Chapitre 04 : Trop plein d'informations
Avec sa cadette, Jean avait fait son possible pour camoufler au mieux ses blessures encore visibles. Elle ne voulait pas inquiéter les personnes qu'elle verrait aujourd'hui.
Vêtue d'une longue robe bleue pâle à manches longues, la plus jeune avait pensé au détail avec un gilet blanc posé sur les épaules de la blesser pour cacher son bras en écharpe, avant de passer à ses longs cheveux blonds ondulés qui donnaient du fil à retordre à la plus jeune, soucieuse de ne pas toucher à la plaie qui commençait à cicatriser doucement à l'arrière de sa tête.
De mémoire, Barbara n'avait plus vu sa sœur dans une tenue aussi simple et décontractée depuis bien des années, mais cela lui faisait plaisir de la voir ainsi. Même si c'était forcé, elle avait enfin un peu de temps pour se reposer. Mais à l'issue de cette matinée, dans quel état retrouverait-elle sa grande sœur adorée ?
La pendule sonnait 10h quand on frappa à la porte. Après avoir été invité à entrer, Kaeya salua les deux filles. Comme il pouvait s'y attendre, la Maîtresse de l'Ordre était déjà dans un fauteuil roulant, impatiente. La connaissant, la plus petite avait certainement bataillé pour la convaincre de ne pas y aller en béquilles. Même dans cet état, elle en aurait été capable pour minimiser ses blessures aux yeux de tous. A dire vrai, ce comportement lui était tellement familier… Plus jeunes, elle était déjà ainsi, et son frère également.
Mais c'est aussi parce qu'elle les connaissait tous les deux qu'il avait préféré s'asseoir dans un premier temps, demandant à rester seul à seul sa responsable. La Sœur obéit, retournant à ses obligations de nonne qu'elle négligeait un peu ces derniers temps, au vu de la situation.
« Je sais. » déclara la jeune femme de but en blanc lorsqu'ils furent enfin seuls, « Mais je veux le voir. » insista-t-elle.
« Comment as-tu su ? » répondit le capitaine, un peu étonné malgré son visage grave.
« Je ne sais pas trop, mais… Je le sens. »
Enigmatique, comme toujours, mais Kaeya était habitué au 6° sens de la demoiselle. Ce n'était pas la première fois qu'elle pressentait les choses, et elle voyait souvent juste, mais il n'avait jamais su s'il s'agissait seulement d'intuition ou d'une capacité inhérente aux Gunnhildr.
Se levant, il soupira, résigné, et commença à pousser le fauteuil hors de la chambre. Longeant le couloir, ils s'arrêtèrent devant les escaliers. Eux-mêmes se trouvant au sous-sol, si Diluc était plus bas, c'était très mauvais signe. Sans compter qu'il n'y avait que des escaliers pour accéder aux étages inférieurs. A contrecœur, Jean se laissa porter pour le reste du chemin, son ami prenant grand soin de ne pas toucher le bras écharpé.
C'est finalement deux sous-sols qu'ils descendirent avant de s'arrêter devant une porte gardé par Otto et Miles, réquisitionnés pour cette tâche.
Saluant leurs supérieurs, le premier ouvrir la porte, dévoilant une salle étrange, pleine de machines, avant de la refermer sur eux.
« Je ne suis jamais venue ici. » avoua Jean, détachée.
« Moi si. Une fois. Et ce n'est pas un endroit que j'apprécie vraiment. » répondit l'autre avant de la poser sur la chaise à roulette près du bureau.
L'endroit était éclairé par des néons blancs. Tout un tas de machine émettait des bips réguliers et des lumières, et toutes étaient reliées par des tuyaux au lit qui se trouvait contre le mur du fond, caché par un voilage lui aussi blanc.
« Je préfère te prévenir… ce n'est pas beau à voir. » avertit le plus âgé tout en poussant doucement la chaise.
Une fois en place près du lit, il tira le rideau en plastique opaque, observant attentivement les moins faits et geste de la blonde de peur que le choc ne soit trop violent.
Il était là, allongé avec un masque couvrant son nez et sa bouche. Les yeux clos, il semblait presque dormir. Mais le drap blanc arrivant au niveau de sa poitrine laissait voir un énorme bandage tâché de rouge, plusieurs perfusions étaient accrochées à un pied, près d'un moniteur cardiaque qui montrait un signal faible. Trop faible.
La culpabilité qu'elle avait réussie à réprimer quelques temps remonta soudainement et elle éclata en sanglots.
« Kaeya, dis-moi… » haleta-t-elle tandis qu'il s'asseyait près d'elle, « Dis-moi qu'il… »
Sa voix se brisait dans sa gorge tandis que les larmes coulaient le long de ses joues rouges.
« On ne sais pas. Albedo a réussit à le stabiliser avec l'aide de l'Académie de Sumeru, mais… il n'y a aucun changement depuis qu'on vous a ramenés. » avoua-t-il, déconfit.
Devait-il lui avouer toute l'histoire ou s'en tenir à cela, telle était la question. Mais connaissant la dirigeante, il valait mieux tout lui dire maintenant.
« Jean, Diluc a… il a un sceau sur la poitrine. C'est pour ça qu'on n'arrive pas à le sortir de là. »
Se levant, l'épéiste de glace tira un peu plus la couverture, ôtant au passage une partie du pansement.
Essuyant ses yeux, la demoiselle n'en croyait pas ses yeux. Son souffle se coupa à nouveau en voyant la marque d'un pouvoir Anémo sur le roux.
« J-je ne comprends pas, explique moi ! » ordonna-t-elle, perdue.
Résigné, il reprit sa place près d'elle après avoir remit en place la couverture et commença son récit.
Le soir où Amber les avait découverts, Diluc portait déjà cette marque. En cherchant à savoir d'où elle venait, pensant qu'elle était nuisible, ils avaient découverts que c'était la matérialisation de l'œil divin de sa co-équipière. Les deux, lors d'une vue élémentaire dont Jean n'était pour le moment plus capable, étaient reliés par un mince fil d'un vert translucide, ce qui était toujours le cas actuellement.
« Donc… C'est… c'est à cause de moi qu'il… »
« Non ! » coupa le capitaine, « S'il est toujours vivant, c'est justement grâce à toi. Cyno et Albedo me l'ont confirmé il y a quelques jours. »
Cela faisait beaucoup d'informations en très peu de temps. Peut-être même un peu trop, mais elle encaisserait, comme toujours. Il lui fallait juste un peu de temps.
« Reste un peu avec lui, le temps de digérer tout ça. Je reviens dans une dizaine de minutes et on en reparlera là-haut si tu veux. »
A présent seule, elle se laissa complètement aller. De sa main valide, elle attrapa celle de l'endormi. Elle était tiède, quelques pansements la couvrant par endroit, comme certainement le reste de son corps. Comme elle.
Approchant cette main inerte contre sa joue humide, elle s'excusa, encore et encore pour sa faiblesse. Elle s'excusa de ne pas l'avoir secondé correctement, elle s'excusait de ne pas avoir été à la hauteur de ses attentes. A présent, il était dans un état entre la vie et la mort, trop vivant pour être mort, mais trop proche de la fin pour être vivant.
« Je te jure que je ferais tout ce que je peux pour te sortir de là. » murmura-t-elle en serran sa main avant de la reposer doucement sur le lit.
De retour dans sa chambre, elle entreprit une grande discussion avec son subalterne. Pour le sortir de cet état catatonique, il devait être soigné, et pour se faire, elle devait retirer l'emblème Anémo présent sur son corps. Mais dans l'état actuel des choses, elle n'en était pas encore capable. Il fallait impérativement qu'elle se remette suffisamment sur pied elle-même pour pouvoir œuvrer, ce qui voulait dire encore au moins 3 semaines avant de pouvoir se déplacer par-elle-même.
« Désolé, mais tes calculs sont faux. » soupira le plus âgé, « Ta sœur ne t'en a pas parler j'imagine, mais… tu devrais déjà être capable d'utiliser ton bras. » avoua-t-il à demi mots, « Pour une raison qui nous échappe, ta guérison est plus longue que d'habitude. »
Il lui expliqua alors que Cyno et Albedo l'avaient également examinés et n'avaient été capable que d'émettre des hypothèses. Ils pensaient que la perte de la perte temporaire de son œil divin n'était pas étranger au problème, la magie élémentaire était une part importante des porteurs, mais sans certitude.
« Depuis combien de temps nous sommes là ? » lâcha-t-elle soudainement
« Un mois et demi. »
« UN MOIS ET DEMI ?! » répéta-t-elle, éberluée.
Les pièces s'assemblaient progressivement. Effectivement, une luxation mettait environ un mois à se faire oublier, et un os cassé, six semaines. Pourtant, ni l'un ni l'autre n'étaient encore des souvenirs.
« On ne voulait pas t'inquiéter quand on s'en est rendu compte. » expliqua alors Barbaba, qui avait entendu sa sœur depuis le couloir, « Du moins... pas plus que tu ne l'étais déjà. »
A suivre…
