Chapitre quatre : Alastor « Fol'Oeil » Maugrey
C'était étrange de revoir tant de monde à Poudlard après deux mois seuls au monde, pensa Envy quand il se retrouva au milieu d'élèves de quatrième année. Les cinq tables retrouvèrent leur place originelle, les professeurs reprirent leurs rondes dans l'école et les élèves venaient de débarquer. La plupart se tordaient le cou pour essayer de l'apercevoir, tout le monde ayant dû lire les articles à son sujet ces derniers jours. Nul n'ignorait son combat acharné contre une dizaine de sorciers adultes dont il était sorti victorieux. Comme prévu, personne dans le grand public n'avait entendu parler de la participation d'Edward. Les seuls qui savaient étaient les témoins de la scène, qui n'étaient pas très nombreux et qui pour la plupart travaillaient au ministère.
Parfaitement insondable, Edward était déjà assis à la table des Serdaigles et il ignorait complètement ses camarades de classe qui se saluaient en se racontant leurs vacances. Depuis leur « dispute », Edward l'évitait. Quand il était obligé d'entrer en contact avec lui, il restait tout à fait froid et s'éloignait dès qu'il en avait l'occasion. Envy n'avait pas encore réussi à rassembler le courage nécessaire pour s'excuser auprès de lui. Plusieurs fois, il s'était retrouvé devant la porte de la tour des Serdaigles sans oser entrer. Un de ces jours, peut-être qu'il s'y mettrait plus sérieusement, se résolut-il en détournant les yeux.
Soudain, il entendit des cris stridents dans le hall et sourit en sachant que Peeves avait bien accueilli les élèves comme il le lui avait conseillé avec des bombes d'eau glacée. McGonagall passa dans l'allée centrale en vitesse avant de sortir en trombe de la Grande Salle. Si en plus il pouvait l'exaspérer, c'était encore mieux !
Il vit le Baron sanglant passer près de lui avec un regard mauvais qui aurait fait frémir n'importe quel élève, mais pas lui. Le fantôme savait sûrement pour sa participation au massacre du hall d'entrée.
Finalement, les élèves trempés entrèrent et il aperçut Harry, Ron et Hermione aller s'asseoir à la table des Gryffondors à l'autre extrémité de la salle. Envy s'en désintéressa et tourna plutôt son regard vers la table des professeurs. Il y avait trois chaises vides, celles de Hagrid et McGonagall, puisque le premier amenait les premières années en barque sur le lac noir, et la seconde s'occupait d'essuyer le sol inondé du hall, mais la troisième... Dumbledore avait refusé de laisser passer la moindre information à son sujet. Et ce, malgré les efforts d'Envy et Edward pendant toutes les vacances pour satisfaire leur curiosité à propos du nouveau professeur de défense contre les forces du Mal (c'était surtout pour vérifier ses antécédents, en réalité). Ce soir, ils sauraient donc enfin qui se chargerait de remplacer Lupin, qui avait somme toute été un bon professeur.
Le regard d'Envy fut attiré par la place centrale, où Dumbledore venait de s'installer. Il avait joint ses longs doigts fins sous son menton et contemplait le plafond à travers ses lunettes en demi-lune, comme perdu dans ses pensées. Pour une fois, ces dernières voyageaient bien loin du Tournoi des Trois Sorciers, des Mangemorts ou même de la rentrée scolaire. Rongé par l'inquiétude pour ses deux protégés à la suite de la publication de l'article polémique dans la Gazette du Sorcier, il les avait surveillés de bien plus près pour essayer de prévenir un éventuel autre imprévu du même genre.
Désormais, il savait de quel côté ils se tenaient concernant Voldemort, et ses certitudes les plus sombres ne faisaient que se confirmer. La guerre approchait et ils plaçaient les pions sur leur échequier personnel. Tout lui paraissait clair maintenant. Ils avaient eux-mêmes décidé d'utiliser les journaux pour déclarer la guerre à Voldemort. Ils essayaient peut-être de le faire sortir de sa cachette, ou alors seulement de débusquer des Mangemorts se sentant sans doute insultés. Hélas, les partisans de Voldemort n'étaient pas aussi idiots qu'Edward et Envy le pensaient. En temps que criminel, ils craignaient d'être démasqués. Cependant, le jour où l'un de ces deux garçons montrerait le moindre signe de vulnérabilité, les Mangemorts n'hésiteraient pas à le supprimer en sortant de leur retraite forcée.
Leur protection se révélerait une tâche des plus complexes à partir d'aujourd'hui. Il y avait trop de possibilités à prendre en compte, trop d'ennemis devenus récemment mortels et trop d'ouvertures dans la sécurité cette année avec la venue de tant d'étrangers à l'école. De plus, d'après ce qu'il avait remarqué depuis leur retour à Poudlard, Edward et Envy ne s'entendaient plus très bien et ne veillaient donc plus l'un sur l'autre.
– Nicolas, je te retiens.
À côté de lui, Minerva haussa un sourcil perplexe en entendant son marmonnement, puis elle fit comme si de rien n'était.
Dumbledore soupira silencieusement une nouvelle fois en dévisageant Envy de loin. Le mystère du serpent se mordant la queue. Ouroboros. L'emblème du cycle du temps, tout comme le phénix, avec une origine floue, très ancienne, en Mésopotamie, Égypte, Europe et Extrême-Orient. Aucun indice sur le lieu d'origine de ces deux garçons, donc. Par contre, fait qu'il avait trouvé intéressant pour rejoindre certaines autres théories, ce Roi-Serpent représentait l'immortalité. Il se demandait si les alchimistes y trouvaient la même signification.
En tout cas, dans tous les manuscrits anciens qu'il avait consultés, tout revenait à la même chose par des chemins détournés. Toutes ses significations tenaient d'un ésotérisme plutôt nébuleux. D'ailleurs, une expression mystérieuse revenait souvent, encerclée par ce symbole. « En to Pan ». Ou encore, s'il le traduisait : « Tout est Un » ou « Un est Tout ». C'était une vision du monde plutôt philosophique, très appréciée de son vieil ami Nicolas. Autant dire qu'il mourait d'envie de partager cette expression avec Edward et Envy pour savoir si elle leur disait quoi que ce soit ou si ce tatouage n'était qu'une pure coïncidence.
Il ne croyait plus au hasard avec ces deux-là.
– J'ai en effet le grand plaisir de vous annoncer que cette année, Poudlard-
Le discours de Dumbledore fut interrompu par un coup de tonnerre assourdissant qui retentit bruyamment en faisant sursauter de nombreuses personnes de surprise, qui eurent un nouveau sursaut lorsque les portes de la Grande Salle s'ouvrirent à la volée. Sur le seuil, un sorcier se tenait appuyé sur un grand bâton. Son allure effraya quelques élèves, ainsi enveloppée d'une cape de voyage sombre. Toutes les têtes se tournèrent vers l'inconnu, soudain illuminé par un éclair qui raya le plafond magique. L'homme, qui avait abaissé son capuchon, secoua une longue crinière de cheveux gris sombre, puis s'avança en direction de la table des professeurs, faisant entendre un claquement sourd et régulier à chacun de ses pas.
Lorsqu'il eut monté l'estrade où se trouvait la table des professeurs, il se dirigea vers Dumbledore d'un pas lourd et claudicant. Un autre éclair illumina le plafond et jeta une lumière vive sur son visage marqué de cicatrices. Sa bouche ressemblait étrangement à une entaille tracée en diagonale et il lui manquait la moitié du nez. Mais c'étaient surtout ses yeux qui attirèrent l'intérêt d'Envy. L'un d'eux, petit, sombre et perçant, se plissait sous un épais sourcil gris. L'autre, grand, rond et d'un bleu vif, sortait de son crâne de façon presque morbide. Celui-ci remuait sans cesse, sans jamais ciller, roulant dans son orbite, d'un côté et d'autres, de haut en bas, totalement indépendant de l'œil normal. Il pouvait également se retourner complètement pour regarder en arrière. Néanmoins, ces mouvements répétitifs ne durèrent pas longtemps.
Il se fixa bientôt sur lui.
Envy lui rendit son regard.
Il entendit à peine le discours reprendre. Dédaignant le pichet de jus de citrouille posé devant lui, le sorcier fouilla à nouveau dans sa poche, en sortit une flasque et but une longue gorgée de son contenu. Lorsqu'il tendit le bras pour boire, sa cape se souleva du sol de quelques centimètres et permit d'apercevoir l'extrémité d'un automail bien moins sophistiqué que ceux d'Edward, mais terminé par un pied doté de griffes. Cet homme était un combattant, aucun doute là-dessus.
Le regard d'Envy glissa vers les Serdaigles et il essaya d'apercevoir la réaction d'Edward, mais ce dernier ne regardait même pas Maugrey et buvait les paroles du directeur. Jusqu'à ce qu'il affiche un air scandalisé, comme d'autres élèves. Envy sortit de sa torpeur et écouta les élèves qui parlaient d'une injustice concernant une limite d'âge.
-... hautement improbable que des élèves n'ayant pas encore atteint la sixième ou septième année puissent les accomplir sans risques, annonça Dumbledore. Je m'assurerai personnellement qu'aucun élève d'âge inférieur à la limite imposée ne puisse tricher sur son âge pour essayer de se faire admettre comme champion de Poudlard par notre juge impartial.
Cette fois, Envy comprit la réaction d'Edward. Il ne pourrait pas se présenter. Alors le Serpentard était le seul des deux à pouvoir rester en lice pour leur mission. Leurs chances s'amenuisaient de moitié avec cette nouvelle donnée.
Le premier jour de cours se prolongea dans une lente agonie pour Envy. Pour la première fois depuis plusieurs semaines, il avait dû dormir dans les dortoirs des Serpentards, comme il savait pertinemment qu'Edward ne voudrait pas de lui dans son lit au moins jusqu'à ce qu'ils se soient réconciliés. Épuisé et malade, il n'avait pas trouvé la force de chercher une salle de classe vide pour y passer la nuit. Dès qu'il avait posé la tête sur l'oreiller, il s'était endormi comme une masse, avant que de nouveaux cauchemars hantent sa nuit brève et loin de reposante.
Heureusement, il avait acheté un détecteur bien pratique à Mondingus — en même temps que la tente d'occasion —, qui le réveillerait dès qu'une personne avec de mauvaises intentions entrerait dans sa zone vitale, soit un espace d'un mètre autour de lui. Ce n'est l'esprit que peu apaisé qu'il tînt la nuit dans son lit. Le lendemain matin, il changea son apparence pour faire disparaître ses cernes et il suivit ses premiers cours de la journée dans un état nauséeux.
Pour ne rien arranger, il s'ennuya ferme, même pendant son cours préféré de Soin aux créatures magiques qui le déçut fortement. Les Scroutts à pétard ne présentaient pas le sujet d'étude le plus intéressant qui soit. Dans un bon jour, il aurait pu s'amuser de la dangerosité des créatures hideuses, mais avec Drago Malefoy dans les parages, impossible de se détendre. Cet immonde petit pisseux avait apparemment oublié l'humiliation de l'an passé (comme il l'avait prédit) et seule restait la rancune. Sa déclaration de guerre nationale devait avoir fait brasser beaucoup d'air au manoir Malefoy la semaine précédente pour provoquer un tel changement de comportement.
Lucius avait bien dressé son fils. Maintenant celui-ci le haïssait au lieu de le craindre. Il en fit d'ailleurs une parfaite démonstration plus tard dans la journée quand, pendant une dispute entre Ron, Harry et Drago, à propos d'un article dégradant sur les Weasley, Envy débarqua les mains dans les poches sans rien avoir demandé à personne. Drago lança deux sorts à la chaîne. Le premier rata le coche, destiné à Harry qui lui tournait le dos, le second, visant Envy, lui frôla l'épaule. La cible avait eu le réflexe de se pencher sur le côté juste à temps. Il était peut-être malade, mais pas dépourvu d'instinct de survie.
BANG !
Maugrey débarqua comme une furie, fulminant. La journée d'Envy s'éclaira enfin alors qu'il profitait du spectacle offert par son professeur et sa fouine sauteuse, que le professeur avait transfiguré à partir de son élève.
- Non, pas par là ! rugit Maugrey en pointant à nouveau sa baguette magique sur la fouine qui bondit de trois mètres, retomba avec un bruit sourd sur le sol, puis s'éleva à nouveau dans les airs. Je n'aime pas les gens qui attaquent par-derrière, grogna-t-il, tandis que la fouine exécutait des cabrioles en lançant des cris de douleur. C'est lâche, c'est minable, c'est répugnant...
Attaquer dans le dos. C'est quelque chose qu'Edward lui avait appris pendant ces vacances avec le fair-play. Il avait encore du mal avec la pratique, lui qui attaquait souvent par derrière, et pour cette raison il put pleinement apprécier la scène sans remords. Drago méritait d'être humilié.
La fouine fut à nouveau projetée en l'air, agitant inutilement sa queue et ses pattes. Envy éclata d'un rire sonore en observant le manège. C'était réjouissant !
Malheureusement, la rabat-joie de McGonagall vint briser son moment d'euphorie en métamorphosant Drago qui reprit soudain forme humaine. Envy suivit la dispute entre les deux professeurs avec amusement. Malgré une mauvaise première impression, Maugrey lui plaisait bien. Il oscillait sur la ligne rouge, à la limite du fou furieux, et il possédait un certain sens de l'humour. Parmi ses amis, Ron et Harry l'appréciaient tout autant. Seuls Hermione et Edward se montraient réservés.
– Ce type est complètement dingue, se réjouit Ron après son premier cours de Défense contre les forces du Mal où Maugrey leur avait montré les trois sortilèges Impardonnables Mais c'était passionnant. Il sait ce que c'est, de combattre les forces du Mal.
– Il est surtout complètement hors la loi, répliqua Hermione, l'air pincé. Montrer les sortilèges impardonnables à des élèves ! Un professeur ne devrait pas montrer une chose pareille en cours.
– Mais c'est pour nous préparer, plaida Harry à son tour, alors qu'ils se rendaient dans la Grande Salle après la fin de l'animation.
– Il y a d'autres moyens, répondit Hermione. Ed est d'accord avec moi. Quand je lui ai raconté ce qu'il avait fait pour notre premier cours, il était remonté.
Utiliser les Impardonnables. Il devait certainement repenser à sa propre expérience avec les expériences interdites. Une certaine transmutation humaine ratée dont Envy avait connaissance...
– Tu ne sais même pas pourquoi il a réagi comme ça, rétorqua-t-il, irrité à la mention d'Edward.
– Toi non plus à mon avis, puisqu'il ne veut plus t'adresser la parole.
La réponse sèche d'Hermione lui fit l'effet d'une douche froide et il la dévisagea fixement.
– Il t'a parlé de moi ?
Hermione remonta le menton et l'ignora en pressant le pas. Il avait perdu toute son assurance et la suivait en espérant une réponse pouvant l'encourager.
– Non, tout le monde voit bien qu'il t'évite. Et c'est clair que tu devrais aller t'excuser pour ce que tu as dit à la Coupe du Monde. C'était bas et méchant.
– Tu ne sais pas —
– Je connais assez Ed pour savoir que son petit frère est un sujet très sensible. On n'y touche pas. On n'en parle pas. Et surtout, on ne l'utilise sous aucun prétexte. Tu as brisé les trois règles qu'il ne faut jamais enfreindre avec lui et pourtant je pensais que tu le connaissais assez pour savoir tout ça. Tu en sais plus sur son frère que nous et tu n'as pas hésité à le blesser.
Furieuse, Hermione s'était arrêtée de marcher et pointait maintenant son index menaçant vers le milieu du visage bouche bée du Serpentard.
– Alors que depuis tout ce temps lui il...
Hermione se tut, le souffle court, et Envy se demanda, intrigué, ce qu'elle avait voulu dire.
– Pendant tout ce temps il... ?
– Tu ne t'en es même pas rendu compte, soupira la fille avant de brusquement tourner les talons. Tu es un idiot, Envy Alighieri ! Et tu ne mérites pas son amitié !
Elle le planta en milieu du couloir. Plusieurs élèves s'étaient tournés vers eux pour assister à la dispute et commentaient maintenant en regardant Envy.
- Elle a une réaction un peu excessive, non ? demanda Envy, hésitant, en se tournant vers Harry et Ron.
Ces deux derniers paraissaient un peu gênés et finalement Ron se pinça les lèvres en secouant la tête de gauche à droite.
– J'avoue qu'il y a un fond de vérité dans ce qu'elle dit.
– Tu devrais vraiment demander pardon à Ed, ajouta Harry. Je suis sûr qu'il comprendra.
- Mais enfin, c'est pas comme si son frère était mort ! s'exclama Envy, perdu. Je peux comprendre à la limite qu'il lui manque, et je n'ai pas tout compris à la manière dont ils se sont séparés, mais il doit bien avoir un moyen pour qu'il le revoie un jour !
Interloqués, les deux Gryffondors échangèrent un regard. D'après l'air morose d'Edward et les tragédies personnelles semblant s'échouer sur lui à répétition, ils avaient toujours cru que le sujet « Alphonse » incarnait le tabou suprême, car il était mort lui aussi, comme ses parents.
- Qu'est-ce qui empêche Ed d'aller le voir alors ? interrogea Harry, plus très sûr de comprendre. S'il réagit comme ça seulement parce qu'il s'en veut, tu ne devrais pas avoir à subir sa colère.
Envy se garda de lui répondre que la rancœur d'Edward était méritée, parce qu'il ne voulait pas qu'ils se liguent tous contre lui. C'était égoïste de se faire passer pour la victime, mais c'était dans sa nature. Maintenant, il ne voulait plus être seul. Car si Harry et Ron partaient eux aussi, qui lui resterait-il ?
Il commençait vraiment à penser comme ces satanés humains sentimentaux.
Le jeudi, Edward et Envy purent enfin se faire un avis plus précis sur les méthodes d'enseignements d'Alastor Maugrey. Edward ne savait que vaguement à quoi s'attendre d'après ce qu'il en avait entendu d'Hermione. Harry et Ron, de leur côté, appréciaient ces cours, mais ne le lui avaient pas dit en face, restant légèrement en retrait. Les camps pro-Edward et pro-Envy étaient formés. Difficile à croire qu'un an auparavant, Ron et Harry détestaient cordialement l'Homonculus.
Choisissant de s'asseoir au troisième rang près des fenêtres, Edward observait un cours que donnait Hagrid à une troupe apeurée de Serdaigles de troisième année dont Luna faisait partie. Pensif, son regard passa sur la Forêt interdite alors qu'il réfléchissait au « cas Maugrey ». Dans les divers dossiers et procès, ce nom était souvent revenu. Un chasseur de Mangemort ayant, selon la légende, rempli à lui seul la moitié des cellules d'Azkaban. Dès que Dumbledore avait dévoilé son identité lors du banquet de rentrée, Edward avait commencé une nouvelle fiche personnelle.
Il avait cherché des informations sur l'homme et les avait trouvées assez facilement dans les journaux proposés à la bibliothèque. Il était un Auror reconnu et célèbre avec une bonne réputation. Avec les années, elle s'était tout de même dégradée. Beaucoup disaient qu'il était devenu paranoïaque, et il y avait de quoi. Pourtant, Edward sentait qu'il lui donnait une impression bizarre. Plus que la surprise de sa ressemblance physique avec le docteur Marcoh, c'était son apparition dans l'article insultant les Weasley et dans lequel on expliquait que Maugrey avait donné une « fausse alerte » concernant un attentat contre sa personne, la veille de la rentrée, qui lui mettait la puce à l'oreille. Sûrement pour l'empêcher de venir à Poudlard, fut sa première pensée. Cette affaire lui paraissait étrange.
Sachant vers qui se tourner pour les théories obscures et les rumeurs, il avait demandé son avis à Luna. Comme il s'y attendait, elle lui avait fourni toute une liste de théories loufoques qu'il nota avec grand intérêt pour les vérifier. Luna avait semblé d'ailleurs très heureuse qu'il l'écoute et la prenne au sérieux.
À chaque fois qu'elle lâchait innocemment une remarque de ce genre, Edward était vraiment peiné pour elle. Bien sûr, il comprenait qu'on puisse la trouver étrange, lui-même avait du mal à trouver certaines de ses manies normales, cependant, tout ce qu'elle disait n'était pas insensé. Loin de là. Elle-même, comme lui plus tôt, pensait que quelqu'un avait réellement attaqué Maugrey la veille de la rentrée pour l'empêcher de venir à Poudlard. Et compte tenu de son statut de chasseur de Mangemort et de la concentration de ces derniers à l'école cette année, les coïncidences troublaient. Il se demandait même si Dumbledore ne l'avait justement pas fait venir à cause de l'arrivée d'Igor Karkaroff plus tard dans l'année... Ou même de la déclaration de guerre d'Envy...
En pensant à lui, celui-ci entra dans la salle. Cette année, le cours de défense contre les forces du Mal mélangeait Serdaigles et Serpentards. Plusieurs élèves des deux maisons se tournèrent pour chuchoter et certains s'écartèrent sur le passage de l'Homonculus. Ils avaient peur de la cible vivante qu'Envy avait fait de lui-même. Il avait beaucoup d'ennemis désormais et l'approcher pouvait passer pour l'adhésion à ses idéaux. Personne ne souhaitait être vu trop près de lui de peur des représailles.
Avec son air confiant et blasé habituel, Envy semblait complètement détaché de la situation. Mais Edward voyait son hésitation à chaque fois qu'il faisait mine de s'approcher d'une table et que les gens le fuyaient comme la peste. Se sentant d'humeur charitable, il lui fit signe d'approcher. Surpris, Envy se pointa du doigt en vérifiant derrière lui. Cela fit sourire le Serdaigle malgré lui avant qu'il se reprenne. Toujours sur ses gardes, Envy tira la chaise à côté de la sienne, laissa tomber son sac à ses pieds et s'assit prudemment. Sans quitter Edward des yeux, comme s'il s'attendait à ce qu'il explose.
– Je ne vais pas te manger, soupira Edward en sortant son exemplaire de « Forces obscures : comment s'en protéger » pour le poser devant lui.
Envy parut se détendre un peu, mais il restait très raide dans sa chaise. Un jour ou l'autre, il leur faudrait discuter sérieusement de leur problème. Il ne supporterait pas cette situation tendue très longtemps et jamais ils ne pourraient travailler correctement ensemble dans ces conditions.
Edward fronça les sourcils en remarquant le silence inhabituel qui régnait dans la salle. C'était la première fois qu'une classe restait si calme en attendant un professeur. Ils paraissaient tous impatients et presque déjà captivés par le cours avant même qu'il ait commencé.
Bientôt, ils entendirent le son caractéristique du pas de Maugrey. Le claquement de sa jambe de bois sur le sol résonna en écho dans le couloir et il entra dans la classe, la silhouette aussi étrange qu'à l'ordinaire. Dépassant sous sa robe de sorcier, on apercevait son pied en bois. Winry aurait fait une crise cardiaque en voyant une invention si archaïque, pensa Edward. Pourtant, les moldus étaient bien plus avancés technologiquement parlant à l'époque de ce monde.
– Les livres, vous pouvez les ranger, grogna Maugrey s'installant à son bureau. Vous n'en aurez pas besoin.
Perplexe, Edward rangea son exemplaire dans son sac. Cette entrée en matière augurait des cours plus pratiques que théoriques. Sa curiosité quant à sa manière de procéder s'intensifia.
– D'après le professeur Lupin, il semble que vous ayez acquis de bonnes bases en ce qui concerne la protection contre les créatures maléfiques. Vous avez vu notamment les épouvantards, les Pitiponks, les Strangulots, les loups-garous et quelques autres. Mais vous êtes en retard en matière de défense contre les mauvais sorts. Donc je suis là pour vous remettre au niveau en vous enseignant les sortilèges dont se servent les sorciers entre eux. J'ai un an pour vous montrer comment vous y prendre avec les maléfices...
Edward ne suivit qu'à moitié le reste de son discours pendant qu'il se demandait pourquoi le professeur ne sortait qu'un an de sa retraite avant d'y retourner. Que cherchait-il ? Servait-il de remplaçant en attendant que Dumbledore trouve un professeur permanent ou avait-il un autre but que l'enseignement ? Son hypothèse concernant la protection de l'école contre les Mangemorts prenait-elle plus de poids avec cette information ?
Mâchouillant sa lèvre inférieure, il ne fit pas attention au cours jusqu'à ce qu'Envy se tende à côté de lui. Surpris, il tourna les yeux vers ce qu'il fixait avec un air crispé. Maugrey tenait un bocal en verre dans les mains et Edward se doutait que ce n'était pas l'araignée qu'il contenait qui causait de son air figé. Une vague image de l'Homonculus dans un bocal semblable entre les mains de scientifiques lui apparut fugacement.
- Ça va ? s'enquit-il en tournant un regard concerné vers Envy.
– Mr Elric, préférez vous écouter ou que je vous utilise comme cobaye pour le premier sort ?
Pris en flagrant délit, il serra les dents et ne répondit pas.
– Je pense que nous sommes d'accord, marmonna Maugrey avant de pointer sa baguette sur l'araignée. Impero !
Il la fit se balancer, puis faire la roue, ou encore danser, sous les rires des élèves. Mais ni Envy, ni Edward, ni Maugrey ne se joignirent à l'hilarité.
– Vous trouvez ça drôle, hein ? Ça vous plairait que je vous oblige à faire la même chose ?
Les rires s'évanouirent instantanément.
– Contrôle total, siffla Maugrey à voix basse. Pendant la guerre, pas mal de sorcières et sorciers se sont retrouvés soumis à un sortilège d'Impérium. Pas facile de différencier les victimes des menteurs... L'Impérium peut être combattu, et je vais vous apprendre comment, mais il faut une vraie force de caractère pour s'y opposer et tout le monde n'en est pas capable. Il vaut mieux éviter d'en être victime si c'est possible, VIGILANCE CONSTANTE ! aboya-t-il, et tout le monde sursauta.
L'œil magique fixé sur eux, Maugrey avait très bien perçu leurs réactions tendues, à Envy et lui. La honte... Se faire avoir par un simple cri... Il était temps qu'ils quittent les bancs de l'école avant de devenir parfaitement déconnectés de la réalité de l'extérieur.
Maugrey remit l'araignée dans son bocal et le referma, sous l'œil noir de l'Homonculus.
– Quelqu'un peut-il me citer un autre sortilège interdit ?
La main de Padma se leva et il l'interrogea.
– Il y a le sortilège Doloris.
Maugrey hocha la tête et se tourna vers la classe tout entière en plongeant une nouvelle fois la main dans le bocal pour reprendre l'araignée. Les poings d'Envy se serrèrent davantage sur ses genoux et cette fois Edward recouvrit sa main gauche avec un regard appuyé. Il articula muettement « tes yeux » et Envy parut ne pas comprendre. Sous la colère et le trouble, ses pupilles avaient repris leur couleur naturelle. Il comprit alors et leur rendit un aspect neutre. Cela faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivé. Sûrement la fatigue.
– Le sortilège Doloris. Il va falloir l'agrandir un peu pour que vous compreniez mieux le principe. Amplificatum !
L'araignée enfla.
– Endoloris !
Les pattes de l'araignée cédèrent alors sous son corps. Elle roula sur elle-même, agitée d'horribles convulsions, se balançant de tous côtés. On ne l'entendait pas crier, car elle en était incapable, mais Edward avait l'impression qu'elle hurlait de douleur. Elle fut bientôt parcourue de spasmes et de tremblements de plus en plus violents. Ce spectacle le répugnait. C'était insoutenable.
– Arrêtez !
Sa voix, glaciale, claqua dans le silence de mort de la salle. C'était pratiquement un ordre et ça n'avait pas échappé à Maugrey dont l'œil magique se fixa sur lui. Il leva sa baguette avec une lenteur toute calculée. Les pattes de l'araignée se détendirent, toutefois elle continua de se convulser.
– Reducto.
L'araignée retrouva instantanément sa taille normale et Maugrey la remit dans son bocal, presque... délicatement. Pourtant, Edward n'y voyait aucune gentillesse, plutôt un faux soin pervers. Car il connaissait le dernier sort qu'il lui ferait subir. La guerre avait ravagé la tête de cet homme au sens propre comme figuré. Elle lui manquait. Ce n'était pas la première fois qu'il rencontrait un « soldat » de ce type. Son jugement définitif sur Maugrey tomba.
– La douleur, susurra Maugrey d'une voix presque caressante. On n'a besoin d'aucune arme pour faire mal à quelqu'un quand on est capable de jeter le sortilège Doloris. Celui-là aussi a été très utilisé à une certaine époque...
Edward n'aimait pas son ton ni son expression. En fait, c'était presque imperceptible, mais il reconnaissait la jouissance de Kimblee et de l'ancien Envy quand il parlait de tuer avec joie. Cette fois, Alastor Maugrey sautait du mauvais côté de la barrière.
– Elric, aboya Maugrey soudain, faisant sursauter certains élèves. Pouvez-vous me citer un autre sortilège interdit ?
Furieux, il plissa les yeux et ne cilla pas en plongeant son regard dans celui du professeur.
– Le sortilège de mort.
– Ah, approuva Maugrey en esquissant un nouveau sourire qui tordit sa bouche déformée. Oui, le dernier et le pire. Avada Kedavra...
Il glissa la main dans le bocal et, comme si elle devinait son funeste destin, l'araignée se mit à courir frénétiquement au fond du récipient. Par malheur, elle fut attrapée et posée sur le bureau, où elle recommença à courir, en proie à une véritable panique. Ne supportant pas davantage l'image d'un petit lézard vert dansant sous ses yeux, Edward se leva d'un bond en plaquant ses mains sur son bureau. Personne n'osa murmurer ni bouger.
– Professeur.
Maugrey leva sa baguette en le fixant droit dans les yeux.
– Avada Kedavra, rugit-il.
Il y eut un éclair aveuglant de lumière verte. L'araignée roula sur le dos. Morte.
La cloche retentit et tous les élèves se levèrent, discutant et chahutant tout en commentant leur premier cours passionnant. Edward rangeait ses affaires quand il entendit un martèlement sur le sol alors qu'une ombre se penchait sur lui.
– Elric, dans mon bureau.
Envy lança un regard à Edward, qui lui fit signe de s'en aller.
– Professeur, j'ai un cours de runes.
– Aucune importance, Elric. Viens avec moi.
Toujours sur ses gardes, Edward le suivit en se demandant quel genre de conversation ils allaient avoir. Bientôt, Maugrey le fit entrer dans son bureau et referma la porte. Puis il se tourna vers son élève et le regarda, ses deux yeux fixés sur lui. Debout au milieu de la pièce, Edward jeta un coup d'œil autour de lui. Il était déjà venu dans ce bureau en compagnie de son précédent occupant et les choses avaient drastiquement changé. Lorsque Lupin y travaillait encore, on y trouvait toujours une quelconque créature maléfique dont il s'était procuré un spécimen pour l'étudier en classe. À présent, le bureau s'encombrait d'objets très étranges que Maugrey avait dû utiliser à l'époque où il était Auror. Une grosse toupie en verre, une antenne en or et enfin, une sorte de glace était accrochées au mur, mais elle ne reflétait rien d'autre que son visage.
– Intéressant, murmura Maugrey en tournant son œil normal vers le miroir pendant que son œil magique le fixait de bas en haut. Tu sais ce que c'est ?
Il pointa le miroir. Edward secoua la tête de gauche à droite.
– C'est une Glace à l'Ennemi. Tu les vois, là, ces silhouettes autour de toi ? Je ne risque pas grand-chose tant que je ne vois pas le blanc de leurs yeux. Et le plus intéressant, c'est que je vois tes yeux parfaitement.
Crispé, Edward gardait sa main dissimulée dans sa manche alors qu'il y triturait sa baguette magique nerveusement. Aucun d'eux ne brisa le silence pesant qui prit place alors que le professeur examinait attentivement le reflet et l'élève à tour de rôle. Edward était déjà démasqué. En effet, il détestait Maugrey et se méfiait de lui, mais que pouvait faire le sorcier contre lui ? Un simple reflet ne pouvait en aucun cas lui attirer des ennuis. Néanmoins, il valait mieux se méfier, cet homme devait être dangereux et redoutable.
– Toi et Alighieri, je vous aurai à l'œil cette année.
Une promesse des plus sérieuses, comprit Edward.
Finalement, Maugrey s'assit lourdement dans son fauteuil derrière son bureau et poussa un profond soupir.
– Je n'accepterai plus aucune interruption de ta part, compris ?
Edward acquiesça puis fut congédié. Il repartit avec la ferme intention de rendre la pareille au professeur.
Des temps particulièrement pénibles suivirent. En grande partie parce qu'Edward devenait de plus en plus désagréable et se fermait à tout le monde. Même Hermione ne trouvait plus grâce à ses yeux et ils se séparèrent sur une dispute après que le Serdaigle ait refusé d'adhérer à la SALE qui venait de voir le jour. Dès son refus, Hermione avait tourné les talons, extrêmement déçue : « Je te croyais plus intelligent et compatissant que ça, Edward Elric ».
Lorsque plus tard, elle proposa la même chose à Envy qui refusa lui aussi, elle ne lui fit aucune remarque. « Donc ma réponse te convient parce que tu penses que je suis stupide et égoïste, c'est ça ? » Elle n'avait pas répondu et ses deux amis de Gryffondors avaient ri de lui pendant plusieurs jours. Depuis, elle faisait la tête. Apparemment, son projet lui tenait très à cœur. « Les filles, quel casse-tête ! », avait soupiré Ron avec un air profond de philosophe.
La même semaine, Harry leur apprit le vœu de Sirius de revenir dans les parages suite à une lettre reçue de son filleul lui expliquant la douleur étrange qu'il avait un jour ressentie dans sa cicatrice. Malgré sa tentative pour le rassurer et le faire rester à l'abri dans sa cachette, Sirius ne changea pas d'avis et prit la route. Prévisible pour un Gryffondor, pensa Envy sans pouvoir éviter la comparaison.
La même comparaison lui revint à propos des Serdaigles quand plusieurs fois il aperçut Edward plongé dans d'épais manuscrits à la bibliothèque, qu'il ne quittait plus depuis qu'il n'avait plus aucun contact social. Bientôt, Envy ne douta plus un instant qu'un jour il finirait de lire chaque livre que contenait Poudlard. En particulier ceux de la réserve. Il en gagna la certitude après avoir espionné le blond, en même temps qu'il comprit que son ami étudiait maintenant la magie noire et de sombres traités sur des formes de sorcellerie oubliées ou interdites.
Maugrey avait manifestement produit son petit effet et Envy n'avait aucune idée de ce qui avait pu se dire entre Edward et lui quand il l'avait convoqué dans son bureau. Cette confrontation devint encore plus mystérieuse quand il surveilla Edward de plus près et le surprit en train d'espionner le nouveau professeur avec suspicion. Envy voulait bien avouer que Maugrey bordait la folie, la paranoïa et une légère sociopathie, mais s'il fallait cela pour leur enseigner l'art de se défendre contre les menaces extérieures, il ne rejetait pas l'idée. Même si ses techniques d'apprentissages s'éloignaient du conformisme et pouvaient grandement laisser à désirer.
En effet, depuis peu, leurs nerfs à tous menaçaient de venir à bout. Contrer l'Impérium ; voilà le nouveau cours pratique auquel ils s'exerçaient. C'était une véritable horreur.
Envy était le pire élève et il était loin d'en être étonné. Il connaissait sa faiblesse de caractère depuis longtemps et l'avait toujours dissimulé derrière un masque blasé et confiant. Mais l'Impardonnable ne mentait pas. Ses adversaires pouvaient l'influencer et le manipuler à leur guise. Envy se révélait exactement tel que Père l'avait façonné. Avec une faible volonté. Maugrey abusait de ce point faible et l'humiliait dès qu'il en avait l'occasion. C'est-à-dire à chaque cours. L'ex-Auror s'acharnait sur lui, car il était le seul à ne pas progresser, alors que tous les autres évoluaient au moins un minimum. Dès que son tour arrivait, il voyait certains regards se détourner avec embarras, sachant ce qui allait se passer dans les longues minutes suivantes.
Cependant, personne n'intervenait. Au contraire, certains jubilaient d'avance. Drago le premier. Il ne le lâchait plus depuis qu'il avait trouvé la brèche qu'il attendait et s'y était faufilé comme le serpent qu'il était. Il ne ratait plus aucune occasion de le rabaisser.
Envy sentait ses envies de meurtres revenir en force et ses rêves de sang se faisaient de plus en plus détaillés. Des fois, il ne parvenait même plus à se souvenir s'il avait rêvé ou réellement fait du mal à quelqu'un. Mais Drago allait toujours parfaitement bien chaque jour et Envy n'agissait pas. Avant, il l'aurait vite remis à sa place en dehors du cours, mais il n'en avait honnêtement plus la force. Cette soumission forcée à répétition le vidait du peu d'énergie qui lui restait après ses nuits mouvementées. Ces cours aspiraient littéralement la vie hors de lui.
Ron fut le premier à remarquer que quelque chose clochait. Puis il en discuta apparemment avec Harry dans les dortoirs, et enfin ils le rapportèrent à Hermione. Évidemment, il nia en bloc. Alors que chaque matin, quand il passait devant la glace, il se sentait obligé de faire disparaître les traces visibles de fatigue de son visage. Officiellement, ils lâchèrent l'affaire quand il commença à s'énerver d'être ainsi materné, cependant il savait très bien qu'ils continuaient à parler de lui dans son dos.
Le seul de ses « amis » ne s'inquiétant pas était Edward. Il ne savait plus quoi penser de leur relation. Comment avait-elle pu se dégrader à ce point ? Pourquoi Edward se détachait-il de tous ceux qu'il appréciait ? Ils ne se voyaient plus en dehors de leurs cours communs de défense contre les forces du Mal et de botanique. Au cours de ces rares rencontres, Edward restait dans son coin, le plus loin possible de lui. Souvent, Envy se demandait s'il n'essayait pas complètement de l'oublier. Pire, il craignait souvent qu'il ait réussi.
Ne plus exister pour Edward, c'était... très douloureux. Il était son premier ami, le premier à s'être inquiété pour lui, le premier à l'avoir sauvé. Il était son premier tout. Et désormais, à sa grande honte, sa première peine de cœur. Peu à peu, il sentait qu'il lui échappait, qu'il le perdait pour de bon, qu'il était impuissant contre cette rupture. Pourtant, il aurait pu aller lui parler ! Le trio de Gryffondors ne cessait de le lui répéter.
« Tu es son meilleur ami ».
Personne ne contredit Harry lorsqu'il annonça un jour cette énormité comme si c'était une vérité absolue et acceptée communément. Envy ne comprenait pas pourquoi personne n'avait réfuté cette affirmation. C'était n'importe quoi, lui, Envy, meilleur ami d'Edward Elric ? Des fous, tous les trois ! Cette notion même d'être l'ami privilégié de qui que ce soit lui donnait l'impression d'être hors d'atteinte. Il ne se sentait pas à la hauteur d'une si grande estime. Comment pourrait-il l'être ? Il ne comprenait pas la moitié des émotions positives, il n'aimait pas écouter les confidences ni se confier, il n'était pas facile de le mettre assez en confiance pour qu'il s'amuse et plaisante sans être sur ses gardes. Et par-dessus le marché, il ne savait que dénigrer et blesser. C'était désespéré...
Pas d'après le trio. À force de lui répéter inlassablement leur discours, il finit par commencer à désirer y croire. Incertain et souhaitant apprendre, il avait écrit une liste des qualités que devait avoir un meilleur ami selon les Gryffondors :
« ne pas se juger »
« garder ses secrets »
« partager ses goûts »
« vouloir le protéger »
« connaître ses peurs »
« accepter ses défauts »
« tout connaître de lui »
« être toujours là pour l'autre »
« L'accompagner même dans ses plans les plus dangereux et/ou stupides » (celle-là, Hermione l'avait donné en levant les yeux au ciel. Apparemment, c'était d'expérience qu'elle parlait)
Et enfin :
« admettre ses torts après une dispute, même — ou surtout — si tu pensais avoir raison »
Il voulait y croire. De toutes ses forces. Tous les points lui parlaient et il reconnaissait en tout cas Edward dans chacun d'eux. Il l'avait toujours accepté tel quel malgré son inhumanité, il lui apprenait tout, il lui donnait tout son temps sans compter... Ils avaient raison. Il se rapprochait énormément du rôle d'un meilleur ami pour Edward. Envy avait échoué et l'avait blessé en utilisant l'une de ses faiblesses en toute connaissance de cause. Il devait agir et se faire pardonner. Mais comment ?
