Dimanche 2 octobre 2005
Le croche-pied l'avait envoyé par terre. Lui et son plateau. La nourriture était à présent étalée partout autour de lui. Draco se releva lentement. Patulacci, ce gros lard de gardien, détourna les yeux, faisant semblant de ne pas voir ce qui venait de se passer.
L'ancien serpentard commença à ramasser ce qui pouvait être encore mangé: une pomme et un fromage dans son emballage. Pour le reste c'était fichu.
Dans le réfectoire, il y eut des ricanements mais pas beaucoup, la plupart des prisonniers semblait plutôt attendre la suite des évènements.
-Désolé, soixante-neuf ! fit Greyback tranquillement assis à sa table. Je ne t'avais pas vu. Pas de mal au moins ?
Draco sentit son pouls s'affoler et ses mains devenir moites, comme à chaque fois qu'il était confronté au loup garou. Il savait de quoi ce monstre était capable. Il l'avait vu arracher à coups de dents la gorge d'un gamin moldu alors qu'il n'était même pas transformé. Greyback aimait tuer, les gosses plus particulièrement, mais Draco était sûr qu'il ne serait pas très regardant à son sujet. Le serpentard se releva et s'obligea à ne pas montrer sa peur. Si les prisonniers le voyaient flancher, ça en serait fini de lui.
A Azkaban on n'avait pas le droit à l'erreur.
Alors quand il répondit, ce fut comme toujours d'un ton neutre et poli. Comme si rien de tout cela ne le touchait.
-Je vais bien, dit-il. Merci.
Greyback eut un sourire narquois. Il ne le croyait pas. Draco se demandait s'il était capable d'entendre son coeur battre à toute allure.
Mais si lui n'était pas dupe, le reste des hommes ne voyait que ce que Draco voulait bien leur montrer. Et l'image qu'il leur renvoyait était celle qui disait qu'ils n'étaient pas importants.
Tous autant qu'ils étaient, ils n'existaient pas.
Ils n'étaient rien.
Il alla s'installer là où il restait de la place et se retrouva en face de son codétenu.
Il serra les dents, il aurait encore préféré bouffer avec son oncle et ses larbins - mais il lui aurait fallu aussi supporter la présence de Fenrir et c'était quelque chose qu'il préférait éviter-.
D'un autre coté, le numéro 42 était vraiment trop curieux pour son propre bien et épuisant surtout avec sa façon de poser des questions sans en avoir l'air.
Quatre jours seulement qu'il était là et il commençait sérieusement à mettre à mal la patience de Draco.
Il avait écrit à son père dès le premier jour pour qu'il se débrouille pour faire virer ce type de sa cellule. Il ne lui restait plus qu'à attendre que la fortune des Malfoy fasse une nouvelle fois son travail.
Comme s'il suivait le fil de ses pensées Quarante-deux posa ses yeux sur lui.
-Bon appétit, lui dit-il en jetant un coup d'oeil ironique à sa pomme et son fromage.
Draco ne répondit rien. Il n'en valait pas la peine.
Ce n'était qu'un con de plus à Azkaban.
Il mordit dans sa pomme, elle n'avait presque aucun goût comme tout ce qu'on servait ici. Il ne fallait pas que les numéros éprouvent du plaisir entre ces murs, ne serait-ce que celui alimentaire.
Ils étaient là pour payer.
Pour encaisser encore et encore jusqu'à ne plus savoir pourquoi il fallait supporter tout ça. Mais ils expieraient leur connerie jusqu'au bout. A la fin, les numéros ne savaient plus faire que ça. Entre ces murs, au bout d'un moment, les gens oubliaient qu'il y avait un autre monde.
Un monde où il ne fallait pas demander la permission pour aller pisser et où le temps s'écoulait plus vite.
Ou peut-être qu'on n'oubliait rien mais qu'on s'habituait. Les humains s'habituent à tout, Draco avait lu ça quelque part.
Mais lui, ça allait faire trois ans qu'il était là et il ne s'y habituait pas.
Il n'oubliait rien et ça le tuait à petit feu.
°O°O°O°
-Écarte les bras, s'il te plaît.
Draco s'exécuta. Les mains du gardien se posèrent sur lui pour la fouille et l'ancien serpentard se laissa faire avec résignation.
Thomas Price était le gardien que le blond préférait. Il était un des seuls à ne pas les appeler par leur numéro, il ne faisait aucun favoritisme entre les prisonniers et semblait allergique à la flagornerie. Il ne les rabaissait pas plus bas que terre non plus. En clair, il faisait son boulot correctement.
L'ancien serpentard aimait bien avoir affaire à lui, surtout dans ce genre de moment. Dans le passé, il avait déjà dû supporter des fouilles pas mal humiliantes. Certains gardiens avaient en effet une conception de l'humour qui leur était assez personnelle.
-Tu peux y aller, fit Price en désignant la porte du parloir du menton. Ton avocat est déjà là.
Draco acquiesça silencieusement et entra dans la minuscule salle. Zabini se trouvait en effet déjà derrière la séparation magique, les ondes qu'elle envoyait étourdirent agréablement Draco. Le blond laissa la porte ouverte derrière lui, comme le stipulait le règlement.
-Bonjour Draco. Comment vas-tu ? demanda immédiatement Zabini une fois qu'il fut assis.
Draco ne lui rendit pas son salut et ne prit pas la peine de répondre. Zabini pouvait aller se faire foutre. A la place il le toisa, jusqu'à ce que son ancien camarade de classe soit visiblement mal à l'aise.
C'était une des seules joies de Draco, savoir que Zabini était rongé par les remords.
C'est pour cela qu'il avait voulu être l'avocat de Draco, pour se racheter. Mais c'était trop tard. Il n'y avait plus rien à racheter.
S'il était en prison c'était en partie de la faute de Zabini et ils en étaient tous les deux conscients.
Peut être y avait-il prescription et peut-être était-il temps de pardonner, mais Draco savait qu'il n'y parviendrait jamais.
Pas quand Zabini se trouvait en face de lui, portant un costume hors de prix alors que Draco n'avait pour seul vêtement qu'une sorte de pyjama rayé qui lui grattait la peau.
L'avocat se racla la gorge et reprit contenance.
-Quand ton père a su que je venais te voir, il m'a donné un message pour toi.
Draco se tendit imperceptiblement.
-Accouche, ordonna-t-il.
Il fut récompensé par un regard noir. Zabini était peut être rongé par les remords, il n'en restait pas moins quelqu'un d'extrêmement fier. C'était d'autant plus amusant de lui parler comme à un chien.
-C'est à propos de ton co-détenu, Sean Larison...
-Harrison, corrigea Draco.
-Oui. Ton père dit qu'ils refusent de le changer de cellule. Il va encore insister jusqu'à avoir gain de cause mais en attendant, tu devras faire avec.
Draco fronça les sourcils. Ce n'était pas normal. Son père arrivait en général à ses fins, un peu trop d'ailleurs au goût de Draco. C'était à cause des « intentions » de Lucius que personne ne pouvait l'encadrer dans la prison.
En voulant lui faciliter la vie, il la lui pourrissait. Mais Draco ne lui avait jamais écrit pour se plaindre.
Il savait pourquoi son père faisait tout ça.
Et il s'en fichait d'avoir des amis. Il supporterait tout sans broncher, la tête haute. Il était un Malfoy, après tout.
Et son père croyait sincèrement agir pour son bien.
-C'est la première fois que tu as un codétenu. Comment est-il ?
Draco soupira.
-Envahissant. J'ai un service à te demander Blaise.
-Je t'écoute.
-Ce Sean Harrison...Je veux que tu enquêtes sur lui. Ce n'est pas normal que mon père n'arrive pas à le faire changer de cellule. C'est comme si on voulait absolument me le mettre sur le dos. Peut-être que je me trompe mais si ce n'est pas le cas, j'aimerais savoir pourquoi.
-Il te semble étrange ?
Draco secoua la tête.
-Pas spécialement, mais mon oncle a l'air de s'intéresser à lui et je n'aime pas ça. Je me fiche des manigances de Rodolphus mais je ne veux pas être dans le coin quand il se passera quelque chose.
Zabini approuva.
-J'irai voir ce que je peux trouver sur lui, dit-il. Autre chose ?
Draco eut un sourire cynique.
-Non, tu peux disposer.
Zabini leva les yeux au ciel.
-Pas tout de suite, grogna-t-il. Je ne suis pas un foutu messager Draco. Je suis là pour le boulot.
-Moi qui pensais que c'était pour le plaisir de ma compagnie.
-J'ai eu l'avocat de Avery, poursuivit Blaise sans relever la remarque cynique. Il a porté plainte contre toi pour coups et blessures. Tu comptais m'informer quand que tu l'avais tabassé ?
Cette fois, le sourire de Draco suinta d'amertume.
-Je n'ai aucune envie de parler de ça, répondit-il.
-Il va pourtant falloir ! Raconte-moi ce qu'il s'est exactement passé.
-J'ai dit que je ne voulais pas en parler.
La voix de Draco s'était faite tranchante. Zabini soupira et passa une main dans ses cheveux. Il faisait tout le temps ça quand il était excédé.
-Je ne peux pas te sortir de ce merdier sans un peu de bonne volonté de ta part ! siffla-t-il. Si jamais les charges de Avery se rajoutent à ton dossier, tu peux dire adieu à ta libération pour bonne conduite dans trente ans. Tu finiras ta putain de vie à Azkaban !
Draco ne broncha pas.
-Avery est un salopard, reprit Blaise d'un ton plus calme. Les juges te préfèrent largement à lui. Je te connais Malfoy. Tu n'es pas du genre à utiliser la violence physique...
-C'est parce que j'avais oublié ma baguette dans ton cul, Zabini, répondit tranquillement le blond. J'ai dû improviser autrement.
Blaise eut un reniflement de dégoût mais comprit que ça ne servirait à rien d'insister sur ce sujet. Du moins aujourd'hui.
-J'ai appris autre chose, fit Blaise changeant délibérément de sujet. Lupin est dans le coma, ça va bientôt faire un mois.
Il a été une des victimes de l'attaque de la banque.
Draco se sentit blêmir. Il s'en fichait pourtant de Lupin mais Potter...Potter devait être malheureux.
-Merde..., souffla-t-il sans pouvoir s'en empêcher.
-Granger s'occupe de lui, reprit Zabini. Elle le guérira.
-Tu baves Zabini, railla Draco irrité d'être inquiet pour le héros du monde sorcier et voulant se défouler sur quelque chose.
-Et toi, tu deviens livide dès qu'on prononce le nom de Potter. Dis-moi qui est le plus pitoyable des deux, Malfoy ?
Draco eut un léger frémissement et son visage se ferma.
-Cette discussion est terminée, annonça-t-il froidement en se levant.
Il sortit du parloir, énervé contre Zabini mais encore plus contre lui-même.
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Jeudi 6 octobre 2005
Lorsqu'il se réveilla ce matin là, Harry constata qu'il avait une érection. Il grimaça et tourna son corps d'emprunt sur le côté, essayant de ne pas y faire attention mais il savait déjà qu'elle ne le laisserait pas en paix si facilement. Il ouvrit les yeux et grogna. Il avait mal dormi, une nouvelle fois.
Ses yeux captèrent immédiatement les mouvements en bas.
Draco Malfoy était debout devant leur lavabo, torse nu, et il se lavait à l'eau froide.
Harry jura mentalement, sentant son érection durcir encore mais ne put se résoudre à détourner les yeux.
L'ancien gryffondor avait déjà vu des hommes plus beaux que Malfoy. Bon sang, il avait même couché avec bon nombre d'entre eux et pourtant l'ordure agissait sur lui comme un aimant. Ça avait toujours été comme ça, déjà du temps de Poudlard et Harry n'avait jamais vraiment compris pourquoi.
Mais aujourd'hui, il commençait à comprendre : le corps sous ses yeux était nerveux et délié. Racé était le terme qui convenait. Harry se sentait hypnotisé par les muscles fins du dos de Malfoy qui roulaient sous la peau blanche au rythme de ses mouvements.
Il y avait une époque où il s'était accroché à ce dos. Il avait planté ses ongles dedans. Il l'avait caressé du bout des doigts. Il l'avait léché...
Son corps et celui de Malfoy n'avaient pas été unis dans une fusion idyllique. Il n'y avait pas eu d'« emboîtage parfait ».
Non, ce qu'il y avait eu était plus primitif. C'était de la sueur, des morsures, des coups de reins, des orgasmes violents à répétition encore.
Et encore.
Et encore.
Rien de céleste pour eux et pourtant il n'avait jamais autant décollé qu'en ayant Malfoy entre ses cuisses.
Sauf que Malfoy était un assassin. Un Mangemort. Il en était un en puissance du temps de leur adolescence et Harry avait un peu trop fermé les yeux là-dessus.
Mais cette désillusion avait remis les pendules à l'heure.
A présent, il préfèrerait se couper les mains plutôt que de les poser sur un homme tel que lui.
Il croisa le regard de Malfoy à travers le miroir et sa respiration se bloqua.
-Arrête ça ! siffla le blond.
Harry, horrifié, retira lentement sa main de son sexe. Il venait de prendre conscience de ce qu'il était en train de faire sous ses draps tout en regardant la fouine.
Et Malfoy avait deviné qu'il se branlait. Malfoy le regardait, ... regardait Sean Harrison avec dégoût.
Harry aurait voulu dire quelque chose pour se justifier, pour le détromper mais il était trop abasourdi par son propre comportement pour pouvoir émettre le moindre mot. Une semaine sans sexe n'était sûrement pas une excuse valable pour cautionner ça.
Et les yeux fixés dans ceux haineux de Malfoy, il ne débandait toujours pas. C'était ça qui était pire que tout.
-Je ne suis pas gay, reprit Malfoy d'un ton polaire, alors n'y pense même pas.
Il remit son haut avec des gestes saccadés toujours sans le quitter des yeux. Harry remarqua la marque des Ténèbres sur son bras pâle et cela lui arracha un sourire amer. Il l'avait presque oublié, le signe de sa pourriture intérieure.
-Les tapettes me révulsent, susurra encore Malfoy. On devrait tous vous tuer à la naissance.
Cette fois l'érection de Harry se fana. Il fut envahi par une colère froide où le désir n'avait plus de place.
Il n'osa cependant rien répondre de peur de se faire découvrir. Il aurait pourtant voulu rappeler à Malfoy que quelques années en arrière, il avait eu sa bouche trop occupée à le sucer pour pouvoir débiter ce genre de connerie.
Et qu'il avait aimé ça !
Oui, ce salopard, avait aimé ça !
Harry s'obligea à se calmer. Le blond ne ferait pas foirer sa mission. Tout ceci n'était que l'affaire de quelques semaines. Après ça, Malfoy allait finir de pourrir en prison jusqu'à la fin sa vie et Harry, lui, sortirait d'ici et l'oublierait.
Oublier Malfoy était devenu sa spécialité.
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Pour tout dire, Harry n'avait pas remarqué le nouveau venu avant que Lestrange ne fasse un scandale à son propos.
Ça ne faisait qu'une semaine ( ou « déjà une semaine » si on voulait son point de vue ) qu'il était à Azkaban et il n'était pas encore familier avec les quelques 170 visages de son nouvel environnement.
De plus, à peine réveillé, toutes ses pensées étaient focalisées sur ce qu'il appelait dans son esprit « Le repas des Détraqueurs » ( enfin excepté ce matin où ses hormones s'étaient rappelées à son bon souvenir ).
C'était une épreuve qui le glaçait pour le reste de la journée et chaque fois lui semblait plus insupportable que la précédente.
Il se demandait comment les prisonniers pouvaient supporter ça, sachant que chaque matin durant les années à venir les détraqueurs seraient là pour se repaître des minuscules étincelles de joies qu'ils pourraient avoir.
Celle fois ci, comme les deux jours d'avant, Louis Djih, le prisonnier qui l'avait mis en garde contre Lestrange, l'aida à se tenir droit après le passage des détraqueurs. Sa main sur son bras était un grand réconfort. Harry tremblait encore quand il le remercia d'un signe de tête.
Cet homme l'avait pris en sympathie. Ça ne servait à rien pour la mission de Harry de s'en faire un ami mais il appréciait d'être en contact avec quelqu'un à qui il semblait rester un peu d'humanité. Cette qualité était une denrée rare entre ces murs.
Harry en était là, encore groggy et glacé par l'attaque des détraqueurs quand il entendit Lestrange se plaindre à Alan Crocker - un gardien blond méprisant et teigneux - de l'arrivée d'un codétenu dans la cellule qu'il partageait déjà avec Avery.
Il désigna un type qui était encore un peu sonné après la collation des détraqueurs. La première pensée de Harry fut qu'à lui, ça ne le dérangerait pas de partager son lugubre 9m2 avec cet homme, ne serait ce que pour le plaisir des yeux.
Le nouveau codétenu de Lestrange était brun de peau comme de cheveux. Et Harry supposa que ses yeux devaient aussi être dans ces teintes.
Il ne devait pas avoir plus de vingt-deux ans...l'âge qu'avait eu Malfoy en entrant ici. Harry se demanda si le blond avait eu ce même air fier quoique nerveux, trois ans plus tôt, lors de son premier matin à Azkaban.
Puis il se dit qu'il s'en fichait et que ce qu'il espérait, c'était que Malfoy ait eu peur et qu'il se soit sentit seul. Oui seul et perdu. Comme lui l'avait été un certain matin de mai en comprenant que son cœur avait été piétiné.
Ce jour là, il avait mordu la queue de Malfoy. En se concentrant il pouvait presque encore se souvenir du goût du sang dans sa bouche, du feulement de douleur de Malfoy et de ses mains dans ses cheveux qui le relâchaient enfin.
-Sean, tu vas bien ? murmura Louis en lâchant son bras.
Harry cligna des yeux et revint dans le présent.
-Oui. Excuse-moi, j'étais perdu dans mes pensées.
-Elles ne devaient pas être très drôles, commenta le numéro 16.
Harry ne répondit rien, le nouveau venu s'était rendu compte qu'il le fixait et lui rendit un regard peu amène.
Ok, le gamin avait l'air du genre à montrer des dents pour pas grand chose.
Harry n'était pas sûr que jouer aux durs à Azkaban dès le premier jour soit une idée très fructueuse mais après tout cela ne le regardait pas.
Le nouveau portait le numéro 13 et l'Auror fut choqué de le voir partir loin de Lestrange et du petit groupe qui s'était formé pour l'écouter râler, comme si la discussion de le concernait pas. Décidément, ce mec lui rappelait quelqu'un mais il n'arrivait pas à savoir qui.
Ce ne fut que plus tard dans la matinée, quand le nouveau eut remis à sa place Greyback en personne - ce dernier avait apparemment eu le malheur de lui faire remarquer qu'il mettait trop de temps à plier les draps - que Harry trouva à qui il lui faisait penser.
Cet homme qui snobait tout le monde et qui semblait se croire au-dessus d'eux tous, c'était exactement Malfoy lors de ses plus belles oeuvres à Poudlard.
Décidément, il fallait toujours en revenir à lui.
Il lui fallut attendre la soirée pour en savoir plus sur le codétenu de Lestrange, grâce à McLeod. Le numéro 81 était une vraie commère et à la fin de la journée, tout le monde savait que le nouveau s'appelait Shandor De Lucia. C'était un sorcier Tsigane qui était enfermé pour avoir tué deux moldus.
Harry savait qu'il existait des clans de bohémiens exclusivement sorciers. Ils parcouraient les routes sans s'arrêter nulle part, ne se mêlant ni aux moldus, ni aux autres sorciers. Ils apprenaient la magie entre eux sans utiliser des baguettes mais en murmurant des sorts tout en faisant des signes compliqués avec leurs mains. Pour en avoir déjà vu à l'oeuvre, Harry savait qu'ils étaient impressionnants quand ils utilisaient la magie.
Il n'aimait pas beaucoup que ce mec soit dans la cellule de Lestrange. Il avait toutes les qualités pour plaire au Mangemort. Sa famille devait être encore plus ancienne et plus pure que celles des Malfoy ou des Black et s'il s'en faisait un allié, c'était tout un clan qui le suivrait et non une seule personne.
Et s'il avait vraiment tué des moldus, Lestrange devait déjà le considérer comme son fils spirituel. En tous cas, en ce moment il était admis à leur table ce qui ne l'empêchait pas de garder son air dédaigneux, ne semblant pas conscient de l'insigne faveur qui lui était faite.
Harry regrettait de plus en plus de ne pas avoir demandé à être placé dans la cellule de Lestrange. Plus les jours passaient, plus il était évident que Malfoy était mis à l'écart du groupe des anciens Mangemorts - et qu'il ne cherchait surtout pas à s'en rapprocher -. Sauf que même en sachant tout ça, Harry ne voulait pas changer de chambre.
Il se donnait comme excuse que ça paraîtrait louche mais en vérité, il voulait garder Malfoy sous son nez. S'il y avait une chose qu'il savait à propos du blond, c'était qu'il ne fallait pas le sous-estimer. De plus ça l'emmerdait visiblement d'avoir à partager sa cellule avec lui et tout ce qui pouvait déplaire à Malfoy était bon à prendre.
Quand il entra dans sa cellule ce soir là, Malfoy était comme chaque fois en train de lire. Mais cette fois ci, il s'agissait de la gazette du sorcier de la veille - parfois les gardiens laissait traîner les quotidiens après les avoir lus -. Le bruit qu'il fit en entrant, fit sursauter le blond. Cela étonna Harry de ne pas le voir aussi impassible que d'habitude.
-Lecture intéressante ? lui demanda-t-il.
-Comme si la vie dehors pouvait être intéressante, répondit Malfoy avec ironie.
Harry s'approcha du lavabo et retira son haut, lui tournant le dos.
-Harry Potter fait encore la première page ? demanda-t-il en attrapant le savon.
En réalité Harry avait déjà lu le journal après le travail de l'après midi. Pettigrow le lui avait tendu tout en grognant des insultes à l'encontre de la photo. Le cliché montrait Harry Potter, enfin Ron sous Polynectar, en train de serrer la main du ministre allemand de la magie.
Harry était plutôt content d'échapper à toutes ces obligations sociales. C'était toujours comme ça à l'approche de la commémoration de la fin de la guerre. Le 29 octobre ça allait faire trois ans. Parfois il avait l'impression que ça faisait une éternité et d'autre fois au contraire que rien n'était encore fini. Que c'était une blague malsaine, que Voldemort allait revenir le chercher et l'emporter avec lui en enfer.
Il ne savait plus quel auteur avait écrit - bon sang, Hermione devait l'avoir retenu elle ! - : « La guerre n'est pas une aventure. La guerre est une maladie. Comme le typhus.(1) »
Qui que ce soit, ce type avait raison, c'était exactement comme ça que se sentait Harry : malade.
Et peu importait que la guerre soit terminée, il était infecté.
Il était changé.
-Harry Potter a toujours fait la première page des magazines, annonça Malfoy d'un ton détaché, le sortant de ses mornes pensées. Je crois que c'est une chose qui ne changera jamais.
-Les gens ici ne l'aiment pas beaucoup, commenta Harry en regardant le reflet du blond dans le miroir.
Il le vit regarder la photographie qui le représentait d'un air songeur. Puis son regard se durcit et un rictus amer orna sa bouche.
Harry pensa que d'ici une seconde, il allait en prendre pour son grade.
-Les gens ici le craignent, murmura Malfoy. Ce n'était qu'un gamin et il a réussi l'impossible.
Ses yeux croisèrent les siens, brillants d'une fierté farouche qui laissa Harry sans voix. Ça ne dura qu'une seconde avant que Malfoy ne détourne le regard et ne froisse le journal dans sa main.
-Ce connard a simplement eu de la chance ! lâcha-t-il avant de se rallonger sur son lit.
Harry posa ses mains tremblantes sur le lavabo et essaya de calmer les battements de son coeur. Il devait avoir mal vu. Malfoy ne pouvait pas se réjouir de sa victoire. Il aurait voulu lui poser des questions mais il avait soudainement une peur bleue des réponses qu'il pourrait récolter.
Puis quelqu'un cria à l'extérieur, Harry s'empressa de sortir, toujours torse nu. Malfoy se retrouva à ses côtés sur le pas de leur cellule.
Tous les prisonniers avaient les yeux fixés sur le nouveau et le gardien Crocker et un silence attentif régnait dans la prison.
-Je rêve ou tu viens de m'insulter ?
Le ton de Crocker était franchement étonné.
Le nouveau se contenta de le fixer avec haine, se frottant le bras. Harry n'eut pas de mal à s'imaginer la scène qui devait avoir eu lieu quelques secondes plus tôt. Crocker aimait bien jeter des sorts sur les prisonniers, juste des petites piques de douleur pour les faire avancer plus vite ou simplement parce qu'il trouvait ça amusant. Le nouveau avait dû en recevoir un.
-Ed, Marcel, dit-il en se tournant vers ses collègues, le gitan vient bien de m'insulter n'est ce pas ?
Ed Warner eut un léger sourire et acquiesça. Patulacci se contenta de hausser les épaules. Harry commençait à être inquiet, l'équipe de ce soir ne pouvait pas être pire pour le numéro treize.
-Ce n'était pas réellement une insulte, fit le nouveau d'un ton traînant à-la-Malfoy, mais un constat puisque ta mère a visiblement dû coucher avec un elfe de maison pour pouvoir t'engendrer.
Le visage de Crocker pâlit de plusieurs teintes. Harry remarqua aussi que Malfoy n'avait plus son sempiternel air indifférent mais qu'il était devenu extrêmement attentif. Apparemment le nouveau venait de piquer son intérêt. Peut-être parce qu'il parlait le même langage que lui : le Tout-le-monde-est-une-merde-sauf-moi.
-Tu n'as pas l'air de comprendre où tu te trouves numéro Treize, siffla Crocker en remettant nerveusement une mèche de ses cheveux blonds en place. C'est Azkaban ici et je suis un gardien, donc quand je parle tu t'écrases. C'est plutôt facile à comprendre.
Cette fois le nouveau ne répondit rien, il était peut être méprisant mais pas stupide. Il passa devant Crocker, le frôlant presque. Cependant sa démarche tranquille dut être considérée comme un nouvel affront car le gardien lui attrapa le bras.
-Je veux être sûr que tu as bien compris, dit Crocker.
-J'ai compris. Lâche-moi maintenant.
Crocker sourit.
- Mets-toi à genoux et embrasse mes chaussures et je considèrerai que nous sommes quittes.
Le jeune détenu le dévisagea perplexe, attendant un rire ou quelque chose qui lui prouve que tout ça n'était qu'une blague.
-Es-tu sourd ? demanda Crocker gentiment, visiblement ravi par la tournure des évènements.
Dans l'aile Ouest de la prison, les prisonniers semblaient retenir leur souffle. Warner souriait tandis que Patulacci regardait la scène avec une indifférence que Harry trouva presque pire que le putain de sourire de son collègue.
-Je ne ferai pas ça, chuchota le numéro treize mais son murmure se répercuta contre les murs et tout le monde put l'entendre parfaitement.
-Si. Tu vas le faire. Tous tes amis te regardent, tu ne voudrais pas les décevoir, n'est ce pas ?
-Va te faire foutre, répondit le tsigane mais sa voix était beaucoup moins assurée qu'avant.
-Tant de vulgarité dans une si jolie bouche, ricana Crocker avant de jouer avec sa baguette. Si tu ne le fais pas, je t'y forcerai, pour moi le résultat sera le même. Peut-être même que je te ferais lécher mes semelles...
-Va te faire foutre, répéta le prisonnier.
Crocker se lécha les lèvres.
-Impérium ! lança-t-il et son sort percuta le nouveau dont les pieds reculèrent de deux pas sous la violence du choc.
Harry crut même qu'il allait tomber mais il se redressa finalement, le regard vide de tout. Autour de lui, les prisonniers semblaient presque renifler le reste de magie qui volait dans la pièce. Malfoy aussi, Malfoy avait les pupilles dilatées et se mordait la lèvre inférieure. Tous regardaient la baguette du gardien avec envie. Perturbé par le comportement inquiétant des détenus, l'ancien gryffondor réalisa seulement vraiment ce qui venait de se passer et poussa un cri indigné. Ce type venait d'utiliser un sortilège interdit sur un homme désarmé !
Il voulut lui hurler d'arrêter ça immédiatement mais Malfoy le poussa contre la chambranle de la porte et plaqua son avant bras contre sa trachée, coupant son souffle avant qu'il ne puisse sortir.
Le tout n'avait duré que deux secondes. Il n'avait pas vu venir les gestes du blond.
-Ta gueule, Quarante-deux ! siffla l'ancien serpentard.
Son souffle se posa sur sa peau, ses yeux gris le fixaient, dangereusement proches. Harry cessa de respirer pour une autre raison que celle du bras appuyé contre son cou.
-Tu fais bien de calmer ton pote, Soixante-neuf, s'éleva la voix froide de Crocker. Sinon, je m'occupe de vous aussi.
Quand il fut sûr que Harry était redevenu calme, Malfoy le lâcha enfin et reprit son masque d'indifférence pour regarder la suite des évènements.
Impuissant, Harry regarda Crocker ordonner à De Lucia de se mettre à genoux. Le détenu obéit sans rien dire. Il n'était plus un homme, il était devenu un pantin.
-Et maintenant lèche mes chaussures.
Harry détourna les yeux. Il dénoncerait tout ça au ministère. Crocker serait viré et ses deux connards d'amis aussi.
C'était la seule chose que l'Auror pouvait se dire pour ne pas foutre en l'air sa mission et aller chercher sa baguette pour arrêter le gardien.
-Le spectacle t'a plu, Malfoy ? demanda-t-il acide, une fois qu'ils furent de retour dans la cellule - et que les souliers de Crocker furent propres -.
L'ancien serpentard lui jeta un regard agacé.
-Bien sûr, siffla-t-il, j'adore voir les gens se faire humilier pour rien ! Bon sang, je ne sais pas à quoi tu as joué tout à l'heure. Mais la prochaine fois qu'il te prend des foutues envies de sauver le monde, attends que je ne sois plus à côté de toi ! Pauvre crétin !
-Je t'emmerde ! répondit Harry qui avait besoin de s'énerver contre quelqu'un et si c'était Malfoy c'était encore mieux.
Ce mec ne méritait pas ça !
-Tu crois que c'est un enfant de coeur ? railla Draco. Ton coup de foudre a tué des moldus. Crocker est un salopard mais le numéro treize en est un aussi. Il n'y a que des salopards entre ces murs, toi et moi compris.
-Je n'ai tué personne moi, indiqua Harry. Je ne pense pas jouer dans la même catégorie que vous autres.
Malfoy lui jeta un drôle de regard.
-Tu es peut-être là pour vol, Quarante-deux, murmura-t-il dangereusement, mais je suis plutôt doué pour lire entre les lignes. Je sais reconnaître un mec qui a du sang sur les mains quand j'en vois un. Et toi, tu as tout à fait le profil.
Harry sentit sa gorge s'assécher. Malfoy ne pouvait pas être aussi clairvoyant, n'est ce pas ? Merde, s'il avait découvert ça, qu'est ce que ce connard avait deviné d'autre ?
-Tu racontes n'importe quoi, articula-t-il.
Malfoy le dévisagea de ses foutus yeux couleur acier.
Ils étaient comme les barreaux de cette prison, froids et implacables.
Et comme eux, ils retenaient Harry prisonnier.
-Possible, murmura Malfoy en détournant finalement le regard. Finis de te laver Quarante-deux et ne prends pas toute l'eau cette fois.
Le blond s'installa sur sa couchette sans plus faire attention à lui. Est-ce qu'il avait lancé le truc du sang sur les mains par pur hasard, pour voir la réaction de Harry ? Ou était-il sérieux ?
Harry décida de faire très attention à Malfoy.
Il avait choisi sa cellule parce qu'il connaissait le blond et pensait que ça allait être plus facile de le questionner et de savoir s'il mentait ou non.
Mais Malfoy le connaissait aussi. Si quelqu'un pouvait le démasquer, c'était lui.
Ça ne donnait que plus de piquant à cette mission.
Et Harry savait qu'il arriverait à ses fins.
Il gagnait toujours contre Malfoy.
A suivre...
