Chapitre 4
Il neige…
C'est la première neige que je vois sur cette planète. De la neige qui vient, qui va
doucement, comme des paillettes qui recouvre peu à peu le sol et qui emprisonne tout ce qui a un jour vécu sous son manteau de dentelle.
Je lève les yeux vers le ciel. Je ne vois
plus les étoiles… Je voudrais rêver de notre vie, de ce que nous avions, de ce
que nous avons perdu… loin de ceux qui nous ont rendu comme ça, et ceux qui ont
commencé à nous rendre comme ça, et ceux qui vont nous rendrent plus que ça, brisés sur la place publique, attachés, crucifiés, et châtiés pour des crimes que nous n'avons pas commis… Nous sommes condamnés sans même savoir pourquoi, nous ne pouvons que rester à genoux et attendre. Attendre quoi, attendre qui? Il n'y a personne qui viendra nous chercher. Nous ne sommes plus que
pantins, attachés à notre pieu, immobiles et silencieux.
La poussière du temps va recouvrir notre passé, et peut-être est-ce ma faute si
nous sommes encore loin l'un de l'autre, encore perdus sur un monde inconnu et
loin des nôtres. Tous tes mots qui ne sont pas dits et pourtant trahis par des
sourires et des larmes, je les perçois.
Toi, tu ne me pointeras jamais du doigt, mais moi, parfois, j'ai l'impression que je suis celui qui t'entraîne dans les ténèbres.
Tous nos rêves que nous avons construits, ils se sont détruits. Mon visage pâlit par
la souffrance, celle de te voir ainsi et savoir que je n'y peux rien.
Comment faire pour redonner vie à mes doigts, pour donner force à ma voix, pour donner existence à mon poids, pour combattre le froid?
Un hurlement déchire la nuit, tout semble immobile… il ne neige plus, tout est
fixe, comme si le temps s'était arrêté.
Je relève la tête, mon regard croise le tien… Tes yeux sont las, mais j'y vois
aussi la peur… elle brille, elle me supplie.
Je ne peux rester là et rien faire.
Je ne peux pas les voir t'approcher, je ne peux plus les laisser te faire du mal.
Une nouvelle détermination monte en moi et me submerge, et je n'attends plus ces
derniers, car je vais les arrêter, ou je m'arrête...
D'un coup violent, j'arrache mes mains au pieu, et je ne peux que hurler. Je les agrippe, mes mains couvertes de sang
et de terre. Je déchire rapidement un
morceau de mon chandail et je panse mes blessures. Je vois déjà des yeux brillant dans l'obscurité.
Ils approchent.
Je saisis un morceau de bois et je me place devant toi. Ils devront passer par moi avant de t'atteindre.
-Flavien…
Je détourne le regard vers le son de ta voix.
-Fais attention.
Ton murmure n'est à peine qu'un souffle, mais je l'entends. Je ne sais pas quoi te répondre, car je ne sais pas s'il y a une issus. Les yeux jaunes s'approchent. Je ne sais pas si nous avons une chance.
D'énormes bêtes surgissent devant moi, le poil hérissé, les crocs dénudés. Ils grondent et nous observent, tournant lentement autours de nous. Des âmes
maléfiques, qui lancent des regards de mort, de mal...
L'un deux se jette sur moi, puis les autres.
Je me retrouve par terre, je crie, je pousse, je frappe. Je sens les crocs pénétrer mes jambes, mes bras, et je tente de les repousser de ma gorge… mais je sens leur haleine putride souffler de leurs naseaux sur mon visage. Des bruits, le noir partout, le sang partout, je veux respirer, mais je ne respire que le mal et la peur...mon DIEU, tous viennent vers toi, tous sont sur toi, comment je peux les empêcher d'aller jusqu'à toi. Je veux me lever avant qu'ils ne t'attrapent, avant qu'ils te tuent, avant que tout finisse, je veux me lever...
J'entends un hurlement strident et je mêle mon cri au tiens juste au moment où une
lumière blanche nous englobe. Est-ce la
fin?
