Fremione 4
Aujourd'hui était un jour particulier pour nos jumeaux Weasley : c'était Halloween ! Et qui dit 3 octobre, dit blagues terrifiantes et sorts cauchemardesques, une vraie partie de plaisir pour les deux roux. Dire qu'ils attendaient ça avec impatience n'était qu'un euphémisme : tout leur entourage en venait même à redouter ce jour. Ainsi Fred et George Weasley se levèrent pour une fois dans leur scolarité, en avance. Il était aux environs de sept heures lorsqu'ils dévalèrent rapidement les escaliers grognons du château. Arrivés à la Grande Salle tel un coup de vent, George s'empressa de prévenir son frère :
-Ne tarde pas, s'il te plait. Je vais m'occuper du petit déjeuner, lui lança-t-il tout en désignant leur Gryffondor préférée, assise à la table des Lions, un livre comme toujours à la main. Fred releva un sourcil, étonné que son frère ait compris avant même qu'il ne formule son envie. Mais George ne fit pas plus de commentaire, souriant seulement de toutes ses dents : il connaissait Fred par cœur et chaque matin, ce dernier passait dire bonjour à Hermione seul à seule. Et aujourd'hui n'échapperait pas à la règle ! George émit un petit rire moqueur en regardant son double s'élancer vers la fillette tandis que ses épaules se redressaient, ses yeux pétillaient d'une joie nouvelle et son visage s'éclairaient d'un sourire taquin. En secouant la tête, il se dit que ces deux-là formaient une bien étrange paire, puis se dirigea vers la table à son tour pour s'emparer de quelques victuailles à grignoter.
Quant à Fred, il s'était approchée tout doucement de sa petite protégée, prêt à la surprendre par derrière. Il la voyait le profil arqué vers son livre tandis que l'une de ses fines mains était plongée dans son abondante chevelure, la tournicotant sans cesse. On aurait qu'elle était plongée dans une transe tellement les bruits et mouvements aux alentours échappaient à son attention, focalisée entièrement sur les pages qu'elle dévorait. Il la trouvait vraiment adorable comme ça et son envie de la protéger n'en était que plus forte.
Hermione s'était réveillée toute guillerette ce matin : hier soir, elle s'était lancée dans un débat passionnant avec Percy sur les effets indésirables des sortilèges de transformation humaine. Ce n'était pas vraiment un chapitre de métamorphose au programme des premières années mais la jeune sorcière n'avait pu s'empêcher d'y jeter un coup d'œil. Et comme elle se tenait non loin de la grande cheminée de leur salle commune, Hermione avait pu observer à loisir un certain rouquin, qui paraissait fortement s'amuser, entouré de ses amis. Fred, ledit objet de sa contemplation, riait accompagné de son frère et de son meilleur ami Lee Jordan ainsi que deux belles troisièmes années, Angelina et Katie. A vrai dire, Hermione avait passé le reste de sa soirée à les scruter tout en essayant de se cacher discrètement derrière son immense manuel de Sortilège. Ils semblaient tellement grands, inatteignables, intouchables !
Au bout d'un moment la salle s'était vidée petit à petit de ses occupants, sans qu'Hermione ne s'en rende compte. Elle s'était perdu dans les flammes dansantes de l'âtre, incapable de lire, sa concentration trop préoccupée par ses pensées.
-Dis donc tu dois être passionnée par ce sort : ça doit faire une demi-heure que tu es sur cette page !
-Fred ! Tu m'as fait peur, lui avait répondu la fillette en sursautant. Isolée par ses pensées, elle ne l'avait pas entendu s'approcher. Je…je suis effectivement très intéressée par…ce sortilège du Dentesaugmento.
-Tu as prévu un sale coup à quelqu'un ? lui avait-il demandé d'un ton taquin, son éternel sourire en coin plaqué au visage. Je peux peut-être t'aider !
-Quoi ? Non, non, je… Hermione s'était senti complétement stupide et plus rougissante qu'une tomate, elle s'était échappée à toute vitesse vers son dortoir pour éviter de s'enfoncer encore plus dans une honte sans fond. Mais à peine avait-elle atteint les escaliers qu'il l'avait interpellé gentiment.
-Mione ! Ton livre.
Puis, il s'était approché et après un regard aux alentours, Fred avait doucement posé ses lèvres sur son front.
-Fais de beaux rêves ma petite Mione.
En y repensant, la fillette en rosissait encore : c'était la toute première fois qu'un garçon lui disait bonne nuit d'une telle façon, si intime et tendre. Personne excepté son père ne lui avait fait preuve d'autant d'attention, chose qui lui manquait depuis son arrivée à Poudlard. Fred représentait pour elle une figure paternelle, réconfortante et attentionnée, dont Hermione avait désespérément besoin. Il était le grand-frère qu'elle n'avait jamais eu, puisque fille unique, celui qui veillait tout particulièrement à son bien-être, tandis que Georges tenait plutôt le rôle du frère farceur et rigolard. Bien qu'ils se préoccupaient autant d'elle l'un et l'autre, le premier était plus protecteur et attentif à ces humeurs, tandis que le second préférait la distraire et l'ouvrir aux autres élèves.
Hermione se sentait chaque jour plus chanceuse et heureuse grâce à eux, mais elle aurait voulu établir également des liens amicaux avec des personnes de son âge. Un peu garçon manqué, les questions féminines ne l'intéressaient pas vraiment ou bien peut-être était-elle trop jeune : ses camarades de dortoir lui paraissaient plutôt futiles et candides. Mais pourquoi pas se lier d'amitié avec la gente masculine ?
-BOUH !
Hermione laissa échapper son précieux livre en poussant un couinement aigu. Elle se retourna vivement vers le fautif, les yeux accusateurs, sachant déjà qui avait osé troubler sa tranquillité matinale.
-Fred Weasley ! Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? Imagine, mon livre serait tombé dans mon assiette ! Qu'aurait dit Madame Pince, hein ?
-Bonjour à toi aussi Mione ! C'est un plaisir de te parler de si bon matin, lui lança-t-il accompagné d'un clin d'œil. Hermione réalisa alors soudainement qu'il était surement extrêmement tôt pour l'horloge naturelle d'un Weasley. Mais que pouvait-il bien ficher si tôt dans la Grande Salle ?
-C'est étrange de te voir à cette heure-ci, commenta-t-elle, où est donc ton jumeau diabolique ?
Fred rigola doucement puis désigna du doigt son frère, les mains pleines de toutes sortes d'aliments, naviguant le long de la table pour se saisir des meilleures boissons.
-Je te rappelle qu'on est le 31 octobre aujourd'hui, tête de gnome ! Et pour le jumeaux Weasley, Halloween tient une place spéciale dans notre cœur nous voulons fêter ça comme il se doit, ma chère. Tu le découvriras bien assez tôt…
-Vous n'allez pas vous attirer des ennuis, hein ? lui demanda la sorcière, inquiète pour eux.
-Ne te fais pas de soucis pour nous Mione, interrompit George qui venait de les rejoindre, chargé pour au moins la totalité du mois prochain. On est les meilleurs en terme de discrétion et puis, ce n'est pas comme si c'était la première fois ! Il donna un coup d'épaule à son frère, en souriant : ils avaient tous les deux très hâtes de mettre en œuvre ce qu'ils préparaient depuis la rentrée.
-Bon on va devoir y aller Freddie ! Le travail ne va pas se faire tout seul.
-Je te rejoins tout de suite.
George, les mains prises, souffla un baiser d'au revoir à Hermione puis s'élança vers l'immense porte de bois sombre. Fred lui ébouriffa les cheveux, geste qui était devenu presque machinal.
-Je voulais venir te dire bonjour avant de partir, étant donné que notre journée va être plutôt bien chargée. Tu vas mieux ?
Hermione réprima un sourire devant sa mine adorablement inquiète : elle lui avait dit qu'elle faisait le même cauchemar depuis un petit moment maintenant, ce qui l'empêchait de dormir convenablement. Mais ce qu'elle n'avait cependant pas mentionné, c'était la cause de cet horrible songe à répétition. Hermione ne voulait pas l'embarrasser de ses problèmes et suppositions, il fallait qu'elle les gère toute seule, comme une adulte responsable. C'est pourquoi la fillette lui répondit par un timide hochement de tête, les joues roses et le cœur battant. Fred ne fut pas complétement convaincu mais décida de ne pas creuser pour l'instant, le crâne rempli de ses projets pour la journée : il y réfléchirait à tête reposée.
Lorsqu'elle le vit repartir de son pas assuré, la sorcière sentit tout son être se relâcher. Elle ne s'était même pas aperçu que tous ces membres s'étaient crispés depuis le début de leur discussion. Elle soupira puis reprit tranquillement son livre, après avoir jeté un coup d'œil à la Grande Salle, commençant à se remplir tout doucement. Une dizaine de minutes plus tard et la majorité des élèves s'entassaient sur les longs bancs encadrant les quatre tables. Hermione voulu se resservir de thé, lorsqu'elle remarqua deux garçons se diriger vers elle, ou plutôt un brun, tirant un roux vers elle. Affolée, la Gryffondor s'empara rapidement de son sac et se leva prestement en baissant la tête. Elle contourna la table pour éviter le duo et s'élança vers la Bibliothèque.
Cette situation ne faisait qu'augmenter son anxiété ainsi que sa curiosité : depuis sa nuit hors du dortoir, en compagnie de Neville, Harry et Ron, les cauchemars et les questions se relayaient en son for intérieur. Hermione ne voulait cependant pas parler à ces deux imbéciles qui l'avait poussé à violer le règlement, la mettant en danger pour un stupide duel qui n'avait même pas eu lieu. Leur orgueil était plus que désespérant ! Cependant ce chien à trois têtes avait piqué sa curiosité et elle se demandait ce que cachait ce troisième étage. Lorsqu'Harry aurait arrêté de la chassait à chaque fois qu'ils se croisaient, peut-être pourrait-elle en discuter calmement avec lui.
Constatant qu'il était l'heure, Hermione remballa ses affaires et se dirigea vers sa salle de Sortilège, premier cours de la journée. Arrivé dans les temps, elle dénicha une place à l'avant, malheureusement coincée entre Ron, le désagréable petit frère des jumeaux et la commère Lavande. Soupirant d'avance, sa bonne humeur flancha encore plus quand la sorcière fut mise en binôme avec son voisin roux. Sa seule joie fut de pouvoir enfin mettre en pratique un sort. C'est pourquoi elle prit son mal en patience et tenta d'expliquer le plus clairement possible la prononciation et le geste à son camarade, mais Ron n'écoutait pas, n'en faisant qu'à sa tête.
-Wingardium Leviosa ! s'écriait-il en agitant ses longs bras comme un moulin à vent.
-Tu ne prononces pas bien, lança Hermione. Il faut dire Win-gar-dium Leviosa en accentuant bien le « gar ».
-Tu n'as qu'à le faire si tu es si intelligente, répliqua Ron.
Hermione releva les manches de sa robe, donna un coup de baguette magique et articula nettement : Wingardium Leviosa ! Leur plume s'éleva alors dans les airs, et s'immobilisa à plus d'un mètre au-dessus de leur tête.
-Bravo, très bien ! s'écria le professeur Flitwick en applaudissant. Regardez tous, Miss Granger a réussi ! Ce qui eut pour effet de porter à son comble l'exaspération de Ron. Hermione quant à elle n'en croyait pas ses yeux ! Bien sûr qu'elle connaissait la théorie, pour l'avoir répété un nombre incalculable de fois par sa propre initiative, cependant elle n'aurait jamais imaginé pouvoir lever la plume aussi rapidement. Finalement Fred avait peut-être raison : la fillette appartenait bien à ce monde magique. Le reste du cours se passa au comble de l'euphorie pour l'une, au paroxysme du désespoir pour l'autre. A la fin de l'heure, les élèves ramassèrent rapidement leurs affaires pour ne pas arriver en retard en Métamorphose. Hermione se dépêcha comme elle put, hâtant ses petites jambes vers le groupe de classe. Toutefois, en passant près d'un troupeau de garçons, la jeune fille entendit Ron dire à Harry :
-Ça ne m'étonne pas que personne ne puisse la supporter. C'est un vrai cauchemar, cette fille-là !
La pique lui fit plus mal qu'elle ne l'aurait pensé. A vrai dire, ce n'était pas lié au fait qu'un de ses propres camarades se mettent à se moquer ouvertement d'elle, ni qu'on parle d'elle dans son dos. Hermione était assez mature pour comprendre qu'elle ne se fondait définitivement pas dans la masse, qu'elle soit sorcière ou moldue. Elle était habituée aux remarques blessantes depuis son plus jeune âge. Non, ce qui la heurta fut le sens laissé entendre par cette critique : elle n'avait personne et personne ne s'intéressait à elle. C'était comme une prédiction, comme si jamais elle n'arriverait à se faire accepter quelque part. Déjà que sa confiance en elle n'était pas au meilleure de sa forme, Hermione sentit monter les larmes, menaçant de dévaler ses joues. Mais elle ne voulait pas s'abaisser à satisfaire le plaisir malsain des autres, celui de voir sa faiblesse en plein jour. La Gryffondor voulait juste se cacher au fond de son lit pour ne plus jamais en sortir !
Hermione dépassa en courant le groupe d'imbéciles, bousculant quelqu'un par inadvertance. Il fallait qu'elle trouve un endroit pour s'effondrer en toute tranquillité, loin des bruits et des regards. Tournant machinalement au bout du couloir, elle arriva aux toilettes des filles : ce n'était pas l'endroit le plus discret mais tout le monde avait normalement cours, on lui ficherait donc la paix.
Hermione ne se rendit pas au cours suivant ni dans aucun autre elle resta là, prostrée au fond des toilettes, retenant son souffle quand une élève entrait. Elle avait un peu honte mais elle ne voulait surtout pas la pitié des gens. Et puis, la sorcière ne se sentait pas assez forte pour affronter l'extérieur, mettre son habituel masque souriant sur son visage. Elle aurait juste voulu prévenir Fred et George de son absence, eux qui avaient prévu des fantastiques choses pour la journée d'Halloween. Peut-être qu'elle sortirait pour le diner d'Halloween ?
Fred et George avait passé la meilleure des journées : après avoir piégé chaque maison grâce à une potion Changeforme versée avec précaution par leurs amis les elfes de maison dans le repas du midi, les jumeaux avaient vu la majorité des élèves changer en monstres pour un bon quart d'heure dans la confusion la plus totale. De plus, ils avaient réussi à rendre fou leur cher Rusard grâce à quelques Bombabouses spéciales Halloween bien placées. Même McGonagall avait laissé échapper un sourire grâce à leurs farces terrifiantes ! Fred ne tirait personnellement pas du plaisir à piéger les gens : c'était de les voir sourire et rigoler qui le rendait heureux. Il avait alors le sentiment d'avoir accomplir son devoir. C'est pourquoi il était plein d'allégresse lorsque l'heure du diner sonna.
En arrivant dans la Grande Salle accompagné de son double, il ne put retenir une exclamation d'admiration face à sa décoration. Devant lui, un nuage de chauves-souris voletait à travers la pièce, assombrissant le plafond étoilé qui couvraient leurs têtes. Les quatre tables brillaient à la lueur vacillante des flammes des chandelles, disposées à l'intérieur de citrouilles évidées. Elles étaient recouvertes de toutes parts par de larges plats d'or, contenant les mets les plus fantasques et inimaginables possibles. Le décor était simplement irréel, encore meilleur que l'année précédente.
Fred chercha les premières années des yeux pour voir leur réaction, dont son frère et une certaine brunette, mais il ne trouva que Ron et Harry, assis face à face et commençant à se servir. Les sourcils froncés, il s'avança vers, prêt à leur demander s'ils avaient vu Hermione, mais la porte s'ouvrit soudainement sur un professeur Quirrell terrifié. L'ensemble de la salle se tut lorsqu'ils entendirent son cri horrifié. Blanc comme un linge, ils le virent s'effondrer aux pieds de Dumbledore et balbutier, avant de s'évanouir :
-Un troll… dans les cachots… je voulais vous prévenir…
Il eut seulement quelques secondes de silence avant qu'un immense brouhaha éclatent : chacun en allait de sa propre interprétation, certains criant ou pleurant tandis que d'autres se levaient déjà prêts à partir. Fred n'avait jamais vu autant de chaos à Poudlard auparavant, et pourtant il savait combien George et lui en avait causé. Lee, leur meilleur ami, se tourna vers eux, la mine sceptique :
-C'est encore une de vos farces, c'est ça ?
-Pour une fois, quelqu'un semble nous avoir dépassé, commenta George, échangeant un regard inquiet avec son frère. Lui aussi avait remarqué l'absence d'Hermione et se demandait bien ce qui pouvait se passer et ce qui avait causer tout ce foutoir. Cependant ils n'eurent pas le temps de faire quoi que ce soit car les Préfets se chargèrent de rassembler rapidement les élèves sur ordre du Directeur. Les jumeaux furent entrainés dans le tumulte tandis que Percy criait devant eux :
-Suivez-moi ! Les premières années, vous restez bien groupés ! Vous n'aurez rien à craindre du troll si vous m'obéissez ! Restez derrière moi. Attention, écartez-vous, laissez passer les premières années ! Allons, écartez-vous, je suis préfet, figurez-vous !
Mais à mesure qu'ils gravissaient les escaliers menant au portrait de la Castafiore, Fred eut le temps d'apercevoir deux silhouettes s'échapper vers le couloir opposé à leur dortoir, dont une chevelure rousse qu'il ne connaissait que trop bien !
Hermione séchait lentement ses larmes, se disant que le repas avait surement déjà commencé, mais qu'elle aurait le temps d'attraper un bout avant de remonter au dortoir. Son ventre grondait depuis quelques heures maintenant mais la brunette n'avait pas eu la force de sortir des toilettes. Trop éloignée de la Grande Salle, elle n'avait pas entendu le vacarme assourdissant produit après la nouvelle terrifiante. C'est pour cela qu'elle s'étonna d'entendre un pas lourd et résonnant dans le couloir, trop dense pour être humain. Hermione allait s'approcher de la porte pour vérifier que tout allait bien mais celle-ci fut brusquement ouverte par une immense main, de la taille de son buste, crasseuse et grise. Une odeur nauséabonde se répandit autour de la sorcière qui sursauta et se réfugia au fond de la pièce, incapable de distinguer clairement ce qui venait juste d'arriver. Elle entendit un grognement sourd et une masse énorme se dessina à l'entrée des toilettes. Ce qu'elle avait sous les yeux l'horrifia : une créature d'environ quatre mètres de hauteur, couverte de verrues et avec une petite tête chauve desséchée. Ses jambes, aussi épaisses que des troncs d'arbre, étaient munies de pieds plats hérissés de pointes. Le monstre tenait aussi une gigantesque massue qui traînait par terre au bout de son bras d'une longueur interminable. Un troll !
Hermione, épuisée et au bout de nerf, eut pour une fois une réaction totalement normale et légitime : elle cria de désespoir, à s'en arracher les cordes vocales, dans l'espoir que quelqu'un l'entende. Elle s'affala contre le mur, ses forces la quittant et sa vision troublée par une multitude de points noirs. La sorcière distinguait cependant, impuissante, le troll s'approcher d'elle en arrachant des lavabos sur son passage. Puis une silhouette apparut dans son champ de vision, brisant le silence assourdissant qui l'avait submergé.
-Viens ! Cours !
Un garçon brun semblait vouloir la tirer de sa torpeur figée, mais Hermione était incapable de faire un geste, restant collée au mur, la bouche grande ouverte et les yeux troubles. Quant au troll, il paraissait encore plus furieux qu'à son entrée. Ne comprenant pas vraiment ce qu'il se déroulait devant ses yeux, la Gryffondor assista à la scène au ralenti : elle vit le brun prendre son élan et sauter stupidement au cou du troll pour s'y accrocher. On aurait dit un rodéo, avec le garçon cramponné au dos de la créature, qui se balançait dans tous les sens pour s'en débarrasser. Une baguette dans la narine et un coup de massue plus tard, le troll était étendu contre le sol, inanimé et inoffensif. Hermione tenta de se redresser sur ses jambes flageolantes, puis après s'être essuyée les yeux, elle reconnut sans mal Harry et Ron, qui semblaient eux aussi tremblant de peur et d'adrénaline.
-Il…il est mort ? chevrota-t-elle à la ronde, n'osant pas s'approcher du corps. Harry répondit par l'infirmative puis se saisit de sa baguette, toujours coincée dans les narines du troll. Les trois enfants étaient tellement choqués qu'ils ne réagirent même pas quand une troupe de Professeurs ahuris surgit dans les toilettes, attiré par leurs cris. Le Professeur McGonagall constatant les dégâts, commença directement à les réprimander. Mais saisie d'un sentiment de justice, Hermione ne put s'empêcher d'intervenir faiblement :
-Professeur McGonagall, ne soyez pas trop sévère, s'il vous plaît. Ils étaient venus me chercher.
-Miss Granger !
A présent debout sur ses deux jambes correctement, Hermione affermit sa voix pour tenter d'expliquer les grandes lignes de leur aventure. Elle jeta un coup d'œil aux deux garçons qui l'observaient abasourdis par son intervention. C'était de leur faute qu'elle s'était retrouvée dans ces toilettes et pourtant la sorcière prenant tout de même leur défense.
-J'étais partie à la recherche du troll parce que je… je croyais pouvoir m'en occuper moi-même. J'ai lu beaucoup de choses sur les trolls…, mentit-elle avec aplomb, le menton relevé, aux Professeurs. S'ils ne m'avaient pas retrouvée, je serais morte à l'heure qu'il est. Harry lui a enfoncé sa baguette magique dans le nez et Ron a réussi à l'assommer avec sa propre massue. Ils n'ont pas eu le temps d'aller chercher quelqu'un d'autre. Le troll était sur le point de me tuer quand ils sont arrivés.
Les Professeurs ne pouvant plus faire grand-chose furent étonnés de cette histoire et même admiratifs, mais cela n'empêcha leur directrice d'enlever des points à cause du soi-disant comportement d'Hermione. Heureusement, ils furent compensés par les points donnés aux garçons en guise de récompense pour leurs gestes courageux. Le trio fut ensuite envoyé en salle commune pour finir ou commencer leur repas d'Halloween en compagnie du reste de leur Maison. Une fois arrivés, ils entrent dans une pièce bondée et bruyante. Harry, Hermione et Ron s'observèrent silencieusement, ne sachant quoi dire après cette soirée pour le moins agitée. Puis chacun dit « Merci » et se rua sur les assiettes pleines de victuailles, prêts à profiter de leur nuit d'Halloween.
Hermione s'était assise dans un vieux fauteuil rouge, à l'écart de ses camarades à l'humeur fêtarde. Cette journée avait été tellement chargée d'événements bouleversants, qu'elle n'avait même pas réalisé tout ce qui lui était arrivé. Les yeux dans le vague, elle n'entendit pas Fred s'approcher, la mine soulagée et légèrement énervée. Lui tendant un verre de jus de Citrouille, le sorcier s'assit silencieusement en face de la brunette. Hermione le remercia d'un sourire tremblant et après avoir vu l'inquiétude dans son regard, la fillette se réprimanda mentalement de l'avoir inquiété :
-Salut, lui chuchota-t-elle, la tête abaissée vers son verre.
-Salut, lui répondit-il d'une voix crispée. Quelques secondes s'écoulèrent sans qu'aucun ne bouge ou ne parle. Puis Fred lui remonta doucement le menton et demanda calmement : qu'est-ce qu'il s'est passé Hermione ?
-Les moqueries puis le…le Troll, laissa-t-elle échapper. Elle ne sentit aucune larme coulée car trop en était tombée aujourd'hui. Elle sentait seulement son corps tremblé de toutes parts tandis que Fred arquait graduellement ses sourcils, à mesure qu'il comprenait la situation. Hermione n'eut pas besoin de lui raconter en détails ses péripéties puisque, intelligent, le rouquin mit les morceaux bout à bout. Soupirant, il s'approcha d'elle puis la prit dans ses bras dans une étreinte chaude et réconfortante. En sentant ses tremblements incessants, il ne put s'empêcher de lui frotter délicatement le dos, comme il le faisait pour rassurer Ginny les soirs de cauchemars.
-Promets-moi que, si jamais il y a le moindre problème, tu viendrais me voir Hermione. Ce n'est pas honteux ou rabaissant de demander de l'aide à un ami, c'est justement l'un des actes les plus courageux que tu puisses faire. George et moi, on sera toujours là pour toi, quoi qu'il arrive. Considère-nous comme tes deux nouveaux grands frères très protecteurs. Et crois-moi la prochaine fois qu'on t'insulteras, petit frère ou pas, il y aura de terribles représailles !
-Non, vous allez vous faire renvoyer ! s'indigna la fillette en relevant sa tête, blottie contre son torse. Fred éclata alors de rire face à sa réaction. Il abaissa son visage curieusement près du sien et murmura :
-Cesse de t'inquiéter pour les autres et commence par te soucier de toi Mione.
Puis souriant, il ramena sa tête contre lui et ils restèrent là, logés dans un fauteuil miteux, silencieux et apaisés, insouciants du reste des élèves.
