Il ne fallut qu'une poignée de secondes à Chat Noir pour rejoindre son meilleur ami. Il se replongea tête baissée dans la bataille, brandissant son bâton dans l'espoir d'assener une frappe décisive à son ennemi.
Mais même à deux contre un, les deux héros n'arrivaient pas à prendre l'avantage. Leur adversaire leur opposait une résistance acharnée, leur rendant coup pour coup tout en les empêchant de s'approcher trop près de lui.
Chat Noir commençait à désespérer de réussir à l'arrêter avant que Carapace ne soit contraint de quitter le combat quand soudain, une voix féminine déchira les airs.
« PAR ICI ! »
Alerté par le cri de Ladybug, le vilain tourna instinctivement la tête vers la jeune femme.
Ce qui, visiblement, était exactement ce que cette dernière attendait de lui.
D'un geste vif, Ladybug lui lança sa botte en pleine figure.
Ce n'est qu'en voyant une nuée de particules brunâtres s'échapper de la botte en question que Chat Noir réalisa que sa coéquipière s'en était servie comme contenant et qu'elle venait d'envoyer en réalité l'équivalent d'un seau de sable dans les yeux de leur ennemi.
Aveuglé, le vilain porta ses mains à son visage en poussant un cri de rage.
« Chat Noir, maintenant ! », s'exclama aussitôt Ladybug.
Le jeune homme ne perdit pas un instant.
« Cataclysme ! », s'écria-t-il à son tour avant d'abattre sa main sur la perche de leur adversaire.
Un akuma d'un noir d'encre s'échappa aussitôt de l'objet. D'ordinaire, c'était à Chat Noir que revenait la charge de détruire ces terribles créatures.
Mais pas cette fois.
Cette fois, ce fut Ladybug qui le captura d'un habile lancer de yo-yo, avant de relâcher un papillon aux ailes immaculées.
Alors que l'insecte désormais inoffensif s'éloignait, la jeune femme récupéra la botte rouge et noire qu'elle avait utilisée un peu plus tôt et la lança dans les airs.
« Miraculous Ladybug ! », clama-t-elle triomphalement.
La botte disparut dans un éclat lumineux, laissant place à une myriade de coccinelles qui se rependirent dans Paris. C'est avec un émerveillement presque enfantin que Chat Noir les regarda serpenter de rue en rue, effaçant sur leur passage toute trace de l'affrontement qui venait d'avoir lieu.
Les poubelles renversées par la foule retrouvèrent magiquement leur place, les bancs endommagés par la bataille se réparèrent d'eux-mêmes.
Même la perche du guide, détruite par ses soins, se reforma sous ses yeux pour redevenir parfaitement intacte.
Une puissante bouffée d'exaltation triomphale enfla dans la poitrine de Chat Noir.
Enfin, enfin.
Ils allaient enfin pouvoir épargner à Paris les terribles cicatrices que lui laissait jusque-là les attaques du Papillon. Ils allaient enfin pouvoir déployer toute leur puissance pour contrer les assauts de leurs ennemis.
Ils allaient enfin pouvoir se battre, vraiment.
Avec Ladybug, Maître Fu venait de leur offrir exactement l'alliée dont ils avaient besoin, et quelle alliée.
L'instinct de Chat Noir ne l'avait pas trompé. Cette fille était vive, courageuse et inventive.
Avec elle, ils avaient toutes leurs chances d'arrêter enfin le Papillon.
Chat Noir se sentait délicieusement léger. Entre l'adrénaline qui courrait encore dans ses veines et l'euphorie de cette victoire éclatante, il avait l'impression que rien ne pouvait l'arrêter.
Il se dirigea vers Ladybug d'un pas guilleret pour la féliciter de sa brillante intervention quand soudain, des clameurs horrifiées s'élevèrent de la foule.
Il ne fallut qu'un instant au jeune homme pour localiser l'origine de cet affolement.
Une nuée de papillons d'une vilaine couleur sombre s'agglutinaient au-dessus d'un monument voisin, dessinant un monstrueux visage qui surplombait les rues de Paris.
Le Papillon.
« Je vois que vous avez une nouvelle alliée, héros », déclama l'apparition d'une voix caverneuse. « C'est inutile, vous ne m'arrêterez pas comme ça. Ladybug, Chat Noir, tout ceci n'a que trop duré. Donnez-moi vos miraculous et tout rentrera dans l'ordre. Les gens ont assez souffert à cause de vous. »
Chat Noir ouvrit la bouche pour protester, mais Ladybug le devança.
Les poings serrés et le regard étincelant d'une détermination farouche, elle s'avança vers le monstrueux visage.
« Bien tenté, Papillon, mais n'inverse pas les rôles ! C'est toi, le super-vilain ! », lança-t-elle en pointant un doigt accusateur vers lui. « C'est toi qui terrorises Paris et qui transformes tous ces innocents en monstres ! Papillon, peu importe combien de temps ça prendra, mais c'est nous qui te trouverons et c'est nous qui te prendrons ton miraculous ! »
D'un habile lancer que lui aurait envié n'importe quel joueur de baseball, la jeune héroïne envoya son yo-yo droit vers la nuée de papillons. Cette dernière se dissipa aussitôt, rendant aux cieux de Paris leur quiétude initiale.
Visiblement toujours remontée contre son ennemi, Ladybug bondit en haut d'un toit et se fendit d'un nouveau discours pour promettre à son auditoire son soutien sans faille dans la lutte contre le Papillon.
Incapable de détacher son regard d'elle, Chat Noir buvait ses paroles, comme envoûté. Chacun des mots qu'elle prononçait semblait trouver directement le chemin de son cœur, le faisant résonner toujours plus vite, toujours plus fort.
« Woaw… », murmura-t-il machinalement.
Et lorsque Ladybug se tourna vers lui pour lui décocher un sourire solaire, la douce chaleur qui réchauffa ses joues ne fit que lui confirmer ce qu'il pressentait déjà.
Qui que soit cette fille, il était déjà sous le charme.
Leur présence n'étant désormais plus impérative, les héros ne s'attardèrent guère sur place. Carapace avait déjà quitté les lieux pour se détransformer et Ladybug et Chat Noir s'apprêtaient à faire de même.
Bavardant amicalement, les deux héros se dirigèrent vers un pâté d'immeubles voisin.
« Encore merci, Chat Noir », le remercia Ladybug avec un sourire reconnaissant. « Je ne sais pas si j'y serais arrivée sans toi. »
« Ça a été un plaisir, ma Lady », répondit le jeune homme avec une courbette théâtrale. « On se refait ça très vite ! »
« Pas trop vite, j'espère », répliqua sa coéquipière en riant. « J'aimerais bien avoir le temps de dormir un peu d'ici là ! »
Puis, après un dernier petit salut de la main, Ladybug enroula son yo-yo autour d'une cheminée et s'élança dans les airs.
Chat Noir la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrière une crête d'immeubles. Il tourna ensuite les talons, tout en passant une main dans son dos pour s'emparer de son bâton télescopique.
Il se figea aussitôt en croisant les regards goguenards d'Alya et de Nino, qui l'observaient un peu plus loin.
Bon. S'il avait espéré cacher la forte impression que Ladybug avait fait sur lui, c'était visiblement peine perdue.
Ce pressentiment fut confirmé à peine quelques minutes plus tard, lorsque ses amis le retrouvèrent dans la ruelle au fond de laquelle il s'était détransformé.
« Alooooors », lui lança Alya avec un sourire lourd de sous-entendus, « elle est sympa, la nouvelle ? »
« On dirait, oui », répliqua Adrien d'un ton faussement détaché. « Et en tout cas, elle est douée », poursuivit-il avec plus d'enthousiasme. « Vous avez vu ça ? Pour une première fois, elle s'est vraiment bien débrouillée ! Sans compter le fait que son miraculous est exactement ce qu'il nous fallait. Vous vous rendez compte ? On vient d'essuyer une attaque du Papillon, pourtant il n'y a plus aucun dégât ! »
« Oui, ça va vraiment nous changer la vie ! », approuva Nino avec ferveur. « Plus besoin de protéger chaque bâtiment, plus besoin de faire attention à ne pas casser de voitures… »
« Plus besoin de retenir nos coups de façon générale », renchérit joyeusement Adrien.
Plus besoin de se battre la boule au ventre, à craindre de commettre l'irréparable en tentant de bien faire. Plus besoin de jongler sans cesse entre sauvegarder Paris et arrêter au plus vite une attaque. Et la liste était encore longue.
Ladybug n'avait certainement pas idée du poids qu'elle allait ôter de leurs épaules.
« Oui, oui, mais ne croit pas que je n'ai pas remarqué que tu as changé de sujet », lança brusquement Alya à Adrien. « J'ai bien vu comment tu regardais Ladybug », poursuivit-elle avec un petit sourire en coin. « Et c'était quoi ce petit 'Ma Lady' avant de partir ? Est-ce que tu n'as vraiment rien de plus à dire sur elle en dehors du fait qu'elle se batte bien ? »
Adrien se sentit rougir sous le regard inquisiteur de son amie.
Des choses de plus à dire, oui, il en avait. Il aurait juste préféré avoir le temps de réfléchir à la situation avant d'étaler son ressenti sur la place publique.
Mais on pouvait compter sur Alya pour le jamais lâcher une piste, aussi embarrassante pour son interlocuteur soit-elle.
« Et bien, c'est vrai qu'elle est courageuse », admit-il en se passant machinalement la main le long de la nuque. « Et forte. Et qu'elle a l'air d'avoir de l'imagination à revendre. »
Alya n'aurait probablement pas eu l'air plus heureuse si on lui avait annoncé que Noël avait été avancé de trois mois.
« Hahaaa, est-ce qu'une fille aurait finalement finit par réussir à attirer l'attention de l'imperturbable Adrien Agreste ? », le taquina-t-elle en lui donnant un petit coup de coude complice.
Adrien ne put s'empêcher de rire devant l'enthousiasme d'Alya tant son amie paraissait sincèrement ravie de la tournure des évènements.
Même si, en l'occurrence, il aurait été plus juste de parler d'une autre fille.
Mais bon, au final, Alya n'avait pas tout à fait tort. Bien qu'il soit beaucoup trop tôt pour dire si ses sentiments pour Ladybug surpasseraient ceux qu'il éprouvait pour Marinette, impossible pour lui de nier pour autant l'effet que lui avait fait sa nouvelle coéquipière.
« Possible… », concéda-t-il enfin.
« J'en était sûre ! », rugit triomphalement Alya. « C'est génial ! Reste à voir si cette Ladybug est quelqu'un de bien, mais c'est une héroïne alors il y a de bonnes chances. Ah, et bien sûr, il faudrait aussi savoir si elle est célibataire et intéressée par toi, mais si tu es d'accord, je devrais pouvoir me renseigner », poursuivit-elle en hochant résolument la tête.
« Je ne savais pas que tu étais en charge de ma vie sentimentale », lui fit remarquer Adrien d'un ton amusé.
« Hey, si on te laisse t'en occuper, tu seras encore célibataire d'ici tes quarante ans », riposta gaiement son amie.
« Peut-être que je veux être encore célibataire d'ici mes quarante ans », souligna Adrien en haussant un sourcil circonspect.
« Je te croirais si je ne t'entendais pas te lamenter à ce sujet tous les quinze jours », répliqua Alya sans se démonter. « Tu- »
Une sonnerie s'élevant de son téléphone coupa brusquement la jeune femme. Elle jeta un rapide coup d'œil à l'écran et laissa échapper un juron.
« Ah, zut, je vais être en retard au boulot ! », s'exclama-t-elle en rangeant précipitamment l'appareil dans sa poche. « Je file. Mais n'espère pas t'être débarrassé de moi ! », lança-t-elle en se dirigeant vers la sortie de la ruelle, un doigt accusateur malicieusement pointé sur Adrien. « On finira cette conversation plus tard ! »
« Je n'en doute pas un instant ! », lui hurla son ami alors qu'elle s'éloignait dans un éclat de rire.
Alya partie, Adrien resta seul avec Nino. Les deux amis se dirigèrent vers la sortie de la ruelle d'un pas tranquille, tout en continuant de bavarder.
« Alors, cette Ladybug ? », lança Nino d'un ton curieux. « Qu'est ce que tu en penses vraiment, au final ? »
« Franchement, elle m'a vraiment fait bonne impression », répondit Adrien. « Déjà, comme tu as pu le voir, elle sait se battre. Elle n'a pas hésité avant de foncer sur le vilain. Et son pouvoir ! Je connais la théorie concernant le Lucky Charm, mais ne m'attendais pas à ça ! »
« Je pense que personne ne s'attendais à ça », s'esclaffa Nino. « Une botte, sérieusement ? »
Un sourire amusé aux lèvres au ce souvenir de cet objet pour le moins improbable, Adrien hocha la tête.
« Oui, sur le coup j'ai vraiment pensé qu'il y avait un problème », approuva-t-il. « Je n'avais absolument aucune idée d'en quoi cette botte était censée nous aider. Mais tu aurais vu Ladybug ! Elle a trouvé quoi faire en quelques secondes ! C'était brillant », conclut-il d'une voix admirative.
« Je suis curieux de voir ce que son pouvoir donnera pour la suite », lança Nino avec un petit rire.
« Moi aussi », renchérit Adrien. « Je pense qu'on a intérêt à s'attendre à quelques surprises. Sinon, pour revenir sur le sujet des premières impressions concernant Ladybug », poursuivit-il, « tu en as pensé quoi, toi ? »
Nino se passa pensivement la main sur le menton.
« Et bien, comme toi, bonne première impression », résuma-t-il après un instant de silence. « Mais je ne peux pas dire grand-chose de plus pour l'instant, je n'ai pas encore eu vraiment l'occasion d'interagir avec elle. Et pour Alya c'est encore pire, elles se sont à peine croisées », ajouta-t-il en agitant vaguement la main dans les airs. « Il faudra voir ce que ça donne sur le long terme. Tout dépendra de comment Ladybug s'intègre à l'équipe. »
Pour toute réponse, Adrien laissa échapper un murmure approbateur.
Les deux jeunes hommes savaient par expérience que l'arrivée d'un nouveau héros s'accompagnait inévitablement d'une délicate période d'adaptation. Chacun allait devoir ajuster sa façon de faire, jusqu'à ce que leur groupe trouve une nouvelle dynamique.
« Et sinon, sur un plan plus personnel, j'ai cru comprendre que Ladybug te plaisait bien ? », reprit Nino en décochant un clin d'œil malicieux à son meilleur ami.
Les joues légèrement roses, Adrien se gratta machinalement l'arrière du crâne.
« Et bien, il faut dire qu'elle a du cran… », concéda-t-il avec un sourire timide.
« C'est ça qui te plaît chez une fille ? Qu'elle ait du cran ? Si ma mémoire est bonne, tu avais dit la même chose de Marinette », souligna Nino.
Adrien se sentit rougir un peu plus à la mention de Marinette.
« Il faut croire que j'ai un faible pour les filles courageuses, créatives, et qui n'ont pas peur de faire ce qu'elles pensent juste », reconnu-t-il.
À ses côtés, Nino laissa échapper un sifflement admiratif.
« Ce sont de sacrés critères, tu m'étonnes que tu aies du mal à trouver des filles qui t'intéressent. »
« Qu'est ce que tu veux, c'est comme ça », répondit Adrien avec un haussement d'épaule évasif.
« Et du coup, qu'est ce que tu vas faire ? », lui demanda Nino avec curiosité. « Au sujet de Marinette et de Ladybug ? »
Le regard perdu au loin, Adrien laissa passer un instant de silence.
« Je ne sais pas trop… », admit-il d'un ton pensif. « Marinette, c'est… compliqué. Elle me plaît, vraiment. Plus que ça, même », confessa-t-il en rougissant davantage. « Je n'ai jamais rencontré de fille comme elle. Peut-être que si les circonstances avaient été différentes… Mais là… j'ai vraiment peur de lui forcer la main sans le vouloir », soupira-t-il d'un ton défait. « Peut-être qu'en apprenant à connaître Ladybug, j'arriverai enfin à tourner la page concernant Marinette. »
Le jeune homme secoua légèrement la tête avant de jeter un nouveau regard à Nino.
« Bref, c'est comme pour l'équipe », conclut-il enfin. « On verra ce que ça donne sur le long terme. »
