Note de l'autrice : Je me rends compte que c'est la première fois que j'écris une histoire au ton si souvent léger, alors que ma passion dans la vie, c'est le angst éhonté hahaha Heureusement que Draco est là pour que ça souffre un peu ! (Le pauvre...).

Le chapitre contient un clin d'oeil à la scène du film Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé dans laquelle Cormac vomit sur les pieds du professeur Rogue, après qu'Harry lui ait fait croire qu'il a mangé des testicules de dragon.

Sinon, pas la peine d'aller vérifier dans les encyclopédies du fandom, les nèfles évoquées dans l'histoire sont inventées.

Bonne lecture et merci pour vos retours ! La suite arrive mercredi ;)


In Pursuit Of

MEANING

(Draco)

Le soir de la première retenue, Draco se rendit devant les serres de Poudlard, où patientait déjà Granger.

Il l'ignora superbement, laissant s'installer entre eux un silence aussi glacial que le vent qui fouettait leurs visages, aussi pesant que la neige qui alourdissait leurs semelles.

La voix irritante de McLaggen vint briser cette cordiale mésentente.

« Quelqu'un aurait-il l'amabilité de me rappeler ce que je fais ici ? Si ma mémoire est bonne, c'est moi qui ait été victime de vos élans de violence respectifs. »

En un éclair, et en même temps que Granger, Draco fusilla du regard le plaignant.

« Tout doux, fit l'imbécile en levant les mains en l'air devant eux, avant qu'émerge dans son ombre le professeur Rogue.

- Quant à moi, M. McLaggen, j'ai été victime de vos « élans » digestifs. Votre mémoire est-elle au point sur les raisons qui vous amènent ici ou ai-je besoin de la rafraîchir davantage ? »

Le concerné fit non de la tête, ne s'aventurant pas à dire un mot.

« Bien, dit le professeur d'un ton sec. Suivez-moi. »

L'homme s'engouffra précipitamment dans la plus grande des trois serres, sa cape noire volant théâtralement autour de lui, frappant l'encadrure de l'entrée sur son passage. Granger le suivit ; McLaggen suivit Granger ; Draco termina le cortège en ayant déjà envie de partir.

Le pas pressé de Rogue ne s'arrêta qu'au fond de la serre, devant six longues rangées d'arbustes, dont les branches s'affaissaient sous de lourdes grappes de fruits de la taille d'une phalange. Draco n'aimait pas ce que cela présageait.

« Qu'avons-nous là, Miss Granger ? », demanda froidement le professeur.

S'approchant, elle observa les fruits avec attention, ne semblant pas apprécier ce qu'impliquait leur vue.

« Ce sont des néfliers orcadiens. Durant l'hiver, ils donnent des fruits à coque appelés nèfles. Leur jus est très utile pour...

- Une ribambelle de potions dont on se sert en ces murs ou qu'on vous apprend à préparer, l'interrompit le professeur, pour ce que Draco suspectait être le simple plaisir d'interrompre. Et que faut-il savoir sur leur récolte ?

Guère étonnée, après tant d'années, par l'impolitesse de son interlocuteur, Granger poursuivit comme si de rien n'était.

« Si elles n'ont été cueillies avant le 15 janvier, elles meurent à même la branche. Et si l'on a pas ôté la coquille qui les protègent avant le 1er février, elles s'assèchent, ce qui réduit...

- Drastiquement leur efficacité en tant qu'ingrédient, écourta Rogue. La culture de nèfles demande donc une rigoureuse ponctualité. Une qualité qui semble cruellement manquer à certains d'entre vous. »

Son regard pesa sur McLaggen, qui marmonna d'un air indigné qu'il était arrivé devant les serres avant lui.

L'ignorant, le professeur Rogue pointa du doigt des paniers en osier et des hottes en cuir disposés dans un coin de la serre :

« Vous cueillerez et stockerez les nèfles là-dedans. Elles viendront remplir les réserves de votre maître de potion. Vous rendrez ainsi service à celui que vous avez importuné durant sa petite soirée. »

Draco ne manqua pas le dédain qui accompagnait la prononciation du terme « petite soirée ».

« Oh, et bien entendu : pas de magie autorisée », ajouta-t-il vicieusement, comme s'il s'agissait d'un détail, tout en tendant une main demandeuse vers eux.

Les trois étudiants donnèrent leur baguette avec réticence sous le regard satisfait du professeur.

« Des questions ? » demanda-t-il, sa posture signalant déjà qu'il s'apprêtait à partir.

Granger leva la main.

« Nous n'aurons pas plus d'aide pour…

- Non.

- Mais ça va prendre…

« Un mois. Trois heures par semaine. Dépêchez-vous. »

Dans un bruit de cape, il s'éclipsa, laissant dubitatifs les trois étudiants.

« Eh bien, ça va être une partie de plaisir », fit McLaggen.

N'ayant aucune intention de discuter plus que nécessaire, Draco s'empressa d'attraper un panier et de lancer :

« Je prends une rangée. Prenez en une autre. Laissez-moi tranquille. »

Granger objecta. Bien sûr qu'elle objecta.

« Autant je partage ta volonté de rester à distance, Malfoy, autant je crains que ce ne soit pas la méthode la plus efficace. »

Elle l'agaçait déjà.

« On a six heures pour cueuillir les fruits de six rangées d'arbustes avant la mi-janvier, raisonna-t-elle. L'idéal serait donc d'en vider une par heure. Si l'on s'y met à trois sur une même rangée, on verra mieux notre avancée. Ça nous permettra, si besoin, d'ajuster notre cadence. »

Elle l'agaçait tout particulièrement quand elle n'avait pas tort.

« Ça me semble être une bonne idée, en effet », soutint McLaggen, en affectant une mine pensive.

Bien sûr que ça lui semblait une bonne idée, de caresser Granger dans le sens du poil, surtout si ça réduisait la distance entre elle et lui.

Draco soupira.

« Je prends un côté ; prenez l'autre », se contenta-t-il de répondre sèchement.

Granger hocha la tête.

Draco commença la cueillette de nèfles à l'avant de la première rangée, à l'extrémité gauche. McLaggen en fit de même à l'arrière de cette rangée, à l'extrémité droite. Bien que du même côté, Granger prit soin de se disposer loin du Gryffondor, au milieu de la lignée d'arbustes. Comme à mi-chemin entre deux périls.

Tandis qu'il s'affairait, Draco songea que sa vie était devenue une mauvaise blague.

C'était ridicule de se trouver ici, enfermé dans la serre de cette fichue école, à cueillir des fichus fruits à main nue, en compagnie de deux imbéciles de Gryffondor.

C'était ridicule de voir McLaggen faire les yeux doux à Granger, qui paraissait plus préoccupée par les avances de ce type que par les insultes que, lui, pourrait lui lancer, s'il avait encore du temps à perdre en se moquant d'elle.

Tout lui semblait atrocement grotesque depuis la rentrée scolaire. Seul l'accomplissement de sa mission l'importait; en comparaison, le reste lui donnait l'impression d'une vaine mascarade. Observant la banalité des inquiétudes estudiantines, des amourettes adolescentes et des ambitions sportives, Draco se sentait déconnecté, à mille lieues des jeunes de son âge, arraché à l'insouciance de leur vie. Il lui arrivait de se demander si Potter ressentait la même chose depuis des années – avant d'enterrer cette pensée incongrue au plus profond de lui-même.

C'était ridicule. Un Malfoy réduit à des tâches manuelles. Un Malfoy en prison. Une Malfoy versant une larme pudique à Noël. « Ton père n'a pas manqué les fêtes de fin d'année depuis la dernière guerre », avait révélé sa mère.

C'était ridicule, qu'une guerre gronde et que le monde tourne ; qu'il ait à tuer Dumbledore et à cueillir des nèfles.

Draco ne savait plus bien quelle mission était la plus ridicule des deux. Il craignait que, s'il y songeait trop, cela occasionnerait une brèche irréparable en lui. Il craignait que, s'il affrontait le fait que le Seigneur des Ténèbres l'avait chargé d'une tâche vouée à l'échec, cela l'obligerait à admettre la fin des Malfoy.

Et ça, le dernier héritier du nom ne l'acceptait pas.