Pièce de huit, thème "un dernier reproche", j'aurais aimé mieux faire (... réécrire, peut-être ?) mais tant pis !


Un dernier reproche

Une petite pluie de printemps tombait autour d'eux, qu'il n'arrivait pas à apprécier. Les hurlements gâchaient un peu le paysage, ainsi que les ruisseaux de sang qui se formaient dans la terre mouillée. Il essayait de ne pas regarder, de se concentrer sur l'homme en face de lui, mais ça n'améliorait en rien son humeur.

Koza, son meilleur ami, son meilleur allié, avait fait ça. C'était lui qui avait créé ces monstres, qui ravageaient son monde. Sabo savait qu'ils avaient des vues différentes sur le monde, mais il n'avait pas cru que Koza irait si loin pour gagner. Qu'il passerait au-delà de ses vœux, l'ignorerait totalement, comme s'il ne valait rien. Comme si ce qu'il pensait ne voulait rien dire.

– Sabo...

– Ta gueule.

– Je suis...

– T'as réactivé une race de vieux monstres pour détruire le monde, t'as plus le droit de me parler, coupa-t-il d'une voix plus certaine que son cœur.

– C'est pour la bonne cause, dit froidement Koza sans le laisser cette fois l'interrompre.

– Ouais, je suis sûr que mourir va carrément augmenter leur niveau de vie.

Il n'y avait plus de mordant à ses paroles, plus de conviction. Ils avaient eu des variantes de cette discussion des dizaines de fois, et il n'avait aucune envie de l'avoir une fois de plus alors que la décision était prise.

– La société...

– Est corrompue, ouais, c'est pas pour ça qu'il faut tout détruire ! Merde, Koza, t'aurais jamais dû les aider. Je devrais même pas être en train de te parler.

Il sortit son épée et la pointa vers son ancien ami.

Autour d'eux les immenses reptiles dévoraient tout ce qui leur passait sous la gueule, imperméables à toute attaque. Leurs mains trop petites pour attraper donnaient de faux espoirs aux villageois, qui continuaient à fuir, mais c'était peine perdue. Koza et son armée avaient fait les choses bien, il avait toujours été bon stratège : en plus des brutes affamées il avait lâché les rapaces, qui repéraient les fuyards de haut, et des mastodontes qui écrasaient tout abri. Encore quelques heures et il ne resterait de l'humanité que la poignée sélectionnée par les révolutionnaires, qui regardait peut-être le massacre en ce moment même de la sécurité de son avion. Sabo avait refusé de les rejoindre. Peut-être qu'au fond il avait espéré que Koza changerait d'avis, même s'il était trop tard, mais il était juste descendu lui parler sans donner d'ordre d'annulation.

Ils avaient juste la chance d'être protégés quelques minutes, en haut d'une falaise qui surplombait les environs. Bientôt, bientôt les volatiles pourraient se repaitre sur leurs corps… Ou les reptiles géants ? Qui les trouverait en premier ? Il ne savait même pas ce qu'ils voulaient, réalisa-t-il. Tuer ou manger ? Est-ce que les humains réveillaient juste des instincts de meurtre en eux ? Ou alors les cadavres étaient-ils des réserves ?

Il examina son adversaire pour choisir où attaquer. Ce n'était plus son ami, c'était une épave. Ses yeux rêveurs avaient été remplacés par des orbes vides et désespérées, son idéalisme avait fait place à la vengeance.

Il n'aurait jamais dû... Mais non, c'était faux. Ils avaient tous les deux leur place dans la résistance, Koza ne pouvait pas ne pas les rejoindre. La suite, son abandon, étaient de sa faute, mais il ne pouvait lui reprocher ça.

– Adieu, Koza.

Le blond-châtain ne se défendit pas, presque soulagé de mourir. Pourquoi l'aurait-il fait ? Il rejoindrait bientôt sa sœur, enfin, loin du monde qu'il avait appris à haïr. Et Sabo le rejoindrait sans doute bientôt. Il aurait dû se battre, essayer de sauver des gens, comme toujours – mais il avait bien dû accepter que ce n'était pas possible, et que s'il pouvait servir à quelque chose, ce ne serait qu'à venger ses gens. Luffy. Ace. Koala. Tous les amis morts avec la princesse ou plus tard, ou loin d'ici, sans qu'il le sache mais sans aucun doute. Koza avait lancé ces monstres partout, pas que sur leur île – toujours cette maudite efficacité – alors il savait, il se doutait… Il serra la main autour de son arme.

– Sa…

Le blond ne finit pas sa phrase, interrompu par la lame contre son cou, et Sabo regarda la tête rouler au sol sans réagir. Lui non plus n'était plus bon. Lui qui espérait rendre une vie meilleure à ses chers et à ses voisins, il n'avait réussi qu'à tuer son meilleur ami. Il se laissa tomber à genoux, vidé, soudain conscient de l'inutilité de tout ; plus de ville, plus de Koza, plus d'espoir… Plus de société, plus de corruption, mais plus de bas de la société non plus, plus de paysans attachants ni de Sabo. Plus de Sabo. Il ne devait plus vivre, ce n'était ni juste ni logique.

Si par miracle le plan de Koza faisait du bien… Il ne le supporterait jamais, mais il était trop tard pour le contrer. Et il refusait d'être un vieillard aigri dans le nouveau monde rêvé par le grand blond. Lentement, les poignets tremblant sous l'effort, il tourna son arme et la plaça aussi près de son cœur qu'il pouvait le faire dans cette position inconfortable.


Anecdote du jour : l'idée de base, c'était un Jurassic Park AU. En espérant que ça vous aura un peu plu !