Langueur - 157 mots
David ne s'en était pas rendu compte tout de suite, parce qu'il était plus souvent à la caserne de son unité skybax qu'à « la maison », mais Karl n'allait vraiment pas bien. Cet état de fait le frappa soudain quand il retrouva son frère étendu sur le canapé, ses yeux bleus et ternes dans le vague. Karl n'était pas comme ça, il était infatigable et insouciant et il trouvait toujours des choses à faire, même à Dinotopia qui n'était toujours pas « chez lui ». Mais là, rien… Il ne jouait même pas avec Vingt-Six, sa fille adoptive chasmosaure, il ne sortait pas avec Marion qui était pourtant sa petite amie, il ne faisait pas les quatre cent coups avec leur père qui était aussi dynamique que lui. Non, rien. Et c'est quand David essaya de le secouer un peu qu'il s'aperçut que son frère était pris d'une langueur terrifiante et qui paraissait prête à l'emporter…
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Coudre - 170 mots
« Attends, tu es vraiment en train de faire ce que je pense ? Tu couds une poupée pour Vingt-Six ?
-Quoi ? se défendit Karl, l'aiguille dans une main et la petite peluche dans l'autre. Elle n'arrive pas à dormir depuis que j'ai mis son berceau dans une pièce à part. Il faut bien que je trouve quelque chose pour la rassurer.
-Et depuis quand tu manies l'aiguille à coudre ?
-Depuis très récemment. Tu n'imagines pas à quel point c'est barbant de rester ici sans rien faire. On n'a pas tous la chance de s'amuser sur un ptéranodon à longueur de journée !
-Je ne m'amuse pas ! C'est un vrai métier, contrairement à toi !
-Hé, je te défends de dire du mal de ma nouvelle vocation de mère au foyer. »
Karl avait les yeux qui brillaient d'amusement en disant ça. David se mit à rire. Il aimait comme les disputes entre son frère et lui ne duraient plus très longtemps, maintenant qu'ils se comprenaient mieux.
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Conserve - 176 mots
« Oh, bon sang, David, regarde ce que j'ai trouvé ! s'exclama la voix de Karl depuis l'intérieur du petit bateau échoué, de l'émotion dans chaque syllabe.
-Quoi ? s'étonna David qui, lui, ne pouvait pas détacher son regard de la chienne qu'ils avaient trouvée à bord. »
Comment quoi que ce soit pourrait-il être plus émouvant que cet adorable animal, ici, à Dinotopia ? Mais alors, Karl réapparut sur le pont et il lui jeta pêle-mêle des canettes de soda, des hamburgers sous vide et des conserves de sauce tomate. En voyant la nourriture, David sentit ses jambes se mettre à flageoler. Certes, il était tout acquis à la parfaite harmonie de l'île et l'égalité de chaque être vivant, mais… des hamburgers ! Ils n'avaient pas mangé de viande depuis si longtemps !
« Oh, bon sang ! s'exclama-t-il exactement comme son frère.
-Bah alors ? Je croyais que c'était que des cochonneries ? le charria son aîné. »
Peut-être, mais maintenant, David était bien prêt à défendre sa part au péril de sa vie.
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Lampadaire - 186 mots
Comme beaucoup d'enfants de leur âge, Karl et David ne se rendaient pas vraiment compte de la taille des choses et des différences de volume. Ou, en tout cas, David en avait à peu près conscience et son frère, un peu trop aventureux, le persuadait toujours de tenter quand même des choses absurdes, même si elles n'avaient aucune chance d'aboutir. En tout cas, ce jour-là, en suivant leur père, cachés derrière les lampadaires, ils étaient vraiment persuadés que Franck Scott ne pouvait pas les voir. Ce qui les fit d'autant plus sursauter quand il disparut soudain de leur champ de vision pour réapparaître comme par magie derrière eux et les soulever chacun dans un bras.
« Je peux savoir ce que vous faisiez, tous les deux ? interrogea-t-il les deux garnements.
-On te suivait, répondit Karl fièrement. Pour voir si la dame que tu vas voir ressemble à ma mère ou à celle de David.
-Hein ? Mais pourquoi ?
-Pour savoir à qui notre nouveau frère ressemblera le plus ! expliqua David très sérieusement.
-Quoi ?! Mais d'où sortez-vous ce genre d'histoire, franchement ? »
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Trou - 168 mots
C'était une vieille peluche défraîchie, usée jusqu'à la corde à force d'avoir été utilisée, mâchouillée d'un côté, toute râpée de l'autre, pleine de trous, qui exhalait une odeur d'enfant à la fois douce et très prononcée. David savait que, du haut de ses huit ans, il était trop âgé pour posséder un doudou et encore moins l'amener au parc, mais ça le rassurait qu'il soit là. Malheureusement, tandis qu'il jouait seul dans son coin, un groupe de garçons un peu plus âgés décida de s'intéresser à lui et lui déroba son jouet.
« Hé ! Lâche ça ! s'indigna l'enfant, même s'il savait déjà qu'il était trop chétif pour leur tenir tête.
-Rends-lui sa peluche ! exigea alors, à sa grande surprise, la voix de Karl, qui jouait à l'autre bout du parc. Elle n'est pas à toi !
-Ah oui ? Alors viens donc la chercher ! le nargua l'autre garçon. »
Ce jour-là, David découvrit vraiment à quoi ça servait d'avoir un frère tête-brûlée et bagarreur.
