Mon voyage a débuté depuis un petit moment maintenant. J'ai rencontré Tarak d'ailleurs sur la route pour aller chercher mon pokedex et en effet, il a lui-même confirmé n'avoir aucun sens de l'orientation. Nabil n'exagérait pas en fin de compte, mais du coup je me demande comment il a bien pu réussir son voyage initiatique et devenir Maitre sans se perdre dans Galar… Mystère.

Le laboratoire du Professeur Magnolia était rempli de livres presque du sol à plafond. J'y aurais bien jeté un œil, mais à ce moment là, Victor et Nabil étaient encore une fois pressés de recevoir leur pokedex et que fassions nos premiers pas dans les Terres sauvages.

J'ai également rencontré Sonya, une autre dresseuse amie de Tarak, au laboratoire. J'ai cru c'était elle le Professeur au début avant de finalement me dire qu'étrangement, elle n'avait pas la tête de l'emploi. Enfin, j'imaginais le Professeur comme quelqu'un avec une attitude plus sérieuse peut-être, je suppose. Finalement, elle serait en fait la petite-fille du Professeur et j'en ai déduit que Magnolia devait être plutôt âgée pour avoir une petite-fille déjà adulte. Apparemment en tout cas, elle et l'actuel Maitre auraient fait le Défi des arènes ensembles. J'ai eu comme l'impression qu'il y avait effectivement un lien très fort entre ces deux-là. Voir même plus qu'une simple amitié, qui sait… Peut-être la recroiserais-je ailleurs, plus tard.

J'ai été un peu surprise que ce soit Sonya qui nous donne le pokedex plutôt que sa grand-mère. Elle l'a rapidement installé sur nos Motismart avant de nous dire d'aller voir le Professeur au bout de la route 2. Evidemment, les garçons se sont précipité les premiers alors que pour ma part j'étais plutôt en train de m'interroger sur ce Professeur absent de son laboratoire. Pour connaitre la raison de cela il ne me restait qu'à me rendre chez la dame donc. Avant cela cependant, et parce que c'était plus fort que moi, j'ai profité du fait que Sonya s'interroge quant à savoir si Tarak s'était déjà perdu ou non pour fureter un peu dans le labo. J'avais vraiment très envie de jeter un œil aux livres du Professeur et je ne regrette pas de l'avoir fait.

J'en ai appris un peu plus sur ce phénomène que je n'ai vu qu'à la télévision pour le moment : le Dynamax. Cette forme colossale que peuvent prendre les Pokemon n'est apparemment possible que dans certains lieux précis et sous certaines conditions. Voilà qui est bien étrange, serait-ce un stade d'évolution non définitive ? Je me demande aussi ce que peuvent bien ressentir les Pokemon lors de cet événement. Sont-ils déstabilisés ? Ont-ils peur ? J'ai beaucoup de questions à ce sujet et j'espère que comme les autres que je me pose, elles trouveront une réponse durant ce voyage.

Avant d'aller voir le Professeur nous sommes aussi passé par notre premier Centre Pokemon. J'espère ne pas avoir à trop souvent visiter ce lieu, blesser mes Pokemon n'est pas une chose qui me fait vraiment plaisir et ce, même si c'est dans le cadre d'un combat. Je sais que je n'ai pas le choix, mais vraiment, si je peux l'éviter, je ferais tout ce qu'il faut. Ces centres ont beau avoir tout ce qu'il faut comme équipement, ce n'est pas une raison à mes yeux pour y emmener mes compagnons plus que nécessaire.

Sur le chemin nous menant à la maison du Professeur Magnolia, Victor et Nabil ont commencé à entrainer leurs Pokemon et même à en attraper autant qu'ils le pouvaient. Au début, je les ai regardé faire, un peu perplexe voir même choqué de les voir faire combattre leurs amis « pour rien ». Nous venions de visiter le Centre, et déjà ils blessaient leurs compagnons pour… Pour quoi exactement ? Je ne l'ai pas vraiment compris sur le moment. Ce n'est que lorsque je les ai laissé faire et que je suis partie devant la première que j'ai finalement entrevu leurs raisons.

Je suis tombée sur plusieurs autres jeunes dresseurs, parfois plus jeunes que nous d'ailleurs. Ceux-ci, à peine nos regards s'étaient-ils croisés, me défiaient de faire un combat. Défi que je n'étais visiblement pas, encore une fois, en mesure de refuser. Je devais bien m'y faire, notre monde n'était rythmé que par cette éternelle question : quand et contre qui sera mon prochain affrontement ? Hélas, ne voyant pas l'intérêt de fatiguer, voir faire du mal, à mes amis Flambino et Minisange, je ne les avais pas entrainés au préalable. J'ai bien cru que mes pauvres Pokemon allaient tomber K.O à cause de cela dès le premier combat. C'est là que j'ai vraiment compris une chose essentielle : ce monde et mes propres convictions concernant les Pokemon s'opposent totalement.

Du moins, je ne peux apparemment pas juste me contenter de vivre avec mes compagnons. Non, avant cela je dois achever ce voyage initiatique, peut-être devenir Maitre et trouver enfin un sens, une orientation, à donner à ma vie ensuite. Je suis obligée d'en passer par là, peu importe à quel point je ne le souhaite pas. Les choses sont ainsi et y contrevenir n'est pas une option. Cette réalisation, première réponse apportée par ce voyage que j'ai entreprit, est difficile à accepter. Très difficile. Tellement que j'ai dû faire une pause, après être revenu au Centre Pokemon bien plus vite que je ne l'avais prévu au départ. Et je suis resté là, sur un banc, à réfléchir comment j'allais bien pouvoir devenir une dresseuse quand je me refuse à faire du mal à mes Pokemon.

Une seconde réalisation m'est alors venue : je vais devoir être comme tous les dresseurs, du moins en partie. Puisque je ne veux pas voir souffrir mes amis pour rien mais que je dois quand même faire des combats pour avancer dans cette aventure, je vais devoir faire un compromis. Je vais devoir blesser les Pokemon de mes adversaires afin que les miens deviennent suffisamment forts pour ne plus l'être… Je vais devoir être égoïste avec une partie – la majorité – des Pokemon. Cette réalisation en particulier est sans doute celle qui sera la plus horrible et dure de tout mon apprentissage de la vie de dresseuse. Lors de cet instant, je l'avoue, j'ai regretté de tout mon cœur d'avoir ce genre de considération et de réflexion, là où mes pairs n'en ont pas la moindre. Pour eux tout ceci est normal, logique. Alors pourquoi pas pour moi ?

Parce que j'ai vu et entendu ce que certainement une enfant n'aurait pas dû voir ou entendre à un si jeune âge. Peut-être que sans cela je n'aurais pas été marquée par ces images et je n'aurais pas tous ces doutes et toutes ces questions morales qui me tournent en tête. Je n'aurais pas ce dilemme qui se pose devant moi, bien trop jeune pour pouvoir y faire face véritablement avec tout ce que ça implique. J'ai donc pris un temps, relativement long, pour me faire à tout ça. Même aujourd'hui, alors que je parcours les premières Terres sauvages, j'ignore si je me ferais vraiment totalement à tout ça. Chaque fois que j'envoie mes amis au combat, oui, ils deviennent plus fort. Mais en contrepartie nous faisons du mal à d'autres pour cela.

J'avais une mine bien sombre lorsque j'ai fini par arriver chez le Professeur Magnolia. Victor et Nabil heureusement, n'ont pas pu voir mon expression avant que je fasse comme si tout ça n'agitait pas mon esprit. Ils étaient bien trop occupés à écouter et observer Tarak discuter avec une vielle dame. Sans doute était-ce le fameux Professeur d'après ce que je savais grâce à Sonya, et j'avais raison. C'était bien elle et elle s'est avéré être très gentille. J'ai appris avec cette rencontre que le Dynamax était justement le domaine d'étude du Professeur et cela semblait être logique avec tous ces livres sur le sujet au laboratoire. Nous avons également appris que ce phénomène étrange pouvait bien être utilisé en combat et pas uniquement à la Ligue mais aussi dans certaines arènes du Défi du même nom.

Grâce à Nabil, qui a habilement manœuvré pour ça avec la Professeure, nous avons finalement tous les trois obtenu la fameuse lettre de recommandation pour participer à ce défi. Je m'en serais bien passé car c'est encore là un nouveau moyen de faire plus de combats et donc plus de mal aux Pokemon. Mais encore une fois, c'est ce qu'on attend de moi, de nous trois. Puis-je vraiment m'y opposer et revendiquer que je ne veux pas avoir à faire ça ? A ce moment-là il me semblait bien que non, que j'étais dans une impasse sans vraiment de choix différent à pouvoir faire.

C'est la voix toute tracée pour tous les jeunes, un passage obligé afin de trouver un sens à sa vie et comprendre le lien que les humains ont avec les Pokemon. Sans cela, ma plus grande crainte était de ne jamais trouver quoi faire de mon existence et que mes amis me soient enlevés pour cette raison. Chose encore plus inacceptable que de surmonter mon profond malaise pour tout ça. Je devais être forte, mes compagnons Pokemon seraient là pour m'y aider. Je n'avais donc pas le choix et c'est un nouveau combat qui allait sceller mon destin. Tarak voulait voir si vraiment nous étions assez forts pour qu'il nous recommande et échouer volontairement n'était pas une option. Pas sous l'œil aiguisé du Maitre qui aurait immédiatement percé à jour mon « problème » quand pourtant j'avais su gagner sans effort contre Nabil la première fois.

Tout le monde s'évertue à me dire autour de moi que les Pokemon aiment se battre entre eux. Peut-être est-ce en partie vrai, dans une certaine mesure. Pourtant je sais qu'il existe des situations où ce n'est pas la vérité universelle, je l'ai vu. Des moments où les choses vont bien plus loin qu'un simple combat amical. Trop loin même. Ce n'est peut-être pas la majorité des cas, mais je ne doute pas que si cela arrive, ce n'est pas isolé non plus. Je ne dois pas être la seule à avoir été témoin d'un tel moment. Je me dis que les gens ne veulent juste pas le voir, voilà tout. Que seuls ceux qui y ont été confrontés, humains comme Pokemon, peuvent vraiment s'en rendre compte.

Alors depuis je ne dis rien, et je fais ce que l'on attend de moi : je combats. Et le pire dans tout cela ? J'aurais apparemment du talent pour ça. Je me dis surtout que ce sont mes amis qui font tout le travail et me font confiance pour les orienter au mieux lors de nos affrontements contre d'autres dresseurs ou Pokemon sauvages. De ce fait cependant, on attend donc beaucoup de moi à cause de ce « don » pour les combats quand moi je pourrais presque dire que je déteste ça. Quelle ironie qu'en plus je sois douée dans ce destin tout tracé. Voilà qu'à présent repose sur moi non plus seulement les attentes de Maman, de Victor ou de Nabil, mais aussi celle du Maitre actuel qui m'attends tout au bout du Défi des arènes.

Tout semble vraiment me pousser dans cette quête semée de combats en tous genres. Nous avons même eu la chance, lorsque nous nous trouvions chez le Professeur Magnolia, que des Etoiles Vœu soient tombées pile à cet instant. Ce n'est qu'une coïncidence certainement, mais voilà encore un exemple montrant que je ne peux échapper à cette route toute tracée car tout m'y fait cheminer contre mon gré. Plus tard, je me poserais sûrement cent fois la question, mais à ce moment-là j'en étais persuadée : je ne peux pas lutter.

Peut-être que j'exagère encore, ce n'est pas si insurmontable de participer à ce défi comme je suis censée le faire avec enthousiasme. Mais si les autres avaient le cœur aussi lourd que l'est le mien lorsque je mène l'un de ces combats, sans doute penseraient-ils comme moi et rêveraient-ils à une liberté de pouvoir refuser. Il n'y a pas qu'une seule et unique façon de comprendre le lien que nous avons avec les Pokemon, tout comme mener des combats n'est pas toujours ce que toutes ces créatures souhaitent non plus. Un jour, je l'apprendrais et ferais tout pour ne plus avoir à suivre cette destinée…