La suite de cette histoire sera racontée par Steve et non, par moi, Hébé, il vous préviendra quand je reviendrais.
Steve : Tu sais que tu pourrais mettre un "*P.O.V*", ce serait plus simple...
Je suis tout à fait d'accord avec Éos : nous téléporter aura été un immense gaspillage d'énergie. Heureusement que c'est Séby qui a lancé le sort.
En parlant de lui, si vous voulez retrouvez dans ma situation, ne faîtes jamais semblant de sortir avec lui... Comme vous l'aurez sans doute compris, de nombreuses missions d'Eos ont nécessité notre merveilleux jeu d'acteur, nous nous sommes souvent fait passer pour un couple. Et vous comprendrez pourquoi je me plains comme un Français !
Nous étions dans ce que nous allons appeler la ville 2. J'avais étudié le planning de la Croix-Rouge. Le matin, nous travaillons à la maison de retraite, nous aidons les pensionnaires à se déplacer et participons aux activités. Après, on y déjeune et à midi, on va au bureau, enfin à la Croix-Rouge de la ville 2, pendant la pause. L'après-midi, nous allons au collège pour participer à l'activité pour laquelle Hébé a été envoyée : une campagne de sensibilisation sur la santé et la sexualité. Hébé et Eos étant Françaises, elles ont eu l'habitude de ce type de sempiternels sermons sur l'importance de la santé, de manger des légumes et de ne pas oublier les préservatifs et gnagnagna, mais j'ignore si l'éducation nationale Italienne cautionne ça... Pfff, une bonne raison d'avoir renoncé à mon humanité!
De plus, il y aura une prévention sur l'affaire du "Résurrecteur". Demain, il y a une grande manifestation à Solférino. Le thème est "la paix entre humains et monstres". D'après ce que je sais, il y a une semaine, il y a eu, dans la région, un attentat. C'est malheureusement un fait, mais les superstitieux et les fanatiques religieux ont toujours pensé que les monstres étaient à l'origine de tous les maux du monde. Si j'ai bien suivi, les auteurs de l'attaque s'en sont pris à un bar gay, sous prétexte que les homosexuels sont possédés par des démons et que c'est de leur faute si "Dieu" a provoqué la "Résurrection"... Je suis très mal placé pour les contredire...
Pendant l'activité au collège, nous nous rendrons sur le lieu d'un crime, où un monstre a été tué par "Borda" pour discuter avec l'équipe d'investigation. Après, nous retournons faire l'exposé. Nous n'avons pas révisé les pièces de théâtre que nos collègues du moment ont prévues, mais nous pourrons improviser...
Comme tout le monde, j'avais quelques préjugés avant de commencer. Déjà, j'allais dans une maison de retraite. Sachant que nous sommes en Italie, pays réputé pour sa religion et que nous allons venir en aide à des seniors, je me demandais si l'aspect "couple" de notre mise en scène n'était pas malvenue.
Et oui, même les monstres ont des préjugés... Vous vous attendiez à quoi? Nous ne pouvons pas croire, mais nous pouvons nous tromper !
Voilà donc les préjugés :
1) En Italie, la religion a une place importante dans la vie des gens - Les personnes âgées sont plus sensibles en ce qui concerne la religion et la question de l'homosexualité (je l'ai remarqué en France) - subséquemment, il ne vaut mieux pas que Séby joue les petits amis trop expressifs,sinon un scandale va éclater...
2) Les missions de volontariat comme le service civique ou le service volontaire européen essaient d'attirer des personnes peu qualifiées, ce qui inclut Séby et moi qui avons renoncé à notre scolarité en même temps qu'à notre humanité... Pourquoi ? Parce que ça montre une meilleure image des associations en laissant leur chance à des jeunes compétents, malgré leur non-qualification, et surtout parce que ça permet de se distinguer du volontariat de solidarité internationale et du service volontaire international. Le service volontaire international demandant à être financé par le volontaire et le volontariat de solidarité internationale demandant très souvent des diplômes et qualifications très précises (secrétariat, chirurgie, etc.), les service civique et le service volontaire européen se démarquent par leur ouverture d'accès aux personnes qui, comme Séby et moi, ne disposent pas d'un parcours conventionnel.
3) Il me semble qu'il faut des diplômes et des formations pour aider des personnes âgées, non? Les monstres ne partagent pas les mêmes soucis que les humains en vieillissant, mais je pense qu'effectuer ce qu'on va effectuer peut requérir une expérience ou des diplômes, non? Après tout, j'ai lu de nombreux témoignages sur des personnes qui effectuent des services civiques pour lesquels les personnes qu'ils rencontrent oublient avoir affaire à des personnes sans réelle qualification (Pôle Emploi, animation scolaire), ce qui renforce la mauvaise réputation du service civique. Je sais ce que vous vous dîtes : «Oui, mais avant un volontariat, tu suis un petit temps de formation pour te préparer à la mission» ... C'est n'importe quoi : Primo, Séby et moi devons résoudre cette affaire dans l'urgence, nous n'avons pas le temps pour une formation ; Secundo, j'ai rencontré un jeune homme qui avait effectué un service civique ET un service volontaire européen, mais il n'a eu la formation qu'en plein milieu de la mission !... Euh... Mauvais exemple !
l'Ordre nous avait confié des oreillettes, nous resterions en communication avec Éos, le pouvoir de Séby ne s'étendant que sur quelques dizaines de mètres...Je vais probablement oublier que je vous l'ai dit...
Au passage, Séby m'est indispensable, comme je n'ai pas assez d'énergie pour hypnotiser qui que ce soit, le fait qu'il lise dans les pensées nous sera utile pour communiquer. Je ne parle pas assez bien italien... Et pour information, ça lui coûte très peu d'énergie pour pouvoir opérer sa violation d'intimité, par contre je ne pense pas que l'utilisation de ce pouvoir soit légale...
Pauvre Séby ! C'est tellement rare que son don lui serve pour nos enquêtes. Au Paraguay, il a boudé pendant une semaine. Non seulement, il n'avait pas réussi à démasquer l'inspecteur Cole qui s'est avéré être un coupable, même si ce n'est pas un humain ordinaire, et son pouvoir ne lui a servi à rien face aux monstres que nous avons affrontés.
Je devais donc sacrifier mon envie de ne pas m'afficher avec le pire petit ami de l'Histoire du théâtre et accepter de rester près de lui. Nous avions enfilé les uniformes delà mission, la mission de volontaire et non celle d'enquêteur, c'étaient des T-shirts rouges avec le logo de la Croix-Rouge sur les épaules et le dos. Il y avait aussi un badge avec le logo officiel de l'Ordre (un bouclier avec des cornes portant un symbole yin-yang) et avec en dessous le symbole de la manifestation, un drapeau arc-en-ciel avec un dessin de la planète Terre et les continents en forme de dragons.
Les humains et leur obsession pour la pudeur et la décence... Pffff...
Nous rencontrâmes notre collègue, Lea Diabol. C'était une jeune femme d'origine Slovaque, avec des cheveux blonds et un uniforme comme le nôtre, elle nous serra la main et Séby nous présenta en italien. C'est un peu facile quand tu sais ce que tu dois répondre parce que tu le lis dans les pensées de l'interlocuteur. Séby attendit qu'elle ait le dos tourné, elle commençait à nous faire visiter la maison de retraite, pour l'observer, nous échangeâmes un regard, je connais Séby depuis suffisamment longtemps pour savoir quand il ne trouve rien d'intéressant chez les souvenirs d'une personne. La maison de retraite possédait trois étages, j'analysais les odeurs, même si je sais par habitude que certains de mes compatriotes sont doués pour dissimuler toutes les marques de leur monstruosité et que les humains dotés de capacités spéciales savent se fondre dans la masse. Je sentais une odeur de médicaments, d'humains, de nourriture, de fluides corporels, de tissus propres, etc. Bref, rien de magique !
Pour tout dire, je ne percevais aucune aura, aucune énergie qui sorte de la "norme"... En même temps, après avoir eu affaire à la puissance de Perchta, en Allemagne, je pense que même un poltergeist passerait inaperçu en comparaison.
Léa était une personne très sympathique, très souriante. Elle nous apprit que nous déjeunerions ici avec elle... Cette phrase fut pour moi me couteau qui se remua dans la plaie. La nourriture humaine est très pauvre d'après mon métabolisme. Séby et moi avons plutôt l'habitude de manger ce qui n'a pas réussi à nous manger, nous... Alors, des pâtes et des carottes aussi bonnes soient-elles ne vont pas recharger nos batteries.
Je suis tellement faible que je ne suis pas sûr de pouvoir maintenir la couleur marron chocolat de mes iris... La dernière fois que j'ai eu aussi faim, une passante a bien vu que j'avais en réalité les yeux rouges...
J'eus réellement honte quand mon estomac m'annonça bruyamment sa faim, mais je n'étais pas prêt de trouver un vampire ou une goule à grignoter ici... Compulsivement, je commençai à me frotter les doigts entre eux sur le chemin de la salle d'activités. J'avais tellement faim que j'avais peur que mes ongles se retransforment en griffes. Séby m'envoya un regard désagréable pendant un long soupir. Comme je l'ai précédemment dit, je le connais assez bien pour juger qu'il méritait un coup de coude à ce moment précis.
Nous arrivâmes dans la salle d'activités, Séby commença par analyser toutes les personnes présentes et me donna son verdict : Rien à signaler !
J'entends déjà des *s me dire qu'il aurait suffi que Séby et moi nous nourrissions avant de venir en Italie, mais le temps pressait...
J'ignore comment les humains verraient cette occupation, mais comme je suis une créature du chaos en perpétuelle action, ce calme et cette paix m'ont semblé bien ennuyeuses...
Je le rappelle, les monstres n'ont pas la même approche et la même réaction face au temps qui passe et à l'âge qui avance que les humains. Même si je suis capable de faire preuve d'empathie, je ne pourrai sans doute jamais comprendre le poids qui pèse sur les personnes dont je dois m'occuper.
L'activité dura trois heures. Pendant la matinée, les pensionnaires de la maison de retraite jouaient. Certains dessinaient, d'autres se servaient de jouets pour se divertir. Si j'étais méchant, je dirais qu'une certaine personne aux cheveux de la même couleur que notre uniforme, a abusé de son don pour pouvoir me narguer en ayant une conversation dans un italien impeccable avec une femme vêtu de violet, une pensionnaire qui le trouvait mignon. Si vous pensez que je suis envieux et que ce n'est pas bien de se rabaisser parce qu'un ami possède une compétence désirée, je vous rétorquerais qu'il m'aurait suffi d'être en pleine possession de mes moyens pour pouvoir regarder n'importe quel civil dans les yeux pour pouvoir entrer dans son esprit et lui parler dans la langue de Léonard de Vinci... Eos ayant travaillé dans un journal international, connaissait cette langue comme si c'était elle qui l'avait inventée et Séby pouvait tricher en répétant ce qu'il lit dans les souvenirs des gens, moi, je connaissais à peine : «Scusa mi!», «Non capisco», «Io so...»
La misère cognitive !
Du coup, pour me rendre utile, j'ai joué aux échecs avec l'un des pensionnaires, il s'appelait Luigi, à ce que j'ai compris.
Après l'activité, nous avons eu le droit à un énième couteau remué dans la plaie : nous avons aidé les pensionnaires à aller à l'étage pour le déjeuner.
Vous ne voyez pas pourquoi je me plains ? À quoi ça sert de pouvoir se téléporter, voler et même marcher sur les murs et les plafonds si vous ne pouvez pas aider des personnes à accéder plus rapidement à un service ?
C'est une conversation que Séby et moi avons eu avec Éos à propos de nos capacités. Même quand nos pouvoirs sont déchargés, nous restons des créatures dotées d'une force, d'une acuité sensorielle, d'une vitesse, d'une agilité, d'une endurance et d'une vitalité surhumaines. Depuis le début de notre aventure forcée, j'ai aidé un pompier à évacuer des personnes prises au piège d'un bâtiment enflammé, j'ai apporté un greffon à des chirurgiens pour qu'ils puissent sauver une personne atteinte du cancer et j'ai même dû assister à un euthanasie. Nous, les monstres, vivons dans un chaos perpétuel, nos seules activités sont là chasse, le développement de nos pouvoirs, la collecte de savoir et le voyage, il nous est difficile d'appréhender le besoin humains, puisqu'ils sont si fragiles, si mortels.
L'Ordre a justement ce problème. Depuis son apparition, un certain événement rend difficile la transmission de pouvoirs spéciaux et le processus pour choisir ceux ou celles qui recevront des pouvoirs aussi importants est très compliqué, très vicieux. Ayant eu affaire à des personnes d'origines diverses, tant des monstres, que des humains, j'ai rencontré de nombreuses questions liées à nos pouvoirs... Les humains posent souvent des questions .
Si les monstres et les mages peuvent soigner les maux, pourquoi l'Ordre n'utilise pas un sort ou une technique de monstre pouréradiquer le cancer?
Si les monstres et les mages peuvent transférer leurs aptitudes aux humains, pourquoi ils ne donnent pas...?
Bref, chaque fois qu'on me demande si je regrette l'abandon de mon humanité, je ne saurai répondre "Oui".
Je dois avouer que cette mission m'apporte pas mal de... Je ne sais pas comment dire?... Je suis rassuré... Devoir me frotter aux créatures et aux victimes du Résurrecteur, j'ai eu affaire au pire et au meilleur de l'humanité. J'ai rencontré des religieux qui imposent leur foi par la force et les armes, des athées qui veulentéradiquer la foi et la faire reconnaitre en tant que maladie mentale, mais j'ai aussi vu les deux communautés capables de cohabiter. J'ai vu tous les aspects et thèmes qui me rendent misanthrope, les humains s'inventent des ennemis, s'inventent des problèmes, s'inventent des prétextes pour haïr...
J'ai vu les pleurs, j'ai vu les rires, j'ai vu les chagrins, j'ai vu les joies...
Le déjeuner était très bon, mais le fait est qu'aussi bonnes soient des pâtes et de la viande pour mes papilles gustatives, que mon corps a besoin de nutriments un peu plus... Diaboliques...
L'après-midi, Séby et moi irons au collège pour l'atelier de sensibilisation à la santé.
Nous avons donc suivi Léa jusqu'au bureau de la Croix-Rouge.
Nous sommes montés à l'étage, il y a un canapé à côté de la porte de la salle de repos:
Sebastian : Puisque nous sommes nocturnes et que nous risquons de devoir bosser ce soir, autant faire la sieste.
Sans la moindre élégance, mon petit ami officiel s'est vautré sur le canapé et m'a sorti :
Sébastian : Et, dis donc, "mon amour", je te rappelle que nous sommes supposés être un couple amoureux, alors au nom de notre crédibilité, pourrais-tu au moins dormir avec moi?
Je soupirai et me posai sur le canapé quand deux bras me saisirent pour me coller contre Séby :
Sebastian : Tes grognements ne m'intimident pas, "mon cœur", et dis-toi que nous restons aux aguets même si nous dormons. De plus, nous n'avons pas à faire subir aux autres notre grandiose jeu d'acteur oscarisable pendant que nous roupillons.
Je lâchai un petit rire et acceptai de me reposer. Je fermai les yeux en laissant Séby m'enlacer...
Le prochain chapitre sera raconté par Hébé !
À suivre...
