Une bouteille d'alcool à la main, Draco grogna en constatant que la cuisine était déjà allumée et donc déjà occupée. Ses prières pour qu'il s'agisse de n'importe quel autre habitant de la maison que Hermione Granger furent rapidement déçues. Il soupira, exaspéré d'en être arrivé au point où il parvenait à reconnaître sa silhouette avant même d'entrer dans la pièce.

« Essais-tu seulement de dormir ? demanda-t-il agacé.

- Depuis quand est-ce que cela t'intéresse, marmonna Hermione, sans lever les yeux de son livre.

- Depuis que tes insomnies m'empêchent de profiter convenablement des miennes. Vois-tu, expliqua-t-il le plus poliment possible, c'est dérangeant d'être sans cesse devancé dans l'occupation de ce lieu et perturbé dans mon désir d'y être seul. J'apprécierais donc que tu t'en ailles.

- Cette gêne de ne pouvoir jouir de sa solitude me semble étrangement familière », fit-elle, en baissant son livre et en feignant de chercher pourquoi.

Devant cette absence de coopération, Draco poussa un grognement de frustration et plaqua violemment les mains sur la table, faisant sursauter la jeune femme.

« Je ne suis pas d'humeur, Granger, énonça-t-il en insistant sur chaque mot.

- Arrête ce vacarme, Malfoy, tu vas réveiller tout le mon...

- Ne me prends pas pour un idiot, l'interrompit-il. Je sais très bien que tu as, comme d'habitude, jeté un sort qui insonorise la pièce et que tu prétends maintenant le contraire simplement pour que je me calme. Je le répète une dernière fois : je ne suis pas d'humeur.

- Je vois ça, constata-t-elle, prise au dépourvue.

- Dans ce cas, veux-tu bien partir et faire ainsi preuve du même respect envers ma tranquillité qu'envers les autres personnes de cette maison ?

- Cela n'est pas une question de respect, voyons. Je ne vois pas pourquoi ton besoin de solitude primerait sur le mien, c'est tout !

- Prête à descendre dans la cuisine pour bouquiner et laisser ta camarade de chambre dormir en paix, mais pas prête – alors que je suis certain que tu es déjà là depuis un moment ! – pas prête à remonter dormir pour que je puisse être seul à mon tour... Ça pue le traitement de faveur !

- Le traitement de faveur ? répéta-t-elle, n'en croyant pas ses oreilles. Tu te fous de moi ? »

A ce moment-là, Hermione ferma son livre. L'affaire devenait sérieuse.

« Un Malfoy ne mérite pas que tu prennes un peu sur toi, c'est ça ? s'écria-t-il, furieux. Une Weasley, pas de souci, mais un Malfoy !

- Malfoy, c'est quoi ce cirque ?

- Un Malfoy, un Nott, une Parkinson, continua-t-il, tous dans le même sac ! Des ennemis ! Avec des patronymes pareils, pourquoi en serait-il autrement ? Même ralliés, toujours des salauds ! Ces gens-là ne méritent pas de passer avant la bonne petite bande à Potter ! C'est ça ?

- C'est à propos de Théodore, comprit Hermione, n'est-ce pas ?

- Non, ce n'est pas... », commença-t-il à s'écrier, avant que sa voix ne déraille sous le coup de l'émotion.

Draco se paralysa puis se mit à reculer, baissant confusément les yeux au sol, reprenant ses esprits et mesurant l'excès de sa colère. C'était bien à propos de Théodore. Ce dernier avait été grièvement blessé lors d'une mission qui avait mal tourné suite à l'intervention de Mangemorts. L'un de ses coéquipiers, censé protéger ses arrières, avait systématiquement manqué de le faire, jugeant plus important de défendre ses amis plutôt que la progéniture du bourreau qui avait tué sa mère lors de la dernière guerre des sorciers.

« Écoute, Malfoy, dit doucement Hermione en se levant, nous sommes dans le même camp, désormais. Il y a ceux que Tu-sais-qui souhaite éliminer et il y a ceux qui l'aident dans cette tâche. Pansy et Théodore, ta mère et toi, quelles qu'aient été vos raisons, vous vous êtes retirés de ce dernier groupe. Par conséquent, oui, vous êtes dans le même sac, mais dans le même sac que Harry, les Weasley et moi. Et je t'assure que jamais nous ne souscrirons à l'initiative de l'imbécile qui a permit que Théodore nous revienne dans cet état. Jamais. Tu as entendu comme Rémus a condamné cette faute auprès de l'Ordre. Nous prenons cela tout autant au sérieux que toi. »

Hermione approcha lentement du jeune homme qui se trouvait désormais adossé au mur de la cuisine, la tête posée contre la cloison, les yeux rivés au plafond.

« Vous avez fait votre choix, Malfoy, vous n'avez rien d'autre à nous prouver.

- Et c'est là que tu te trompes, là que je me trompais aussi. Théo insistait pour prendre part à plus de missions, pour montrer qu'il souhaitait se rendre utile et non pas simplement profiter de la protection de l'Ordre. Je lui avais pourtant dit qu'il n'avait rien à vous prouver. Mais il avait finalement raison. Nous aurons toujours des comptes à rendre pour les noms que nous portons.

- Ce qui s'est passé avec Nott ne se reproduira pas. »

Il baissa la tête et planta son regard dans celui d'Hermione.

« Tu crois ? Avec tout le sang que mon père a sur les mains, il doit y avoir un certain nombre de gens qui sauterait sur la première occasion de faire la peau à un de ces salauds de Malfoy.

- Et ils auraient tort. Les actions de ton père ne font pas de toi un salaud, Malfoy. Tu n'as besoin que des tiennes pour cela. Si ça peut te rassurer, tu te débrouilles très bien tout seul », ajouta-t-elle avec une pointe d'humour.

Draco esquissa un sourire.

« Pansy me disait l'autre jour, dit-il, qu'elle trouvait quelque chose de beau dans sa capacité à vous mépriser par choix plutôt que par défaut, de te trouver infréquentable parce que tu es une Miss-je-sais-tout pénible et têtue plutôt que parce que tu représentes le camp adverse. »

Hermione sourit puis retourna près de la table pour récupérer son livre.

« La sensibilité esthétique de Pansy est curieuse, répondit-elle.

- Je pense qu'elle savoure chaque détail sur lequel elle exerce encore un contrôle. Comme nous tous. »

Hermione hocha de la tête en silence. Ils échangèrent un regard, debout l'un en face de l'autre.

« Je vais te laisser, conclut-elle. Tu n'es pas d'humeur, paraît-il. Et j'ai sommeil.

- Ce n'est pas trop tôt. Pansy a raison : tu es têtue et pénible.

- Tu devrais toi-même penser à bientôt te coucher. « Pénible », « têtue » ? Tu as fait mieux, Malfoy. Va donc reprendre des forces pour que ta répartie reprenne de sa... « ferveur », disais-tu ? »