Yo !

Cet OS est écrit dans le cadre de la Nuit du FoF, sur le thème Polytraumatisé.

Ça se passe dans un UA pas tout à fait défini encore, mais en gros, la Lame de Marmorra est une organisation terroriste qui cherche à faire tomber le gouvernement en place et à renverser l'ordre mondial. Donc pas d'aliens mais un peu de SF quand même.

Bonne lecture !

Du sang sur les mains

(le tien)

Pidge a du sang sur les mains.

Pas, enfin, Pidge a littéralement du sang sur les mains, ses doigts sont visqueux et rouges, ça a séché par endroits, ça tourne au marron, ça sent le fer et la viande passée.

Pidge a aussi « du sang sur les mains », mais, disons, c'est moins grave. Iel peut vivre avec. Iel a choisi cette vie, iel a accepté, avant de lire les petites lignes, avant de comprendre les implications. Mais même si iel l'avait fait, à l'époque, sa décision n'aurait pas changé. Même si on lui proposait de revenir en arrière, maintenant, iel ne le ferait pas. Iel ne regrette pas, le sang métaphorique sur ses mains.

L'odeur du sang de Keith sur ses doigts, en revanche, lui donne envie de vomir.

Il est pâle sur le lit de la clinique, on a dû déchirer son haut et laver son sang pour y voir clair, maintenant c'est évident. Et Pidge jure entre ses dents.

Iel a merdé.

Ulaz lui jette un regard dur. Pidge ne tremble pas, se tient plus droit dans son fauteuil.

« Votre rapport ? »

Pidge serre les dents, rajuste ses lunettes. Sort deux puces jumelles de son bracelet, et tend une à Ulaz. L'homme l'attrape, la glisse dans son propre bracelet. Des informations brutes. Pidge ne fait pas de rapport. Iel n'obéit pas à la Lame.

Ulaz n'aime pas qu'iel soit ici, dans leur base. Le deal, c'est qu'ils échangent des informations. Et parfois, on lui prête Keith. La formulation fait ricaner Pidge. En vérité, parfois Keith accepte de travailler avec ellui, d'autres, il lui propose des actions et c'est Pidge qui accepte. Ça se passe dans le dos de la Lame, sur un tunnel d'informations qui les relie personnellement, et la Lame dit « on te prête un agent », ou, « un agent t'utilise », comme si l'organisation avait un véritable contrôle là-dessus.

Et ça, ça fait rire Pidge. Ça lea fait rire, leurs histoires de chaîne de commande et d'autorités par compétence. Pour des activistes qui cherchent à proposer un nouveau modèle, iel les trouve un peu trop militaires. La hiérarchie n'est pas aussi évidente, c'est sûr, mais elle existe. Dans sa plus simple expression, il y a tout en haut, la chute du gouvernement, ensuite les missions, et tout en bas les personnes.

Thace lui a déjà proposé de les rejoindre formellement. Mais Pidge ne peut ni ne veut fonctionner comme ça. Si iel était une Lame, iel aurait dû laisser Keith, voire le tuer pour éviter qu'il ne soit récupéré par l'ennemi. S'iel était une Lame, iel aurait dû faire passer la mission en priorité.

Mais iel est indépendante, alors lea voilà, un Keith polytraumatisé sur les bras et des informations incomplètes à offrir à la Lame de Marmorra.

La partie qui l'intéressait, iel a pu la trouver. C'est la première chose qu'iel a cherchée dans l'ordinateur. Mais les informations que la Lame voulait sont trouées, mal chargées, cryptées. Tant pis. Keith est en vie, et quand iel a débarqué ici avec son partenaire exceptionnel inconscient sur son dos, au moins, ils l'ont laissée entrer.

Ulaz quitte la chambre, et comme s'il avait attendu ce moment, Keith se réveille. Ses yeux sont voilés, réseaux rouges éclatés sur la sclérotique, ça donne des reflets violets sur le gris bleuté de l'iris. Il inspire. Ça ne doit pas être satisfaisant, parce qu'il tousse. Quand il peut parler, ce qu'il demande en premier c'est :

« La mission ?

— Kif-kif. On n'a pas tout ce qu'on voulait, mais on a effacé nos traces. J'ai fait détonner les explosifs quand t'as perdu conscience. Tu devrais pas trop bouger, t'as un poumon perforé, des côtes cassées et une petite commotion. Le dos brûlé, aussi.

— C'est ça que je sentais. Toi ?

— Rien de grave. Je crois. »

Iel tousse, mais c'est habituel. Une pause dans la conversation pendant qu'iel cherche sa Ventoline, la secoue, expire, bloque, inspire, bloque, expire. C'est automatique, maintenant.

« Qu'est-ce que les médecins ont dit ? »

Et iel grimace, parce que voilà. Un des petits soucis à ne pas dépendre d'une organisation, c'est ça.

« Que tu devais rester au repos deux semaines. Pas de terrain avant au moins un mois.

— Je veux dire pour toi.

— Ils m'ont pas examinée. »

Son repos forcé ne sera pas une distraction, alors, et il se tord pour pouvoir se redresser. Il lui fait signe d'approcher. Iel obéit, lentement. Le monde est noir quand iel se lève de sa chaise, iel ferme les yeux pour faire partir la nausée. Ça ressemble à une commotion, ça aussi. Une main sur sa tempe, qui descend, une main sur ses mains. Les yeux de Keith qui s'écarquillent.

« C'est beaucoup de sang, ça. »

Et Pidge ricane. Il est inquiet. Alors ça devrait aller. Iel pense, Keith peut rester ici quelques temps, et quand il reviendra à son appartement, iel squattera un temps indéfini. Au moins pour leur convalescence. Iel a une sacrée éraflure dans le dos, ce serait bien si quelqu'un pouvait l'aider à changer ses pansements.

« T'inquiète, c'est pas à moi. C'est le tien. »

.

.

.