Il leur fallut plusieurs minutes avant de sortir de la salle de conférence. Harry devait repasser par son bureau situé au niveau inférieur. Hermione et Harmony redescendirent vers la sortie et après quelques secondes, la voix de l'ascenseur prononça : « Atrium, sortie des visiteurs. » Elles se dirigèrent vers la cabine téléphonique devant laquelle elles avaient rencontré Rita Skeeter le matin même. Finalement, la croiser elle s'avérerait moins désagréable que la perspective de se retrouver face à Ombrage lors des prochaines conférences de presse. Hermione ne comprenait pas comment une telle nomination avait pu avoir lieu. Elle essayait de se souvenir du procès qui remontait à quatre ans maintenant. À cette époque, elle était encore à Poudlard. Ni elle, ni Harry n'avaient été cités comme témoins. Quels étaient les chefs d'accusation déjà ? N'avait-elle pas été envoyée à Azkaban ? Pourquoi ne se rappelait-elle de rien ?
– J'aimerais repasser à la Gazette pour consulter les archives.
– Je t'accompagne, lui répondit sa collègue.
La cabine était arrivée au niveau de la rue. Harmony lui tendit le bras, Hermione l'attrapa et elles disparurent dans les ténèbres oppressantes.
Elles réapparurent devant la Gazette. Il faisait nuit. Le chemin de Traverse était désert. Il y avait encore de la lumière provenant du bureau de leur rédacteur en chef. Au lieu de prendre le petit escalier en entrant, elles bifurquèrent vers la porte de gauche. C'était la salle des archives. Vue de l'extérieur, on n'aurait pas pensé que la pièce était aussi vaste. D'immenses étagères d'une dizaine de niveaux chacune se dressaient jusqu'au plafond. Sur les rayons, de grandes boîtes en carton portaient des indications écrites à la main ainsi que des dates. C'était Kamila Grove qui se chargeait de l'archivage et Hermione fut soulagée de constater qu'elle avait un sens du rangement et du classement similaire au sien. Ainsi il ne lui fallut que quelques minutes pour repérer l'étagère de l'année 1999.
– Ça devait être aux alentours de juin il me semble et probablement au début du mois, lança Harmony
Depuis qu'Hermione avait Harmony pour collègue, elle avait été plusieurs fois impressionnée par la mémoire de cette dernière qui la surpassait de très loin. Elle, qui avait été pendant des années Madame-je-sais-tout, avait trouvé plus savante qu'elle. Elle n'en éprouvait pas de jalousie à proprement parler. C'était d'une certaine façon reposant de ne pas être constamment la personne qui devait tout savoir. Mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir envieuse face à la détente apparente d'Harmony.
Dans son expérience en tant que personne qui savait toujours tout, elle avait noté que les réactions n'étaient habituellement pas toujours très positives. Elle avait même pu recevoir plusieurs fois des remarques acerbes. C'était par exemple le sujet de la première dispute avec Ron en première année. Elle avait conscience que son ton pouvait paraître impérieux voir hautain. Or ces problèmes ne semblaient pas toucher Harmony. Elle avait le don de pouvoir transmettre ses connaissances sans provoquer de réaction épidermique chez son interlocuteur. Et c'était une qualité qu'Hermione lui enviait. Un midi lors d'un énième déjeuner, elle lui en avait fait part.
– J'ai eu le droit moi aussi à mon lot de réponses outrées souvent de la part des hommes d'ailleurs.
Hermione n'avait jamais fait ce rapprochement-là. Mais effectivement, son savoir semblait poser plus de problèmes aux sorciers qu'aux sorcières.
– Et tu peux ajouter à cela ton âge. On aime bien rappeler aux jeunes femmes pleines d'assurance qu'elles ne devraient pas être aussi sûres d'elles.
– Mais tu n'es pas très vieille non plus, lui avait fait remarquer Hermione.
Harmony avait souri. En résumé, elle était brillante et sympathique.
Hermione se reconcentra sur sa tâche. Elles avaient toutes les deux ouvert un carton et elles passaient en revue les différents numéros de la Gazette. Après plusieurs minutes, Hermione s'écria : « Je le tiens ! ». Elle brandissait l'exemplaire de la Gazette du sorcier daté du mardi 8 juin 1999. Le procès était rapporté en quatrième page sur une colonne. Dolores Ombrage avait été acquittée par le Magenmagot. Elle avait cependant démissionné de tous ses postes au ministère et avait d'après l'article quitté le pays.
Hermione se releva péniblement. Elle ne pouvait pas croire ce qu'elle tenait dans les mains. Elle n'en avait aucune mémoire. Comment avait-elle pu manquer cette information ?
– C'était le jour suivant le procès de Corban Yaxley par contumace.
Harmony lui tendit le numéro de la Gazette de la veille. La photo de l'ancien directeur du département de la justice magique y figurait en première page.
– Et c'est seulement une édition du soir qui relate le procès d'Ombrage.
Elle ne recevait pas ces éditions spéciales du temps où elle était à Poudlard. Ceci expliquait pourquoi elle n'en avait aucun souvenir. De plus, le procès de Yaxley avait fait beaucoup de bruit et ils avaient passé leur ASPIC au même moment.
Avant de partir, Hermione sortit sa baguette et prononça distinctement : « Accio articles sur Dolores Ombrage après le 8 juin 1999 ». Rien ne bougea.
Perplexes, les deux jeunes femmes rangèrent rapidement les cartons, puis sortirent et transplanèrent jusqu'au square Grimmaurd.
Elles retrouvèrent Harry sur le perron de la maison.
– Bienvenue au 12 square Grimmaurd Harmony. Tu es ici chez toi.
Hermione sourit. Elle savait que Harry avait maintenant pour priorité que tout visiteur se sente à l'aise dans sa maison.
Une fois à l'intérieur, Harry explosa littéralement :
– Je ne comprends pas comment c'est possible ! Ceci n'a aucun sens. Qui pourrait mettre une criminelle à ce poste ? Je sais que Tiberius McLaggen est loin d'être parfait, mais tout de même !
Ils s'étaient dirigés vers la cuisine et avaient descendu l'escalier étroit qui menait au sous-sol. Ron y était attablé en compagnie de Seamus et Dean. Ils tournèrent tous les trois la tête vers les nouveaux venus, surpris. Harry continuait :
– N'a-t-elle pas été jugée ?
– Harry, nous sommes repassées à la Gazette et nous avons fouillé les archives.
Hermione lui tendit l'article. Il s'en saisit et l'étendit sur la table déjà surchargée.
– Mais de qui parlez-vous ?
Ils relevèrent la tête alors vers les trois primo occupants de la cuisine et seulement à ce moment-là ils prirent conscience du désordre qui régnait dans la pièce.
– Ombrage a été nommée ce soir secrétaire d'État à la justice magique.
– Ce vieux crapaud ? s'écria Ron. Je savais qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez McLaggen. Quel crétin !
Son regard se posa soudain sur Harmony qui se tenait encore dans l'encadrement de la porte.
– Eh salut ! J'imagine que tu es Harmony. Depuis le temps que j'entends parler de toi ! Il se leva pour aller lui serrer la main, mais il se prit les pieds dans une pile de cartons posées à même le sol. Il se rattrapa au dernier moment, mais le boucan fit sursauter Pattenrond qui dérangé dans sa sieste feula et partit se réfugier dans les étages.
– Ron... qu'est-ce que tous ces jeux de plateau moldus font ici ?
Hermione venait de reconnaître le jeu du Monopoly mis en pièce sur la table.
– Ah ça ! Je ne comptais pas vous en parler avant que nous ayons officialisé, mais vu que vous êtes là. On monte une entreprise de vente de jeux par correspondance Dean, Seamus et moi.
– Moldus ?
– On veut les adapter en version sorcier, lui répondit Seamus. On travaille sur le Monopoly. On cherche à retranscrire les différentes rues. Regardez on a bien entendu représenté Azkaban et c'est un détraqueur qui envoie les joueurs en prison.
– On aimerait animer Monsieur Monopoly, ajouta Dean. J'ai essayé tout à l'heure, mais il nous harcelait pour faire des investissements financiers. On n'arrivait pas à le faire taire.
Hermione trouva tout d'abord ce projet ridicule et songea qu'ils perdaient leur temps. Mais Harmony paraissait comme piquée de curiosité.
– Quelle idée ! J'imagine que vous avez d'autres jeux sur votre liste. Avez-vous déjà pensé à ce que vous pourriez faire avec les jeux vidéo ?
Voyant que les autres la regardaient avec de grands yeux, elle jugea bon de rajouter qu'elle avait travaillé quelques mois à la rubrique des actualités non-Maj' au Fantôme de New York.
Ron cependant semblait tout simplement flatté qu'Harmony se montre aussi enthousiaste. Ils allaient partir sur une conversation plus approfondie à propos de leurs différentes idées quand Harry les interrompit et leur proposa de passer à table. En effet, il était déjà tard et aucun n'avait encore mangé.
Ils répondirent tous par l'affirmative et aussitôt tout le monde s'activa pour débarrasser la cuisine et préparer le repas. La Magie aidant, cela ne prit en réalité que quelques minutes. Harry avait appris de Molly Weasley tout ce qu'il fallait savoir au sujet de la sorcellerie culinaire. Harry avait confié plus tard à Hermione que c'était une façon pour lui de passer du temps avec elle. Sa cuisine n'égalait pas encore totalement celle de Molly, mais elle restait excellente pour le plus grand plaisir de ses deux colocataires.
Une fois la table dressée, quelques bougeoirs allumés deci delà, ils s'assirent tous. Harry fit venir le plat du gratin de pommes de terre par lévitation. Les assiettes s'envolèrent et reçurent une portion généreuse qu'arrosa presque aussitôt un saucier d'une mixture brune aromatisée au vin blanc.
Après en avoir mangé quelques bouchés, Ron s'exclama :
– Nom d'une chauve-souris Harry, ce gratin est un délice. Je suis tellement content que tu te sois finalement révélé dans la cuisine.
– On attend ta révélation Ronald pour la vie dans cette maison.
– Là, tu vois Hermione, je te trouve injuste. Je suis un esprit créatif. Et puis n'oublions pas que je suis le coordinateur humour officiel de cette maison.
Ils partirent tous dans un grand éclat de rire. Ce dîner leur faisait finalement oublier pour quelques instants les mauvaises nouvelles de la journée.
Une fois, le repas fini, ils débarrassèrent la table de quelques coups de baguette. Harry prépara une infusion. Ron déclara qu'il préférait un digestif. Il en proposa à tout le monde, mais seule Harmony le suivit. Il sortit d'un placard une bouteille de whisky pur-feu.
– C'est un cadeau de mon père. Un whisky tourbé des Highlands. La distillerie se situe dans les environs de Poudlard.
Il versa deux verres. Ils trinquèrent.
– Avez-vous déjà imaginé un nom pour votre entreprise ?
Ron se tourna vers Dean et Seamus.
– C'est à toi de trouver vieux. C'est ton idée.
– Et bien... Il réfléchit quelques instants. J'ai pensé au Cavalier Noir. C'est un hommage à une des plus mémorables parties d'échecs que j'ai pu jouer.
Il posa son regard sur Harry et Hermione qui étaient assis de l'autre côté de la table. Fatiguée par sa journée pleine d'émotion, Hermione ne sut pas retenir cette dernière larme qui coula le long de sa joue, celle-là même qu'Harmony avait effleurée quelques heures plus tôt.
Une fois Seamus et Dean partis, ils en revinrent au sujet d'Ombrage. La question était de savoir comment elle avait pu échapper à la prison, pourquoi la presse ne s'était pas emparée de ce sujet et enfin et surtout comment avait-elle pu revenir au ministère sans provoquer un scandale.
L'article qui retraçait son audience était très laconique. Elle avait été jugée pour son rôle dans les procès des nés-Moldus et de leur envoi à Azkaban. D'après l'article, son implication dans la décision n'avait pas pu être prouvée par l'accusation qui d'ailleurs n'était même pas mentionnée.
– C'est scandaleux !
Hermione n'en croyait pas ce qu'elle lisait là. Comment une personnalité publique comme Ombrage avait-elle pu passer au travers en sachant qu'elle avait agi devant témoin ? Harry était plus fataliste.
– Sans preuve écrite, il est difficile d'établir la culpabilité d'une personne. Elle a pu s'en sortir en jouant la carte de l'ordre donné. Et jusqu'à présent on n'a pas pu démontrer de connexion entre les Mangemorts et elle.
– Il faut ajouter à cela que votre système judiciaire, le Magenmagot donc, n'est pas indépendant, compléta Harmony. Il a certes été présidé en partie par le conseil de Démangification lors des procès des Mangemorts, mais une majorité des sièges étaient occupés par des personnes du ministère.
– Tu veux dire qu'elle avait des complices ?
– Pas forcément. Du chantage, de la pression ou des pots-de-vin. On a besoin de plus de renseignements et visiblement on ne va pas pouvoir compter sur la presse.
Le raisonnement se tenait. S'il y avait eu des bakchichs versés à des membres du Magenmagot, il pouvait y en avoir eu envers la presse. Et l'on pouvait même envisager qu'aucune information ne soit sortie ni en conférence de presse ni par la voie des communiqués officiels. Hermione déclara :
– Il nous faut interroger les personnes du ministère présentes lors du jugement.
Ron étouffa un bâillement
– Bon courage. Ça risque de ne pas être facile de les faire parler.
– Oui et encore plus si Ombrage est de retour. Il faudra être prudent et discret. Est-ce que vous connaissez une des personnes sur la photo ?
Harmony désigna la seule photo de l'article de presse. Elle représentait les membres du Magenmagot supposément présents le jour de l'audience d'Ombrage. Les trois amis se penchèrent au-dessus du cliché. Tous les membres étaient assis en rang dans une sorte d'amphithéâtre, tous en tenue de juré. Harry fut le plus rapide :
– Elle !
Il désignait Mafalda Hopkrik de son doigt.
