Chapitre 4
Les premières lueurs de l'aube s'infiltrèrent par les fissures de la voûte d'ogives, se faufilant au travers la sinuosité de l'architecture ancienne, chassant peu à peu les ombres de leurs refuges. Sur le sol dallé, des traces d'humidité, de la mousse encrée entre les cassures des carrelles témoignait de l'atmosphère humide du souterrain.
Laëllia était toujours assise auprès de Flavien, sa jupe étendue par terre comme une nappe circulaire, recouvrant totalement ses pieds. Elle leva les yeux vers les fissures de la voûte, un jet de lumière inondant son visage, scintillant sur sa peau d'ivoire. Elle ferma les yeux un moment et inspira doucement, comme si elle puisait son énergie dans celle de l'astre du jour.
Flavien l'observa, fasciné par les rites étranges de la jeune Hörinui. Elle semblait prise dans une espèce de prière ou un rituel insolite.
-La lumière du soleil me permet de garder mes pouvoirs de guérisseuse, Dit doucement la jeune fille comme si elle avait lu dans ses pensées, Elle m'est indispensable car après 48h sans soleil, je n'ai plus aucun pouvoir.
Flavien hocha lentement la tête, ne comprenant pas exactement le fonctionnement de ces mystérieuses techniques, mais les acceptant sans questions. Il avait lui-même bénéficié de ceux-ci, car sans les pouvoirs Höninui, il serait sûrement mort à l'heure qu'il était.
Laëllia abaissa la tête, prit une autre inspiration et ouvrit les yeux.
-Vous sentez-vous assez fort pour vous lever? Demanda-elle doucement en reposant son regard sur l'opérateur radar.
Flavien fut surprit par cette question. Il se remettait d'une très récente blessure, mais bizarrement, en y pensant bien, c'était vrai qu'il ne ressentait plus aucune douleur, seulement un désagrément, comme lorsqu'on se fait une ecchymose.
-Je me sens bien…un peu faible, mais bien.
-Je vais vous aider.
Laëllia se mit debout, et passa une longue cape soyeuse sur elle. La pèlerine en question semblait être fait de soie noire, et recouvrait la longue jupe jusqu'au sol. Les longues manches s'élargissaient à partir des coudes et lui recouvraient presque totalement les mains. Laëllia posa le large capuchon sur ses cheveux d'ébène et tendit la main à Flavien, qui l'accepta gracieusement.
Une fois debout, il vacilla légèrement, puis se reprit rapidement et accueillit avec reconnaissance l'appui de la jeune fille. Elle lui posa un grand manteau semblable au sien sur les épaules et lui sourit.
-Ce sera bientôt la saison froide, il ne faudrait pas que vous attrapiez froid.
Flavien la remercia et la suivit hors la grande pièce traversée de puits de lumière. Suivant Laëllia dans un couloir sombre, Flavien aperçut bientôt un long escalier sinueux qui montait vers la surface. Laëllia emprunta les premières marches, sa pèlerine bruissant légèrement derrière elle. Flavien entreprit le même chemin, mais ralentit aussitôt car sa blessure lui causa un vertige soudain. Il s'appuya sur le mur de pierre d'une main et posa la seconde sur son torse. Il prit une grande inspiration et sentit la force lui revenir. Il continua à monter.
La montée était longue et étroite, et dura pendant plusieurs minutes. Les murs rocheux étaient gravés d'écritures anciennes et presque entièrement recouverts de mousse. Au sommet, Flavien vit une trappe d'ou semblait s'infiltrer de la lumière. Laëllia l'ouvrit et un flot éclatant envahit le souterrain et aveugla le jeune homme encore trop habitué à l'obscurité.
Il sortit dehors et sa vue s'éclaircit. Il vit un petit boisé, entouré par les édifices de la ville, mais les arbres étaient morts, les feuilles brûlées et les troncs calcinés. C'était comme si toute vie avait été effacée, même la ville en décombre semblait complètement rasée, rayée de la carte. C'était un amas de béton et de ferraille. Il n'y avait pas un bruit, pas même un murmure. Même le vent s'était tut, comme pour pleurer les morts.
Flavien regarda la jeune Hörinui, comme désarmé devant tant de dévastation. Il avait cru que seuls les humains étaient capables de tant de violence, c'est ce qu'on lui avait dit, répété à maintes reprises, mais comment expliquer pareil spectacle, pareil démonstration de la violence?
-Mon peuple se bat depuis de millénaire, Dit doucement la jeune fille, Nous ne nous souvenons même plus de la raison initiale de cette guerre. Nous nous détruisons petit à petit. Nous étions une civilisation très avancée, capable de maîtriser une connaissance extraordinaire, mais avec le temps, nous avons oublié qui nous étions. Seules les morts comptent maintenant. Venger les disparus, c'est tout ce qui reste aux deux clans comme raison d'exister.
Flavien hocha la tête tristement.
-Mais en vengeant les morts, ne créent-ils pas uniquement d'autres raisons de tuer?
-Oui…venger des fantômes ne nous mène qu'à la haine…
L'opérateur radar regarda autour de lui. Il n'y avait que des couleurs ternes, même le ciel semblait avoir revêtu ses oripeaux funèbres. Bientôt il déverserait ses larmes sur la cité dévastée. Flavien resserra son manteau autours de lui. L'air était très frais, presque glacial.
Laëllia commença à marcher au travers des décombres, se dirigeant vers le cœur de la ville. Flavien la rattrapa et se tint à ses côtés.
-Où allons-nous?
-Je connais un moyen de contacter votre vaisseau…
-Comment savez-vous que je ne viens pas de votre planète?
Flavien se regarda un instant. Il n'avait pas l'air différent des habitants de cette planète.
-Voyons…, Dit-elle avec un léger sourire, On voit tout de suite que vous ne venez pas de ce monde.
Elle écarta doucement son capuchon, puis une des torsades qui nouaient ses cheveux, laissant paraître la pointe fine de son oreille.
À suivre...
