Chapitre 4

Quelques jours plus tard, ce fut la catastrophe. Pourtant, la journée avait commencé comme d'habitude, Flavien s'était levé tôt pour accomplir ses tâches ménagères. Pauline détestait se lever et le voir encore endormi. Elle disait qu'il était paresseux. Alors pour éviter la chaîne d'insultes et de mépris, il se levait toujours avant elle et faisait toutes les tâches qui ne faisaient pas de bruit jusqu'à son réveil. Justin lui, se levait souvent quelques minutes après lui, et allait regarder les dessins animés à la télévision. Flavien y jetait souvent un petit coup d'œil. Il savait qu'il n'avait pas le droit de regarder les émissions de télé, Pauline disait toujours qu'il ne le méritait pas, mais comme tout petit garçon de son âge, il aimait bien les dessins animés. Il faisait semblant de ne pas être intéressé, mais avec son oreille perçante, il arrivait toujours à écouter toutes les émissions.

En ce moment, il passait la vadrouille sur le plancher de la cuisine en regardant la télé de loin. Il avait presque fini ses tâches quand soudain il entendit un bruit de moteur, puis d'une portière. Il reconnut le pas de l'assistante sociale. Il figea. Devait-il ouvrir la porte?

La sonnette de la porte avant résonna dans toute la maison, et Pauline sorti de sa chambre encore toute endormie.

-C'est qui? Demanda-t-elle en s'approchant de la porte.

-L'assistante sociale, Répondit Flavien avec sa petite voix.

-Merde! Grogna Pauline.

Elle saisit brusquement la vadrouille et pointa la télé du doigt.

-Vas vite s'asseoir devant la télé. C'est moi qui mopait, compris?

Flavien fit signe que oui et couru s'asseoir par terre devant la télévision. Pauline ouvrit la porte avant.

-Madame Perreault! S'exclama-t-elle avec un grand sourire, Quelle bonne surprise, mais vous me prenez en plein dans mon ménage là!

-J'm'excuse Madame Godet, mais c'est ma job! Je viens juste vérifier si tout est correct pis je vais parler à Flavien 2 minutes.

-Entez, entrez!

Pauline s'écarta de la porte pour faire entrer l'assistante sociale. Jolène Perreault était une dame dans la trentaine, avec de longs cheveux blonds attachés en torsade. Elle portait de petites lunettes et était toujours habillée en tailleur. Elle passait chaque mois pour vérifier que l'enfant confié à la famille s'adaptait bien. Cela faisait déjà six mois que Flavien était dans la famille Godet, et à chaque visite, Jolène trouvait la famille acceptable, mais il y avait quelque chose chez Pauline qui l'agaçait. Elle n'avait pas encore trouvé quoi, mais elle finirait bien par le découvrir.

-Monsieur Godet est ou? Demanda la jeune femme.

-En voyage d'affaire comme d'habitude, Répondit Pauline avec un signe de la main.

-Avez-vous eu des problèmes avec Flavien dernièrement?

-Lundi il a poussé Justin en bas de l'arbre, mais vous savez, c'est des enfants…

Pauline savait très bien jouer le rôle d'une bonne mère adoptive. Elle ne voulait pas qu'on lui enlève le petit, après tout, le chèque de garde lui assurait un revenu supplémentaire pour elle. Son mari ne faisait pas beaucoup d'argent et il n'était jamais là. Puisque Flavien ne coûtait pas cher à nourrir, elle pouvait garder une bonne partie du chèque pour elle.

Jolène écrivit encore quelques notes dans son carnet puis se leva.

-Je vais parler à Flavien maintenant.

Elle interpella le petit garçon et se dirigea vers sa chambre. Flavien la suivit, mais ne manqua pas le regard noir que Pauline lui envoya. Elle ne voulait pas trop qu'il parle, c'était évident.

La chambre de Flavien était minuscule. Il y avait à peine de la place pour marcher à coté de son lit et il n'avait qu'un très petit placard dans le coin. C'était en fait un bureau qui avait été transformé en chambre à coucher. Jolène s'assit sur le lit et fit signe à Flavien de s'asseoir à côté d'elle. Flavien grimpa sur son lit et attendit.

-Alors, ça va bien Flavien?

Le petit fit signe que oui.

-Qu'est-ce que tu fais de tes journées depuis que l'école est finie?

-J'vais jouer avec Bob tous les jours que je peux.

-Et quand tu peux pas, c'est à cause de quoi?

-Des fois je suis puni.

-Ah oui? Et c'est quoi comme punition?

-Ben…j'ai pas le droit de sortir.

Flavien n'ajouta pas « de la cave », il savait que Pauline ne voulait pas qu'il en parle. Jolène fit un signe de tête et nota quelque chose dans son carnet.

-Dis-moi Flavien, tu aimes ça ici?

Flavien se retint de se mordre la lèvre. Pauline lui avait bien dit ce qu'il devait répondre à cette question, et il n'osa pas lui désobéir.

-Oui oui! J'adore ça.

L'assistante sociale hocha la tête et se leva.

-C'est tout pour aujourd'hui Flavien. À la prochaine.

Sur ce, elle quitta la pièce. Flavien l'entendit saluer Pauline, puis il entendit la porte se fermer, puis un moteur et finalement plus rien. Il soupira. Il détestait quand l'assistante sociale venait, à chaque fois, ça rendait Pauline d'humeur exécrable. Justement, il entendit le bruit de ses pas et sa porte s'ouvrit brusquement.

-Qu'est-ce que tu lui as dit hein? S'écria-t-elle furieuse en le sortant de la chambre par le bras, Elle avait l'air louche! Dis-moi ce que tu lui as dit!

-R…rien

-NE ME MENT PAS! Hurla-t-elle en lui envoyant un coup en plein visage qui l'envoya presque tomber. Le pauvre petit se frotta la joue et la regarda effrayé.

-DIS-MOI CE QUE TU LUI AS DIT! Hurla-t-elle encore une fois.

Flavien avait bien trop peur pour répondre. De toutes façons ça n'aurait rien donné. Pauline s'indigna du manque de réponse du garçon. Elle se rua sur lui et le frappa encore et encore jusqu'à ce qu'il tombe par terre.

-RÉPONDS-MOI! RÉPONDS-MOI!

Mais Flavien n'avait plus de souffle pour émettre le moindre son. Il se recroquevilla en position fœtale, sachant très bien qu'il ne pouvait pas se défendre contre une telle furie. Pauline lui envoya quelques coups de pied au ventre et Flavien commença à avoir la vision qui s'assombrissait. Il reçut encore un coup, puis tout s'arrêta.

Pauline, à bout de souffle, le regarda avec dégoût. Elle décida qu'elle ne voulait plus le voir. Elle le poussa avec ses pieds, ouvrit la trappe de la cave et l'y poussa sans aucune considération. Flavien déboula les marche et s'arrêta finalement sur le ciment froid. Il ne bougea pas.

-Tiens! Fit Pauline du haut de l'escalier, Emmène cette guenille avec toi!

Elle lança Grégoire à quelques centimètres de lui, et referma la trappe. Tout devint noir et silencieux. Et Flavien ne bougeait toujours pas…

À Suivre…

Chapitre 5

Après plusieurs minutes de silence, Flavien osa bouger un peu. Sa poitrine lui faisait atrocement mal et son ventre était tout endolori. Sa bouche goûtait le sang. Il se retourna sur lui-même et du réprimer un gémissement de douleur. Il ne voulait pas risquer que Pauline l'entende et répéter l'expérience qu'il venait de vivre. Pauline de frappait souvent, mais elle n'était pas souvent aussi furieuse.

Après quelques instants encore, il réussit finalement à s'asseoir. Il croisa les jambes et serra Grégoire très fort contre lui. Son visage enfoui dans la peluche, son petit corps était secoué de pleurs silencieux. Chaque sanglot lui déchirait la poitrine, mais il ne pouvait pas s'arrêter. Pourquoi Pauline était si méchante avec lui? Il n'en avait pas la moindre idée. Il essayait pourtant de faire tout ce qu'elle voulait, mais peut-être qu'il n'était pas assez bon, peut-être qu'il n'en faisait pas assez.

Il se souvenait très bien au début, il avait espéré pour une famille normale comme tout le monde, mais son vœu s'était vite écroulé. Dès la première journée, Pauline s'était fait très claire sur les règlements de la maison, et elle ne l'avait pas fait de la façon la plus aimable. Ensuite, il y avait eu son mari qui lui avait proposé une partie de chasse.

-Te souviens-tu Grégoire, Chuchota-t-il doucement à son hippopotame mauve, la fois où ils m'ont envoyé à la chasse à l'ours? J'avais été tellement content…

Malheureusement, ça n'avait pas été du tout ce qu'il avait pensé. Ils l'avait enduit de miel et l'avaient laissé dans le boisé* Il avait tellement eu peur tout seul dans le noir. Quand il était finalement rentré, couvert de brindilles, de feuilles et de mouches, Pauline n'avait pas voulu qu'il entre dans la maison avec cette saleté. Il avait du prendre le boyau d'arrosage et se laver avant que Pauline ne le laisse entrer. Comme c'était au mois d'avril, il avait bien sûr attrapé froid et Pauline avait été de très mauvaise humeur pour le reste de la semaine à cause de ça.

-Une chance qu'il y avait pas eu d'ours pour vrai, ajouta Flavien en jouant avec l'oreille de l'hippopotame.

Il pleurait moins maintenant. Il commençait à être habitué à ce genre de situation. Il aurait préféré ne pas s'y habituer, mais il n'avait pas vraiment le choix.

Il passa toute la journée dans cette cave sombre, se rappelant des anecdotes des six derniers mois avec son toutou, et à regretter ses anciennes familles adoptives qui n'avaient peut-être pas été le paradis, mais n'importe quoi était mieux que cet endroit. Il sortit plusieurs fois son morceau de verre de sa poche pour le rouler entre ses doigts. Il avait moins peur quand il le tenait dans sa main. Son ventre lui faisait beaucoup moins mal mes ses côtes étaient toujours douloureuses. S'il avait été plus vieux, il aurait su que deux d'entre elles étaient fêlées.

Finalement, à la fin de la journée, la trappe du sous-sol s'ouvrit et Flavien du fermer les yeux à cause de l'habitude à l'obscurité.

-Vas dans ta chambre! Fit la voix sèche de Pauline du haut de l'escalier.

Flavien monta les marches prudemment et se dirigea directement vers sa chambre. Il ne jeta même pas un regard à la femme qui le regardait avec un regard méprisant. Il ferma la porte et glissa contre celle-ci. Finalement il était sorti de cette affreuse cave!

Il sortit son vieux pyjama et enleva son chandail. Sous celui-ci, il y avait d'énormes ecchymoses qui recouvraient tout son torse. Les coups au ventre avaient été les plus forts. Il passa une main dessus, puis ferma son pyjama. Il n'avait rien mangé de la journée, mais ça lui était égal. Il préférait ne pas sortir de sa chambre avant demain, de peur de rencontrer Pauline. Il se glissa sous les couvertures et s'endormi aussitôt.

Flavien n'avait toujours pas bougé. Tous restèrent présents près de lui et Valence revint très vite avec un livre à la main.

-J'ai trouvé! S'exclama-t-elle en s'approchant de la table d'examen. Flavien est victime d'un souvenir refoulé qui vient de refaire surface. Ça doit être un souvenir très douloureux pour le mettre dans cet état. Il devait même pas s'en souvenir lui-même. Y a du avoir quelque chose qui a sorti ce souvenir du fond de sa mémoire.

-Comment on fait pour le ramener à son état normal? Demanda Pétrolia.

-Il existe pas de méthodes précises, mais on peut toujours en essayer quelques unes. Mais avant, j'aimerais savoir qu'est-ce qui a été dit ou fait avant qu'il soit dans cet état.