Notes:
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Malgré sa longueur assumée, son rythme plutôt lent et une Cara plus bavarde que dans la série, j'espère que vous apprécierez ce nouveau chapitre.
Merci pour vos retours et encouragements, ils seront une fois encore les bienvenus.
Bonne lecture à tous.
A bientôt.
Dame Iris
Chapitre 4 : Des souvenirs douloureux.
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- Si j'ai bien compris, vous avez accepté de louer une place dans votre hangar sans même voir les documents d'identification de l'appareil ? demanda Cara assise à son bureau, en soupirant de lassitude. En face d'elle, le propriétaire du bâtiment qui s'était longuement épanché sur la respectabilité de son commerce quelques heures auparavant, se trouvait désormais face à ses contradictions.
- Il faut bien vivre, Marshall. Les temps sont durs, on ne peut plus être aussi regardant qu'avant.
- Peut-être bien, répondit-elle en faisant la moue. Mais après, il ne faut pas venir d'en plaindre.
L'homme, bien trop préoccupé par ailleurs, accepta sans ciller la remarque.
- Et maintenant que va-t-il se passer pour le vaisseau, Marshall ? C'est qu'il prend de la place et plus personne ne va me payer.
- Je ne m'en ferai pas trop si j'étais vous. Dès que j'aurais fait quelques vérifications et obtenu l'autorisation, il partira. Les temps sont durs pour tout le monde et la Nouvelle République a aussi besoin d'argent.
- Alors il y aura une vente aux enchères. C'est bien cela, Marshall ?
- C'est le plus probable, lui confirma Cara.
Le visage de l'homme s'éclaircit à la perceptive d'une éventuelle bonne affaire. Fouillant dans l'une de ses poches, il en tira une clé de stockage de données et le déposa sur le bureau.
- Voilà, comme vous me l'aviez demandé. Mais voyez par vous-même, il n'y a pas grand-chose.
Il fallait s'y attendre, songea Cara en insérant l'objet dans son terminal. Elle congédia son visiteur avant de se tourner vers l'écran.
Les informations livrées correspondaient à l'identification et à l'historique de navigation de l'appareil. Elles avaient effectivement été en grande partie effacées. Aucun propriétaire recensé et plus singulier encore, une absence d'activités depuis plus d'une quinzaine d'années.
Un engin pareil ! Soit ils se sont vraiment bien débrouillés pour le faire passer sous les radars, soit il a passé un sacré bout de temps à l'abri de la lumière !
Quelle que fut l'explication, la conclusion restait la même. En l'absence de propriétaire légitime, l'appareil, par ailleurs saisi comme objet d'un crime, était désormais la propriété de la Nouvelle république. Comme elle avait eu l'occasion de l'expliquer au loueur peu avant, il serait vendu au plus offrant sitôt remis en règle.
A moins que j'arrive à les convaincre ...
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Quand son fidèle visiteur du soir apparut, elle était encore assise à son bureau venant juste de transmettre une requête dont elle attendait désormais la réponse. Il était probable que cette dernière ne lui parviendrait pas avant le lendemain en fin de journée. Grâce à son agilité et sa rapidité, la mangouste se hissa sur le bureau en un éclair. Elle traversa en trottinant le plateau, mettant en désordre chaque objet qui se trouvait sur son passage. Elle s'immobilisa finalement devant sa bienfaitrice en la fixant de son regard de braise. Cara plongea sa main dans son tiroir, et en ressortit les friandises tant convoitées par le petit animal. Quand sa paume fut entièrement ouverte, de petites pattes griffues vinrent y saisir une par une les lamelles séchées.
La mangouste releva soudainement la tête et d'un bond accompagné d'un couinement sauta du bureau, puis disparut. Cara entendit alors des cliquetis métalliques familiers dans son dos.
- Oh non ! Tu viens de la faire fuir ! dit-elle avec une consternation exagérée, en se retournant vers Din qui se tenait bras croisés, l'épaule appuyée contre l'encadrement de la porte.
- De quoi tu parles ?
- Ma mangouste de lave. Tu l'as fait fuir, elle a même pas eu le temps de finir de manger. Pauvre bête ! dit-elle sur un ton exagérément désolé, en glissant les restes de nourriture dans le sachet.
- Prête ? demanda Din avec une parfaite indifférence au sort de la "pauvre bête", qu'il n'avait d'ailleurs pas eu le temps d'apercevoir.
- Prête, lui répondit son amie en se levant.
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Lorsque Cara et Din franchirent le seuil de l'ancienne cantina, des traînées dorées, prémices du crépuscule, parsemaient le ciel. Dans les rues, les premières ombres se dessinaient. Renonçant d'un commun accord à utiliser le speeder, ils commencèrent à descendre la grande rue en marchant.
- Alors, qu'est-ce que Greef te voulait ?
- Un service. Du même genre de celui qui t'as fait fuir l'Alliance rebelle, répondit son ami en poussant un soupir qui en disait long sur son désintérêt pour le rôle qu'il avait dû tenir.
- Je te comprends, mais entre nous, il se fait vieux. Mets-toi à sa place. Pour une fois qu'il a quelqu'un capable de faire le boulot sans devoir l'assister, il en profite. Ici, les personnes compétentes pour ce genre de boulot sont presque introuvables. Si tu voyais celles qu'il m'envoie en renfort parfois ...
Peu après qu'ils eurent tournés dans une ruelle, Cara remarqua que son ami ralentissait le pas. Elle le vit plusieurs fois tourner légèrement la tête, toujours dans la même direction, comme s'il tentait de ne pas perdre de vue quelqu'un ou quelque chose. Elle réalisa rapidement que l'entrée des égouts se trouvait deux ruelles plus loin sur leur droite.
Aucun lieu sur Nevaro n'avait une importance aussi grande pour son ami. Il était chargé de tant d'émotions que celle-ci ne pouvait pas le retrouver alors qu'il était encore fleur de peau. Elle devait le dissuader d'une telle idée alors, prenant les devants, elle l'arrêta en l'attrapant par le bras avec calme mais fermeté.
- Din, arrête. Je sais à quoi tu penses, mais pas ce soir.
Bien qu'elle ne put lire sur son visage masqué, son silence suffit à lui confirmer qu'elle avait deviné correctement ses intentions.
- Demain, si tu veux, je viendrais avec toi.
Elle éprouva un grand soulagement quand il acquiesça d'un hochement de tête.
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En pénétrant peu après dans le couloir menant au logement de Cara, ils entendirent l'ouverture de la porte d'Essie. La vieille dame qui avait guetté leur arrivée, sortit sur son palier portant un plat emballé dans un tissu qu'elle tendit à Cara lorsqu'elle arriva à sa hauteur.
- Vous vous souvenez, c'est le dessert dont je vous avais parlé. Comme vous êtes tout les deux, Din pourrait aussi en profiter.
Cara se garda d'avouer qu'elle ne souvenait que vaguement de ce à quoi sa voisine faisait allusion et accepta simplement le présent avec de sincères remerciements.
Dès leur entrée dans l'appartement, Cara ne put se retenir et adressa à son ami un sourire malicieux.
- Décidément, c'est dingue ce que tu peux lui plaire !
Din haussa les épaules en répondant.
- Elle n'a personne à qui parler.
- Ça je le sais, répliqua son amie tout en retirant ses gantelets et ses gants. . N'empêche, va savoir pourquoi, elle a un truc avec toi.
Voyant que Din haussait de nouveau les épaules sans savoir quoi répondre pour cette fois, elle n'insista pas et suggéra plutôt qu'ils entamassent la préparation de leur dîner.
Celle-ci consista pour l'essentiel au choix entre une multitude de boîtes de formes et couleurs variées dont il ne fallait guère attendre grand-chose du contenu.
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Cara était enfoncée dans le creux de son fauteuil, attendant la venue de son ami, prête à lui demander s'il avait apprécié le met d'Essie, lorsqu'un grésillement la tira de sa somnolence. Le son était si particulier qu'elle le reconnut sans le moindre doute et se précipita à l'intérieur. Quelle imbécile ! J'aurai dû m'en douter, pensa t-elle en se reprochant de ne pas avoir anticiper que l'idée de ressortir le sabre laser puisse germer dans l'esprit de son ami. Elle craignait fort que la vue de l'objet ne fasse qu'alimenter ses angoisses et son désarroi.
Après avoir frappé par deux fois à la porte de la chambre sans obtenir de réponse, elle lui demanda de ranger l'arme. Inquiète d'entendre les vibrations continuer, elle prévint son ami.
- Din, range-le ou je rentre.
Elle n'attendit guère plus d'une minute pour tourner la poignée. Dans la pénombre transpercée par une pointe de lumière blanchâtre, elle aperçut Din, assis sur le bord du lit, observant fixement l'arme qu'il tenait dans sa main. Le rayonnement des cristaux se reflétait dans ses yeux que des larmes naissantes faisaient briller. Avec calme et lenteur, elle s'avança vers le lit. Arrivée près de son ami, elle approcha doucement sa main du pommeau de métal anguleux et murmura.
- Donne-le moi, Din. Rangeons-le, cela vaut mieux.
Le poing de son ami resta serré autour du pommeau. Toutefois, lorsqu'elle vint couvrir les doigts gantés de sa paume, ils se décrispèrent suffisamment pour qu'elle puisse reprendre la poignée de métal. Une fois la lame éteinte, elle rangea le sabre noir dans la caisse où il était placé depuis son arrivée.
Din joignit ses mains, entrelaçant ses doigts tel un prieur. Les coudes posés sur les cuisses, la tête penchée, le regard rivé sur la mince bande lumineuse courant au sol de la porte entrouverte jusqu'à ses pieds, il se sentait épuisé.
Depuis la veille, il devait supporter le poids de la culpabilité de celui qui a brisé le serment fait aux siens, affronter la douleur et la tristesse de celui qui perdu un être cher et se préparer à prendre la responsabilité de celui qui devra désormais mener les siens dans une lutte coûteuse en vie.
Quand il avait contemplé le coeur sombre du sabre, c'était la perte inéluctable d'une part de son identité qu'il avait vue. Il savait que la seule chance de survie pour son peuple autrefois glorieux et conquérant passait par le renoncement à la méfiance et au mépris mutuel qui le déchirait. Face à son agonie, la seule Voix qui restait aux enfants de Mandalore, était le sacrifice consenti de certaines des croyances de ses différents clans.
Lui-même avait entamé cette redéfinition de son identité. Sa fidélité au Credo inculqué par son clan avait été vaincue par une force, jamais affrontée jusqu'alors. Il avait découvert sa vulnérabilité face au sentiment d'attachement, une force qu'aucune arme ne pouvait vaincre et qu'aucun être sensible ne pouvait réprimer. Cette perte de contrôle sur lui-même et son destin lui inspirait un sentiment s'apparentant à la terreur.
Ses pensées l'absorbaient tellement qu'il en avait oublié la présence de Cara. C'est seulement lorsque celle-ci pressa son bras, qu'il leva le regard. Elle se tenait debout à ses côtés, et malgré la pénombre qui masquait les traits de son visage, il savait qu'elle arborait un sourire discret et profondément compatissant à son égard. Devant toute l'attention et le dévouement dont elle faisait preuve, Din se sentait fautif. Il n'avait rien à lui apporter en retour et à chaque instant, sa dette s'alourdissait sans qu'il put trouver la force de repousser son soutien.
- Din, on peut en parler si tu veux. Mais avant, tu devrais te changer pour dormir.
Il répondit au chuchotement de son amie avec une voix légèrement enrouée.
- D'accord.
- Bien, alors n'oublie pas de mettre tout ce qui risque de ruiner mon appart dans les caisses, précisa-t-elle avant de quitter la chambre.
Dans la salle de bain, après avoir achevé de retirer son armure, Cara défit patiemment les tresses qui ordonnait sa chevelure d'une manière si singulière. Chaque soir, elle répétait ce geste comme un rituel. Ces tresses étaient un rappel de ses racines, mais aussi de la tragédie. Si le matin, c'était la fierté de ses origines qui l'accompagnait en les nouant, le soir c'était la douleur dont elle se libérait en dénouant chaque mèche. Lorsqu'elle eut achevée, sa chevelure noir corbeau formait un mélange harmonieux de mèches ondulées et lisses. Avant de retourner dans le salon, elle revêtit une tenue légère, adaptée aux nuits douces sur Nevaro.
Elle s'assit sur le sofa pour profiter d'un bref moment de solitude plongée dans la lumière tamisée d'une petite applique murale. Une légère brise traversait la pièce et vint caresser ses bras et ses jambes nus. Cara ferma les yeux, tentant de se vider l'esprit avant de retourner auprès de Din.
Le mal-être de son ami restait un vrai défi. Elle avait aussi traversé une longue période douloureuse, mais avait trouvé la force nécessaire pour vaincre ses difficultés dans le dévouement absolu à une cause majeure. Son engagement dans la Rébellion avait été salvateur. De cette expérience, que pouvait-elle retirer qui put aider Din ? Certes, il allait s'engager lui aussi dans une lutte déterminante pour l'avenir de son peuple, mais contrairement à elle, il le faisait contraint par son sens de l'honneur. Qui plus est au prix de la perte d'une partie de son identité et de ses repères.
Le claquement métallique du couvercle de l'une des caisses résonna bruyamment. Une bonne chose de faite, pensa t-elle avec soulagement, en devinant que l'arsenal de son ami était maintenant en lieu sûr.
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En pénétrant dans la chambre éclairée seulement par la lumière se glissant par la porte entrouverte, Cara remarqua que son ami s'était allongé comme la nuit précédente, tourné vers le milieu du lit.
Avant d'entamer une discussion qui serait inévitablement éprouvante, elle avait envie d'un bref moment de répit. En se glissant sous le drap, elle confia avec nonchalance.
- Je n'en reviens pas de le dire, mais bon sang ça fait du bien de retrouver son lit.
Au vague acquiescement de Din, elle réagit sur un ton faussement outré.
- Quel enthousiasme ! Nous parlons de MON lit dont JE te prête la moitié.
Elle ne laissa pas à son ami le temps de répondre et poursuivit sur un ton sérieux.
- Je voulais te parler d'une idée ou disons plutôt d'une opportunité qui vient de se présenter.
- C'est-à-dire ?
- C'est un vaisseau. Din, je crois vraiment que tu devrais en avoir un nouveau. Tu ne devrais pas dépendre de tes nouvelles alliées et te garder un peu de tranquillité de temps en temps. Elles vont te taper sur les nerfs, je le vois d'ici, lui expliqua-t-elle en espérant le convaincre.
- Peut-être, pas certain, s'entendit-elle répondre.
- C'est sûr ! Ecoute, il a de fortes chances que j'obtienne une confirmation demain. On en reparlera à ce moment-là, d'accord ?
- D'accord, lui répondit son ami après avoir hésité.
- Pourquoi tu as sorti ce truc ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Je n'en sais rien. Peut-être parce que j'ai encore pensé à eux.
- A tes parents ?
- Oui.
- Je crois savoir pourquoi cela revient. Perdre Grogu, c'est comme les perdre. Même si lui est encore vivant, dans ta tête ça ne fait pas de différence et tu ne peux rien y changer. Un jour viendra où la douleur faiblira et tu te sentiras assez bien pour continuer à vivre malgré ce qui s'est passé.
Il y eut un long silence.
- Et toi ? demanda finalement Din.
- Quoi, moi ? répondit Cara ne comprenant pas sur le moment la question.
- Rien, oublie.
Mais son amie devina très rapidement ce qu'il avait tenté de lui demander sans oser insister.
- Moi, j'ai perdu tous ceux que je connaissais d'un coup. J'ai eu plus de chance que toi, si l'on peut dire. Je n'étais pas avec eux et c'est ce qui m'a sauvé d'ailleurs. Le plus dur, je crois, c'est qu'ils soient partis sans que je sois réconciliée avec eux.
- Qu'est-ce qui s'était passé ? demanda timidement son ami.
- Disons simplement que je me m'étais méchamment rebellée contre eux deux ans avant. La raison en était...
Elle s'interrompit et eut besoin de temps pour trouver les mots justes.
- Tu auras du mal à le croire, mais la vie que je mène était inimaginable pour ma famille. Chez nous, les filles ne touchaient pas aux armes. Aucune n'aurait jamais eu une pareille idée. Pour te situer les choses, mon père siégeait au Conseil du roi d'Alderaan, comme son grand-père avant lui. Question de tradition familiale. Bien qu'il n'en reste pas grand-chose, mes parents ont fait ce qu'il fallait pour que je sois très bien éduquée. Avec mes deux frères plus âgés, nous étions sous la coupe d'une gouvernante chargée de faire le travail. C'était une vieille bique rigide comme pas permis et d'un ennui mortel. Plus je grandissais et moins je la supportais. Le pire, c'est qu'il m'a fallu attendre jusqu'à mes dix-sept pour en être débarrassée. A cet âge, j'avais compris que je n'étais définitivement pas faite pour la vie qui m'attendait. Je n'avais rien en commun avec ma mère qui était docile et ne pensait pas au moindre changement. Sa principale préoccupation était son apparence parce qu'elle voulait se montrer sans cesse à la hauteur des attentes des autres, comme on le lui avait appris. Quand je la voyais dans ses tenues élégantes, je voyais seulement un très bel oiseau dans sa cage dorée. Je détestais la voir ainsi et je l'aurais prise en pitié si elle en avait souffert. Mais même pas, on l'avait trop bien conditionné pour cela. Par chance, ils n'ont pas réussi à faire pareil avec moi.
C'est le moins qu'on puisse dire, songea Din en esquissant malgré lui un sourire.
- Finalement, les choses se sont précipitées quand j'ai entendu mon père prononcé mon prénom et « mariage » dans la même phrase. J'ai tenté de discuter avec mes parents. Un vrai fiasco au final, comme tu peux t'en douter. Je n'ai pas attendu plus d'une semaine pour filer en douce avec assez d'argent pour trouver un transport vers n'importe quel secteur éloigné de la galaxie. Pour qu'on ne me retrouve pas, je suis montée sous un faux nom à bord d'un cargo deux ans avant que des connards de l'Empire… Enfin, tu connais la suite.
Cara était capable de parler de la tragédie qu'elle avait vécue avec un détachement surprenant. En réalité, elle était profondément meurtrie et cette légèreté apparente n'était qu'une manière à se protéger, de ne pas se laisser envahir par cette plaie qui ne cicatriserait jamais entièrement. Din était très loin d'être doué pour lire les pensées intimes des autres, pourtant il ne se laissa pas duper. Même si la souffrance de son amie avait diminuée avec le temps, elle avait été aussi forte que la sienne en ce moment même, et c'était pourquoi elle le comprenait si bien.
- J'ai rejoint la Rébellion par vengeance et par haine pour ceux qui m'avaient tout pris, confia-t-elle avec une pointe de colère dans la voix.
- Je comprends.
Cara se retourna sur le dos, joignant ses mains sur sa poitrine et après un long soupir reprit.
- Depuis que je suis ici, des souvenirs me reviennent. Surtout ceux de ma grand-mère Artémisia, sûrement parce qu'Essie m'y fait penser. C'est pourtant si loin.
- Pourquoi elle t'y fait penser ?
- Elle avait la même gentillesse, la même attention pour les autres, avec en plus l'intransigeance sur certains principes. Elle était pire que mes parents en la matière et elle m'agaçait. Nous nous sommes souvent disputés, ce qui ne nous empêchaient pas d'être très attachées l'une à l'autre.
Sa voix commença à trembler légèrement
- Je sais que si j'étais revenue, elle aurait été la première à me pardonner.
Elle se tût. Quand elle sentit les larmes lui monter aux yeux et sa gorge se nouer, elle s'emporta contre elle-même. Car enfin, quelle idée de remuer ainsi le passé ! Etait-ce de la faiblesse, de l'idiotie ou les deux d'avoir ainsi pris le risque de se laisser submerger alors que Din qui était tout près d'elle ! Lui qui avait besoin d'être soutenu et certainement pas d'endosser le rôle de confident !
Une main effleura le drap et elle sentit la chaleur d'une paume qui se posait avec un léger tremblement sur son bras nu. Son ami avait perçu son chagrin et voulait la réconforter. Silencieusement, bien sûr. Les mots lui manquent comme d'habitude, songea-t-elle profondément touché.
- Ne t'inquiète pas, je vais bien, murmura-t-elle en lui saisissant délicatement la main avant de la caresser. La sensation du toucher rempli d'affection, si longtemps interdite, était une puissante source d'apaisement pour Din, qui espérait que son amie y fut tout aussi sensible.
Après un long moment, Cara se leva et se dirigea vers la salle de bain. Un mince filet d'eau fit disparaître les traces de larmes sur ses joues. Après avoir épongé son visage, elle éteint la lumière sans même prendre la peine de se regarder dans le miroir. Elle ne souhaitait pas voir son visage marqué par la fatigue et le chagrin, sa chevelure indisciplinée, son teint pâle d'avoir à peine dormi la nuit précédente.
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Elle pénétra dans la chambre et réalisa en voyant pour la seconde fois distinctement le visage de son ami, que la pièce était baignée par la douce lumière d'une applique au-dessus du lit. Un trouble envahit Cara. Bien que ses traits fussent tirés par la fatigue et que ses yeux sombres reflétassent sa tristesse, le visage de son ami était vraiment beau. La veille, dans la lumière glaciale du vaisseau, elle n'y avait guère prêté attention. Mais à cet instant, bien que l'idée ne lui fut encore jamais venue, elle réalisa que Din, l'homme sans visage, était séduisant. Cette découverte ne la laissa pas insensible à son propre étonnement.
Quand elle fut allongée, sa longue chevelure recouvrant l'oreiller, elle remarqua que Din la fixait d'un regard empli de douceur et même de tendresse.
Est-ce ainsi qu'il me regarde d'habitude ? songea-t-elle durant quelques instants avant de tourner ses pensées vers l'essentiel. Vers la parole qu'elle devait essayer de libérer chez son ami pour l'aider.
- Tes cheveux, ils sont…, murmura Din d'une voix légèrement hésitante.
Cara ne pouvait croire ce qu'elle venait d'entendre. Seulement quelques dizaines de minutes auparavant, son ami se tenait seul face à l'arme de sa destinée, terrassé par l'angoisse, et à présent il se lançait dans une discussion aussi futile. C'était si incongru qu'elle ne put se retenir de laisser éclater un rire franc.
- Din, tu es sérieux ! Je n'y crois pas ! On va parler de mes cheveux, là maintenant, au milieu de tout ce bordel qui nous entoure.
- Je n'avais jamais remarqué qu'ils étaient si longs... c'est tout ce que je voulais dire, répondit ce dernier, prenant ses moqueries pour des reproches.
Cara cessa de rire et poussa un long soupir empli de nostalgie.
- Le temps a passé depuis Sorgan. On a eu de bons moments là-bas, pas vrai ?
- C'est vrai.
La jeune femme adressa un sourire taquin à son ami.
- Et nous n'avons jamais fini notre combat. C'est dommage, j'étais si près de gagner.
- Vraiment ?
- Vraiment. Cherche pas, tu n'avais aucune chance, Din Djarin.
Cara vit ce dernier esquisser un sourire. Un beau sourire. C'était la première fois qu'elle le voyait ainsi et en fut aussi surprise que ravie.
- Tu es trop sûre de toi, Cara Dune, répliqua-t-il.
L'intéressée se redressa et s'assit le buste penché au-dessus de son ami.
- Tu veux que je te le prouve.
Din leva les bras comme s'il se préparait à parer une éventuelle attaque.
- Une autre fois, plutôt.
- Lâche, répliqua son amie en lui donnant une petite tape amicale sur la poitrine pour le provoquer. Cara qui aimait défier et jouer, fut plus que ravie d'obtenir la réponse qu'elle espérait.
Quand Din lui agrippa les poignet, elle se délivra de sa prise avec l'agilité et la rapidité d'un chat sauvage. Ils se laissèrent tout deux emporter dans ce combat amical. Le rapport de force tourna à l'avantage de la jeune femme. Lorsque Din se retrouva finalement immobilisé sur le dos, les bras étendus au-dessus de la tête, il ne fut pas réellement surpris. La prise de Cara était si forte qu'il n'avait aucune chance de s'y soustraire. Il n'avait plus qu'à reconnaître sa défaite. Mais à sa grande surprise, loin d'afficher l'air de triomphe attendu, le visage de son amie blêmit et elle s'écarta brusquement de lui pour le libérer.
- Tu saignes.
En s'asseyant, il constata que son maillot était taché par des gouttelettes causées par le saignement de son nez, atteint par un mauvais coup durant leur lutte.
- Attends, reste là. Je vais chercher ce qu'il faut, dit son amie en se hâtant de quitter le lit.
Quand il eut appliqué la compresse, qu'elle lui avait amené, Din indiqua d'un signe de tête son casque posé sur la caisse contre le mur.
- Plutôt ironique, non.
- C'était juste idiot de ma part, cela n'aurait pas dû arriver, lui répondit-elle avec regret.
- C'est bon, arrête.
Désignant le vêtement tâché, Cara lui dit.
- Enlève-le et je vais voir ce que je peux te donner.
Din se montra hésitant, ne s'étant jamais dévoilé ainsi. Toutefois, devant la main tendue qui lui était tendue avec impatience, il se décida.
En revenant dans la chambre, Cara lui lança un maillot noir.
- C'est la plus grande taille que j'ai pu trouver. Demain, trouve-toi le temps d'aller en acheter d'autres.
Quand ils furent peu après allongés dans l'obscurité, Cara fit promettre à son ami de la réveiller s'il en avait besoin. Bien qu'il lui donna sa parole, elle ne s'endormit pas sereinement.
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A suivre ...
