Marlene dans un concours de mauvaises vannes, il s'était laissé distraire, quelques instants. C'était étrange de se dire que ce soir serait sans doute son dernier soir en tant que grand frère du petit Regulus Arcturus Black.
Parce qu'il finirait sans doute à Serpentard, comme tous les autres Black avant lui, et parce que, une fois dans sa salle commune, il entendrait sûrement des choses sur les quatre imbéciles de Gryffondor qui menaient la vie dure aux pauvres petits racistes des Vert-et-Argent. Il prendrait connaissance des rumeurs, parfois exagérées voire mensongères, parfois très proches de la réalité. Et puis il se détournerait de Sirius, il le renierait parce que c'était ce qu'il était censé faire, et que Regulus avait toujours attaché trop d'importance à l'opinion de Walburga.
Le petit garçon s'avança timidement vers le tabouret, et McGonagall déposa le Choixpeau sur sa tête. Il paraissait minuscule, ainsi. Quelques images fugaces traversèrent l'esprit de Sirius, souvenirs vifs de longues soirées à se poursuivre à travers toute la maison, à rire et chanter et danser et jouer du piano avec Bella, parfois, quand elle venait, quand ils étaient encore minuscules et innocents, quand elle n'était pas encore devenue un monstre.
Sirius n'était pas stupide. Il avait entendu ses parents parler du Seigneur des Ténèbres et des Mangemorts, et il avait entendu les Potter en faire de même, quand il était venu chez eux pour les vacances de Pâques sans prévenir sa propre famille. À partir de là, il se sentait parfaitement capable de comprendre que sa cousine si belle et si joyeuse d'autrefois était morte quand elle avait rencontré Voldemort, remplacée par la cinglée qu'il avait eu l'occasion de revoir cet été, à son plus grand déplaisir.
Déjà une minute avait passé, et le petit garçon était toujours assis sur ce putain de tabouret, avec ses yeux légèrement écarquillés de peur. Sirius se demanda vaguement quelle maison, de Gryffondor ou Poufsouffle, lui inspirait tant d'horreur, mais ça n'importait déjà plus car au moment où il se posa la question, le Choixpeau annonça son verdict.
— SERPENTARD !
Remus pressa sa main contre son bras en signe de réconfort. Remus savait toujours de quoi il avait besoin. Parfois, Sirius se demandait ce qu'aurait été Poudlard sans lui, avant de secouer la tête. C'était le genre de pensées qu'une fille énamourée pourrait avoir, et il n'avait rien d'une fille, merci Merlin.
La Répartition touchait à sa fin. Il reporta son regard sur son petit frère. Regulus souriait fièrement, l'imbécile, et s'était assis entre Narcissa et ce bâtard graisseux de Rogue. Sirius considéra la tablée ennemie dans son ensemble, songeant que ce serait bientôt la famille de Regulus ; qu'ils seraient bientôt ses frères, ses sœurs, ses amis, et que lui-même ne serait plus que regardé avec mépris. Le vilain petit canard de Gryffondor, voilà ce que Sirius serait, à présent, pour son frère.
— Evans ! entendit-il James alpaguer l'insupportable rouquine.
Sirius se retint de lever les yeux au ciel. James refusait de comprendre qu'il avait le béguin pour cette coincée, mais ce n'était pas lui qui allait s'en plaindre. Il ne manquait plus qu'il tente de lui offrir des roses entre chaque cours...
Il jeta un dernier coup d'œil à son frère, s'attendant presque à le voir rire avec Avery, et croisa son regard. Le petit garçon lui sourit, inconscient du gouffre infranchissable qui les séparait, à présent. Inconscient du coup de ciseaux implacable que les Moires avaient donné au fil rouge qui les reliait, tous les deux. Ces connasses. Quelle qu'ait pu être la maison où le Choixpeau avait voulu l'envoyer, Regulus avait refusé, et n'y était pas allé. En cela, ils étaient assez proches, finalement. Après tout, Sirius aurait dû aller à Serpentard, s'il n'avait pas tempêté mentalement contre ce foutu Choixpeau.
Alors, bien que ça lui fasse mal, bien que ça lui donne envie de pleurer, Sirius se décida à s'éloigner le premier, pour s'éviter la douleur infiniment plus grande que le rejet de Reg lui aurait inévitablement causée. Il ne serait pas dit de lui qu'il avait osé faire confiance à un Serpentard et qu'il avait été déçu, foi de Sirius Black !
Fronçant du nez avec dégoût, il se tourna vers son amie Marlene McKinnon avec un sourire faussement joyeux, une blague vraiment nulle au bord des lèvres, quelque part entre son cœur amer et son lointain goûter.
Elle n'était pas dupe, pas plus que Remus qui le resservit en jus de citrouille, mais ils ne dirent rien, et Sirius leur en était reconnaissant. Il venait de perdre son petit frère après tout, et il ne pensait pas être homme à faire son deuil en public.
Sirius lisait le hibou de sa mère, le cœur empli d'une joie inhabituelle. D'ordinaire, il avait plutôt tendance à brûler les lettres de ses parents sans même y jeter un coup d'œil, mais elle avait utilisé le hibou Grand Duc alors il avait décidé de laisser sa chance à la missive.
Merlin qu'il était heureux. Andromeda était libre, désormais ! Libre de vivre, libérée des Black ! Elle avait tourné le dos à l'implacable maxime, l'avait envoyée valser le sourire aux lèvres !
Leur contrat de mariage ne tenait plus, aussi, et rien que cela le soulageait. Il n'était ni sa mère, ni son père. Ce n'était pas lui qui allait épouser sa cousine, et encore moins si elle avait presque dix ans de plus que lui !
C'était décidé. Un jour, Sirius suivrait son exemple. Une fois ses ASPIC en poche, il mettrait les voiles pour de nouveaux horizons, sourirait au Sort dans l'espoir qu'il se montre clément, et se détacherait de cette maudite famille !
Il tâcha d'ignorer au mieux les larmes discrètes de Regulus, de l'autre côté de la Grande Salle, et la fuite pressée de Narcissa. Ils ne comprenaient pas, et ne comprendraient sans doute jamais, ce que pouvait représenter, pour Sirius et pour Andromeda, l'appel de la liberté.
— Vous êtes sûrs que c'est pas des Lunae Fungi, les gars ? demanda Peter d'une petite voix, arrachant un rire à James.
— Merlin, Pete, on en a déjà parlé, soupira Sirius d'un air théâtral. Remus n'a rien d'une vieille dame !
Les trois comparses prirent quelques instants pour imaginer leur ami en petite vieille avant d'exploser de rire, s'attirant la colère de Madame Pince. Cette vieille harpie avait été engagée cette année-là, et Sirius regrettait déjà l'ancien bibliothécaire, beaucoup plus sympathique et jovial – et surtout, il autorisait la nourriture qui ne faisait pas de miettes et pas de bruit !
— Oh les gars ! s'exclama soudain James à voix basse. J'ai trouvé ! On va devenir des Animagi pour le soutenir pendant la pleine lune !
Peter geignit en laissant sa tête heurter la table avec un bruit mat, tandis que Sirius se précipitait déjà sur le livre que James lisait avec ferveur. Ils avaient enfin trouvé un moyen d'aider Remus !
La nuit était tombée sur le château de Poudlard, et un calme serein avait recouvert le gigantesque parc de l'école écossaise. La lune brillait, grande et ronde, baignant de sa lumière argentée la vaste étendue verte. Non loin de la Forêt Interdite, un observateur attentif aurait pu deviner quatre silhouettes animales se découpant sur l'herbe claire, jouant amicalement. Chose étonnante, compte tenu de leurs espèces si éloignées.
C'était la première fois depuis les Fondateurs que quatre animaux aussi différents s'amusaient ensemble. Comme un écho d'une scène vieille de près d'un millénaire, le lion, le cobra, l'aigle et le blaireau avaient fait place au cerf, au chien, au loup-garou et au rat.
Ce soir-là était le leur, et la Forêt entourant le château serait leur terrain de jeu. Cornedrue, Patmol, Lunard et Queudver s'amuseraient, plus proches que jamais.
Les quatre garçons échangèrent un regard malicieux, puis James toucha le parchemin de sa baguette, murmurant le mot de passe dans le creux de la nuit.
— Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises.
Alors, sous leurs yeux ébahis, leur création se déroula : les tours se dessinèrent, les murs s'élevèrent, les points et leurs étiquettes se mirent en mouvement. On pouvait voir McGonagall et Dumbledore marcher côte à côte au cinquième étage, alors que Rogue et Slughorn semblaient discuter dans les cachots. James suivit le point étiqueté Lily Evans du bout du doigt, alors que Sirius cherchait leurs quatre noms, visibles uniquement d'eux-mêmes. Il n'aurait pas fallu que la création se retourne contre ses créateurs, après tout.
Là ! Il les avait trouvés. James Potter, Sirius Black, Remus Lupin, Peter Pettigrew. Les Maraudeurs.
Un fin sourire se dessina sur ses lèvres tandis que James étouffait un juron en voyant Evans et Servilus se retrouver. Puis il se fana, ce petit sourire, quand le regard de l'adolescent se posa sur cette petite étiquette qui, il le savait, le narguerait jusqu'au bout. Regulus Black ne dormait pas dans les cachots ; non, il revenait des cuisines avec son meilleur ami Rabastan – avec ce garçon qui aurait sans doute fait un meilleur frère pour lui, selon la devise des Black. Toujours pur, et ces foutaises.
Il se força à détourner son regard des points des deux plus jeunes, relevant la tête pour regarder ses amis. Ses frères d'armes et d'âme, comme il aimait les appeler. Il avait trouvé une meilleure famille que la première, il le savait.
Quand il croisa le regard de Remus, il se surprit à le trouver beau, avec son sourire fier et son regard pétillant, avec sa petite fossette et son grain de beauté au coin de l'œil. Avec ses cicatrices, aussi, un peu, même si Sirius les haïssait pour ce qu'elles représentaient.
Oui, il était beau, comme ça, Remus. Et Sirius espérait que lui-même l'était aussi, un peu, à ses yeux.
Sirius se réfugia dans sa chambre, claqua la porte, la barda de sortilèges de protection. Essoufflé, les joues rougies par sa course à reculons dans les escaliers, le jeune sorcier reprenait doucement ses esprits. Il jeta sa baguette sur le lit et passa sa main son visage, l'air hagard, se rendant seulement compte qu'elles étaient humides de larmes.
Merlin. Sa mère avait tenté de lui jeter le sortilège de Mort. Le rayon vert, l'Avada. Ou plutôt, c'était ce que Walburga avait tenté de faire – aucune mère digne de l'être n'aurait ne fût-ce que songé à lancer ce sort interdit sur sa propre progéniture.
Bon sang. Comment en étaient-ils arrivés là ? La soirée avait pourtant commencé d'une si banale manière. Dans le salon, Orion lisait le journal, tandis que Walburga tenait les comptes de la famille assise à son petit bureau. Et puis, Orion avait fait un commentaire sur l'article de l'étoile montante de la Gazette, Rita Skeeter, Serpentard et girouette compulsive notoire. Il s'agissait d'un article assez court, sur la montée en puissance du Seigneur des Ténèbres, Lord Voldemort.
Sirius n'était pas stupide. Il savait que ses parents étaient des suprémacistes Sang-Pur, mais... Il n'avait pas imaginé qu'ils iraient défendre un type pareil, avec des méthodes aussi horribles. Beaucoup de Sang-Pur l'avaient peut-être oublié, mais c'était lui qui était responsable de la mort violente et sanglante de Hepzibah Smith, ou en tout cas c'était ce que pensaient les Potter. Il y en avait eu d'autres, depuis, mais aucune autre victime avec un sang aussi pur que celui de Smith.
Pourtant, quand Orion avait ouvert la bouche, ce soir-là, pour lire l'article, et que Walburga avait tout de suite encensé ce dégénéré au charisme douteux, Sirius avait senti son sang se glacer, puis bouillir, tandis que son visage se colorait de rouge et que ses poings se serraient. Il avait explosé, leur avait dit qu'il pensait. Leur avait craché la vérité au visage, eux qui étaient tellement habitués à l'hypocrisie de leur petit monde de coincés du cul.
Certes, Sirius avait été dur dans son choix de mots, guidé par la colère, par la haine, par la rancœur. Mais ce qu'il avait dit n'en restait pas moins criant de vérité, et pourtant sa mère avait tenté de le tuer.
Jusqu'où cela irait-il ? Quand la prochaine dispute exploserait-elle ? Sirius sentait que ce n'était plus vraiment raisonnable de rester là, de continuer de moisir dans cette prison dont les barreaux étaient aussi incassables que les liens du sang. Sirius comprenait qu'il fallait qu'il parte, vite, avant de ne plus en avoir l'occasion. Avant de ne plus en avoir la capacité.
Chaque minute passée dans cette maudite baraque lui fichait le cafard, il en était venu à avoir des putains de crises d'angoisse quand approchaient les vacances d'été.
Plus rien ne le retenait de partir. Il avait certes prévu d'attendre ses ASPIC, à l'origine, afin de pouvoir être indépendant, mais il n'avait plus le temps. Les Potter comprendraient, et il les rembourserait dès qu'il le pourrait. Fleamont et Euphémia avaient déjà fait beaucoup plus pour lui, en quelques visites clandestines, que ses propres géniteurs durant toute une vie.
Alors, quand la nuit fut tombée et ses larmes séchées, le jeune sorcier rassembla toutes les affaires qu'il put dans une petite malle qu'il rétrécit et mit dans sa poche. Il était temps pour lui de suivre l'exemple d'Andromeda, de récolter les gains de cette petite graine d'espoir qu'elle avait semée, des années auparavant. Il eut un léger sourire en songeant que les rebelles de la famille étaient les seuls qu'ils avaient tenté de fiancer malgré les liens du sang.
Avant de quitter la chambre, le jeune sorcier déposa un petit mot sur son oreiller, seule indication de sa fugue, seule indication sur son refuge. Il partait chez sa famille, chez les seuls qui n'aient jamais essayé de le comprendre, malgré le peu de temps qu'ils avaient passé ensemble.
Sirius sortit à pas de loup, grimaçant légèrement quand le parquet grinça. Il s'attarda le temps de jeter un regard à la porte de la chambre de son petit frère. Il serait seul désormais. Peut-être cela le rendrait-il plus heureux. C'était ce qu'il avait toujours voulu, après tout : montrer à ses parents qu'il était un meilleur fils que Sirius n'aurait jamais pu rêver être. C'est avec cette pensée qu'il se força à détourner le regard, à avancer. Il abandonnait le Regulus, il abandonnait le petit roi, mais il n'y avait probablement plus grand chose à faire pour lui.
Après tout, l'imbécile avait affiché avec fierté toutes les brochures, toutes les photos, tous les articles concernant de près ou de loin ce bâtard de Voldemort. Il était sans doute déjà trop tard pour lui faire ouvrir les yeux.
Partir, pour ne plus jamais revenir. Voilà ce que Sirius fit, cette chaude nuit de juillet 1976. La lune était ronde, ce soir-là, et il eut une pensée pour Remus. Il espérait qu'il allait bien, que la transformation n'était pas trop dure, sans le reste des Maraudeurs.
Tenant sa baguette bien haut, il appela le Magicobus et, s'il manqua à plusieurs reprises de rendre son dîner à cause des cahots incessants du véhicule magique, il ne regrettait rien.
Se tenant devant la porte du beau Manoir Potter, il s'autorisa une petite pause, juste le temps de prendre son courage à deux mains, juste le temps de remettre ses idées en ordre. La demeure était belle, et il songea distraitement qu'il faisait partie des privilégiés qui pouvaient la voir, désormais. Il était sous le secret, grâce à Cornedrue.
Alors, lentement, il leva le bras et frappa la lourde porte de bois avec le heurtoir à tête de lion. Lorsque Euphémia lui ouvrit, en tenue de nuit et les yeux bouffis de sommeil, elle se contenta de secouer tristement la tête et de s'effacer pour le laisser entrer.
Il n'y avait pas besoin de mots. Elle savait, ils savaient tous l'enfer qu'il venait de fuir. Ils connaissaient la prison de laquelle il venait de s'évader.
La nuit suivante, Sirius fut réveillé par les coups de bec contre sa fenêtre. Le soleil se lèverait à peine deux heures plus tard, et le jeune sorcier retint un grognement de frustration. Quel était l'esprit malade qui envoyait des hiboux à cette heure de la nuit ?
Se levant péniblement, il se traîna jusqu'à la source du bruit et laissa entrer le stupide animal. Quelques fois, il se demandait pourquoi le Fidelitas ne s'appliquait pas à ces foutus volatiles. Avisant le sceau de Gringotts, il fronça des sourcils, soudain bien réveillé.
Apparemment, un compte avait été ouvert à son nom, avec un apport de quinze mille Gallions. Plus surprenant encore, Alphard Black était celui qui lui avait fait cette fleur, qui lui avait offert cette porte de sortie. Sentant sa culpabilité s'envoler, Sirius s'autorisa enfin un véritable sourire. Il pouvait rembourser sa dette aux Potter, à présent. Il ne serait pas un poids pour cette famille aimante qui l'avait si gentiment accueilli, la nuit précédente.
— Décidément ! rit la belle brune quand Sirius gagna encore une fois la partie. Je n'avais plus rencontré adversaire à ma mesure depuis Septimus !
Le jeune sorcier rosit de plaisir, alors qu'Euphémia rangeait le jeu d'échecs d'un coup de baguette. Il n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer Septimus, mais Oncle Alphard lui avait vanté les mérites de ce Champion du Monde d'échecs sorcier, couronné sept fois de suite. Alphard faisait partie des rares à avoir gardé le contact avec Cedrella après qu'elle eut été reniée par Grand Oncle Arcturus. Enfin, il s'agissait plutôt de son arrière-grand-oncle, ou quelque chose comme ça. Même si ça ne voulait plus dire grand-chose, désormais.
Un Occamy argenté fit irruption dans le petit salon où ils avaient passé l'après-midi, et Sirius eut un sourire triste alors que la voix familière emplissait la pièce.
— Bonjour, Sirius, commença l'animal fantastique d'une voix lasse. C'est Alphard. Tu as sans doute reçu un hibou de Gringotts, avec toutes les informations relatives à ton nouveau compte. Je voulais te parler de vive voix, avant de me rendre compte que tu étais sans doute chez les Potter, alors j'ai emprunté au Directeur de Poudlard un petit sort pour faire parler les Patronus. Phineas ne savait pas encore que j'étais renié, je suppose que ce ne sera plus aussi facile qu'avant, de découvrir ce qu'il se trame à Poudlard. Quoi qu'il en soit, j'ai reçu un hibou de ton père. Walburga nous a tous les deux reniés, Sirius. J'ai de quoi vivre, ne t'en fais pas pour moi, mais ne fais pas la bêtise de revenir la bouche en cœur. Elle te tuerait, tu le sais. Prends soin de toi, petit, et merci d'avoir eu le courage qui m'a manqué, autrefois. Je crois que je me suis réconcilié avec cette part de moi-même. Si tu veux me voir... mon adresse n'a pas changé. Mais fais attention, je crois que je suis surveillé par les Mangemorts. Je t'aime, gamin. Merci d'avoir été le fils que je n'ai jamais eu.
L'Occamy se tut, dansa quelques secondes au travers de la pièce, puis disparut en une brume de poussières d'argent. Euphémia se rapprocha de Sirius pour l'étreindre, fort, tandis que l'adolescent pleurait à chaudes larmes contre son épaule, ne parvenant pas à se défaire de l'image de cette femme qu'il avait aimée, petit, brûlant son portrait avec un plaisir évident, effaçant purement et simplement son existence de l'Arbre Généalogique des Black.
Mais il n'était pas seul, ne le serait jamais. Il avait James. Il avait Remus et Peter. Il avait Euphémia, sa mère de substitution, et Fleamont, cet homme affable et bon vivant qui avait toujours le mot pour rire. Il avait Alphard, son oncle et parrain. Celui qui se rapprochait le plus d'un père pour l'adolescent perdu, abandonné par ses géniteurs.
— Mec, je comprends toujours pas pourquoi t'as gardé Arithmancie. C'est vraiment la matière la plus chiante qui soit, grimaça Peter en jetant un coup d'œil aux fiches de révision de Remus.
— Peter, tu ne te rends pas compte de la chance que j'ai de pouvoir étudier avec la descendante directe de Bridget Wenlock, rétorqua distraitement Remus tout en cherchant les conséquences pratiques en arts de guerre balistiques de la réciproque du théorème Rosier-Abott.
— C'est qui déjà, cette... Non, tu sais quoi, oublie. T'as pas plutôt une idée pour mon essai de Métamorphose ? J'arrive pas à trouver d'exemple pour appuyer ma thèse et j'ai pas la tête à ça...
— Ouais, pas de souci, je finis juste ça et je suis à toi, Pete.
Le brun se replongea dans son grimoire d'Arithmancie et le blond tenta vaguement de faire semblant de travailler, mais il n'avait pas l'air très crédible. Sirius essayait de se concentrer sur la création d'une invocation runique, mais il devait s'avouer que c'était plus difficile qu'il ne l'avait imaginé. Tout était prétexte à faire autre chose et il avait repéré son petit frère et Rabastan Lestrange au fond de la bibliothèque.
Regulus se leva pour poser une question à Rogue, lançant un petit regard en direction de la table occupée par les Maraudeurs. Sirius retint un ricanement amer. Même si c'était lui qui avait délibérément mis fin à leur relation fusionnelle, ça faisait toujours aussi mal. L'idée même que Reg puisse demander de l'aide au bâtard graisseux plutôt qu'à lui y était sans doute pour quelque chose, aussi.
Savoir que cette merde connaissait le secret de Remus par sa propre faute... Sirius desserra son nœud de cravate et fit mine de se lever pour chercher un livre, se dirigeant mine de rien vers la table où Lestrange était désormais seul. Si celui-ci le remarqua, il ne fit aucun commentaire, faisant semblant d'être très intéressé par son essai de Botanique.
Fredonnant une chanson moldue quelconque, Sirius continua sa fausse inspection des étagères, jusqu'à se retrouver hors du champ de vision de Regulus et des Maraudeurs. Alors, le regard fixé sur l'essai De la rune Fehu de Eugénie Lasornette, il cessa de chantonner.
— Lestrange, salua-t-il le plus jeune à voix basse.
— Black, répondit celui-ci sur le même ton.
Dos à dos, tous deux faisaient mine d'être très intéressés par les grimoires et les divers traités de magie, ne se regardant pas un seul instant. Le Sang-Pur et le traitre à son sang, le frère biologique et le frère de cœur. Le futur Mangemort et le futur membre de l'Ordre du Phénix. Deux idéologies, deux mondes que tout opposait, et qui pourtant se retrouvaient là, à quelques centimètres de distance, incarnées par deux adolescents liés par un troisième, par le petit roi qui se trouvait quelques tables plus loin.
Sirius comprenait parfaitement l'ironie de la situation. Seulement, cela faisait presque six mois qu'il s'était libéré de l'emprise familiale, et il n'avait pas eu l'occasion de parler à son petit frère depuis. Il l'avait à peine vu, à vrai dire, ne pouvant constater son état physique qu'aux repas et dans les couloirs. Il ne pouvait pas non plus l'approcher, lui adresser la parole. Il savait très bien que le garçon le rejetterait, et il ne voulait pas souffrir plus que nécessaire. Peut-être était-ce lâche, mais ce n'était pas parce qu'il était un Gryffondor qu'il n'avait pas d'instinct de préservation. Le Choixpeau avait voulu le répartir à Serpentard, après tout.
— Comment va-t-il ? murmura-t-il finalement après quelques secondes de silence qui lui parurent durer mille ans.
Le Serpentard ne répondit pas tout de suite, se contentant de poser sa plume dans un ricanement amer.
— Tu t'inquiètes de lui, maintenant, Black ? C'est pourtant toi qui l'a rejeté il y a presque six ans.
C'était vrai. Sirius avait été le premier à briser ce lien fraternel entre eux. Mais c'était pour se protéger. Il n'avait pas eu le choix. Il n'y avait eu aucune autre solution, pas plus qu'il n'y en avait à présent.
— Réponds-moi, Lestrange. Je me fiche de ce que tu peux penser, je veux juste savoir comment va mon petit frère.
— Fallait peut-être y penser avant de l'abandonner comme un lâche, non ? C'est ça, le courage des preux Gryffondor ? Et puis, ton petit frère, sérieusement ? T'es plus son frère, Black. T'as perdu le droit de te nommer tel.
Serrant les poings à s'en faire saigner la paume, Sirius se retint de prendre sa baguette pour lui faire ravaler ses mots, à ce petit con. Tirant un bouquin au hasard de l'étagère, il commença à s'éloigner, avant que Reg ne revienne.
— Black ! l'arrêta Lestrange. Regulus n'a jamais été plus heureux que depuis que tu es parti. T'as toujours empoisonné son existence, en le privant de ce qui lui revenait de droit. Alors, ouais, il va très bien. T'inquiète pas pour ça. Je dirais même qu'il va beaucoup mieux.
Sirius avait envie de vomir. Alors comme ça, Regulus le détestait ? Alors comme ça, Regulus était heureux qu'il soit parti ? Très bien. Super. Génial. Se dirigeant d'un pas rageur vers la table occupée par ses amis, il se rassit brusquement en jetant presque le livre sur la table.
Traité sur l'influence des constellations sur les invocations runiques : première partie, Regulus et ses sœurs de la constellation du Lion.
Putain. Vraiment, l'univers entier s'était ligué contre sa personne. Putain d'étoiles de merde, putain de runes de merde, putain de famille de merde. Ah, quel imbécile il avait été ! Au moins, il était fixé, désormais. Dans sa fuite, il avait libéré le petit roi. Dans sa fuite, il avait fait renier Alphard et il avait presque forcé les Potter à s'occuper de lui, mais tout allait bien, parce que Regulus était désormais fils unique et heureux de l'être.
Regulus était heureux ? Pas de problème. Sirius l'était aussi, pour ce que les autres en avaient à foutre. Il était heureux, aimé, libre. C'était suffisant. Les liens du sang n'avaient aucune importance. Les souvenirs brumeux de soirées passées à rire et courir sur le rythme endiablé martelé par les doigts de fée de Bella n'avaient aucune importance.
— Sirius, ça va ? s'enquit Remus, le front plissé d'inquiétude, soutenu par Peter.
Non. Non, ça n'allait pas. Sirius venait de vivre ce qu'il avait voulu éviter durant toutes ces années. Il avait été rejeté par Regulus, et ça faisait mille fois plus mal que ce à quoi il s'était attendu, alors même que ce n'étaient que les mots de Lestrange.
Mais ça, il n'était pas vraiment censé le dire, n'est-ce pas ? Il s'était foutu dans cette merde tout seul, en brisant ses chaînes et en s'évadant de cette cage de haine que ses parents lui avaient construite. Alors, il sourit, époussetant distraitement le foutu bouquin.
— Ouais. Ouais, ça va, tranquille. Je suis juste un peu fatigué de faire mes devoirs, là. On va aux cuisines ?
Remus haussa des épaules en commençant de ranger ses affaires, tandis que Peter s'empressait de tout jeter pêle-mêle dans son sac. James resta un instant interdit, le regard fixé sur son frère d'armes et d'âme. Sirius savait qu'il avait compris, lui, que ça n'allait pas. Sirius savait que, plus tard, ils parleraient. Mais Sirius ne voulait pas y penser. Sirius voulait simplement oublier sa peine, oublier sa bêtise, sa naïveté.
Il aurait dû savoir, pourtant, que confier son cœur à un Serpentard, même à son propre frère, était la meilleure façon de le voir se briser au sol en mille éclats.
Voilà donc pour la première partie de ce chapitre ! J'espère que ça vous a plu autant qu'à moi, et n'hésitez pas à me donner votre avis, sur l'histoire en elle-même, ou la façon dont je traite les personnages. Est-ce que vous avez apprécié le regard de Sirius sur la rupture fraternelle entre Regulus et lui, après avoir eu la vision du petit roi ?
Quoi qu'il en soit, merci d'avoir lu, je vais de ce pas répondre aux reviews, et on se retrouve donc le 10 avril pour la seconde partie de ce chapitre !
Réponse à la review de Amlou : Merci beaucoup ! Pour ta review, déjà, et aussi pour ce que tu y dis ! Je suis vraiment super contente que les deux chapitres sur Meda et Reg t'aient plu. Pour ce qui concerne la trahison de Kreattur, je pense que c'est parce qu'il détestait Harry, et détestait Sirius. Il ne les a pas proprement trahis : quand il est allé voir les Malefoy et Bellatrix Lestrange, c'était une interprétation d'un ordre et il a simplement rapporté que Sirius et Harry étaient proches. En fait je pense que l'Elfe détestait profondément Sirius et Harry, et ça ne lui est probablement même pas venu à l'esprit qu'ils puissent vouloir la même chose qu'avait voulu Regulus. Sinon il leur aurait parlé du Médaillon bien avant. Et puis, il faut dire qu'avoir passé plus de dix ans avec pour seule compagnie Walburga puis son portrait... Bon. Le pauvre elfe devait être un peu fatigué. Ou alors c'est juste une petite incohérence. Qui sait ?
Merci beaucoup pour la recommandation, j'irai jeter un oeil après en avoir fini avec Parcoursup ! C'est sûr que Evanna Lynch est une excellente actrice. Dans un autre type de rôle, on peut la retrouver dans le film My Name is Emily, dirigé par Simon Fitzmaurice. Je l'ai vu il y a longtemps et j'en ai gardé un bon souvenir, même si je serai proprement incapable de te raconter ce qu'il s'y passe x)
En tout cas encore merci pour ta review, je suis super contente que mon histoire te plaise et j'espère que ce sera le cas pour les prochains chapitres également ! Bonne continuation à toi ;)
