Chers lecteurs, -trices,

Voici la publication de la quatrième partie d'"Angie" et de l'histoire de Dean et Castiel.

J'avais annoncé en préambule que cette fiction ferait quatre parties mais en réalité, elle en fera au moins deux de plus… L'occasion de les faire se perdre encore un petit peu sur le chemin qui les mène inévitablement l'un à l'autre. J'espère ne pas vous perdre en route. :)

La correction a été un peu moins pénible que celle de la partie passée, j'ose espérer que j'ai donc été plus alerte et que votre lecture en sera plus agréable.

Bien à vous,

ChatonLakmé


Angie

o0O0O o0O0o

Quatrième partie

o0O0o

Quand Dean reconnaît vaguement les énormes pinces orangées et le corps bleu du grand crabe installé à l'entrée de la plage de Rockport, le jeune homme exhale un petit souffle tremblant avant de ralentir l'allure, fouillant les alentours avec angoisse.

Tandis qu'il descend la E Laurel Street en direction du front de mer, le jeune homme serre les dents en voyant la nuit se faire plus épaisse et couvrir de son manteau les silhouettes et les hommes. Il n'y a pas âme qui vive autour de lui, si ce n'est de rares voitures remontant vers le centre-ville et Dean s'autorise à faire avancer l'Impala au pas, terrifié à l'idée de manquer Castiel. Il est sur le point d'appeler le brun afin de le prévenir de son arrivée quand il sent soudain son ventre se tordre douloureusement.

Castiel est là, assis à proximité de l'attraction touristique comme il le lui a sagement indiqué un peu plus tôt et vaguement éclairé par les phares des voitures passant sur Broadway Street. Les dents serrées, Dean fait piler la Chevrolet juste devant lui, sortant sans remord de la route afin de s'arrêter au plus près. Le jeune homme jaillit presque de la berline pour le rejoindre, laissant la portière grande ouverte dans son dos et le moteur tourner.

Le jeune homme est affaissé dans l'herbe, si concentré à caresser la tête d'Angie qui repose sur ses genoux qu'il relève mollement la tête vers lui avant d'écarquiller les yeux, ces derniers se voilant légèrement sous l'effet de larmes de soulagement.

« Dean… », croasse-t-il tout en essuyant vivement ses yeux d'un revers la main.

Le brun et la chienne sont installés de la même manière que lors de leur coup de foudre au refuge il y a plusieurs mois et à cette vision, le châtain sent une sourde nausée serrer sa gorge. À ce moment, Angie soupirait de plaisir entre ses belles mains, son corps musclé délicieusement abandonné contre celui de Castiel. Elle ne respirait pas d'une manière hachée et inquiétante tout en gémissant doucement à intervalle régulier.

Dean trouve la scène obscène.

En voyant Angie se redresser lentement afin de le regarder, le châtain se jette à genoux à côté de Castiel avant de caresser doucement la jolie tête de la jeune chienne, cette dernière se laissant lourdement retomber entre les mains douces et réconfortantes du brun.

« Doucement ma belle, pas de folie… », murmure-t-il avant de regarder le jeune homme. « Cas, j'ai fait aussi vite que j'ai pu. »

« Je sais. Merci… », lui répond-il dans un souffle tout en essuyant une fois de plus ses yeux embués d'un geste rageur. « Mon dieu, merci d'être venu. »

Dean se mord les lèvres et il crochète rapidement ses doigts à la nuque du brun, pressant légèrement ses doigts sur la peau fine et chaude afin de le rassurer. Sous sa pulpe, il sent Castiel frémir imperceptiblement avant que la ligne tendue de ses épaules ne se décrispe lentement.

En silence, le brun se penche un peu plus en avant sur Angie, dégageant dans un mouvement inconscient sa nuque et Dean y appuie plus fort sa main, ses doigts la caressant doucement, et Castiel étouffe un petit souffle tremblant. Tout en réconfortant le jeune homme, le châtain baisse à son tour les yeux sur la jeune chienne afin de l'examiner.

Dean n'est pas vétérinaire mais il s'occupe d'animaux depuis assez longtemps pour reconnaître la douleur et la maladie. Posant une main prudente sur Angie, il caresse brièvement les doigts de Castiel dans la douce fourrure avant de descendre prudemment vers le flanc exposé de la jeune chienne, fronçant les sourcils en le sentant chaud et gonfler.

« Cas… Qu'est-ce qu'il s'est passé… ? », lui demande-t-il doucement tout en continuant à faire courir légèrement sa main jusqu'aux pattes arrières d'Angie afin de déceler d'autres lésions.

Castiel laisse échapper un brusque hoquet et crispe brièvement ses doigts dans la fourrure de la chienne qui tourne vers lui ses yeux tendres et mouillés. Dean apaise le brun d'une autre caresse sur sa nuque avant de récupérer sa main pour commencer à palper la jeune chienne.

« On avait fini, on remontait vers la marina », commence le jeune homme d'une voix un peu tremblante. « En passant ici, on a croisé un groupe de jeunes qui revenaient de la plage. Ils avaient bu, ils étaient bruyants et Angie a eu peur. Elle- Elle a aboyé sur l'un d'entre eux et je me suis excusé mais il- il m'a insulté et a essayé de m'attraper par le col. Angie s'est interposée pour m'aider, elle a aboyé et- et montré les dents et- » Castiel inspire douloureusement et Dean s'empresse de reposer sa main sur sa nuque, caressant du pouce la racine de ses cheveux tandis que le brun se repose doucement sur sa prise, lourde et réconfortante. « Il lui a donné un coup de pied dans les côtes… »

La confession du brun est un filet, sa voix un petit souffle tremblant et fragile et le châtain le voit se mordre vivement les joues pour contenir son émotion. Lui ne sent qu'une rage sans nom enfler dans sa poitrine avec la puissance d'un ouragan.

« … Il t'a touché ? », lui demande-t-il dans un grognement rauque.

Castiel secoue lentement la tête, tournant légèrement son visage vers Dean pour appuyer inconsciemment sa joue contre son poignet.

« Non. Quand il- Quand il a fait ça, il a eu l'air tellement surpris par son propre geste… Ils sont partis en courant », murmure le brun. « Si tu l'avais vu Dean, il avait l'air tellement stupide… »

Le châtain se mord les joues, peu enclin à partager le constat un peu surpris et naïf de Castiel. Il est heureux que le groupe en question se soit enfui car Dean sait que sa réaction aurait pu tout faire basculer, en bien comme en mal.

D'un geste souple, le jeune homme se relève, ses doigts quittant à regret la peau chaude de la nuque du brun tandis qu'il se retourne en direction de l'Impala.

« Dean… », l'appelle doucement Castiel avec une pointe d'inquiétude.

Il sent son regard dans sa nuque et Dean presse le pas, ouvrant rapidement le coffre de la Chevrolet pour en sortir une épaisse couverture et revenir auprès du jeune homme. S'agenouillant à nouveau à ses côtés, Dean étend le tissu sur le sol tout proche de la jeune chienne, cette dernière tendant la tête afin de sentir l'étoffe, fronçant légèrement son museau.

« Tu feras ta princesse plus tard gamine », la sermonne gentiment le châtain avant de se tourner vers Castiel qui ne l'a pas quitté du regard. « Il faut qu'on la fasse glisser dessus », lui indique-t-il. « On pourra ensuite la mettre sur la banquette arrière de la voiture en la déplaçant le moins possible. Elle a probablement des lésions internes, le moindre geste trop brusque pourrait aggraver son état. »

Castiel inspire brusquement avant de hocher la tête, ses lèvres réduites à une mince ligne pâle. Dean lui adresse un sourire aussi réconfortant qu'il l'espère tout en l'invitant à se mettre à un bout de la couverture. Les deux hommes frémissent de la même manière en entendant Angie gémir sa douleur tandis qu'ils l'installent avec mille précautions sur le plaid, la faisant glisser doucement sur le sol. Le brun a les sourcils froncés sous la concentration et Dean sent une sueur glacée couvrir ses épaules malgré l'air doux et un peu poisseux d'humidité marine.

« Parfait », soupire-t-il légèrement de soulagement tout en posant une main légère sur le flanc d'Angie afin de surveiller le rythme de ses respirations et le mouvement de sa cage thoracique. « Cas, prends les bouts de la couverture de ton côté. On va la mettre sur la banquette arrière. En douceur. »

Les dents toujours serrées, le brun s'exécute en silence et Dean rampe habilement sur le siège à reculons, tirant la couverture à lui afin d'y installer Angie avec le moins d'à-coup possible. Quand il croise son regard doux et confiant, le jeune homme sent son cœur se pincer et il la caresse doucement du bout des doigts avant de replier les pans de la couverture sur elle.

« Installe-toi avec elle Cas, elle sera plus apaisée si elle te sent à ses côtés », indique-t-il au brun qui s'est agenouillé devant la portière pour cajoler la jolie tête d'Angie. « Garde-la bien enveloppée dans la couverture, il faut maintenir sa température corporelle. On sera à la clinique dans quinze minutes, j'ai déjà prévenu Jo. »

« Da- D'accord », murmure Castiel en se redressant. « Je peux la caresser ? »

Dean contourne rapidement l'Impala afin de rejoindre le siège conducteur.

« Je pense même qu'elle pourrait t'en vouloir si tu ne le faisais pas », ricane-t-il d'une manière désagréablement étranglée qui tire au brun un pâle sourire.

Castiel hoche légèrement la tête et se glisse à côté d'Angie sur la banquette, reprenant avec précaution sa tête sur ses genoux. Tandis que le châtain s'installe derrière le volant, il entend le brun hoqueter légèrement tandis que la jeune chienne sort brièvement la langue pour lécher sa main et il crispe ses doigts sur le cuir. Tout en desserrant le frein à main et en engageant une marche arrière afin de regagner la route, Dean jette un regard rapide au brun dans le rétroviseur. Castiel garde les yeux baisser sur Angie mais il n'a aucun mal à distinguer les larmes d'inquiétude qui perlent à ses longs cils noirs et pour la première fois, le jeune homme éprouve une brève rancœur à l'égard de son amie vétérinaire pour s'être installée si loin du centre-ville.

« Ça va aller Cas », dit-il un peu stupidement tandis qu'il contourne le Festival Grounds pour rejoindre E Liberty Street et lancer l'Impala dans la circulation. « Tu m'as appelé tôt et Angie est jeune et en excellente santé. Ça va aller. »

Arrêté à un feu rouge et trépignant d'impatience, Dean se contorsionne légèrement sur son siège pour passer un bras derrière lui et poser une main sur le genou du brun, pressant sa rotule dans un geste réconfortant. Sous ses doigts, il sent la peau chaude et les reliefs de l'articulation du brun, le contact apaisant légèrement son propre énervement un peu fébrile avant de sourire doucement en sentant Castiel poser doucement sa main sur la sienne.

« Je n'ose même pas imaginer comment tu as réussi à me rejoindre au Big Blue Crab depuis le refuge en à peine quinze minutes… », souffle doucement le jeune homme, retirant ses doigts en voyant le feu de circulation passé au vert. « N'oublie pas de m'envoyer les contraventions quand elles viendront envahir ta boîte aux lettres. »

Dean ricane légèrement, appuyant sur la pédale de l'accélération d'une pression lente mais continue qui fait rugir le moteur de l'Impala. Dans le rétroviseur intérieur, il croise brièvement le sourire vaguement malicieux du brun, les coins de sa bouche un peu moins tordus par l'inquiétude, et le jeune homme appuie plus fort.

« C'est inutile, je laisserai à ton frère le soin d'aller plaider ma cause auprès du bureau local de la police. Il peut être incroyablement persuasif… », lui répond le châtain dans un petit rire moqueur. « Pour un mauvais stationnement dans le centre-ville, il a réussi à convaincre un agent que son addiction au sucre était une maladie reconnue et qu'elle l'autorisait à utiliser les places de stationnement réservées. Ça n'a été que pour une fois, pour une urgence, mais Sam et moi l'avons arrêté au moment où il était en train de dessiner une vignette à coller sur son pare-brise pour faire valoir ses prétendus droits… »

Castiel glousse légèrement dans son dos et Dean sourit.

« Certaines fois, je me dis qu'il est heureux pour nous tous que Gabriel ait des ambitions modestes », dit doucement le brun après un court silence. « Dans le cas contraire, il dominerait peut-être déjà le monde. »

Le châtain ricane plus fort tout en hochant furieusement la tête. Devant eux, la route est relativement vide et la circulation fluide et si Dean garde un œil sur le compteur de vitesse, il continue pourtant à pousser un peu plus fort l'Impala sur la Route 35.

Le jeune homme soupire profondément de soulagement en reconnaissant enfin le toit plat, le bardage en bois puis les grandes baies vitrées de la clinique vétérinaire. L'intérieur est encore vivement éclairé et il crispe ses doigts sur le volant en reconnaissant dans la lumière artificielle l'éclat blond de la chevelure de son amie, cette dernière les attendant de toute évidence devant la porte d'entrée, un brancard à ses côtés tenu par un de ses assistants.

Une petite demi-heure plus tard, Dean et Castiel sont installés côte à côte dans la confortable salle d'attente peinte de tons pastel, Angie disparue derrière la double porte battante des urgences au son métallique des roues de la petite table métallique sur laquelle Jo et son assistant l'ont déposé un peu plus tôt tandis qu'il lui répétait succinctement ce que le brun lui avait appris un peu plus tôt. Debout et raide à côté de lui, Castiel semblait incapable de parler, son visage un peu trop pâle et ses mains tremblantes se resserrant sur le tissu de son bermuda de sport.

Dean et Jo n'avaient rien dit, cette dernière ayant les yeux déjà rivés sur Angie tandis que le jeune homme guidait doucement le brun vers une des banquettes de la salle d'attente. Le châtain l'avait invité à s'asseoir d'une petite pression sur son épaule et le jeune homme s'était laissé tombé sur l'assise, enfouissant son visage entre ses mains tandis que Dean tordait le cou pour lire l'heure sur la grande horloge afin de surveiller le temps des soins.

Il sait que Castiel ne pleure pas, qu'il a juste besoin de rassembler un peu ses esprits et de dompter l'angoisse qui est montée brusquement en lui à leur arrivée à la clinique. Le jeune homme connaît parfaitement cette sensation désagréable qui s'empare de quelqu'un en sentant les odeurs puissantes de désinfectants et de médicaments dans l'air, le bruit métallique et vaguement morbide du petit brancard sur le carrelage gris clair alors il se tait et presse discrètement son genou contre celui de Castiel afin de lui apporter un peu de réconfort.

« Elle a seulement voulu me défendre », murmure soudain le brun après un long silence. « Elle a été merveilleuse tu sais… Mais moi- »

Dean sent sa voix s'étrangler dans sa gorge trop serrée et il écarte nonchalamment les jambes afin de faire se heurter leurs genoux encore un peu plus.

« Je sais Cas », lui répond-il doucement. « Tu as toujours été entre de très bonnes mains, je n'ai jamais douté d'Angie. »

Castiel hoquette lourdement à ses côtés et Dean s'affale contre le dossier de la banquette avant de passer un bras derrière le dos du brun pour serrer ses épaules. Il sent le jeune homme résister un court instant avant qu'il ne s'appuie lourdement contre lui, son corps douloureusement raidi.

« Et je n'ai jamais douté de toi non plus. Pas une seule fois Cas », ajoute le châtain. « Alors je t'en prie, ne t'excuse pas. Tu n'es coupable de rien. »

Le brun hoche mollement la tête contre lui et Dean frémit imperceptiblement en sentant la caresse soyeuse de ses mèches brunes dans son cou et sur la ligne de sa mâchoire.

« Dean… », reprend Castiel d'une petite voix. « Et si elle- Si Angie ne peut pas… »

Le jeune homme ne parvient pas à achever sa phrase mais Dean le comprend car malgré son expérience, la même angoisse étreint son cœur à cet instant. Du coin de l'œil, il voit Castiel gratter le tissu de son pantalon de sport d'un ongle, crispant ses longs doigts à intervalle régulier sur l'étoffe. Dean se mordille un instant les joues avant de retirer son bras des épaules du brun pour poser une nouvelle fois une main réconfortante sur son genou. Presque immédiatement, Castiel vient emmêler ses doigts aux siens, son flanc toujours pressé contre le sien.

Le châtain ne peut pas lui dire que tout ira bien, que Angie s'en sortira parce qu'au fond, il n'en sait rien.

Un coup de pied dans le flanc peut briser des côtes, créer des lésions aux organes, provoquer une hémorragie interne. Sur la table d'examen, la jeune chienne peut tomber en état de choc ou se mettre à convulser. Une opération peut être nécessaire mais elle peut manquer car anesthésier un animal présente toujours un risque non négligeable, surtout en cas d'important traumatisme quand le corps est affaibli et lutte déjà pour sa survie.

Dean a une confiance inébranlable en Angie, en son affection pour Castiel et son envie de rester à ses côtés parce qu'elle y est profondément heureuse et aimée, mais il doit rester prudent.

Le brun est son ami et plus encore depuis quelque temps, Dean se doit d'être honnête avec lui, même si cela signifie garder le silence. Le châtain appuie donc un peu plus son épaule contre la sienne et Castiel semble comprendre sa réserve, ses doigts se resserrant autour des siens. Cherchant dans la chaleur et la présence de l'autre un peu de réconfort et de confiance, les deux hommes gardent un silence recueilli, uniquement troublé par leurs respirations lentes qui murmurent des paroles douces et rassurantes.

Dean est en train de compter pour la vingtième fois le nombre de taches sur le dalmatien représenté sur l'élégante photographie en noir et blanc fixée au mur en face de lui quand il reconnaît le pas de son amie dans le couloir sur sa droite. Le châtain se redresse légèrement contre le dossier de la banquette, attirant l'attention de Castiel sur lui juste avant que la double porte ne s'ouvre, laissant entrer la jeune femme blonde qui marche immédiatement dans leur direction.

« Tu as vraiment l'instinct d'un loup… », rit doucement le brun et Dean lui donne un petit coup de coude taquin dans les côtes en représailles.

Dean a à peine le temps de dénouer l'étreinte de leurs doigts que Castiel bondit presque sur ses pieds afin de venir à la rencontre de la vétérinaire. Tout en le rejoignant, le châtain croise brièvement le regard malicieux de son amie et un immense soulagement l'envahie soudain.

« C'est moins grave que ce que je craignais », leur annonce-t-elle d'emblée et Castiel exhale un petit souffle tremblant, cherchant inconsciemment Dean à ses côtés avant de s'appuyer discrètement contre son épaule. « Angie a deux côtes cassées mais ses os se ressouderont d'ici une dizaine de jours si elle reste sage. Sa rate est gonflée et contusionnée à cause du choc mais elle ne s'est pas rompue. Ce point m'inquiète un peu, je vais la garder en observation pendant quelques jours si vous êtes d'accord », reprend la blonde tout en regardant Castiel qui hoche frénétiquement la tête au moindre de ses mots. « Un chien peut vivre sans rate, c'est un organe important mais pas vital. Toutefois, en cas de traumatisme important, l'état du chien peut très vite se dégrader. Je suis navrée mais vous la dorloterez à nouveau d'ici peu de temps. »

« Comme si ton équipe ne s'y connaissait pas en « dorloteries » Jo… Les animaux qui sont ici doivent être les plus pourris gâtés de toute la côte est », ricane Dean tout en haussant un sourcil moqueur avant de se mordiller les joues. « Et son flanc ? Il était brûlant et gonflé quand je l'ai touché tout à l'heure. C'est à cause de sa rate ? »

Tout en lui tirant puérilement la langue, la blonde lui sourit.

« Je ne les gâte pas Dean, je veux juste des animaux heureux », lui réplique-t-elle et le châtain roule un instant des yeux. « C'est un effet consécutif en effet mais c'est surtout à cause de l'hématome. C'est un épanchement de sang sous les tissus, un petit peu comme un très gros bleu », précise la jeune femme à Castiel qui blêmit brusquement. « C'est très impressionnant mais sans gravité. Je préfère vous prévenir dès à présent car j'ai dû raser le flanc d'Angie pour procéder à la radio et à l'échographie et il est vraiment énorme. Elle va rester chatouilleuse un petit moment mais après être passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, il se résorbera sans dommage. Je lui mettrai une crème à l'arnica pour aider le processus et vous pourrez poursuivre une fois qu'elle sera de retour chez vous. »

Castiel opine une nouvelle fois et Jo lui sourit gentiment.

« Tout va bien se passer », le rassure-t-elle une nouvelle fois avant de relever les yeux sur Dean. « Tu m'as dit que quelqu'un l'a frappé, c'est bien cela ? Elle a eu beaucoup de chance. Peut-être que puisque le mec était ivre, il a mis moins de force dans son coup… Je ne sais pas, on peut spéculer très longtemps sur la question… ». La blonde rejette une longue mèche en arrière avant de claquer sa langue contre son palais d'agacement. « J'ai fait des photos si vous voulez déposer plainte, à votre nom ou au nom du refuge. J'espère vraiment que tu ne le lâcheras pas Dean… Ce qu'il a fait est vraiment criminel. »

« Nous allons en parler Jo mais je te jure qu'il est heureux pour lui qu'il se soit enfui avant mon arrivée… », grogne le châtain tout en serrant les poings de colère.

Le jeune homme inspire légèrement en sentant Castiel effleurer ses articulations blanchies, ses sourcils légèrement froncés.

« La violence ne résout jamais rien Dean… Angie est plus importante. Elle l'était quand elle était couchée contre moi par terre pendant que nous t'attendions », lui dit le brun avant de lui sourire doucement. « C'est peut-être la seule fois que je n'aurais pas été d'accord avec toi. »

Dean déglutit légèrement avant de hausser légèrement les épaules.

Il n'est plus l'adolescent bagarreur qu'il était mais la vision fugace du brun tenant Angie contre lui sous les assauts d'un groupe vulgaire et revanchard gonfle une nouvelle fois sa poitrine de rage et il serre les dents. Sur son visage, il sent la brûlure du regard bleu de Castiel et s'oblige à calmer sa colère, refusant de donner au brun une nouvelle source d'inquiétude.

« Quand est-ce que je pourrais la ramener à la maison ? », demande-t-il avec une pointe de timidité à la jeune femme.

Cette dernière la rassure d'un sourire avant de hocher la tête.

« Je vais la garder en observation pendant quarante-huit à soixante-douze heures pour surveiller l'évolution de sa rate. Comme je vous l'ai dit, c'est ma seule source réelle d'inquiétude », lui dit-elle d'un air rassurant. « Je vous tiendrai informer de l'évolution de son état de santé deux fois par jour sans faute. Angie sera choyée ici, tout le personnel va l'adorer. »

« Merci… », pouffe doucement le brun.

Dean renifle légèrement avant de jeter un faux regard noir à son amie.

« Cas et moi avons bien entamé les cours de dressage canin au refuge. Les progrès d'Angie sont indéniables alors s'il te plaît, essaye de ne pas nous obliger à recommencer depuis le début… », proteste-t-il d'un air moqueur.

Le châtain frémit légèrement en voyant une brève lueur passer dans les yeux marrons de la jeune femme et il enfouit ses mains les poches de son jean, dardant son regard émeraude dans le sien d'un air de défi.

« … J'ai quelques imprimés à vous faire signer pour la prise en charge d'Angie. Vous voulez bien me suivre s'il vous plaît ? », demande-t-elle à Castiel tout en lui faisant un petit signe en direction du grand comptoir de l'accueil.

Le jeune homme obtempère sagement et s'appuie contre le meuble afin de lire et de remplir les documents que Jo lui présente brièvement, cette dernière se glissant ensuite habilement à côté de Dean qui est resté derrière eux.

« Peut-être que j'aurai pu te demander de les remplir également… », dit-elle d'un air distrait. « Angie est également ton chien, n'est-ce pas ? C'est votre adorable chienne à tous les deux… Bon sang, la moitié de Rockport doit se retourner sur votre passage quand vous la promenez le long du front de mer… », soupire exagérément la blonde tout en lui jetant un regard taquin.

« Tu sais très bien que ce n'est pas le cas », lui siffle Dean à voix basse. « Cas est son propriétaire et il est venu l'adopter au refuge. Je lui donne des cours de dressage et nous sommes amis, rien de plus. »

« Hum hum… » La blonde hoche vaguement la tête avant de faire mine de se rapprocher de Castiel qui rassemble soigneusement les imprimés sur le comptoir. « La journée a été dure aujourd'hui et je suis fatiguée mais ne pense pas que tu vas t'en sortir comme ça Dean Winchester. Et si jamais je me suis trompée, n'hésite pas à lui vanter mes incroyables qualités. Ton ami est vraiment charmant. »

Dean roule un instant des yeux avant de rejoindre le brun, ce dernier lui jetant un petit regard doux en le voyant à nouveau à ses côtés.

« C'est parfait, tout est en ordre », dit la blonde en compulsant rapidement les documents avant de tendre à Castiel une main amicale. « Ne vous faites pas trop de mauvais sang pour elle, Angie est entre de bonnes mains. Rentrez chez vous et si possible, ne restez pas seul. Dans une telle situation, ce n'est jamais très agréable… »

Le regard clair qu'elle lance à Dean le fait rougir jusqu'à la racine de ses cheveux et le jeune homme se renfrogne légèrement.

« Merci Jo, nous allons y aller », lui répond-il tout en lui serrant la main à son tour. « Cas, tu viens ? »

Le brun hoche machinalement de la tête mais ses yeux sont rivés sur la porte du centre médical, ses longs doigts légèrement serrés sur le rebord du comptoir. Attendri, Dean pose une main légère dans le creux de son dos pour attirer son attention et le guider lentement vers la sortie et il sourit tendrement en croisant ses yeux encore humides mais déjà un peu brouillés par la fatigue nerveuse et l'appréhension.

« Rentrons Cas… », répète-t-il. « Je vais te raccompagner et tu vas pouvoir profiter de ton grand lit deux places pour toi seul pendant ce court laps de temps. Dès son retour, Angie s'y roulera avec bonheur et je ferais semblant de te croire quand tu me dis qu'elle dort sagement dans son panier. »

« Elle s'y roulera prudemment avec bonheur », juge bon de préciser Jo d'un air taquin.

Rosissant doucement, le brun glousse doucement de manière plus légère et Dean a le plaisir de voir ses yeux briller à nouveau de cette belle lueur qu'il aime tant, si douce et chaleureuse.

Le châtain salue distraitement la blonde avant de les faire sortir sur le parking, la porte automatique se refermant derrière eux dans un petit glissement discret. Le châtain déverrouille l'Impala et se glisse sur le siège conducteur, Castiel s'installant à côté de lui avant de s'appuyer contre le dossier, ses paumes frottant légèrement contre le tissu de son bermuda de sport.

« Est-ce que ça va ? Tu as froid ? », lui demande Dean tout en mettant le contact.

« Un peu », lui répond le brun tout en frissonnant légèrement. « J'ai couru et ma sueur a séché, ce n'est pas très agréable. Et je suis- »

« Épuisé ? », lui propose gentiment le jeune homme. « Ne bouge pas, je reviens. »

« … Oui »

Le jeune homme ressort rapidement de la Chevrolet pour ouvrir le coffre avant de revenir s'installer.

Castiel hausse un sourcil vaguement interrogateur à son étrange manège avant de se caler un peu plus contre le dossier de son siège, entrant un peu frileusement la tête entre ses épaules.

« C'est nerveux, quand l'adrénaline descend après être montée soudainement. Tu vas dormir comme une pierre cette nuit », ricane légèrement Dean tout en lui tendant une veste en toile un peu usée. « Désolé, je n'ai que ça à te proposer. Je crois qu'elle est à Sam, elle t'enveloppera comme un plaid… Mon frère a les bras et le torse les plus longs de la planète. »

Le brun pouffe légèrement avant de se contorsionner pour enfiler le vêtement.

Tandis que Dean surveille attentivement la route avant de s'engager, le bruit métallique de la fermeture éclair attire son attention et il sent soudain sa poitrine se gonfler de tendresse. Castiel flotte un peu dans la veste de son frère, les manches couvrant ses mains et lui permettant d'enrouler un peu douillettement le tissu autour de ses doigts pour se réchauffer. Le brun a légèrement ébouriffé ses mèches brunes dans la manœuvre et Dean sent le bout de ses doigts le picoter à l'idée de les replacer correctement sur son front. Le jeune homme remarque également que le col est légèrement tordu et il crispe ses doigts sur le volant de l'Impala avant d'engager la voiture sur la Route 188 pour rejoindre la grande Route 35 qu'ils ont emprunté à l'aller.

Il pourrait l'arranger délicatement avant d'enrouler ses doigts dans les mèches noires dansant sur sa nuque dont il a senti la peau chaude et douce et d'attirer le brun à lui pour l'embrasser. Pour le réconforter et lui faire comprendre qu'il n'est pas seul.

Appuyé contre la portière, Castiel somnole légèrement et Dean fait le trajet inverse en direction du centre-ville, l'œil rivé sur le compteur afin de ne pas le dépasser et sa conduite étonnamment souple et fluide.

Juste pour le laisser se reposer et pouvoir le veiller discrètement.

o0O0o

C'est d'un mouvement souple du poignet que Dean manœuvre l'Impala afin de la garer dans une étroite place de stationnement du parking accolé à la marina, non loin de l'appartement de Castiel. La très belle soirée de juillet a provoqué la sortie des nombreux habitants du centre-ville et la rue devant l'immeuble du brun est pleine de voitures.

Le châtain coupe le contact de la Chevrolet, un petit sourire aux lèvres en entendant le ronronnement étouffé de son moteur avant que ce dernier ne s'arrête dans un dernier soupir, avant de se tourner vers Castiel. Appuyé contre la portière, le brun n'a pas cillé depuis leur départ de la clinique vétérinaire et sa tête dodeline imperceptiblement contre son torse, drapé dans le grand gilet de Sam dont les manches couvrent toujours ses mains, sagement posées sur ses genoux.

Dean sourit un peu plus à cette scène adorable avant de tendre doucement un bras pour effleurer l'épaule du brun.

« Cas… », l'appelle-t-il lentement tandis que ce dernier papillonne des yeux. « Nous sommes arrivés. »

Le jeune homme se redresse contre le dossier de son siège, regardant distraitement autour de lui d'un air vaguement étonné avant de faire une petite moue.

« Tu es sûr Dean ? », lui demande-t-il tout en s'appuyant mollement contre la portière et en clignant des yeux. « Je suis positivement sûr de ne pas habiter sur un voilier… »

Le châtain hausse un sourcil surpris avant de ricaner.

« J'en suis positivement sûr aussi Cas mais les gens de ton quartier semblent être de sortie dans les rues et il n'y avait plus de place de stationnement devant ton immeuble », lui explique-t-il tout en détachant sa ceinture de sécurité. « Je vais te raccompagner. »

De bruyants éclats de rire suivis par le vacarme assourdissant d'une chaîne stéréo crachant les sonorités graves d'une musique tribale crève soudain le silence recueilli du parking, faisant se crisper légèrement Dean tandis que Castiel sourit doucement.

« Aucun doute possible, tu m'as bien ramené », glousse-t-il tout en sortant de l'Impala avant d'en claquer doucement la portière. « On dirait que c'est la fête sur le Haschich Forever. »

Tandis qu'il verrouille l'Impala, Dean écarquille les yeux.

« Le Haschich- Tu te moques de moi, n'est-ce pas ? », lui dit-il d'un ton soupçonneux qui fait glousser Castiel.

« Pas du tout. » Le brun secoue légèrement la tête avant de contourner la voiture pour le rejoindre. « C'est un couple un peu hippie qui l'habite plus ou moins à l'année. Ils sont un peu originaux mais vraiment sympathiques. Gabriel adore aller les saluer, Martha fait des cupcakes au chanvre délicieux paraît-il. »

Dean jette un regard vaguement noir en direction du grand voilier amarré un peu plus loin et vivement éclairé par des guirlandes de lampions multicolores dont les corolles en papier colorent l'eau de la marina de reflets vaguement psychédéliques.

« Qui aurait cru que le quartier chic de Rockport pouvait être le repère de tels voyous… », marmonne le châtain tout en enfonçant ses mains dans ses poches. « C'est dommage parce que j'adore ton appartement mais peut-être que tu devrais songer à déménager afin d'éviter d'avoir des voisins trop amateurs de plantes vertes… »

Castiel lui jette un petit regard en coin d'avant d'éclater de rire, les tressautements de son torse se perdant dans l'immense gilet de Sam.

« Tu aurais dû voir la première fois qu'ils ont accosté à la marina au moment où une patrouille de police passait sur le front de mer. Ils ont essayé de les faire mouiller ailleurs mais le Haschich Forever est toujours là avec son nom hautement illégal et subversif », lui explique le brun d'un air taquin. « Gabriel a tellement ri ce jour-là que j'ai cru qu'il allait étouffer. »

Dean lève les yeux dans un ricanement avant de plonger ses mains dans les poches de son jean, traversant le parking afin de rejoindre la rue. Castiel marche lentement à ses côtés et le jeune homme sent son regard bleu chauffer agréablement sa peau.

« Si tu veux me dire quelque chose à propos du gilet de Sam, comme le fait que tu le laveras pour l'avoir utilisé ou une chose du même acabit, laisse-moi te préciser que je le récupérerai une fois que tu seras devant ton immeuble et qu'il en est hors de question », lui dit-il en riant légèrement tandis que Castiel ouvre la bouche pour lui parler. « C'est plus un vêtement de travail qu'autre chose et j'ai même un peu honte de n'avoir eu que cela à te donner. »

« Ce n'est pas ce que j'allais dire. Malgré toute ma bonne éducation, je ne peux pas m'empêcher de remarquer qu'il sent vraiment le chien… », lui répond le brun d'un air taquin et un peu fatigué. « Je voulais juste- »

Dean s'arrête brusquement au milieu du parking en sentant la main chaude et douce de Castiel se poser sur son avant-bras afin de le retenir. Après avoir contemplé ses longs doigts effilés posés sur sa peau, le châtain relève les yeux sur lui d'un air un peu stupide qui fait glousser discrètement le jeune homme.

« Je pourrai te remercier pour ce gilet mais ce serait faux. » Castiel se mordille légèrement les joues. « Juste- merci Dean… Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi… Merci d'avoir été là », chuchote-t-il.

Le châtain sent sa gorge se serrer légèrement et naturellement, il attire le jeune homme dans une étreinte serrée, enroulant ses bras autour de lui. Dean sourit doucement quand les mains de Castiel viennent se refermer doucement, presque timidement, sur son tee-shirt avant de s'y agripper fermement et il les rapproche un peu plus.

« Je t'en prie Cas. Je suis heureux que tu aies pensé à moi », lui répond-il dans un souffle, le bout de son nez le chatouillant légèrement en sentant les mèches brunes effleurer son visage.

Dean inspire discrètement en sentant le brun enfouir sa tête dans son cou, la soie de ses cheveux venant chatouiller sa mâchoire avant que ses joues couvertes d'une légère barbe ne viennent érafler délicieusement la peau tendre de sa gorge.

Le châtain ferme doucement les yeux, tout à coup parfaitement conscient du souffle tranquille de Castiel dans son cou, de son corps souple et parfumé contre le sien et de sa chaleur.

C'est leur première étreinte mais dans la manière dont leurs mains sont serrées l'un sur l'autre, dans l'imbrication presque intime de leurs êtres, Dean décide d'y voir un peu plus qu'un réconfort amical. Le brun a connu une soirée épuisante et un peu traumatisante et le moment est peut-être un peu déplacé, mais le jeune homme décide de lui dire, maintenant. Il le doit.

Dean n'a pas envie de laisser Castiel seul dans son bel appartement pour la fin de la soirée et la nuit un peu angoissante qui s'annonce. Le regard clair et perçant de Jo lui revient, fulgurant comme un éclair. Bien sûr qu'il a envie d'embrasser le brun et de l'ensevelir sous sa passion dévorante. Mais ce soir, il veut juste le serrer contre lui dans son grand lit pour partager avec lui sa chaleur et sa tendresse et lui murmurer à l'oreille ses sentiments.

Castiel et lui se sont parfaitement trouvés depuis le début de la soirée, pourquoi ne pourrait-il pas en être autrement alors que Dean songe à lui faire part de ce qu'il ressent à son égard ? Le brun n'est-il pas en train de se presser contre lui de la même manière que le jeune homme l'attire plus fort contre son corps, ses mains nouées dans le creux de ses reins ? Ne caresse-t-il pas son cou de son nez et de son souffle chaud ?

Dean n'a pas eu de relation suivie depuis longtemps mais ce soir, protégés par les ombres du parking, il ne pense pas faire fausse route en songeant que quelque chose a changé entre eux. Que dans l'adversité, Castiel et lui sont passés de l'autre côté de la barrière du même pas un peu timide mais naturel.

Le châtain enfouit son nez dans ses cheveux.

« Cas… Je- », commence-t-il à voix basse.

Des exclamations bruyantes le font soudain froncer les sourcils et s'éloigner légèrement du brun.

Il est sur le point de grommeler des insultes concernant le sens de la fête des années 1970 quand le jeune homme distingue un groupe rassemblé autour d'un gros pick-up stationné un peu plus loin sur le parking. Le châtain plisse les yeux en voyant un groupe de plusieurs jeunes hommes se détacher de la petite assemblée dans des ricanements gras et des sifflements un peu vulgaires, le désignant avec Castiel d'un large mouvement du poignet tout en renversant une grande partie du contenu de leurs bouteilles de bière sur le bitume.

« C'est un quartier respectable ici ! », ânonne soudain l'un d'entre eux d'une voix rendue lourde par l'alcool. « Allez faire vos saloperies ailleurs les tapettes, on est avec des dames ! »

Le petit groupe éclate soudain d'un rire gras et aviné masculin tandis que, juchées à l'arrière du pick-up, plusieurs jeunes femmes tentent de les faire taire.

Dans un cri d'agacement, l'un d'entre eux se dégage de la prise d'une brune dans brusque coup d'épaule.

« Fiche-moi la paix Sarah ! », grogne-t-il tout en fusillant la jeune femme du regard. « Je supporte déjà leurs trucs dégueulasses à la fac, c'est pas en plus pour voir des dégénérés pendant mes vacances. Barrez-vous ! », crie soudain l'étudiant à leur adresse.

Dean relâche doucement sa prise sur le corps de Castiel avant de serrer les poings de colère.

Le jeune homme est confronté toutes les semaines à la cruauté et à la négligence humaine quand il récupère des animaux maltraités. Être la cible soudaine de la malveillance et de l'ignorance, alors qu'il serrait amicalement le brun contre lui afin de le réconforter et sans avoir encore osé lui parler de ce qu'il ressent à son égard, gonfle sa poitrine d'indignation.

Dans l'air humide de la marina, il sent son tee-shirt coller désagréablement à sa peau moite, son sang bouillir dans ses veines tandis que la chaleur de la fin de la journée lui monte à la tête et son corps se crisper légèrement sous l'effet d'une nervosité un peu fébrile et mauvaise.

Castiel lui a dit que la violence ne résolvait jamais les problèmes et Dean est d'accord avec lui mais tandis que la diatribe de l'étudiant se transforme lentement en un concert d'insultes et d'horribles vulgarités homophobes, il a vraiment envie de frapper.

D'un coup précis et fort sur cette bouche mauvaise qui déverse ses immondices comme le flot putride passant par une grille d'égout.

Dean doit avoir un flamboyant air de défi au visage car après une longue minute, le jeune homme se décale du pick-up avant de marcher d'un pas un peu incertain dans leur direction, encadré par trois étudiants au sourire goguenard.

« Hey ! Je vous parle les pédales ! », éructe-t-il de colère. « La moindre des choses que vous pourriez faire c'est au moins vous excuser d'exister et de venir me pourrir ma fin de journée ! »

Dean serre les dents et il s'arrête à lui répondre un mot bien senti quand il sent Castiel se raidir légèrement à ses côtés.

« Ce sont eux Dean… », lui murmure-t-il d'une voix étranglée par la colère. « Je les reconnais. C'était eux à la plage tout à l'heure… »

Le jeune homme se tourne vers le brun dans l'intention de lui demander s'il est sûr de lui quand une nouvelle exclamation perce soudain à travers la musique tribale qui continue d'envahir le parking dans leur dos.

« Oh ! C'est le mec de tout à l'heure ! », ricane soudain un grand roux à l'air extatique. « Zac, c'est le mec au chien mal élevé qui t'a fait flipper à la plage ! »

Dean ricane d'un ton narquois en voyant le dénommé Zac rougir légèrement sous la moquerie avant de froncer les sourcils et de se détacher de ses amis pour s'approcher d'eux, un air mauvais au visage.

Ses yeux clairs luisent d'une lueur méchante et le châtain se décale légèrement devant Castiel afin de faire barrière de son corps avant de lever les yeux au ciel en sentant son ami faire un ostensible pas de côté pour se dégager et affronter l'étudiant ivre.

« Il est où ton sale cabot ? Je l'ai tué ? », lui demande-t-il d'un air sale. « Une sale bête aussi mal élevée, il fallait l'éduquer un peu. C'est comme ça qu'on fait chez moi », ajoute le blond d'un air suffisant. « À coups de pied dans le gras. »

L'étudiant éclate d'un rire laid et le Dean voit rouge quand il entend le petit hoquet douloureux de Castiel à côté de lui malgré son maintien digne et son corps raidi. Frapper vite et fort.

Le châtain se mord les lèvres avant d'attraper l'avant-bras de son ami afin d'attirer son attention.

« Allons-y Cas… », lui murmure-t-il doucement, le cœur désagréablement pincé en voyant la peine immense qui noie les beaux yeux bleus du brun.

Dean pourrait frapper vite et fort.

Il pourrait mettre cet homme au tapis d'un seul coup de poing mais ses amis sont nombreux et malgré leurs paroles lourdes et leurs démarches lentes, le jeune homme n'a aucun mal à reconnaître le physique d'au moins deux joueurs de football américain ou de lutte. Le châtain était bagarreur dans sa jeunesse mais il n'a plus vingt ans.

Sous sa prise, il sent Castiel résister et Dean sourit un peu stupidement, fier de son obstination.

Le brun est beau dans sa colère, son corps nerveux tendu dans l'attente et ses poings serrés. Le jeune homme peut distinguer les tendons légèrement saillants de son cou et sa mâchoire contractée et soudain, il se sent un peu bête d'avoir voulu protéger Castiel, poussé par son instinct et ses relations passées. De toute évidence, le brun n'en a pas besoin et Dean sent quelque chose de tout à fait déplacé lui chatouiller légèrement le ventre.

Castiel a trente-trois ans, deux petites et renversantes années de différence avec lui.

« Cas… », l'appelle-t-il à nouveau. « Inutile de rester ici. J'ai retenu le numéro de la plaque du pick-up et on connaît son prénom. On peut le vaincre ailleurs que sur ce parking. »

Le châtain voit Castiel hocher lentement la tête avant que le brun ne se tourne légèrement vers lui.

« Rentrons », acquiesce-t-il à voix basse. « J'en ai assez de sentir le chien… »

Dean écarquille un instant les yeux avant de pouffer et d'entraîner le brun à sa suite. Ils ont à peine fait un pas que le jeune homme étouffe un léger grognement de douleur en sentant un objet dur venir s'écraser dans son dos avant de tomber au sol dans un bruit de verre brisé. Portant une main dans ses reins, Dean trouve son tee-shirt trempé avant que l'odeur puissante de la bière ne vienne envahir son nez, le faisant grimacer de dégoût.

Un peu interdit, le châtain se retourne lentement en direction du groupe, sa main ouverte devant lui tandis qu'il dévisage Zac, le visage rouge de fureur.

« Bon sang, répondez-moi quand je vous parle les pédales ! M'ignorez pas ! », éructe-t-il avec violence avant de se redresser d'un air satisfait en voyant Dean le dévisager. « J'suis sûr que ce chien c'était le vôtre à tous les deux, dégoûtant petit couple de tapettes ! J'aurais le même plaisir à te donner un coup de pied dans les côtes et à te faire couiner comme ton clebs ! Toi et ton petit-copain ! »

Frapper vite et fort.

Dean sait que c'est mal mais il voit rouge et le jeune homme grogne brièvement avant de se jeter sur l'étudiant blond, le regard flamboyant de rage. Avant que ce dernier n'ait pu reculer, le châtain lui décroche un coup de poing puissant qui fait craquer sa mâchoire de manière écœurante, renversant le jeune homme sur le bitume du parking sous l'œil interdit de ses amis.

Le châtain se redresse et gonfle ses muscles, ses poings serrés, avant de lui jeter un regard glacial tandis que l'étudiant gémit des borborygmes au sol, la bouche et le nez pleins de sang.

« Essaye pour voir », gronde-t-il. « Je peux t'assurer que je saurais te le rendre au centuple connard… »

Le petit groupe le dévisage un instant d'un air un peu idiot avant d'aider leur ami à se relever et de battre en retraite en direction du pick-up, couvert par les piaillements des filles toujours assises à l'arrière et qui commentent la scène dans de grands gestes.

Dean les suit attentivement du regard jusqu'à ce qu'ils se regroupent autour de la voiture, s'assurant qu'aucun d'entre eux ne pourra les prendre en traître si Castiel et lui quittent le parking.

Son corps vibre littéralement de rage et il sent ses ongles s'enfoncer durement dans ses paumes, ses jointures le lançant douloureusement. Le châtain est satisfait de les voir se désintéresser complètement d'eux mais malgré la fin du danger, il ne parvient pas à se détendre. L'adrénaline court encore dans ses veines, le sang bat à ses tempes, ses articulations abîmées le lancent toujours plus fort et il sent le sang couler légèrement sur sa main car la peau s'est ouverte sur une des dents de l'étudiant. Son corps tout entier frémit, irradiant d'une chaleur violente et brutale.

Dean sursaute presque quand il sent Castiel poser une main prudente sur son biceps afin d'attirer son attention. La chaleur du brun est différente de la sienne, plus douce et réconfortante, et le jeune homme desserre légèrement les dents, sa vision s'éclaircissant tandis qu'il réalise seulement à cet instant combien sa respiration est rapide et saccadée.

« Dean… » Le murmure doux de Castiel le frappe et il a l'impression que sa voix rauque résonne presque dans le parking. « C'est fini maintenant, tu peux desserrer tes poings. Tout va bien. »

Le jeune homme s'exécute immédiatement sous la douce invitation et il desserre ses doigts crispés sur ses paumes. Il se sent vaguement honteux d'entendre le brun lui parler de la même voix douce et apaisante qu'il utilise lui-même avec les chiens au comportement imprévisible qui montrent les crocs et penchent leurs oreilles en arrière quand le châtain veut juste les aider.

« Putain d'homophobes de merde… », grogne-t-il avant de faire rouler ses épaules pour détendre ses muscles crispés.

« …Oui », lui répond le brun tout en retirant sa main de son bras. « Je sens le chien et tu sens la bière, rentrons vite avant qu'un habitant du quartier n'appelle la police pour signaler le vagabondage de deux marginaux dans les rues… »

Dean pouffe d'une manière désagréablement étranglée et emboîte le pas à Castiel, le jeune homme restant étrangement silencieux pendant leur trajet, ses yeux baissés sur le bitume de la rue et les manches du gilet de Sam enroulées autour de ses mains.

Le châtain sent son cœur se pincer et une désagréable culpabilité l'envahir.

Il n'est pas un homme violent mais il n'a pas pu se retenir. Dean a refusé d'entendre cet homme vulgaire salir Castiel et la relation amicale et douce qu'ils ont noué l'un avec l'autre ou de se féliciter d'avoir blessé Angie quand la jeune chienne voulait juste protéger son maître de son agressivité. Alors il a frappé.

Vite et fort.

Au fond de lui, Dean sait que la situation n'avait probablement pas d'autre issue que de montrer à ces étudiants tout juste sortis de la maison familiale pour découvrir l'indépendance qu'il était un homme et eux des enfants. Qu'ils les auraient poursuivis de leur vindicte dans la rue et qu'une autre bouteille de bière lancée aurait pu avoir des conséquences bien plus dramatiques qu'un bleu sur une omoplate et un tee-shirt imbibé d'une bière bon marché.

Mais Castiel continue à marcher légèrement devant lui, la tête baissée et son corps légèrement crispé, comme si le jeune homme était sur la défensive ou mal à l'aise. Dean sent son estomac se nouer douloureusement.

Perdu dans ses pensées, le châtain remarque à peine qu'ils sont arrivés devant l'immeuble de Castiel et il manque de le heurter sur le trottoir alors que le brun vient de s'arrêter devant l'entrée. Ce dernier lui adresse un petit sourire à sa maladresse et Dean sent son ventre se desserrer légèrement.

« …Est-ce que tu veux monter ? », lui propose doucement Castiel. « Je peux te donner un tee-shirt un peu moins poisseux et il faut soigner ta main avant qu'elle ne gonfle trop… »

Le brun a de nouveau baissé les yeux sur le perron à sa proposition mais Dean hoche tout de même un peu stupidement la tête.

« D'accord. Je ne me pardonnerais jamais si je tachais le cuir de l'Impala avec une aussi mauvaise bière. Ou une bière tout court », dit-il tout en passant une main dans sa nuque.

Castiel pouffe discrètement avant d'entrer dans l'immeuble et de s'élancer dans la cage d'escalier, Dean sur ses talons. Il n'a été question que d'un vêtement et de soins mais peut-être qu'une fois assis dans le salon du brun, sa colère et sa culpabilité un peu apaisées, le châtain pourra lui faire à son tour sa proposition de rester pour la nuit à ses côtés.

Il sourit légèrement en entrant dans l'appartement, l'odeur du brun envahissant immédiatement son nez tandis qu'il retrouve avec plaisir le salon chaleureux ouvert sur le balcon filant et la belle cuisine. Dean a l'impression un peu déplacée de rentrer à la maison. Tandis qu'il marche sur le beau parquet sombre que Castiel entretient avec soin, des taches colorées éparses attirent son attention.

Les jouets d'Angie sont éparpillés partout dans la pièce et à cette vision, son cœur se serre.

« Installe-toi dans le salon, je reviens avec la trousse de secours et un tee-shirt », lui intime Castiel tout en s'éclipsant dans sa chambre.

Dean s'exécute docilement, rejoignant la grande baie vitrée donnant sur la marina afin d'observer la nuit.

Le confortable canapé en tissu bleu de Castiel lui tend les bras mais il n'ose pas s'y asseoir de peur de tâcher le tissu. Appuyé contre le chambranle, le châtain se permet d'entrouvrir légèrement la porte afin de chasser l'odeur de bière qu'il sent partout autour de lui avant de grimacer en voyant l'état de ses jointures. Le sang a commencé à sécher mais il macule ses articulations rougies et ses doigts d'une manière assez répugnante.

Dean grogne légèrement d'inconfort en repliant plusieurs fois ses doigts sur eux-mêmes afin de vérifier qu'il n'a rien de cassé et la douleur le picote désagréablement.

« Merde… », jure-t-il discrètement.

« Oui, tu ne l'as pas raté… »

Dean relève vivement la tête en voyant Castiel revenir dans le salon, les bras chargés d'une énorme boîte en métal qu'il pose sur la table basse, avant de déplier devant lui un tee-shirt sombre.

« Je pense qu'il devrait être à ta taille », lui dit-il tout en lui donnant le vêtement. « Change-toi et donne-moi l'autre, tu dois trouver l'odeur écœurante. »

Le châtain s'empresse de retirer son tee-shirt souillé avant d'enfiler celui du brun, Castiel récupérant le sien avec une petite grimace de dégoût qui le fait ricaner. Avant qu'il ne puisse faire un geste, le jeune homme s'éclipse à nouveau avant de revenir dans le salon, les mains vides.

« Je- Je le laverai ce soir avec mes affaires », lui explique-t-il tandis que Dean termine d'ajuster le tee-shirt sur son torse, baissant le tissu sur ses abdominaux. « Assieds-toi s'il te plaît. »

Le jeune homme écarquille légèrement les yeux de surprise en voyant le brun ouvrir la boîte pour en sortir du désinfectant et des compresses sous un amas de tubes et de petites boîtes aux multiples logos. Castiel rit doucement avant de s'asseoir à côté de lui sur le canapé, prenant délicatement sa main dans la sienne pour commencer à observer ses jointures abîmées.

« C'est pour Gabriel, il peut être terriblement maladroit », lui explique-t-il doucement tout en effleurant des articulations. « Déplie tes doigts s'il te plaît. »

Le châtain s'exécute en grimaçant. Il frissonne quand Castiel touche en douceur la peau écorchée et à vif avant d'y appliquer une compresse imbibée d'une solution sans alcool, la nettoyant des traces de sang séché avant de bander proprement sa main. Les gestes du brun sont soigneux et délicats et Dean l'observe faire dans un silence un peu recueilli et fasciné avant de revenir à lui en voyant Castiel accrocher la bande à l'aide d'une petite agrafe.

« Merci Cas », lui dit-il. « Et pour la bande. Je suis sûr qu'il doit y avoir des pansements avec des motifs un peu ridicules pour Gabriel dans ta trousse à pharmacie », ajoute le châtain d'un ton taquin tout en retirant sa main de celle du jeune homme.

Mais Castiel reste muet et retient à sa grande surprise ses doigts dans les siens. Dean lui jette un petit regard en coin mais le brun garde les yeux baissés, regardant son bandage avec attention tandis qu'il lisse distraitement le tissu de son pouce.

« Tu n'aurais pas dû faire ça », murmure-t-il soudain à voix basse. « Ils auraient pu être armés ou violents. Tu- »

Dean fronce un instant les sourcils avant de comprendre.

« C'étaient des étudiants ivres et stupides Cas, pas des skinheads », lui répond-il d'un ton. « J'aurais pu lui donner une fessée pour le corriger comme un enfant, cela aurait été pareil. »

Mais Castiel fronce les sourcils, ses doigts se crispant imperceptiblement sur sa main.

« Tu as eu de la chance que ses amis soient trop peureux ou trop ivres pour s'interposer aussi. Ils auraient pu te blesser », reprend-il d'un air buté. « Il t'a jeté une bouteille de bière Dean ! Elle aurait pu te toucher à la tête et- »

Sa voix s'étrangle légèrement dans sa gorge et Dean sent la sienne se serrer.

« Cela aurait pu mais cela ne s'est pas passé comme ça. Je vais avoir un bleu d'une taille ridicule pendant plusieurs jours mais je l'aurai oublié dès demain », grogne-t-il. « Je ne pouvais pas le laisser continuer à nous insulter. À- À parler d'Angie et de nous comme il l'a fait. La situation se serait probablement envenimée quoi que nous aurions répondu ou fait. J'y ai juste mis un terme d'une manière un peu… brutale. Je suis désolé que cela t'ait déplu mais-

« …Tais-toi », souffle soudain le brun. « Dean, tais-toi. »

La voix de Castiel est basse, peut-être encore plus rauque que d'habitude mais pour la première fois, Dean ne laisse pas vagabonder ses pensées sur le potentiel sensuel des mots que le brun murmurerait au creux de son oreille dans l'intimité.

La demande de Castiel recommence à faire bouillir son sang d'indignation. Il refuse que le jeune homme soit touché par les paroles vulgaires de cet étudiant immature qui a achevé de faire de sa soirée un enfer. Dean veut lui hurler tout ce qu'il cache soigneusement au fond de son cœur depuis des semaines. Il veut lui faire comprendre que s'il a été violent, ça a été maladroitement pour lui afin de faire cesser ces insultes qui le salissaient. Le brun est beau et digne mais le jeune homme n'a pas manqué de constater que les paroles du blond sur ce parking l'ont blessé. Et parfois, frapper vite et fort fait aussi, un peu égoïstement, du bien.

Les seuls mots qui devraient briser le silence à cet instant un peu inconfortable de cet appartement trop propre et bien rangé sont ceux que Dean lui murmurerait tendrement à l'oreille tandis qu'il serrerait le brun contre lui. Ces mots que cet étudiant a salit avec ses insinuations et sa violence.

« Non Cas, je ne me tairai pas ! Tu sais que j'ai raison. Nous fréquentons tous les deux des hommes et ce n'est ni la première fois ni la dernière qu'on nous crachera des insultes au visage », s'exclame-t-il tout en passant une main fébrile dans ses cheveux avant d'inspirer profondément. « Bon sang Cas, tu es mieux placé que quiconque pour savoir que garder le silence c'est admettre qu'ils ont raison. Et tu n'es pas comme ça. Tu- Tu n'es pas un dégénéré, une tapette ou une pédale. Tu es toi et tu es merveilleux- »

« Dean, s'il te plaît… », gémit doucement le brun mais le jeune homme secoue vivement la tête en signe de dénégation.

Il ne peut pas s'arrêter.

« S'il avait continué, je te jure que j'aurais frappé encore », gronde Dean, le sang battant sourdement à ses tempes. « Lui et tous ses amis stupides qui ricanaient et faisaient des gestes obscènes. Je n'aurais pas arrêté. Moi aussi j'avais peur pour toi mais je sais que tu ne m'aurais pas laissé seul sur ce parking. Et tu veux savoir comment je le sais ? Parce que tu es-

« Bordel Dean. Tais-toi ! »

Le grondement bas et injurieux de Castiel, si inhabituel, le surprend brièvement mais le châtain écarquille définitivement les yeux quand le jeune homme le tire brusquement vers lui par la main avant d'écraser rudement ses lèvres sur les siennes. Sous la surprise, Dean halète lourdement et entrouvre la bouche et il frémit lourdement en sentant le brun en profiter pour l'envahir de sa langue tout en se pressant contre lui avec force.

Étourdi, le châtain recule contre le dossier du canapé, suivi par Castiel qui se colle avec empressement contre son torse, ses doigts douloureusement serrés autour de sa main bandée. Dean est assailli par le baiser brûlant et dévorant du jeune homme, par son parfum qui envahit son nez plus fort que jamais, par la douceur de ses lèvres roses et fines contre les siennes.

Dans un geste brusque, Dean retire sa main de celle de Castiel afin de l'attirer plus près de lui, son corps brûlant se coulant souplement contre le sien tandis qu'il papillonne un instant des yeux sous l'afflux de ses sensations. Ses doigts blessés le brûlent durement mais c'est parce qu'il les a crochetés sur la hanche du jeune homme pour maintenir leurs torses serrés l'un contre l'autre. Le sang bat trop vite à ses tempes, sa tête bourdonne mais cela n'a plus rien à voir avec leur désagréable conversation passée mais au fait que Castiel est partout autour de lui, l'écrasant rudement sous son poids contre le dossier. Il hoquette lourdement en sentant soudain le brun glisser une main sous son tee-shirt pour crocheter ses doigts sur ses abdominaux saillants avant d'aller se perdre dans sa chute de reins où la peau est fine et sensible et chauffe durement à cet instant.

Quand le jeune homme s'éloigne enfin pour lui permettre de reprendre sa respiration, Dean a l'impression de ne plus savoir comment faire. Il sent son sexe palpiter dans son jean et la vue de Castiel, les pupilles dilatées et les lèvres gonflées et encore humides, fait rugir quelque chose dans son estomac.

Serrant doucement ses doigts sur le bas de son dos, le brun s'approche une fois de plus avant de poser doucement son front contre le sien.

« Tais-toi Dean… », murmure-t-il à voix basse contre son visage, son souffle brûlant venant caresser sa peau. « C'est toi qui es tellement- qui- » Castiel grogne un instant d'agacement contre son absence d'élocution et le châtain glousse légèrement, plantant un baiser sur sa tempe et le faisant frémir délicieusement contre lui. « Je n'aime pas la violence mais je pense que je t'aurais laissé faire sur ce parking, même si je n'aurais pas dû. Tu étais tellement beau et- Jamais personne n'avait fait ça pour moi. »

Le souffle court, Dean voit le brun s'éloigner légèrement de lui, sa main effleurant une dernière fois ses reins avant d'aller s'accrocher à sa taille.

« Tu étais si beau… », répète-t-il doucement comme un précieux et timide secret. « Cet imbécile racontait des horreurs mais il a pensé qu'Angie était notre chienne et que nous étions… plus l'un pour l'autre. Et quand tu l'as frappé, je n'ai jamais eu autant envie de t'embrasser qu'à ce moment-là quand tu vibrais presque de colère… Tu étais magnifique. »

Dean inspire brusquement et plonge son visage dans le cou du brun afin de cacher son trouble. La joie inonde son corps mais l'attirance de Castiel à son égard lui laisse un goût un peu doux-amer. Il doit demander au brun ce qu'il attend de lui pour la suite. Parce que même s'il sent encore le goût de Castiel sur sa langue et son odeur, le jeune homme est un peu chamboulé parce qu'il s'est passé.

Par Angie qui est encore à la clinique vétérinaire parce qu'un homme l'a frappé sans raison. Parce que Dean s'est battu comme un chat sauvage sur un parking mal éclairé. Parce que le brun est lui-même un peu perdu, toute sa soirée ayant été un fort désagréable ascenseur émotionnel.

Il frémit légèrement en sentant le jeune homme caresser de son pouce l'os de sa hanche et sort à regret son visage du giron de Castiel afin de le regarder.

« Qu'est-ce que tu attends de moi Cas ? Qu'est-ce que tu veux ? », lui demande-t-il du bout des lèvres, la gorge un peu nouée.

Le brun le fixe un instant sans ciller, son regard si bleu et brillant attentivement posé sur lui avant qu'il n'entrouvre adorablement la bouche pour finalement se raviser et se mordiller un instant les joues. Dean sourit malgré lui et l'attire un peu plus près, son flanc se moulant parfaitement contre le sien.

« Qu'est-ce que tu veux Cas ? », répète-t-il doucement et le jeune homme espère sincèrement que sa demande sonne moins désespérée et inquiète qu'il n'a l'impression de l'entendre.

Dean inspire brusquement en sentant soudain Castiel poser ses lèvres dans son cou afin d'effleurer doucement sa chair dans une caresse volatile, tendre et sensuelle.

« Je- Reste avec moi ce soir Dean », murmure le brun en frottant son nez dans le petit creux juste derrière son oreille. « Ton amie a raison, je ne veux pas rester seul… L'appartement me paraît trop vide et froid. Reste cette nuit. »

Dean déglutit.

« Cas, je- »

Les mots de Castiel résonnent bruyamment à ses oreilles mais le châtain n'est pas sûr de ce qu'il doit y comprendre. Le brun est lourd contre lui, chaud et câlin mais quand Dean plonge dans ses yeux après que le jeune homme soit sorti de son cou, laissant une traînée de baisers humides sur sa mâchoire, il sait.

Dans les prunelles céruléennes, Dean lit pour la première fois un désir de lui au moins égal au sien. Le châtain gronde légèrement en sentant son aine pulser légèrement dans son jean et il enfonce ses doigts dans la chair de Castiel, le faisant délicieusement haleter contre sa bouche.

« Reste cette nuit s'il te plaît… »

Les mots du brun sont identiques à la mélopée d'une sirène et Dean se laisse un peu absurdement faire en sentant le jeune homme se redresser contre lui tout en grignotant son cou, faisant mine de s'installer à califourchon sur ses cuisses. Machinalement, le châtain accompagne son mouvement, ses mains se posant sur ses hanches tandis que Castiel semble sur le point de le chevaucher, transformant sa demande en la plus voluptueuse des invitations.

Dean en crève d'envie.

Il veut aimer le brun, de toute son âme et dans la moindre des fibres tendues de son corps.

Mais pas ce soir.

Pas de cette manière.

Parce que les conditions ne sont pas réunies, pas celles auxquelles il s'est laissé allé à rêver plusieurs fois. En voyant les joues roses du brun et ses yeux brillants, Dean est vraiment prêt à céder et à l'adorer dans les draps blancs du grand lit dans lesquels il a déjà vu le jeune homme s'enrouler adorablement lors de sa soirée d'anniversaire. Son aine ronronne chaudement dans son jean un peu trop serré et il gémit presque quand le brun pose une main un peu timide en haut de sa cuisse avant de la presser doucement dans une délicieuse prière.

Dean inspire brusquement sous l'invite avant de poser ses doigts sur les siens pour les éloigner de sa chair, les pressant tendrement contre sa paume. Il ne peut pas. Pas comme ça. Le châtain veut faire les choses bien et il refuse d'avouer à Castiel ce qu'il ressent pour lui tandis que celui-ci ondulerait sur son bas-ventre en feu. Comme il pourrait haleter son plaisir de manière incontrôlée et brutale.

Leur première étreinte ne se passera pas ce soir, pas alors qu'ils viennent à moitié de se disputer à cause d'un étudiant ivre et que Dean sent ses jointures le lancer. Le jeune homme sait qu'il le regretterait. Pas de tenir enfin le corps nu de Castiel dans ses bras mais de n'avoir pas pu lui faire l'amour comme il le désire de toute son âme.

La soirée n'est pas aux confessions amoureuses.

« D'accord Cas, je reste », lui confirme-t-il tout en cherchant le regard du brun tandis que celui-ci observe leurs mains liées d'un air interdit. « Mais pas comme ça. »

Comme brûlé par une brusque décharge électrique, il voit Castiel rougir violemment et sauter à moitié en dehors du canapé, lui laissant une désagréable impression de froid. Dean se mord la lèvre jusqu'au sang en voyant une étincelle d'incertitude briller soudain dans le beau regard bleu qu'il aime tant avant que le brun ne passe une main un peu tremblante dans sa nuque.

« Oui- Oui, bien sûr. Est-ce que tu veux prendre le canapé ? Il n'est pas très confortable mais pour une nuit, ça devrait aller », balbutie-t-il tout en contournant rapidement la table basse pour quitter le salon. « Je- Je vais te trouver des affaires et des draps. »

Dean n'a pas le temps de lui répondre que le Castiel disparaît déjà dans sa chambre comme une ombre.

Les dents serrées, le châtain s'appuie lourdement contre le dossier du sofa pour appuyer sa tête contre le dossier, l'impression terrible d'avoir tout fait échouer venant étreindre sa poitrine. Il oublie immédiatement l'idée de proposer au brun de dormir avec lui afin de se sentir moins seul et de veiller discrètement sur son sommeil. Alors qu'il vient de rejeter ses avances, cette perspective lui semble absurde et déplacée et Dean jure sourdement entre ses dents.

Ses doigts viennent s'emmêler un instant au bas du tee-shirt de Castiel tandis qu'il sent la morsure du désir s'évanouir, ne lui laissant qu'un souvenir piquant dans son aine et ses lèvres brûlant encore du contact passionné de leurs langues avides.

Quand Castiel revient, Dean insiste pour déplier le lit et l'aider à le préparer mais leurs gestes sont saccadés et un peu brusques tandis que l'atmosphère de l'appartement s'épaissit d'une manière presque étouffante.

Devant les draps blancs et parfumés de l'odeur de la lessive du brun, Dean sent brusquement l'appel du sommeil s'emparer de lui et il étouffe à grande peine un profond bâillement tandis qu'une immense lassitude semble peser comme une chape de plomb sur ses épaules.

De l'autre côté du matelas, il observe Castiel lisser soigneusement l'oreiller, le coussin serré contre son torse comme un bouclier et Dean sent sa gorge se serrer douloureusement en songeant que dans d'autres circonstances, ce petit geste si anodin indiquerait un coucher commun et parfaitement domestique fait dans un grand lit. Le brun semble sentir son regard peser sur lui car le jeune homme le voit soudain reposer brusquement l'oreiller contre le traversin, ses joues légèrement rosies, avant de se racler discrètement la gorge.

« Je t'ai laissé des affaires de nuit dans la salle de bain », lui indique-t-il doucement, les yeux rivés sur le plancher. « N'hésite pas à mettre tes affaires dans la machine à laver si tu veux, elles seront prêtes demain. Je l'ai déjà programmé, tu n'auras qu'à appuyer sur le bouton. Je te laisse faire comme chez toi… »

Dean hoche la tête en silence, son corps désagréablement raide de l'autre côté du canapé.

Il a envie de ricaner d'un air un peu mauvais en songeant qu'il s'agit du sofa qu'utilise Gabriel quand il dort chez Castiel, celui dans lequel le blond lui a interdit de faire des folies sensuelles avec son frère.

Après en avoir été proche d'une manière indécente, Castiel et lui n'en ont à présent jamais été aussi loin.

Dean serre légèrement les poings à cette idée. Il ne veut pas qu'ils se séparent dans la gêne et le malaise pour la nuit alors le châtain ouvre machinalement les draps avant de contourner le lit.

« Cas, je- », commence-t-il avant de s'arrêter, sentant son pied appuyer sur un élément étrangement mou.

Fronçant légèrement les sourcils, Dean se penche avant de refermer ses doigts sur le velours un peu râpé d'une peluche. Tandis qu'il l'observe d'un air un peu interdit sa paume, il entend Castiel hoqueter légèrement. Il s'agit de la pieuvre en peluche d'Angie, toujours aussi rouge et violette, et le châtain la donne au jeune homme en voyant celui-ci tendre lentement le bras dans sa direction.

« Je- Je vais la ranger », dit-il d'une petite voix. « C'est le jouet préféré d'Angie, elle doit le retrouver quand elle rentrera. »

Le châtain voit les yeux fatigués du brun s'emplir de larmes et Dean lui donne rapidement le jouet, ne s'attardant pas à essayer de faire se toucher leurs doigts plus que nécessaires. Il en est sûr à présent. Castiel n'est pas prêt à entendre le secret qu'il garde au fond de son cœur.

« Je suis sûr qu'elle t'en sera très reconnaissante », lui répond-il avant de lui sourire doucement. « Bonne nuit Cas. »

Le brun lui adresse un sourire un peu tordu en réponse et Dean, brusquement, ne peut s'en empêcher. Il attire rapidement Castiel dans une étreinte serrée, tapotant un peu maladroitement son dos.

« Je suis là si tu as besoin… », murmure-t-il contre son visage avant de s'éloigner.

Le jeune homme hoche la tête, les joues roses, avant de regagner sa chambre et de fermer sa porte sur un dernier regard.

Dean passe rapidement par la salle de bain, souriant un peu stupidement en voyant les affaires de toilette neuves que le brun a sorti à son intention, avant de se préparer pour la nuit. Il hésite un instant à mettre ses vêtements au sale avant de se souvenir que le refuge peut avoir besoin de lui à n'importe quel moment et qu'il préférerait sauter dans un jean sec si cela devait arriver d'ici le lendemain matin et Dean les plie rapidement.

Ses pieds nus effleurant discrètement le parquet, le châtain regagne le salon avant de s'enfouir dans le canapé-lit avec un soupir de bonheur. Appuyé contre les oreillers, il envoie un rapide message à Sam afin de le prévenir de la situation.

Tandis qu'il pose l'appareil sur la table basse, le jeune homme jette un petit coup d'œil en direction de la chambre de Castiel dont la porte très légèrement entrouverte laisse passer une faible raie de lumière, semblable à une timide et adorable invitation.

Dean n'a pas besoin de beaucoup se forcer pour imaginer le brun nu dans son lit, les draps remontés jusqu'à son menton et le regard fixé sur la porte le séparant du salon, les yeux brillant d'un timide espoir ou d'une tristesse un peu résignée.

Dans un grognement, le châtain s'enroule dans la couverture et se couche sur le flanc, regardant du côté de la baie vitrée. Pour cette nuit au moins, Castiel sera presque à ses côtés tandis que Dean sera bercé par son parfum.