Chapitre deux : Des nouvelles d'en bas.
Gabriel était satisfait de lui. Quand Belzébuth l'avait appelé la première fois pour discuter entre ennemi d'un problème commun, il avait été perplexe mais avait accepté une entrevue, discrète, secrète même, sur Terre, en terrain neutre.
C'était l'idée du Démon de juger une seconde fois les traitres. L'Archange n'avait pas expliqué qu'Aziraphale n'avait même pas été jugé une première fois. Il n'avait pas besoin de le savoir, et était même surprit –gêné ?- que le mauvais côté soit si « juste ».
Mais Gabriel était certain d'avoir bien agit. Comme il l'avait dit à Aziraphale, il était un putain d'Archange ! Le Messager Divin, l'être le plus proche d'Elle –même si cela faisait plus de deux mille ans qu'il n'avait plus entendue Sa voix ! Il ne pouvait pas mal agir.
Unir leurs forces pour ce nouveau procès était une évidence : si le Ciel et l'Enfer avaient été mis en déroute lors de leurs actions personnelles, il ne pouvait pas en être de même s'ils agissaient de concert. Quoi que soit devenu les traitres, ils avaient forcément un point faible.
Et c'était Gabriel qui avait soumis l'idée « d'inverser les rôles ». Puisqu'Aziraphale et Rampa avaient rejeté leurs paires, il était logique qu'ils ne dépendent plus de leurs juridiction. Et comme il n'y avait que deux juridiction, si ce n'était l'une, c'était forcément l'autre.
La paperasse allait être effroyable, il n'y avait après tout pas d'antécédent, mais bon, il n'y avait jamais eu non plus d'Ange survivant aux brasiers infernal, ni de Démon capable de se baigner dans l'eau bénite sans problème.
Belzébuth avait bourdonné de joie à l'idée de pouvoir punir un Ange, et s'était même emballé, énumérant toutes les tortures qu'il voulait lui infliger. Si Gabriel n'avait pas tant de colère –de haine s'il était possible qu'il ressente une émotion si négative- pour Aziraphale, il l'aurait peut-être prit en pitié.
Mais il s'était contenté de s'en réjouir, promettant un traitement similaire, quoi que plus doux, ils étaient les gentils quand même, pour le Démon Rampa.
L'accord conclu, il avait fallu agir vite et dans la discrétion. Même si Belzébuth croyait fermement en leur plan, il ne voulait pas d'un second échec. Personne ne devait être mit au courent de leur projet tant qu'il n'était pas certain du résultat.
Et quelques semaines plus tard, le résultat avait été parfait. Plus que parfait. Excellent, divin même s'il pouvait se permettre pareille comparaison.
Si Belzébuth avait été surprit de sa décision finale, qui différait de ce qu'ils s'étaient dit, le Démon n'en avait rien montré, irradiant d'une sombre énergie, une joie malsaine et étouffante, pendant qu'ils emmenaient les traitres en Enfer.
Michael et Sandalphon, à l'inverse, n'avaient pas retenu leurs mécontentements. Ce n'était pas le plan initial. Le Ciel devait punir le Démon Rampa, en le condamnant à la torture et à l'oubli éternel. C'était ce qui était convenu, ce qui était indiqué sur les innombrables documents qu'ils avaient dû créer et remplir pour légaliser leur action.
Mais Gabriel avait tenu bon, certain de sa décision. L'idée avait été soudaine, presque comme si elle lui avait été soufflée, mais parfaite. Aujourd'hui encore, il se souvenait du regard choqué du Démon lorsqu'il avait entendu la sentence. Rien que d'y repenser lui donnait des frissons d'une joie qu'il qualifierait de malsaine s'il n'était pas un Archange.
Presque trois ans s'étaient écoulés depuis ce soir bénit. La vie avait repris son court. Le monde « renaissant » avait obtenu un répit de six mille ans, et même s'il avait été compliqué de retenir les armées célestes, les choses avaient fini par se tasser, ils en étaient retourné aux classiques bénédictions pour contrer l'autre camp, dans l'attente d'une guerre qui cette fois, aurait lieu.
Gabriel n'avait pas eu de nouvelle de Belzébuth depuis lors. Il s'était attendu à en avoir plus tôt. Aziraphale était un lâche, un faible qui avait cédé trop longtemps aux plaisirs de la Terre. En vérité, il avait abandonné le Ciel bien avant que celui-ci ne l'abandonne.
Cette idée aussi réconfortait Gabriel : il avait fait tout ce qu'il pouvait pour aider son subordonner, ça n'était pas de sa faute s'il était un idiot sans courage qui préférait donner son épée divine aux humains, qui aimait la nourriture et les livres, qui se vautrait dans le péché avec un Démon.
Ainsi, parce qu'il était lâche et faible, une pathétique parodie d'Ange, de l'avis de Gabriel, l'Archange pensait qu'il ne tiendrait pas si longtemps aux mains des Démons, que très vite, sa Lumière se serait ternis, que sa Grâce l'aurait abandonné et que finalement, il se serait éteint, définitivement, dans d'atroce douleur.
Alors, même si le délai était un peu plus long que ce à quoi il s'attendait, Gabriel ne fut pas surprit lorsqu'enfin son téléphone portable sonna, affichant le numéro du Prince de l'Enfer et la photo d'une grosse mouche verte qu'il lui avait attribué.
Comme Gabriel était seul dans son bureau, il n'hésita pas à répondre, de détournant de sa paperasse pour regarder la Terre depuis sa fenêtre, le sourire aux lèvres, attendant presque fébrilement la bonne nouvelle.
Mais son sourire s'estompa aux premières paroles de Belzébuth.
- - Nous avons un problème, annonça le Démon d'un ton grave.
- - Lequel ? Ils se sont enfuit, c'est ça ?
Le Ciel aurait dû s'en charger, bien évidement. L'Enfer était rempli d'incompétent idiot et imbu d'eux-mêmes, certains de leurs toute-puissance et sans doute trop bête pour retenir deux pathétique créatures livrées sur un plateau d'argent !
- - Non. Ils sont toujours là. Mais nous avons un problème.
Ha ? Mais quel était le problème alors ? Gabriel ne comprenait pas. L'Enfer devait faire ce qu'il savait le mieux faire : torturer, un Ange qui plus est. Quelle difficulté pouvait-il rencontrer ? Surtout si longtemps après le début de la punition ?
- - Tu devrais venir me voir. Poursuivit le Démon, sans laisser le temps à Gabriel de poser une question.
L'Archange allait refuser –lui, aller en Enfer ? Ciel non ! Michael avait à peine accepté de descendre au premier niveau pour fournir l'eau bénite, lui n'allait certainement pas accepter de descendre plus bas ! Il savait que Belzébuth demeurait dans les cercles les plus profonds de l'Enfer, sans doute aussi là où était prisonnier les traitres d'ailleurs.
- - S'il te plait –il était évident que le Démon se forçait à parler- vient.
Et il raccrocha sans lui laisser le temps de donner une réponse. Furieux, Gabriel jeta son téléphone contre la fenêtre, qui bien entendue n'eut rien, comme l'appareil.
Cet idiot de Belzébuth ! Pourquoi devait-il être si dramatique ? Ne pouvait-il pas simplement lui dire quel problème il avait ? Et d'abord, quel problème pouvait-il avoir ?! Ce n'était pas comme si Aziraphale et Rampa étaient enchainés et sans défense, leurs pouvoirs complètement bridés ? Qu'est-ce qu'il pouvait bien arriver ?
A suivre...
