Chapitre 5 :

Venir à cette fête était une mauvaise idée et finir ce verre en était probablement une autre mais Draco regarda Harry sourire à Denis Crivey alors il haussa les épaules et avala son whisky pur feu d'une traite. Au bout du quatrième verre sa gorge commençait à être anesthésiée aussi fut-il plutôt fier de n'avoir même pas sourcillé sous la brulure de l'alcool.

Quelqu'un le percuta, lui faisant lâcher son verre heureusement vide. Draco se retourna et dévisagea avec colère un type brun, grand et maigre qui avait la chance d'être plus ivre que lui et qui se confondait en excuses pâteuses et balbutiantes.

Draco le bouscula, espérant à moitié que l'ivrogne le prenne mal et qu'une rixe éclate. Il avait envie de se défouler sur quelqu'un et ce mec était une cible facile. Malheureusement le type se contenta de s'éloigner laissant Draco fulminer encore plus. Plus il y pensait, plus il trouvait plausible que ce connard ait fait exprès de lui rentrer dedans, une sorte de jeu : « Bousculons l'ancien Mangemort de la pièce ». Draco s'en sentait personnellement offensé. Sauf qu'il ne le repérait plus dans la foule. Par contre le bar il l'avait très bien en visuel et exiger un autre verre était une option de plus en plus tentante.

Toute cette connerie de fête du nouvel an…

Il avait voulu faire plaisir à Potter, bien sûr. Il avait donc décidé de l'accompagner à la soirée qu'organisait ce connard de Dubois. Bien sûr, ils étaient arrivés en groupe, pas comme si Potter ferait quelque chose de ridicule comme se présenter juste avec lui à une soirée où il y avait tout le gratin des jeunes sorciers anglais. Non, il y avait Weasley, Granger, Londubat et la belette femelle avec eux devant cette porte. Une vraie petite sortie de groupe ! Mais ça n'avait pas empêché Dubois de hausser un sourcil en voyant Draco et de s'exclamer que quand il avait dis à Harry qu'il pouvait amener du monde il pensait à des nanas peu farouches avec des nibards de compet' et pas à un ancien serpentard à l'air revêche.

Et pas à un foutu gay aussi, ça il ne l'avait pas dit, mais Draco l'avait entendu le penser tellement fort qu'il n'en avait pas eu besoin. Pour ça probablement que Dubois avait serré la main de tout le monde sauf la sienne. Sait-on jamais des fois que ce simple contact transforme Draco en animal en rut qui en voudrait à son petit cul de joueur de quidditch sur le déclin (certes Dubois n'était pas réellement encore sur le déclin mais Draco se disait qu'à presque 30 ans ses plus belles années de sportif pro étaient sensées être derrière lui, sinon la vie était une salope).

Mais tout ça, Harry n'avait même pas semblé le remarquer. Il avait simplement répondu que connaissant Dubois, les nanas aux gros seins devaient probablement être déjà toutes ici. Et Dubois avait rétorqué en passant un bras sur l'épaule de Harry et en l'entrainant à l'intérieur qu'il y en avait en effet bien assez pour eux deux.

Draco avait pensé avec un sourire narquois que si Dubois savait que son pote l'avait sucé comme si sa vie en dépendait juste avant qu'ils rappliquent ici alors probablement qu'il délesterait son bras des épaules du Sauveur en quatrième vitesse.

Il y avait un monde fou à cette sauterie, dont en effet beaucoup de filles se trémoussant voluptueusement sur la musique dans l'espoir de harponner un joueur de quidditch, voir le Grand Harry Potter en personne. Et même si ça agaçait Draco de les regarder essayer de poser leurs mains aux ongles manucurées sur son copain, c'était plutôt amusant de voir leur moue déconfite tandis que Harry ne montrait qu'un ennui grandissant face à leurs avances.

La plupart des invités ayant reconnu Draco le regardaient de loin en fronçant les sourcils. Draco s'en fichait. Pour être honnête, il préférait ça à devoir socialiser inutilement. Les Malfoy n'aimaient déverser des flagorneries et autres louanges hypocrites que si ça pouvait leur apporter quelque chose en retour. Donc ça lui allait très bien de ne devoir parler qu'aux amis proches de Potter –même si parler avec Weasley, consistait en réalité à s'envoyer mutuellement des piques-.

Donc la soirée aurait pu rester ainsi : bruyante, ennuyeuse mais supportable sauf que Denis Crivey avait fait son apparition.

Et du moment que ce punk en chaleur avait repéré Harry dans la foule, il ne l'avait plus lâché. Et Harry, ce connard était de nouveau en train de rire à quelque chose que le verascasse lui racontait. Pourtant, la seule chose de drôle chez Crivey était la crête verte fluo qu'il lui servait de cheveux…et peut être les anneaux à son nez aussi qui lui donnait ce petit air bovin si délicieux. Mais Draco soupçonnait Potter de ne pas rire de Crivey mais de rire avec Crivey. Et cette légère différence syntaxique le rongeait de jalousie.

Il ne pouvait pas oublier le fait que Crivey avait été celui qui avait initié Potter aux plaisirs charnels entre hommes. Savoir que ce type avait touché Harry aussi intimement lui donnait envie de briser des choses (de préférence la nuque de Crivey).

Il aurait dû détourner ses yeux des deux hommes mais il devait être un peu masochiste car il enregistrait les moindres de leurs gestes. La façon qu'avait Harry de lui sourire, -et putain, Potter était mignon mais lorsqu'il souriait il devenait simplement torride, et Crivey comme le monde entier s'en rendait très bien compte-. La main de Crivey s'était posée plusieurs fois sur le bras de Harry, ou sur son épaule, il avait même frôlé sa hanche à plusieurs reprises mais de manière à ce que ça ait l'air accidentel.

Si on n'y regardait de pas trop près, ils avaient l'air juste de très bons potes qui s'éclataient à une fête. Mais pour Draco, ça crevait les yeux que Crivey était totalement amoureux de Harry. Il se demanda si Harry avait déjà tiré avec ses dents sur la barre de métal accrochée au sourcil de Crivey. Et si il avait retracé avec sa langue chaque tatouage aussi nombreux qu'inesthétiques qui ornaient la peau du connard.

Probablement. Probablement que Crivey avait gémi ou grogné et que son corps s'était tordu de plaisir sous celui de Potter.

Pas étonnant qu'il en redemandait. Draco ferma les yeux brièvement sentant une haine sans nom ramper dans ses os.

Harry Potter était à lui.

-ça va Malfoy ?

Draco se tourna vers Granger. Elle le regardait avec inquiétude. Génial, il devait vraiment avoir l'air pathétique pour que la sang-de-bourbe décide de jouer les mères poule avec lui aussi.

-Je me porte comme un charme.

Ouaip, un charme qui aurait été lancé par Londubat en première année.

-Tu n'as pas l'air de beaucoup t'amuser.

Draco était impressionné par un tel sens de l'observation. Qu'est ce qui avait bien pu la mettre sur la voie ? Le fait qu'il soit seul dans son coin en train de se saouler ou parce que son petit copain l'avait abandonné pour s'amuser avec son ex ?

-C'est que j'intériorise beaucoup. Je suis littéralement en train d'exulter.

Granger pinça les lèvres, appréciant peu son ton ironique mais elle poursuivit bravement.

-Tu devrais aller avec Harry et les autres. Il s'inquiète tu sais…

Cette fois Draco tourna la tête cherchant des yeux des cheveux noirs en bataille. Il le trouva presque à l'autre bout de la pièce et Potter était en train de les fixer Granger et lui en fronçant légèrement les sourcils.

-Il t'a envoyé ? s'indigna-t-il

Elle eut l'air un bref instant gênée avant de redresser le buste comme si elle partait en guerre.

-Oui.

-Et il ne peut pas venir lui-même, putain ?! Il croit quoi ? Que j'ai besoin d'une baby Sitter ?

Il avait élevé la voix et les gens autour d'eux commençaient à s'intéresser à la conversation ce qui augmenta encore la mauvaise humeur de Draco.

Granger lança un assurdito avec une maitrise parfaite et ça lui fit l'effet d'une claque parce qu'il se rappelait soudainement que lui ne pouvait même pas essayer de jeter ce sortilège sans se mettre à suffoquer. N'importe qui dans cette salle pouvait réussir ce sort mais pas lui.

-Tu n'as pas cessé de le foudroyer du regard et il ignore pourquoi. Il a pensé qu'en venant en personne tu aurais pu vouloir lui arracher les yeux ou je cite « une autre partie de son anatomie à laquelle il est plutôt attaché ».

Le trait d'humour de Potter ne lui arracha pas un sourire. L'alcool lui faisait tout prendre au pied de la lettre.

-Cool, non seulement je suis irrationnel mais je suis aussi hypothétiquement violent. Il a une sacrée bonne opinion de moi on dirait, ricana-t-il froidement en se dirigeant vers la sortie.

-Où vas-tu ? demanda Granger en attrapant son bras.

Draco prit le temps de lui faire lâcher prise. Elle avait l'air un peu inquiète mais il s'en fichait. Qu'ils aillent tous se faire voir ces bons petits gryffondors avec leur homophobie, leur magie et leur ex. Lui avait envie de tout cramer sur place.

-J'ai eu ma dose pour la soirée, expliqua-t-il avec un calme qu'il était loin de ressentir. Je me tire. Tu n'as qu'à dire à Potter qu'on en reparlera plus tard.

°O°O°O°O°

Harry le rattrapa à deux rues de la maison d'Olivier, pour une fois il était heureux que Draco ne puisse pas transplaner.

Il était aussi heureux que Draco ne puisse pas savoir ses pensées immédiates sur sa capacité à faire de la magie normale.

-Draco attends ! cria-t-il à la forme longiligne qui marchait à grandes enjambées quelques mètres devant.

Le blond se retourna. Il avait le même air furieux qui l'avait accompagné toute la soirée, de la buée sortait de sa bouche. Les blancs de ses yeux étaient veinés de rouge ce qui n'était guère étonnant avec tous les verres que Harry l'avait vu boire.

-C'est quoi ton problème ? » demanda Harry en se frottant les bras. Bordel, il caillait !

Ce n'était peut-être pas le meilleur moyen de désamorcer la colère d'un Malfoy mais Harry n'était guère connu pour sa diplomatie. Il avait tenté d'en faire tout à l'heure, mais envoyer Hermione en médiatrice s'était finalement révélé être un fiasco. Cependant il voulait vraiment savoir ce qu'il avait fait pour mettre Draco dans cet état.

La réplique de Draco mourut sur ses lèvres quand un bruit de pas se fit entendre derrière Harry.

-Denis ? s'étonna Harry en se retournant.

Son ami l'avait suivi et il avait apporté son manteau. Harry sentit un sentiment d'agacement l'envahir. Il aimait bien Denis mais là il se serait volontiers passé de sa présence.

-Je t'ai vu partir dehors dans le froid, sans veste, expliqua Denis avant de regarder Draco d'un air maussade. Tout va bien ?

Draco eut l'air encore plus renfrogné quand Harry remercia Denis du bout des lèvres avant de mettre son manteau.

-Que c'est touchant toute cette…cette considération, cracha finalement le blond avant que Harry puisse signifier à Denis qu'il avait besoin de parler tout seul avec Draco. Peut-être devrais-tu le remercier en nature Potter ? Un manteau contre une fellation, ça me semble honnête.

-Qu'est-ce que tu racontes ? grogna Harry alors que Denis rougissait à côté de lui.

-Comme au bon vieux temps hein ? reprit le blond avec un ricanement amer.

-Tu…Tu lui as dis ? intervint Denis contrarié. Je pensais que ça devait rester secret.

Harry lui jeta un regard irrité.

-Denis, s'il te plait, peut-on en parler plus tard ?

-Ouaip, il m'a dit, reprit Draco impitoyablement. Il me l'a dit alors qu'il me défonçait contre un mur, il comparait nos culs et surprise Crivey, ce n'était pas ton avantage !

Harry pâlit à la fois choqué et inquiet, il regarda autour de lui dans la crainte qu'un autre invité les ai suivi mais ils étaient seuls. A sa grande surprise Denis éclata de rire.

-Comme si Harry pourrait te vouloir ! dit-il. Tu es saoul Malfoy. Rentre chez toi et décuve !

-ça fait plus d'un an qu'on couche ensemble, répondit Draco souriant toujours mais les yeux gris manquaient de leur habituelle assurance, comme si lui aussi doutait que Harry puisse le vouloir.

Ce qui était ridicule, pensa Harry en faisant un pas en direction du blond. Malfoy était le seul qu'il avait toujours voulu, même maintenant alors qu'il était ivre, en colère et qu'il disait des choses qu'il regretterait le lendemain.

-Sois tu fabules, sois tu ne dois pas lui suffire, souffla Denis mais ses mots furent pourtant on ne pouvait plus audibles, puisque il y a un an, quand il est revenu pour les vacances de Noel Harry m'a invité au Square Grimmault. Ce fut ma foi, une nuit intense.

-Putain Denis ! grogna Harry tandis qu'en face de lui le visage de Draco se décomposait.

-T'es mort, Crivey ! siffla l'ancien serpentard avant de sortir sa baguette.

Harry eut juste le temps de pousser Denis hors de la trajectoire, le sortilège laissa un trou sur le béton à l'endroit où s'était trouvé l'autre homme.

-Et toi, tu le protèges ? cria Draco la baguette à présent pointée sur lui.

Harry sortit aussi sa baguette, du coin de l'œil il vit Denis en faire de même. Il s'humecta les lèvres. Il avait l'impression que Draco était sur le point de pleurer.

-Mal-Draco, écoute…Je, j'ai couché avec lui c'est vrai, mais à l'époque je pensais que jamais tu ne m'aimerais. Je croyais que j'étais juste pratique pour toi.

Draco secoua la tête. Harry espérait qu'il était encore assez sobre pour entendre raison. A l'époque des faits, même s'il couchait avec Draco, ils n'étaient pas ensemble. Denis s'était juste trouvé au bon moment pour relâcher la pression et pour tenter de se prouver qu'il n'était pas totalement obnubilé par l'ancien serpentard. Sauf que Draco avait raison il avait été obligé de les comparer et ça n'avait pas été en faveur de son ancien camarade de maison. Aucun de ses anciens amants ne faisait le poids contre Malfoy. Harry était totalement fou de ce type.

-Tu es tout le contraire de pratique, Potter, répondit le blond d'une voix tendue. C'est tellement putain compliqué d'être avec toi !

-Attends, tu es vraiment avec ce mec ? s'exclama Denis.

Mais Harry n'écoutait plus Denis. Il ne voyait que les traits figés de Draco et ses yeux brillants et sa baguette qui tremblait.

-Que veux-tu dire par « c'est compliqué » ? demanda-t-il d'une voix blanche.

Il n'y eut pas de réponse parce que Denis jeta un sortilège de désarmement sur Draco qui l'évita tout en renvoyant un cruccio.

Harry eut juste le temps d'invoquer une barrière de protection mais le sortilège de magie noire était tellement puissant qu'il sentit sa peau se déchirer en fines coupures au niveau de son torse et de son bras droit.

Il siffla plus de surprise que de douleur. Denis renvoya un sortilège que Draco évita une nouvelle fois. Tout cela n'avait que trop durer, quelqu'un allait vraiment finir par se blesser. Il passa en mode « Auror ». Ce qu'il fallait s'était désarmer Draco rapidement, l'emmener au Square Grimmault, le faire dessaouler et s'expliquer avec lui.

Son sort ne sortit jamais de ses lèvres, il sentit son poignet brûler. Avec effroi et rapidement il enleva son bracelet de force, s'attendant vraiment à voir des cloques apparaître sur sa peau mais tout ce qu'il y avait c'était la devise de la famille Malfoy qui semblait onduler sous ses yeux, comme si elle était vivante. Chaque lettre palpitait atrocement douloureusement sur sa peau. Puis il entendit la voix de Malfoy résonner dans sa tête. Elle était froide, majestueuse, et toute puissante. Comme si quelque cruelle divinité venait de s'abaisser à lui parler. Non , encore mieux qu'un dieu, car c'était la voix de Draco et que Harry donnerait sa vie pour lui.

« A genoux ! »

Harry sentit ses genoux cogner douloureusement contre le sol, mais ça faisait moins mal que son poignet en feu, ça faisait moins mal que cette voix terriblement familière dans sa tête qui le dépossédait de son libre arbitre et qu'il ne pouvait s'empêcher pourtant d'aduler.

« Tu es à moi ! »

-Oui, gémit-il entre ses dents détestant et adorant à la fois cette affirmation.

L'instant d'après, la présence dans sa tête s'éloigna comme si elle était effrayée par quelque chose et la douleur dans son poignet passa d'intolérable à vaguement supportable. Haletant et toujours à genoux, il lança le sort sur Draco presque sans réfléchir.

°O°O°O°O°

Le dos de Draco percuta violemment le mur, lui arrachant un cri de douleur et de surprise. Ses jambes se dérobèrent sous lui et ses fesses rencontrèrent durement le béton froid. Il secoua la tête, sonné. En face de lui Harry était en train de se relever –Draco ne se souvenait pas qu'il se soit retrouvé à genoux- et le fixait. Sous des sourcils noirs froncés, les yeux verts luisaient de quelque chose qui ressemblait à la fois à de l'incompréhension et à de la déception. La baguette de l'homme qu'il aimait était toujours pointée sur lui et elle tremblait un peu. Dans son cerveau envahi par une brume d'alcool et de colère, voir ce tremblement le calma un peu.

Puis il se rappela que Harry venait de lui jeter un sort alors Draco eut un rire amer qui raisonna bizarrement dans l'allée éclairée de lampadaires. Il se releva difficilement. A côté de Harry l'enfoiré de punk qui était la cause de tout ce merdier s'agrippait au brun, demandant s'il allait bien. Putain, Draco avait encore envie de lui lancer un maléfice mais heureusement Harry éloigna l'autre homme d'un geste brusque sans même le regarder, ses yeux ne déviant pas de Draco. Une attitude qui plaisait au blond.

-Bordel ! Qu'est-ce qu'il t'a pris ? demanda-t-il entre ses dents serrées et Draco s'en voulut de le trouver terriblement bandant ainsi tout chaud d'une colère sombre et encore suintant de magie. Sauf que ce n'était pas le moment, Potter était furieux pour de vrai.

Il voulut expliquer que tout était de la faute de Crivey après tout ce connard l'avait cherché toute la soirée mais à ce moment-là le Crivey en question s'exclama : « Merde Harry, tu pisses le sang! ». Draco se tendit, son regard parcourant déjà le corps du brun sans rien voir à cause de l'obscurité. Il dut se rapprocher, les derniers vestiges de colère et d'ivresse s'évanouissant pour faire place à une inquiétude qui lui broya l'estomac.

-Harry…ça va ?

Harry secoua la tête un peu comme pour reprendre ses esprits mais il le tenait toujours en joue. Draco se sentit devenir nauséeux en même temps que son inquiétude augmentait.

« Hey, c'était involontaire ! dit-il d'une voix que lui-même trouva étrange, bien trop tremblante. C'est toi qui t'es jeté devant mon sort, parce que t'as un foutu complexe de héros. Tu peux baisser ta baguette Harry, je ne te ferais jamais de mal ! »

Ouais, non seulement Harry avait paré le maléfice destiné à Crivey mais en plus il avait envoyé Draco valdinguer contre le mur. C'était lui qui avait reçu le gros du choc. Harry n'avait rien. Harry n'avait rien. Ou alors il s'était passé un truc entre le moment où il avait jeté le sortilège contre Crivey et celui où il s'était retrouvé désarmé ? Il ne savait pas, tout était flou dans sa tête.

-Reste où tu es Malfoy ! Harry, il faut aller à Sainte-Mangouste !

Crivey avait aussi sa baguette pointée sur lui mais Draco ne l'écouta pas, il avançait sur eux en palissant, la chemise noire de Harry collait bizarrement contre son flan.

-Je te préviens, encore un pas et je te…

-Plus aucun sort ne sera jeté ce soir, siffla Harry en jetant un bref coup d'œil à Crivey. Pas besoin non plus d'aller à Sainte-Mangouste, ce n'est qu'une égratignure.

-Mais tu…

-Denis, ce n'est rien. Le ton de Harry était froid et sans appel mais il avait enfin baissé sa baguette. Draco, je crois que tu ferais mieux de rentrer. Je vais tout arranger ici et on va parler ensuite.

Livide et tremblant Draco leva la tête, complétement perdu. C'était lui qui avait blessé Harry ? Merde qu'est-ce qu'il avait fait ? Qu'est-ce qu'il avait fait ?! Derrière eux, les invités de la fête de Dubois commençaient à venir voir ce qu'il s'était passé dans la rue.

-S'il te plait Draco. Transplane à la maison.

-Tu sais bien que je ne peux pas transplaner, répondit Draco d'un ton atone.

Au même instant, Weasley qui avait fendu la petite foule de curieux qui s'était assemblée autour d'eux se trouva à leur côté. Potter sembla incroyablement soulagé de le voir.

-Harry, il se passe quoi ? Tout va bien ?

-Oui, murmura Potter assez bas pour ne pas être entendu des badauds. Juste ramène Draco Square Grimmauld, s'il te plait. Je t'expliquerais tout plus tard.

Wealsey ouvrit la bouche probablement pour demander pourquoi Draco avait besoin d'un accompagnateur mais sous le regard suppliant de son meilleur ami, il secoua simplement la tête et attrapa Draco par le bras.

-Prêt Malfoy ? lui murmura-t-il.

Draco, se sentant complétement sonné, hocha la tête, une seconde plus tard, ils transplanaient.

L'atterrissage au square fut brutal mais Draco était perturbé par le contact avec la magie de Weasley. Il s'éloigna du rouquin en titubant. C'était comme si ce transplanage avait fait un électrochoc dans son cerveau, d'un seul coup il se souvenait de tout.

Il …il avait utilisé la marque pour mettre Harry à genoux…

-Malfoy ? Malfoy, tu vas bien ?

La main de Weasley sur son épaule lui fit revenir à la réalité. Le rouquin le regardait avec ses grands yeux bleus tellement honnêtes que ça lui donnait envie de vomir.

Weasley n'aurait jamais utilisé aucune marque pour soumettre quelqu'un. Weasley était le bon gars. Comme Harry. Draco était celui qui était pourri de l'intérieur.

Alors Draco réalisa autre chose. Harry allait le quitter. Comment pourrait-il rester avec quelqu'un qui se comportait comme l'homme qui avait tué ses parents ? Il était incapable de faire le moindre sort de base mais il excellait dès qu'il s'agissait de blesser ou soumettre des gens. Et cette fois celui qu'il avait blessé était Harry. Draco avait franchi la ligne de non-retour, il le savait et Harry le savait aussi. C'était à prévoir bien sûr. Ça avait même duré plus de temps qu'il avait pensé.

Les yeux de Draco tombèrent sur un de ses livres de cours et son encrier sur la table dans le salon, il y avait aussi une cape à lui aux portes manteaux, un pull sur le canapé… Partout où il posait les yeux, il y avait des affaires à lui dans cette maison.

-Qu'est ce que tu fais ? demanda Weasley tandis qu'il rassemblait tout ce qui lui appartenait avec des gestes un peu fébriles. Ce n'est pas un peu tôt pour faire du rangement ? Il s'est passé quoi dehors ?

Draco ne prit pas la peine de lui répondre, il fallait qu'il ait mis les voiles avant que Harry ne revienne. Qu'il sauve au moins le peu de fierté qu'il lui restait. Il n'était pas certain de supporter que le brun lui dise en face ce qu'il savait déjà.

Mais il fallait croire que Weasley ne savait pas quand lâcher une affaire car il le suivit jusqu'à la chambre.

-Attends, t'es en train de te barrer ?

-Quel Auror d'exception tu fais, la belette ! siffla Draco en entassant ses vêtements dans sa valise sans même les plier. Je t'applaudirais bien mais j'ai les mains occupées là.

-Mais Harry…

-Ne t'en fais pas, Potter sera très content de voir que j'ai mis les bouts. Je prends juste un peu d'avance sur le programme.

-Tu es encore plus dramatique quand tu as bu Malfoy, marmonna Weasley. Quoi qu'il se passe avec Harry, je suis persuadé que…

-LA FERME !

Weasley sursauta et Draco fut lui-même surpris par son emportement. Peut-être était-ce en effet la preuve qu'il avait un peu trop bu mais il avait les idées bien assez claires pour savoir qu'il faisait la bonne chose. Il fusilla l'idiot de roux du regard. Il avait conscience que ses mains tremblaient, que de la sueur coulait sur ses tempes et que des connasses de larmes s'accumulaient dans ses yeux. Il détestait que quelqu'un soit témoin de ça. Weasley entre tous putain ! Par contre c'était dommage que sa nausée soit partie, il aurait pu lui vomir dessus.

-Tu ne sais pas ce que j'ai fait, reprit-il plus calmement et il aurait bien aimé que son envie de pleurer se calme aussi, Har…Potter me déteste à présent.

Weasley soupira à côté de lui et s'assit pesamment sur le lit. Draco résista à l'envie de lui dire qu'ils avaient eu des relations sexuelles sur ce même lit dans la matinée, il n'avait pas vraiment le cœur à penser à ça, même si c'était pour mettre mal à l'aise Weasley.

-Je ne sais pas ce que tu as fait Malfoy, mais je connais Harry. Il est incroyablement indulgent quand il en vient aux gens qu'il apprécie.

-On ne parle pas d'un fichu vol de chocogrenouille, là !

Non, Draco lui avait plutôt volé son libre arbitre. Il savait exactement l'effet que cela faisait quand on utilisait la marque pour vous soumettre. Voldemort aimait ça, soumettre les gens, toutes les occasions étaient bonnes.

« Et tu as aimé aussi, hein Draco ? Le soumettre lui, Harry Potter. Gouter pour un instant le pouvoir absolu sur la personne que tu voudrais secrètement à tout prix mettre en cage. C'était bandant, n'est-ce pas ? »

-Je l'ai abandonné.

-Qu'est-ce que tu racontes Weasley ?! soupira Draco en se baissant pour regarder si Marc-Antoine n'était pas sous le lit.

Son zonure avait adopté Potter. Evidement car Potter parlait fourchelangue et en plus il le gavait d'insectes…mais c'était son zonure, c'était normal que Draco le récupère.

Le miroir plein pied qui trônait dans la chambre aussi était à lui –Potter en avait payé une grande partie mais c'était Draco qui l'avait choisi- cependant le blond se voyait mal le trimballer jusqu'à Poudlard.

-Pendant la guerre…On cherchait les horcurxes, Hermione, Harry et moi. On fuyait les mangemorts aussi.

Draco se releva lentement. Weasley avait une voix bizarre, sérieuse et un peu triste, loin de son habituelle gouaille irritante ce qui l'obligea Draco à être attentif à ses paroles.

Weasley ne le regardait pas, il fixait le mur de la chambre. Certes, la veille tapisserie valait une petite fortune mais il doutait que Weasley –tout comme Potter d'ailleurs- s'y connaisse en la matière.

-Bref. J'avais faim, j'avais peur, je crevais de jalousie. Je me disais que jamais je ne ferais de poids, qu'elle l'aimait lui, alors je les ai abandonnés. Tu peux croire ça Malfoy ? La femme que j'aime et mon meilleur ami, je les ai laissé au milieu de nulle part, tous seuls, pourchassés par les mangemorts.

-Il ne m'a jamais parlé de ça, dit Draco mal à l'aise.

Weasley lui adressa un sourire douloureux, Draco ne pouvait qu'imaginer ce que ça devait lui faire de parler de ça à lui entre tous.

-Ouaip, je m'en doutais. Harry a une capacité à pardonner que je n'arrive pas toujours à comprendre. Quand je les ai retrouvé, Hermione a mis des jours avant de me reparler, mais pour lui c'était comme si je n'étais jamais parti. Comme si je n'avais jamais failli. Et tu sais quoi Malfoy, j'aurais préféré qu'il m'en veuille. Son pardon immédiat m'a encore fait sentir plus misérable que je ne l'étais déjà. Mais il est comme ça. Depuis ce jour j'ai décidé de ne plus le laisser tomber. Jamais. Et c'est pour ça que je te raconte tout ça, Malfoy. Je sais qu'il sera dévasté s'il revient et qu'il voit que tu n'es plus là. Tu n'es pas ma personne préférée au monde, loin s'en faut et je sais que je ne suis pas la tienne.

-Sans dec ? ironisa Draco.

Le rouquin lui renvoya un regard impatient.

-Mais par d'affreuses circonstances il se trouve qu'en ce moment tu es celle de Harry. continua-t-il imperturbable. Alors je te demande juste de l'attendre et de ne pas abandonner tout de suite…Même si tu y sembles persuadé, je ne pense pas qu'il te jette. Mais s'il le fait, prends le au moins comme un homme.

-Me traiterais-tu de lâche ? hallucina Draco en se redressant.

-Tu es celui qui est en train de faire ta valise en quatrième vitesse, répliqua tranquillement le rouquin en le toisant. Alors oui.

Weasley avait tort de le provoquer, à présent que Harry allait le quitter, plus rien n'empêchait Draco de lui enlever à l'aide d'une lame chauffée à blanc chacune de ses tâches de rousseurs.

-Je n'ai pas de conseil à recevoir d'un type qui n'est même pas capable de foutre sa femme en cloque.

C'était un coup bas qui n'avait rien à voir avec leur dispute mais qui fit mouche parce que l'éternelle étincelle de bonne humeur qui logeait dans les yeux de Weasley s'éteignit comme si quelqu'un venait de souffler une bougie. Draco s'en voulu immédiatement ce qui était étrange car il devait se moquer de blesser ou pas Weasley. Mais son sentiment de malaise était revenu au galop.

-Tu as recouvré toute ta combativité je vois, dit le rouquin d'une voix un peu rauque.

Draco fronça les sourcils et secoua la tête, ne comprenant plus rien.

-Merde, Weasley, tu es sensé me frapper pour ce que je viens de dire…

Weasley le regarda comme s'il envisageait en effet cette solution puis il secoua lentement la tête.

-Je n'ai plus seize ans Malfoy. Et si tu as écouté ma petite histoire alors tu sais que je ne veux plus décevoir Harry. Or réagir à tes provocations idiotes par la violence le décevrait à coup sûr. Je t'ai acculé, tu as répliqué, un point partout.

-Tu es flippant, marmonna Draco.

Weasley haussa les épaules.

-Parfois mon niveau de maturité m'impressionne moi-même, dit-il songeur.

Autant pour Draco, Weasley restait en fait un crétin.

-Y a pas à dire je gère…, poursuivit le rouquin avec un grand sourire, alors Malfoy, on croyait m'avoir par la provocation et BOUM, finalement tu te retrouves face à un mur de stoïcisme et de sagesse, quel effet ça fait ?

Draco secoua la tête et sortit de la chambre. Merlin pourquoi fallait-il que les amis de Potter soient aussi mentalement éreintants ?

Il soupira quand Weasley le suivit tout en continuant à s'auto flagorner.

°0°0°0°0°

Alors qu'il avait espéré ardemment que Weasley se tire durant tout le temps où ils attendirent le retour de Harry, Draco se rendit compte quand la porte se referma derrière le roux et qu'il se retrouva finalement tout seul avec Potter que sa présence lui manquait.

Ce constat lui fit serrer les dents. Il n'avait besoin de personne, encore moins de l'autre abruti, pour faire face à Harry Potter et au fait que ce dernier aller lui dire qu'il arrêtait là la casse et qu'il était prié de tirer un trait sur leur relation.

Potter était encore tourné vers la porte, la tension dans son corps était presque palpable. Draco l'entendit prendre une grande inspiration. Son cœur se serra, ça y était…Il allait le quitter. Jamais plus il ne pourrait sentir ses bras l'enlacer et se laisser bercer par sa chaleur. Jamais plus il ne le verrait lui sourire avec cette tendresse qui rendait ses jambes flageolantes et qui lui coupait la respiration. Jamais plus il ne pourrait boire son rire à même ses lèvres sans pourtant jamais réussir à se rassasier, laisser ses mains se perdre dans ses cheveux noirs, toucher ce corps dur et chaud, le voir étudier, s'entraîner, prendre soin de ses amis, de Marc-Antoine, gouter sa cuisine...

Parfois le matin sous la douche, ou alors quand il cuisinait, Potter chantait. Toujours des trucs idiots, ça allait de l'hymne de Poudlard aux comptines pour enfants qu'ils entendaient chez les Weasley et il chantait bien, sa voix était un peu éraillée, basse et mélodieuse. Draco faisait comme si il ne l'écoutait pas, parce que sinon il aurait été obligé de se moquer, Harry aurait du répondre, arrêtant le chant et Draco aimait quand il chantait, ça lui faisait un truc ridiculement chaud dans le ventre.

Il aimait quand il criait. Il aimait quand il soupirait, quand il ne disait rien, quand il parlait pour ne rien dire, quand il riait, quand il parlait fourchelangue, quand il râlait, quand il haletait à son oreille. Il l'aimait.

-Draco…

A suivre…