Contrairement à ce que j'avais prévu aux balbutiements du projet, il n'y aura pas beaucoup de scènes d'action. Je préfère largement me baser sur les relations entre personnages et un sentiment général d'étouffement.
J'espère que ça vous plaira malgré tout.
PS : Je remercie ChocOlive Flamous de nous rejoindre dans cette aventure ! Je prie pour que cette histoire anxiogène ne te fasse pas regretter tes reviews !
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Dans le bastion souterrain, des voix se superposent dans la panique. Une femme à la chevelure épaisse et bleutée a déboulé dans le couloir principal, un homme blessé entre les bras.
Sans les connaître, tu sais qu'il s'agit des deux amis de Kaya. Paula et Usopp. Le rouquin n'a pas le temps de les rejoindre qu'une chevelure blonde s'extirpe soudain de l'obscurité. Ta petite infirmière se jette sur les nouveaux arrivants, elle parle fort tandis que la plus vieille femme essaye de la calmer.
L'atmosphère s'alourdit brusquement, balaie le réconfort du cocon et l'écrase sous la froideur de la réalité. Kaya crie, implore puis se ressaisit. Paula et elle conduisent l'homme blessé jusqu'à une petite chambre proche de l'entrée. Des gouttes de sang se mêlent à la poussière et au bois terni par les années.
Tu t'écartes du chemin, retourne dans la grande salle et t'effondre sur le banc. Il grince sous ton poids, mais tu ignores ses suppliques misérables. Malgré toi, des flashs apparaissent dans ta mémoire, devant tes yeux. Ils imprègnent ta rétine d'un spectacle d'horreur que tu combats difficilement.
Tu revois son corps. Tu revois ton frère tomber dans le vide, disparaître dans le noir, engloutit par la nuit. Et toi, tu hurles, tu implores et tu sombres à ton tour.
Le destin a voulu qu'il meure et que tu survives.
Le destin… Tu l'emmerdes. Tu le hais.
Pekoms est mort, et ce soir un autre pourrait bien le rejoindre.
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Tu attends sur le banc un long moment. Parfois, l'éclat des voix te parvient mais tu préfères les noyer sous le grincement du bois. Cet instant ne t'appartient pas. Le fil fragile de cette vie ne te concerne pas. Tu n'as pas le droit d'aller t'immiscer dans cette chambre, parce que ces gens ne sont rien pour toi.
Ils t'ont sauvé, certes, mais tu ne dois pas t'attacher.
Tu crains trop les peines, les pertes et le désespoir. Tu sais qu'ils te guettent au tournant, qu'ils sont prêts à refermer leurs mains griffues autour de ta gorge. Si tu les laisses faire, ils t'étoufferont à jamais.
Alors, tu attends. Tu patientes et fermes ton cœur à la compassion, pour te protéger, pour te sauver du malheur.
Au bout d'un temps, les cris cessent et le silence reprend ses droits sur le bastion. Quelques pas résonnent dans les couloirs, puis le rouquin et la femme aux cheveux bleus apparaissent.
Tu ne veux pas les interroger, mais tu devines leur soulagement en leur jetant un coup d'œil.
Leur ami devrait donc s'en tirer.
À son tour, la femme en bleu t'inspecte puis se tourne vers son camarade.
— Et celui-là, où est-ce que tu l'as trouvé ?
— Aux abords de la mine.
Elle hausse un sourcil, avant de ricaner. Tu sens comme un air de moquerie dans sa voix, mais tu l'ignores pour ne pas te vexer en vain.
D'un pas chaloupé, presque félin, elle rejoint le banc et s'y installe avec grâce. Sa chevelure transporte une étrange fragrance, et son visage dégage une aura singulière, à mi-chemin entre la douceur et l'indifférence. Elle tire une cigarette de sa poche et l'allume à l'aide d'un vieux briquet. Tu aperçois des initiales gravées sur ce dernier, d'autres questions fleurissent dans ton esprit mais tu refuses de les formuler.
Tu ne dois pas t'attacher.
Paula se penche légèrement sur toi sans crier gare, tu fronces les sourcils et cela lui arrache un sourire amusé.
— Qu'est-ce que tu pouvais bien faire dans cette mine, petit chanceux ?
À l'autre bout de la pièce, le rouquin observe la moindre de tes réactions. Il semble à nouveau se méfier de toi, et tu pressens qu'il n'hésitera pas à te tuer si besoin est. Tu ne souhaites pas répondre, mais mourir ne te fait guère plus envie. Tu dois sympathiser jusqu'à ce que les forces te reviennent et que tu puisses t'en aller.
— Je suis tombé.
La femme aux cheveux bleus plonge son regard dans le tien, puis rit.
— Comme nous tous, mon mignon. Nous sommes tous tombés dans le ventre des ténèbres.
Un silence s'en suit. Elle fume, le rouquin te scrute et toi, tu attends.
Tu attends, puis le silence t'exaspère. Quitte à rester avec cette minuscule compagnie, autant emmagasiner le plus d'informations possible. Si tu comptes mener ton projet à bout, tu dois connaître ton environnement.
— Est-ce que vous savez comment je peux rejoindre la surface ?
Aussitôt, tes hôtes se tendent. Paula t'inspecte à nouveau, comme si tu étais devenu soudainement fou.
— Il n'y a rien à la surface.
— Il n'y a rien ici non plus, et pourtant vous êtes là.
Elle soupire et écrase sa cigarette sur le banc.
— Il n'y a plus de surface, tu devrais le savoir. Remonter, c'est mourir à coup sûr.
Tu ne rétorques rien, tu sais que ton silence en dit long sur tes objectifs. Et la femme expire à nouveau, visiblement lassée par ta manière d'être. Tu comprends, tu sais que l'âge ne te rend guère plus agréable.
— Tu pourrais peut-être atteindre la surface en passant par l'hôpital, puis en remontant par les cheminées de la centrale. Mais rien ne dit qu'elles sont toujours en état ou qu'elles ne se sont pas effondrées avec le temps.
Tu acquiesces d'un hochement de tête, tandis que Paula tire un paquet de cigarette de sa poche pour en aviser le contenu.
— Nous possédons bien une carte, mais elle est trop précieuse pour que nous te la cédions.
— Je comprends.
— Quel garçon raisonnable. Tu entends ça, Kaku ? Je crois bien que nous sommes tombés sur une licorne.
Kaku. C'est bien ça.
Les deux amis échangent un regard, puis des pas se font à nouveau entendre dans le couloir. La jeune Kaya fait soudain irruption et sa présence détend l'atmosphère. Elle étouffe une quinte de toux tandis que Paula se redresse pour la rejoindre.
— Tu devrais aller te reposer, Kaya.
— Oui, je sais… Je voulais vous prévenir.
Les deux femmes se réconfortent d'un sourire, puis la main de Paula glisse dans la chevelure blonde de l'adolescente.
— Tu as fait beaucoup en peu de temps, merci encore.
— Ce n'est rien, vraiment !
— Si tu le dis. Allez, maintenant au lit !
Elles disparaissent. Ne reste plus que toi, et le rouquin sur lequel tu peux enfin mettre un nom.
— Reste ici autant de temps que tu voudras. Si tu comptes réellement remonter, tu auras besoin de toutes tes forces.
Tu aimerais bien contredire ses paroles, mais tu sais que l'ascension risque de te tuer.
Tu en as conscience.
Tu es prêt.
On se retrouve très vite pour la suite !
