Traduction : Tressym383
Relecture : Zodiaaque
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Résumé : Un incident sur le chemin du retour pousse Kirishima à chercher des réponses.
Le retour en métro n'était pas long, mais il l'était assez pour que son esprit dérive de nouveau sur All Might. Les gens s'ennuyaient-ils si la victoire était trop facile ? Voulaient-ils que les héros souffrent pour leurs victoires ? Quel genre de stupidités c'était ?
Peut-être qu'ils m'aimeraient un peu plus s'ils savaient le nombre de fois où je me suis fait frapper
Non, ça ne fonctionnerait pas comme ça. Les gens aimaient All Might. Quand il était au plus bas, tout le monde l'encourageait pour qu'il puisse se relever. Lorsque Bakugo l'était, les gens étaient satisfaits de voir qu'il avait ce qu'il méritait. Ils y voyaient une occasion de lui apprendre l'humilité, de le remettre dans le droit chemin.
Qu'ils aillent se faire voir. Ces connards ne savaient rien sur lui.
Il sortit de ses pensées colériques lorsque quelque chose agrippa son poignet. En un instant, il plaqua quiconque avait décidé de l'agresser contre la porte de la rame.
"Qu'est-ce qui va pas avec vous, putain ?!" s'écria l'inconnu. Un homme en costume un peu plus grand que lui, mais pas aussi fort.
"Avec moi ?!" Il tressaillit au son de sa propre voix, aiguë et paniquée (un son qu'il espérait ne jamais reproduire). Il tordit plus fermement le bras de l'étranger derrière son dos. "T'es celui qui agrippe des inconnus au hasard !"
"Je suis un putain de journaliste, espèce de taré !"
Le blond le relâcha d'un mouvement sec, pressant une dernière fois le visage de l'homme contre la vitre.
"Bon Dieu." Il se frotta le coude en se retournant. "J'allais juste vous demander une interview."
"Alors demande juste." il grogna. "T'as pas à me toucher pour ça, putain."
"Je l'ai fait !" Le journaliste bégaya d'exaspération. "J'arrêtais pas de crier, mais j'arrivais toujours pas à avoir votre attention !"
Merde, il devait prendre rendez-vous pour ajuster ses appareils auditifs. Cette merde allait le faire tuer.
"Et l'idée que je voulais juste pas te parler t'a jamais traversé l'esprit ? T'as pensé à ça, connard ?!"
"Oh, je vois." Le journaliste leva les yeux au ciel. "Vous ne voulez rien avoir à faire avec quelqu'un qui, selon vous, n'est pas assez bien pour vous parler. Vous ne prenez même pas la peine de lui dire non."
"Un crétin comme toi le respecterait pas de toute façon !" Il souffla lourdement pour tenter de se ressaisir. "Personne me laisse jamais dire non !"
L'homme sembla intrigué.
"Pourriez-vous élaborer ?" Il se pencha plus près, la colère soudainement évaporée.
"Non putain, je vais certainement pas faire ça." Bakugo jeta un coup d'œil au prochain arrêt et se décida juste à temps. Il descendit de la rame à la seconde où les portes s'ouvrirent, malgré les protestations du reste du groupe. Alors que les portes se refermaient derrière lui, il entendit le fouille merde demander, "Vous pensez qu'il parlait du festival sportif ?"
"Bakugo, attend !"
Tête d'orties
Il continua sa course, forçant l'autre garçon à trottiner pour le rattraper.
"Ce mec était vraiment insistant." souligna Kirishima.
"Sans blague." il grogna.
"Tu vas me montrer les jolis passages locales ?"
"Y a pas grand-chose à voir." il lui répondit amèrement. "La ville est uniquement sympas autour de l'école et au centre-ville."
"T'as grandi par ici, non ?" Cet idiot semblait si sincèrement intéressé par des détails de merde, comme l'endroit où il avait grandi, que s'en était désarmant.
"Ouais. Mes parents ont une maison hors du centre-ville. Les banlieues sont bien, mais ça craignait autour de mon collège."
"Ma ville natale était petite et banale, donc à peu près tout est intéressant à côté." Kirishima haussa les épaules.
La foule s'éclaircit une fois qu'ils furent suffisamment éloignés de la station de métro, les larges places se rétrécissant pour former peu à peu un réseau de rues résidentielles.
"Fais pas coucou aux gens, idiot ! C'est bizarre." Il rit presque lorsqu'un inconnu s'éloigna, mal à l'aise face au salut plein d'enthousiasme du rouquin.
"Pourquoi ?"
"Les gens de la ville font pas ça. Regarde personne, continue juste de marcher et occupe-toi de tes propres affaires."
Le trottoir devenait de plus en plus abîmé et craquelé, même complètement brisé par endroits. Des graffitis décoraient du ciment abâtardi avec des slogans et des symboles que seuls les locaux comprenaient. Il y a quelques années, il avait lui-même ajouté son propre tag, trop jeune encore pour comprendre que certains parmi eux n'étaient pas qu'artistiques. Il aurait pu prendre l'avenue principale un peu plus loin, mais une partie amère de lui préférait la rugosité familière des plus petites rues.
Vaut mieux garder cet idiot près de moi.
Mais l'idiot en question était dix mètres derrière, arrêté à l'intersection d'une ruelle étroite.
"Qu'est-ce que tu fou, bordel ?"
"Juste une seconde." Kirishima lui fit signe tout en fouillant ses poches et s'aventura dans la ruelle. Bakugo fit marche arrière pour pouvoir voir ce que foutait la tête de nœuds.
Une forme recroquevillée dormait blottie dans une cage d'escalier. Le visage masqué par une capuche épaisse, un bras au travers de la sangle d'un sac à dos usé et des baskets enveloppées de ruban adhésif. Kirishima se rapprocha doucement, s'agenouillant juste assez longtemps pour placer quelques billets sous la bouteille d'eau. Il se souvint que Deku avait fait quelque chose de similaire une fois et fronça les sourcils.
"Allez Tête d'orties, t'auras d'autres occasions de prendre des clochards en pitié."
Le temps que Kirishima trottine pour le rattraper, il se renfrogna.
"Si je peux rendre la journée de quelqu'un meilleure, pourquoi m'en priverais-je ?"
Bakugo secoua la tête dans une exaspération silencieuse et reprit sa marche.
Kirishima ne devrait pas exister dans un monde comme celui-ci
Il avait dormi dans cette cage d'escalier une fois. Plus d'une dispute avec sa mère s'était terminée par sa mise à la porte. Parfois par choix, parfois non, et ce jusqu'à ce que sa mère puisse supporter de le voir à nouveau. Au début, il allait dans l'aire de jeux, utilisant le labyrinthe de tubes en plastique comme abri. Ce rituel avait pris fin le jour où un autre habitué de la rue l'avait remarqué. Peu importe si l'inconnu au bonnet rayé et aux cigarettes Marlboro était réellement dangereux ou essayait juste de lui parler pour tuer le temps, il ne le saura de toute façon jamais. Il avait pris soin d'éviter de passer trop de temps au même endroit après ça.
Ils étaient quasiment de retour au lycée lorsque Kirishima mit fin au calme.
"Je peux te demander quelque chose ?"
"T'as pas levé la main." il répondit, indifférent. Le carmin ignora la pique, une interrogation préoccupée que Bakugo voulait faire disparaître visible sur le visage.
"Quand t'as dit que personne te laissait dire non, tu parlais des vilains ou des héros ?"
Son cerveau eut à peine le temps de traiter la question avant qu'il ne pousse tout le sujet dans la case « ne pas y penser ». Les menottes et les chaînes avaient secouées ses sens, rouvrant des blessures plus anciennes et plus profondes avant qu'il ne puisse les en empêcher. Mais les vertiges s'étaient arrêtés soudainement. Comme un couvercle étanche refermant un mixeur. C'était toujours là, mais c'était contenu.
Il ne regarda pas Kirishima durant tout le trajet côte à côte jusqu'à leur chambre. Il trouva une réponse parmi le chaos qu'étaient ses pensées que lorsqu'il s'arrêta devant la porte de la sienne.
"Les deux." Il ne pouvait pas le regarder, il devait juste espérer que l'autre comprendrait. "Les deux, et plus."
Il referma la porte trop rapidement derrière lui et s'y adossa pour glisser au sol. Cachant comme un lâche tout ce qui pourrait découler de son moment de faiblesse.
Des sensations importunes vacillaient au bord de sa conscience. Cette fille métamorphe n'avait aucune compréhension de ce qu'était l'espace personnel et même lorsque ce petit merdeux n'était pas là, Deku réussissait toujours à le torturer.
"T'es ami avec ce garçon qui s'appelle Midoriya, n'est-ce pas ?" elle demanda, le bras tenant son portable sur le dossier de la chaise qu'elle chevauchait, l'autre faisant paresseusement tourner un couteau.
"On est pas amis."
"Mais ils disent ici que vous avez grandi ensemble." Elle fit défiler quelques articles sur le festival sportif. "Vous étiez ensemble en primaire notamment. Donc tu devrais le connaître."
"C'est pas la même chose."
"Qu'est-ce qu'il aime ?" Ses yeux rouges emplis de curiosité se reposèrent sur lui.
"On s'en tape. En quoi ça t'intéresse ?"
"Je l'aime bien." elle répondit sérieusement. Puis, elle se leva et réduit la distance qui les séparait. "Il était si mignon, tout meurtri et brisé. Mais toi aussi tu pourrais certainement avoir l'air mignon si t'étais bien traité."
"T'es une putain de tarée."
"Ouais, enlever cette expression renfrognée, ajouter quelques coupures…" Elle tendit la main et traça une ligne sur sa joue. "Ici."
"Et ici, et…" elle continua, ses doigts traçant tous les endroits qu'elle voulait marquer. Elle ne pouvait pas atteindre ses bras à cause des entraves, mais elle lui fit clairement comprendre qu'elle voulait de longues coupures verticales le long de ses avant-bras. Son cou l'intéressait particulièrement, des lignes délicates se dessinant lentement sous sa mâchoire. Ses mains descendirent le long de son dos jusqu'à ce qu'elle puisse glisser l'une d'elles sous son haut et tracer quatre griffures au-dessus de sa ceinture.
"Qu'est-ce que tu fous, putain ?!"
"Tout ce que je veux." elle taquina. "Shigaraki a dit de ne pas te blesser. C'est la seule règle. Tout le reste ne dépend que de moi."
Elle lui tourna autour, le bout de ses doigts restants en place sur son ventre.
"J'avais raison." elle sourit. "T'es bien plus mignon quand t'es effrayé."
"Je suis pas effrayé !" il souffla, le point frappant sa porte dans un claquement sec.
Bien sûr que non
Le fou rire de la blonde passa du passé au présent et une nausée soudaine l'envoya se tordre au-dessus des toilettes. Des spasmes douloureux vidèrent son estomac déjà quasiment vide. Il se mordit le dos de la main en s'effondrant contre l'entrée de la douche.
Putain, il voulait juste dormir, mais son cerveau de merde ne le laissait même pas faire ça. Il passa des heures à gesticuler sur son matelas avant de se faire réveiller par des rêves malvenus lorsqu'il réussit enfin à le faire. Ses yeux se dirigèrent vers sa pharmacie lorsqu'une idée lui vint.
Il lui restait encore quelques analgésiques depuis la dernière fois qu'il s'était sévèrement blessé avec son alter. À l'époque, il avait décidé que les médicaments allaient le déconcentrer scolairement et qu'il n'était pas assez faible pour en avoir besoin, il les avait donc laissés de côté. Mais désormais... C'était une forme de douleur, non ? C'était pas comme s'il pouvait se concentrer sur sa scolarité dans cet état de toute façon. Autant en profiter et passer une bonne nuit de sommeil. Il attrapa le flacon oublié depuis longtemps et en secoua deux cachets.
Une heure plus tard, il se sentit plus détendu qu'il ne l'avait été depuis des semaines.
"Qu'est-ce tu fais, Kiri ?" Mina s'affala sur ses épaules alors que l'interpellé réduisait rapidement l'onglet de son ordinateur.
"Rien."
"Tu regardes du porno dans la salle commune ?" elle taquina. "Audacieux."
"J'étais pas-"
"C'est bon, pas de honte à avoir un petit penchant exhibitionniste." Elle leva les mains pour le rassurer. "À moins que ça ne fasse parti du frisson. Si c'est le cas, t'as juste un mot à dire et je pourrai te couvrir de honte autant que tu veux."
"Je ne..." Il rouvrit l'onglet pour que Mina puisse lire, poussant l'écran vers elle dans un soupir exaspéré.
Signes d'abus chez les adolescents.
"Oh."
Elle glissa de ses épaules à la place à côté de lui.
"Je m'inquiète aussi pour lui." elle confia doucement.
"Vous commencez une soirée « memes » sans nous ?!" se plaignit dramatiquement Kaminari.
"La soirée la moins fun que tu puisses imaginer." répondit Mina.
"Pas moins que le budget clowns du centre de loisir." Kaminari répondit immédiatement. "Avec une seringue dans la piscine à boules."
"C'est très spécifique tout ça, Kami." releva Sero. "T'as besoin d'en parler ?"
"J'ai peur de ne pas pouvoir, mon ami." lui répondit le blond d'un feint ton grave. "La blessure est trop profonde pour guérir."
"En parlant de blessures trop profondes pour guérir." Le ton jovial s'évapora alors que Sero se tournait vers Mina. "À en juger par la tête de Kiri, j'imagine que c'est à propos de Bakugo."
Était-ce si évident ?
"Je sais qu'il voudrait pas qu'on s'en préoccupe trop." répondit finalement Kirishima. "Mais ouais, je suis un peu inquiet."
"C'est Bakugo." Kaminari haussa les épaules. "Il s'est fait kidnappé par la Ligue des Vilains actuelle et ça l'a pas perturbé pour autant, je doute qu'une réprimande de sa mère puisse le déprimer."
Une nuit passée pressé contre leur mur commun lui revient en mémoire. Il y avait eu des crépitements éclatants comme des pétards et des cris étouffés, suivis de sanglots. Si l'entêté Bakugo on-explose-d'abord-on-parle-après n'avait aucun soutien chez lui, à qui pouvait-il parler ? Personne ?
"Je pense pas qu'il aille aussi bien qu'il le prétend." admit doucement Kirishima.
"Qu'est-ce que dit ton site ?" Mina redirigea le groupe vers des eaux plus sûres et moins spéculatives.
"L'article est long." il tenta de détourner le sujet.
"Allez, Kiri !" elle insista. "On est aussi ses amis."
"Il y a pas mal de points qui s'appliquent pas à Bakugo, comme le fait d'avoir des mauvaises notes." il soupira. "Mais il y a d'autres choses…"
"Comme quoi ?" l'encouragea Sero.
"Il y a beaucoup de trucs sur les comportements violents, la mauvaise gestion de la colère et le retrait social."
"Ça a l'air de correspondre à Bakugo." Mina hocha pensivement la tête. "C'est juste ce qui s'est passé aujourd'hui qui te fait penser que la vie chez lui est la cause de tout ça, ou il y a autre chose ?"
Il ne pouvait pas leur parler de la confession de Midoriya. Todoroki avait sûrement sous-estimé l'intelligence émotionnelle de Mina, mais ce n'était pas à lui de lui dire.
"Eh bien, cette partie sur les troubles de l'attachement est... assez juste." Il ajusta l'écran pour que ses amis puissent lire.
• Aversion au toucher et à l'affection physique : plutôt que de produire des sentiments positifs, le toucher et l'affection sont perçus comme des menaces. Ils peuvent rencontrer des difficultés à exprimer naturellement de l'intérêt ou de l'affection.
• Mauvaise gestion de la colère : incapacité à gérer la frustration. Ils peuvent s'emporter aussi bien abruptement que de manières plus socialement acceptables, comme un high-five donné avec trop de force.
• Problèmes liés au contrôle : ils peuvent mettre toute leur énergie à éviter la sensation d'impuissance et essayer de garder les choses en mains. Ces jeunes sont souvent désobéissants, provocants et bagarreurs.
"Oh..." Sero serra les dents en sifflant. "Ça fait sens."
"Vous pensez que ses parents lui font quoi ?" Kaminari reprit.
"Eh bien..." Kirishima se repositionna, mal à l'aise, et imagina la rage dans laquelle Bakugo serait s'il était au courant de cette conversation. "Sa mère lui dit des trucs assez tordus. Comme quoi il serait faible ou pas assez bon."
"J'imagine." L'expression de Kaminari se ferma. "Mais ça vaut pas la peine d'appeler les services sociaux pour autant."
"Elle l'a frappé à la tête sur le parking plus d'une fois." Arrête de parler, la conscience de Kirishima lutta contre elle-même.
"Toutes les familles ont pas le même genre d'éducation." défendit Kaminari. "Ma mère me gifle quand je fais quelque chose de stupide, mais ça fait pas vraiment mal. Elle se soucie de moi. Elle me défend même quand mon père devient fou à cause de mes notes."
"Il y a différents types de comportements abusifs." coupa Mina. "C'est pas parce qu'un parent fait quelque chose d'abusif que son enfant doit forcément être placé ailleurs, mais ça veut pas dire pour autant que c'est pas un problème."
Kaminari resta silencieux, mal à l'aise.
"Que dit ton père sur tes notes ?" elle demanda plus doucement.
"Que je suis stupide et que je réussirai pas à devenir un héros." il marmonna.
"Ouais, Kami, c'est pas sain." elle assura.
"Pourquoi tout est si compliqué ?" Sero s'effondra sur le canapé, les paupières étroitement fermées par la frustration.
"Je sais pas quoi faire." Kirishima referma l'ordinateur qui lui avait donné plus de questions que de réponses.
"Peut-être qu'on devrait essayer de... demander à un adulte ?" proposa Sero. "Comme Aizawa ou Recovery Girl ?"
"Ils feront rien sans preuves." rejeta Kaminari.
"Bakugo est le chouchou d'Aizawa." ajouta Mina avec espoir.
"Quelqu'un devrait au moins essayer de lui parler avant qu'on lui colle les professeurs dessus." maintient fermement Kaminari.
Tous les regards se tournèrent vers Kirishima.
"Qu'est-ce que je suis censé lui dire ?" il se demanda à haute voix.
"T'es le confident de Bakugo." Mina haussa les épaules. "Peu importe ce que tu décides de faire, on sera avec toi."
"Je ferai de mon mieux." fut tout ce qu'il put promettre. Il y avait cependant eu un tas de fois où son « mieux » n'avait pas été suffisant.
