Les premières semaines s'étaient écoulées sans plus d'incident pour Stan. Il avait fait la connaissance de tous ces professeurs à présent : Monsieur Louis, professeur de métamorphose, Monsieur Vastoral, professeur d'histoire de la magie, Monsieur Plinpot, professeur de divination et enfin Madame Tristemine qui s'était avérée être la femme du Jardin des Félicités.

La première fois qu'il l'avait vu, Stan avait senti son cœur s'accélérer et cela n'avait rien à voir avec sa beauté. Il avait eu peur d'être pris. Mais non, il fallait croire qu'il ne risquait rien pour son épopée sauvage lors de sa première nuit à l'école. Pour sa part, il continuait de se poser des questions sur ce qu'il avait entendu cette nuit-là.

Lothar s'était calmé. Avait-il appris la leçon, ou bien préparait-il un nouveau coup ? Stan aurait été incapable de le dire. Mais il restait sur ses gardes, il avait une sorte de pressentiment, il ne pouvait s'empêcher d'imaginer que quelque chose allait lui arriver.

Heureusement, depuis le début de l'année, Stan s'était rapproché d'Indy plus qu'il ne l'aurait cru et de Morgane encore plus. Bien que, pour cette dernière, il aurait été plus juste de dire que c'était elle qui s'était rapprochée de lui, et ce, quel que soit le jour, l'heure ou le lieu. Mais Stan appréciait l'enthousiasme de la jeune fille. Lui qui se sentait bien plus à l'aise dans sa chambre, avec ses devoirs et les grognements d'Indy à propos de tel ou tel exercice, lui enviait sa capacité à parler avec à peu près n'importe qui.

Enfin. Halloween approchait, et s'il n'était pas prévu que les étudiants rentrent chez eux, on préparait l'évènement. Un bal se tiendrait le 31 au soir ce que Stan redoutait plus que tout. Une part de lui était attirée par la perspective de rencontrer de nombreux fantômes invités pour l'occasion, une autre était terrifiée à l'idée de devoir se mêler à la foule et même pire… danser !

Brrr… Enfin ! Il restait encore une bonne semaine avant la date fatidique et aujourd'hui était un jour particulier. La journée entière serait consacrée au cours de balai. Stan avait hâte de s'y essayer, mais ce n'était rien à côté de l'enthousiasme d'Indy. Le garçon était plus renfrogné que jamais, il affichait un air si sévère et si concentré que Stan et Morgane avaient préféré ne pas lui adresser la parole de tout le petit déjeuner.

Une fois ce dernier terminé, ils se dirigèrent vers les jardins extérieurs situés dans la partie arrière du château.

Si le Jardin des Félicités qui occupait la partie avant de l'académie était éblouissant par la qualité et la vie qui animait ses statues, la partie arrière n'avait rien à lui envier. Entre les deux ailes de l'académie qui formait un U se trouvait un bassin aussi grand qu'un petit lac bordé de garde-fou en pierre épaisse. Au centre de ce bassin se trouvait la célèbre fontaine Flamel, accessible par quatre chemins étroits, à fleur d'eau, et dépourvus de toute protection. La chose était voulue. En effet, la fontaine, interdite d'accès, était gardée par des sirènes impitoyables qui ne se montraient que très rarement aux étudiants.

La fontaine en elle-même était aussi majestueuse qu'étrange. Elle devait bien faire dix mètres de circonférence et se composait d'une superposition de bassins de plus en plus petits. À son sommet, un phénix d'or, ailes déployées, figés dans un cri, crachait en permanence un torrent d'eau qui venait s'écouler en contrebas. Mais ce qui donnait à cette fontaine son caractère aussi étonnant qu'éblouissant, c'était le jeu de rigoles, ravines et canaux qui s'entremêlaient, bassin après bassin, donnant l'impression de mille rivières, torrents, fleuves et bras de mer.

Des étudiants avaient déjà essayé d'atteindre la fontaine bien sûr, attirés par les promesses de longévité et de guérison de cette dernière. Mais aucun ne l'avait jamais atteint. Les sirènes veillaient.

Au-delà, un jardin s'étendait en longueur vers l'Ouest, dans l'axe de l'académie. Il était encadré de part et d'autre par deux montagnes : la Montagne Maxime était le surnom donné à celle du Nord où se trouvait plantés des kilomètres de vigne, le logement particulier de la directrice ainsi que son haras, l'autre montagne, celle se trouvant au Sud, à l'ombre du soleil, était appelé la Fourbe Forêt, pour une raison évidente…

Le jardin était dans le plus pur style à la française, tout y était ordonné, taillé, maîtrisé. Les quatre emblèmes des familles de Beauxbâtons étaient reconstitués à l'aide d'arbustes, de fleurs et autres végétaux colorés.

Des chemins, des allées, des bancs, des espaces de repos agrémentaient toute la longueur du lieu. Tout au fait du jardin, enfin, se trouvait le terrain de Quidditch. Ce dernier se déployait en bordure d'un ravin recouvert par une brume permanente.

C'est là que les élèves devaient se réunir. Une fois dans l'enceinte du lieu, le professeur de vol, Monsieur Churros, arriva. C'était lui-même un colosse couturé de petites cicatrices, un ancien joueur de Quidditch qui avait du mal à oublier sa gloire passée.

« - Bonjour jeunes garçons et bonjour jeunes filles ! Bienvenue pour votre premier cours de vol. Le vol sur balai, jeunes gens, voilà ce qui unit les peuples ! Ce n'est ni la lutte contre le mal, ni la botanique, et encore moins les potions, NON ! Ce qui unit les peuples, jeunes gens, c'est le balai ! - Monsieur Churros frappa le sol de son balai avec énergie. – Voilà pourquoi vous devez mettre toute votre âme dans la pratique du vol en balai ! »

Stan avait envie de ricaner, il chercha du regard Morgane pour partager son amusement, mais elle était trop loin. Seul Indy se trouvait à ses côtés et ce dernier hochait la tête aux propos du professeur avec tant de ferveur que Stan préféra ne pas le déranger.

« - La journée entière sera consacrée à la pratique. Mettez-y tout votre cœur, et si vous montrez de bonnes aptitudes, qui sait, je pourrais même décider de vous proposer pour un poste dans l'une des équipes de l'académie ! Oui, vous m'avez bien entendu ! Il n'est pas impossible pour un élève de première année de rejoindre une équipe. À vous de vous montrer digne ! Maintenant à vos balais ! Main au-dessus et l'on crie « debout ! » avec conviction ! »

Les élèves s'exécutèrent, pour la plupart sans grande difficulté. Steeve Mackrekan et Sarah Denacre furent ceux qui eurent le plus de difficultés, mais ils y parvinrent malgré tout après quelques essais.

Dès lors Monsieur Churros guida la longue file indienne d'élèves. Les exercices s'enchainèrent toute la matinée. D'abord, ce fut une série de déplacement précis : monter, descendre, droite, gauche, virage large, serré, en piquée. Puis on se mit aux passes : passes stationnaires, passes en mouvement, passe à deux, passe à trois.

Les exercices variaient selon le niveau de chacun. Plus l'on était doué, plus l'on s'entrainait haut dans le ciel si bien qu'il y avait des élèves de trois à vingt mètres au-dessus du sol. Monsieur Churros volait en tout sens, encourageant, houspillant, grognant et félicitant tout à la fois et dans tous les sens. Il fallait reconnaitre qu'il maîtrisait son balai comme un petit singe sa queue.

Stan était plutôt content de lui, il était à quinze mètres du sol à présent et s'entrainait aux passes avec Indy. Soudain, Indy rata le Souafle qui commença à dégringoler sur les élèves en dessous. Indy partit aussitôt à sa poursuite, mais Monsieur Churros fut plus rapide. Il lui tendit la balle en secouant la tête, émettant un petit « t-t-t-t… ».

Indy rejoignit Stan visiblement fâché.

« - Dis, tu pourrais faire attention ! Tu me l'as lancé n'importe comment ! – Stan était outré. –

- Quoi ?! N'importe quoi, je l'ai très bien lancé, je n'y peux rien si tu l'as raté !

- Et moi je te dis que tu l'as lancé trop à droite !

- Et moi je dis que tu n'es pas doué, voilà tout !

- Ce n'est pas vrai !

- Si ! Et de toute façon je ne vois pas le problème, ce n'est pas grave, ce n'est pas comme si on allait rejoindre une équipe ou quoi que ce soit ! »

Indy resta silencieux un moment. Monsieur Churros n'avait rien raté de leur échange, tout comme la plupart des élèves aux alentours.

« - Bien joué Gravel ! T'as raison, vous ne risquez pas d'être des chevaliers ! »

Satané Lothar ! De quoi se mêlait-il ? Et pourquoi Indy ne lui répondait-il pas ? Il avait raison non ? Ce n'est pas comme s'ils allaient rentrer dans une équipe cette année. C'était quasiment impossible pour un première année. Tout à coup il reçut un coup de poing dans l'épaule qui faillit le faire tomber. C'était Morgane qui était montée à sa hauteur. Chose rare, elle ne souriait pas.

« - Parfois, Monsieur Gravel, vous vous comportez vraiment comme un Scroutt à Pétard !

- J'ai juste…

- Laisse tomber. On échange, allez. »

Et sans attendre sa réponse, elle le poussa pour prendre sa place. Stan se sentit effectivement idiot, et très seul. Il sentait le regard des autres autour de lui. Il n'avait pas d'autres choix que de descendre prendre la place de Morgane. Dans l'absolu, il était content de ne plus avoir à s'entraîner avec Indy qui râlait tout le temps. D'un autre côté, il se sentait honteux. Il repensait au regard lourd de reproches de Morgane et à la tristesse d'Indy quand il s'était disputé.

Il se remit à l'exercice sans énergie ni enthousiasme. Son malaise grandit lorsqu'il entendit les rires partagés d'Indy et Morgane au-dessus de lui. Pourtant, elle était une moins bonne lanceuse que lui alors pourquoi ne se faisait-elle pas enguirlander elle aussi ?! Ce n'était pas juste !

Stan repensa à tout ce qu'il savait d'Indy… Et il comprit enfin son erreur.

Arriva midi, l'heure de la pause. Des pique-niques attendaient les élèves. De petits et grands cercles d'amis se formèrent. Stan s'approcha timidement de celui que constituaient Indy, Morgane et Djibril Kofe.

« - …Salut.

- On s'est déjà vu ce matin. – Morgane était toujours de méchante humeur à son égard. –

- Écoute Indy, je suis désolé. Je n'avais pas pensé que tu voulais sérieusement rentrer dans une équipe de Quidditch dès ta première année...

- …

- Et… j'aurais dû mieux lancer la balle. »

Indy le regarda avec ses sourcils blonds tout froncés. Finalement il se détendit et haussa les épaules.

« - En même temps qu'est-ce que je peux attendre d'un Scroutt à Pétard… - Aussitôt Djibril se lança dans une excellente imitation. -

- Parfois, Monsieur Gravel, vous vous comportez vraiment comme un Scroutt à Pétard !

- Hey ! »

Morgane protesta en souriant tandis que les deux autres riaient. Stan se sentait toujours mal à l'aise, mais il osa enfin s'assoir. Morgane le regarda un moment avant d'ajouter.

« - Au moins tu sais t'excuser.

- Je suis un Scroutt à Pétard très poli. »

Ils rirent ensemble et Stan se sentit enfin mieux.

« - Bon, ce n'est pas le tout, mais si tu veux impressionner Monsieur Churros d'ici la fin de la journée il va falloir briller cet après-midi.

- Cet après-midi c'est le moment idéal. On va faire des petits matchs. Si j'arrive à montrer de quoi je suis capable…

- D'accord, mais… De quoi es-tu capable au juste ? »

Morgane avait touché un point essentiel du problème. Il y eut un moment de silence avant que Stan ne plaisante.

« - Il sait voler avec un balai ? »

Ils rirent, encore, mais ça ne réglait pas le problème. Morgane reprit, plus sérieuse.

« - Je ne te vois pas tellement attrapeur, sans vouloir te faire de peine.

- Je ne me vois pas non plus attrapeur en fait…

- Quel poste aimerais-tu occuper alors ? Batteur ? Poursuiveurs ? »

Stan tenait à se rattraper en aidant du mieux qu'il le pourrait son ami, mais c'est Djibril qui enchaina.

« - Et pourquoi pas Gardien ?

- Gardien ? Ce n'est pas le poste le moins amusant ? »

Stan se dit que le Tirelair ne devait pas y connaître grand-chose pour proposer ce poste. Personne n'avait envie d'être gardien. C'était le poste le plus ingrat. Souvent félicité, encore plus souvent blâmé. On oubliait les arrêts aussi vite qu'on se souvenait longtemps des ratés. En plus on risquait bien des blessures à vouloir arrêter à tout pris les souafles. Non, vraiment, Gardien était bien le poste le plus ingrat ! Sa surprise fut d'autant plus grande lorsqu'Indy répondit positivement à cette suggestion.

« - Gardien… Pourquoi pas ?

- Je pense que c'est le poste qu'il te faut. Ne le prends pas mal, mais tu as un côté un peu hargneux et ronchon. Je pense que Gardien t'irait bien ! En plus… c'est le poste qu'occupait Monsieur Churros quand il était encore professionnel.

- Je pense que Djibril a raison. Gardien irait parfaitement à ton caractère ! – Voilà maintenant que Morgane se rangeait à cette idée ! –

- … Hmm… Ok. Je pense que c'est une bonne idée ! Allons-y pour Gardien ! »

Bon… À croire qu'il était vraiment un Scroutt à Pétard parfois ! Stan ne put qu'acquiescer. Il fallait maintenant qu'ils se constituent une équipe avant la reprise. C'était plus prudent s'ils voulaient faire une bonne performance et impressionner Monsieur Churros. Ce fut Morgane et Djibril qui s'occupèrent d'aller recruter d'autres joueurs. En moins d'un quart d'heure, l'équipe était complète !

Indy Albright serait Gardien. Mélanie Duval, Morgane Rougerive et Stan Gravel seraient Poursuiveurs. Song Daodang et Henri Grominé seraient Batteur. Enfin, Djibril Kofe serait Attrapeur.

L'heure de la reprise était arrivée. Les élèves les moins douées allèrent poursuivre leurs entrainements en dehors du terrain. Les autres se tenaient prêt dans les gradins. Trois équipes s'étaient constituées. L'une d'elles comptait Lothar Dresstones dans ses rangs, au poste d'Attrapeur. L'autre comptait Raphaël Martin dans ses rangs, au poste d'Attrapeur également.

Le premier match fut contre l'équipe de Raphaël. Les choses ne se passèrent pas très bien. Indy faisait de son mieux, mais les attaques de l'équipe adverse étaient si nombreuses qu'il finissait irrémédiablement pour encaisser des buts. Song avait de la force, mais visait mal, Morgane n'arrivait pas à rattraper les passes trop rapides et Henri semblait trop effrayée par la vitesse des cognards pour les frapper. Ils perdirent donc le match, et ce malgré les efforts désespérés d'Indy et les cent cinquante points que leur fit gagner Djibril en attrapant le vif d'or.

Une chance pour eux, c'était l'équipe de Raphaël qui devait rejouer immédiatement. Cela leur laissait le temps de réfléchir à tout ce qui n'allait pas et, il fallait bien le reconnaitre : presque tout n'allait pas. Cependant, sept adolescents qui essayent de trouver des solutions sans désigner de coupable, ça ne va pas bien loin.

Voyant qu'ils n'avançaient pas, Stan s'éclipsa et profita que les autres joueurs soient en train de s'installer sur le terrain pour aller interroger Monsieur Churros.

« - Dites, Monsieur Churros ? Qu'est-ce qui n'allait pas dans notre équipe tout à l'heure ?

- …Ce n'est pas à moi de vous le dire. D'ailleurs je suis persuadé que vous savez très bien ce qui n'allait pas. La vraie question, Monsieur Gravel, c'est de savoir si l'un d'entre vous sera capable de prendre les choses en main et de mettre un peu d'ordre dans votre équipe. – Le professeur regarda du coin de l'œil Stan avant de revenir à sa contemplation du terrain. – J'ai bien vu les efforts de votre camarade. Et, pour tout dire, il n'est pas mauvais. Mais il faut plus que de bonnes capacités physiques pour faire un bon Gardien. – Il laissa encore un temps. - Si vous voulez tout savoir, c'est peut-être ça le véritable test.

Stan réalisa alors que le vieux professeur était plus futé qu'il n'y paraissait. Il fallait vite qu'il aille voir comment ça se passait dans les vestiaires et qu'il informe Indy de ce qu'il venait d'entendre !

« - Merci beaucoup Monsieur pour vos conseils ! »

Et il fila retrouver ses amis. Quand il arriva dans les gradins, les discussions allaient bon train, mais plus personne ne parlait Quidditch. Stan ouvrit des yeux ronds avant de demander.

« - Mais enfin, qu'est-ce que vous faites ?! Et le match ? »

Tous le regardèrent d'un air entendu. Morgane se permit même de secouer la tête en souriant. C'est Song qui répondit pour tous.

« - C'était le bazar quand tu es parti, tu te souviens ?

- C'est pour ça que je suis parti !

- Oui… Il se trouve que, juste après que tu sois parti, Indy s'est légèrement énervé…

- Légèrement ? Il m'a littéralement donné un coup de balai ! – Henri tapota le côté de sa tête en faisant la grimace. -

- Indy s'est donc un peu énervé. Il a dit qu'on était tous nuls sauf Mélanie et Djibril…

- Tu es le meilleur !

- Non, non, c'est toi la meilleure ! – Les deux adolescents se félicitèrent mutuellement, surjouant leur accolade pour mieux narguer leurs camarades. Les ignorants, Song continua son explication -

- Du coup, il a décidé de qui ferait quoi pour le prochain match, puis il a dit que ce n'était pas discutable.

- Et alors ?!

- Bah il a dit que ce n'était pas discutable…

- Sérieusement ?!

- Sérieusement. - Stan contempla l'assemblée des six adolescents en s'arrêtant sur Morgane. -

- Si tu avais sa tête, tu aurais fait comme nous.

- Tu aurais parlé d'autre chose ! – Henri était toujours en train de masser son crâne endolori. –

- Je ne me trouvais pas si nul que ça… »

Indy le regarda avec un air sévère qui n'avait rien à envier à celui de Monsieur Vastoral.

« - Tu seras juste meilleur Batteur que Poursuiveur, tu verras ! »

Le second match n'avait pas duré plus d'une demi-heure, et ce grâce à la prestation impressionnante, il fallait bien le reconnaitre, de Lothar Dresstones. Ce dernier arborait une suffisance incroyable tandis que ses camarades le félicitaient sans retenue.

L'équipe de Stan vint se mettre en position. Cette fois, il serait Batteur… Son rôle consisterait à envoyer les cogneurs vers les adversaires en vue de les déstabiliser, voire de les faire purement et simplement tomber. Pourquoi Indy avait-il décidé de lui confier cette tâche. Il n'avait pas la carrure de Song. Est-ce qu'il avait l'air de quelqu'un qui aimait faire du mal aux autres ?

Indy passa à son niveau, lui mettant une main sur l'épaule et, avec un air solennel comme il avait rarement eu, en le regardant droit dans les yeux, lui adressa quelques mots choisis avec soin. Rien d'original, pourtant ils suffirent à effacer tous les doutes de Stan.

« - Je compte sur toi, Stan… »

Indy, celui qui se rapprochait le plus de ce qui aurait pu être un meilleur ami pour Stan, comptait sur lui. Il n'était pas question de savoir ce que Stan aimait ou non, ou de s'il était le plus fort ou le plus adroit. Non, ce qui comptait ici, c'est qu'il donnerait son maximum pour lui. Il lui devait bien ça !

Le match débuta. Aussitôt, le jeune adolescent se concentra de tout son cœur sur les cognards qui venaient de fuser depuis le sol. Ces premiers coups visaient avant tout à protéger ses propres coéquipiers des balles agressives. Mais rapidement, il prit conscience que cela ne suffirait pas. Il fallait qu'il réfléchisse davantage. Il fallait qu'il trouve une idée pour aider Indy. Il observa le ballet des autres joueurs. Les Attrapeurs qui se poursuivaient les uns les autres, les autres Batteurs qui envoyaient des cognards en tout sens, les Gardiens qui ne cessaient d'aller et venir entre les trois buts suspendus et les deux Attrapeurs qui scrutaient à la fois le terrain et leur alter ego.

Que pourrait-il bien faire pour aider Indy à briller ? Il fallait lui offrir de belles opportunités… Mais comment ? Une idée !

Stan vint se placer rapidement au niveau de Morgane, qui était elle aussi devenue Batteur, pour lui exposer son plan. Ce dernier était simple, mais il espérait que cela suffirait à améliorer leur impact sur le match.

« - Morgane, j'ai un plan !

- Je t'écoute !

- Voilà ce qu'on va faire ! Tu restes au centre du terrain pendant que moi je reste autour ! Dès que je vois un cogneur je l'envoie sur toi et toi tu l'envoies en direction de nos buts, enfin juste devant quoi ! Tu vois l'idée ?

- Je vois l'idée ! Et pour Lothar, on fait quoi ? »

Stan regarda, au loin, le jeune Attrapeur Aigrefeu qui volait frénétiquement afin de reproduire son exploit du match précédent. Finalement, il se retourna vers Morgane et lui murmura son idée à l'oreille.

- Ha ha ha ! Tu es sacrément fourbe en fait ! Tu aurais fait un excellent Marbouelin !

- Ne me le fais pas dire ! »

Et il repartit, comme il l'avait dit, en direction de la bordure extérieure du terrain. Durant les minutes qui suivirent, ils mirent leur plan à exécution. Cela ne révolutionnait pas le jeu, mais ils avaient à présent un meilleur contrôle.

Stan volait après les cognards pour les renvoyer aussi vite que possible vers Morgane qui les renvoyait inlassablement en direction de leur but. Cela laissait le champ libre aux Poursuiveurs sur tout le reste du terrain, mais la zone d'en-but était devenue particulièrement dangereuse, un véritable guêpier pour qui y traînerait trop longtemps. Il fallait donc que leurs adversaires tirent vite ou se montrent particulièrement attentifs aux cognards.

Bien sûr, il arrivait qu'un cognard soit frappé par les autres Batteurs. Mais Stan n'était jamais très loin pour récupérer la balle, et l'absence de stratégie rendait les frappes adverses moins décisives.

Lothar avait bien remarqué le petit manège des deux amis Cameleaux, ce qui le rendait furieux. Alors, faute de voir le vif d'or, il alla vertement enguirlander ses coéquipiers avant de se diriger vers Stan dans le but de le provoquer. Ayant bien compris que ce dernier ne comptait pas lui tirer dessus, il n'hésita pas à venir à ses côtés pour essayer de le déstabiliser. Tant qu'il garderait un œil sur lui, il ne risquerait rien.

« - Alors Gravel, on essaye de compenser sa faiblesse par des tours de passe-passe risible ?

- Ce qui est risible c'est que tu n'aies toujours pas trouvé le vif d'or Lothar, la demi-heure est déjà passée ! »

Le coup porta, Lothar grogna, mais n'abandonna pas la conversation pour autant.

« - Tu sais que ton petit camarade n'arrivera à rien. Il n'est même pas si bon que ça.

- Au moins il fait ce qu'on attend de lui, LUI !

- Ne t'inquiète pas, je vais trouver ce vif d'or avant que tu ne t'en aperçoives et alors on verra qui rira le dernier !

- Alors, vas-y, et arrête de me casser les oreilles ! »

Stan n'avait pas cessé de voler et de renvoyer des cognards vers Morgane qui commençait à fatiguer. Ces coups étaient de moins en moins puissants. Stan aussi fatiguait et Lothar l'avait bien remarqué.

« - Fais le malin Gravel, mais le temps joue pour nous. Votre petit manège va bientôt s'arrêter ! Regarde ! Tu as le bras qui tremble ! »

Et c'était vrai. Le bras de Stan tremblait vraiment. Il n'avait guère l'habitude de faire autant d'effort. La vitesse et le poids des cognards donnaient l'impression de frapper dans un tronc d'arbre. C'était usant et l'adolescent approchait de ses limites. Son bras tremblait, son souffle était court, sa sueur abondante. Il avait l'air épuisé et ces gestes se faisaient de plus en plus approximatifs. Lothar était aux anges. À cet instant, il ne pensait plus au vif d'or, ni même au match. Il ne pensait plus qu'à la chute imminente de Stan et celle-ci approchait à grands pas.

« - Tu as raison, je suis crevé ! Ha ! Je crois que je vais lâcher ma batte… »

Et sur ces mots, la batte lui échappa effectivement des mains. Il baissa le regard pour contempler sa chute. Lothar jubilait à nouveau. Un cognard approchait à vitesse grand V sur Stan et ce dernier n'avait plus ni le temps ni l'énergie pour l'éviter. Lothar s'approcha un peu plus sur sa droite pour le narguer juste avant l'impact.

« - Qu'est-ce que je t'avais dit, tu es faible Gravel !

- Excuse-moi Lothar ! – Stan prit une courte inspiration - Je ne t'ai pas bien entendu !

- Je disais, tu es f… ! »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Alors que le cognard allait le frapper, Stan releva le manche de son balai. Celui-ci explosa sous l'impact et le cognard dévié frappa Lothar en plein visage. Les deux adolescents entamèrent une longue chute pour des raisons bien différentes. Stan n'avait tout simplement plus qu'une moitié de balai tandis que Lothar, lui, était tout simplement inconscient. « Bon… Tout ne s'est pas passé comme prévu…. Mais bon sang ! Ça en valait la peine ! » Voilà ce que Stan pensait alors qu'il regardait Lothar chuter à quelques mètres de lui. Il ferma les yeux avec un sourire tout en croisant les doigts. Il n'y a plus rien qu'il pouvait faire à présent. Tout était entre les mains de ses coéquipiers, et surtout d'Indy.

Il y eut des cris, des invectives et finalement… rien. Pas de chute, pas de douleur ! Ils avaient réussi ! Stan rouvrit les yeux, soulagé. Il avait été rattrapé par Song, Mélanie et Henri qui l'amenait en douceur au sol, le tenant pas un bras et une jambe. Stan chercha du regard Lothar. Celui-ci avait repris conscience. Il se débattait alors que Morgane, Djibril et Indy le tenaient du mieux qu'ils pouvaient avant de venir le déposer sur le terrain.

À peine avait-il mis le pied à terre que Lothar marcha droit sur Stan en hurlant des grossièretés incroyables. Stan recula de peur, mais Monsieur Churros s'interposa entre les deux.

« - Monsieur Dresstones, vous allez vous calmer !

- C'EST UN FOU, UN MALADE, UN SALE ENFANT POU… »

Monsieur Churros brandit sa baguette et mit fin aux paroles de Lothar à l'aide d'un rapide « Silencio ».

« - Monsieur Dresstones, vous allez vous calmer immédiatement ! Monsieur Gravel ne saurait être tenu pour responsable de ce qui est, de toute évidence, un accident ! Maintenant, cessez de gesticuler niaisement et faites-vous donc accompagner à l'infirmerie. »

Muet, mais plein d'une fureur contenue, Lothar se résigna et prit le chemin de l'infirmerie, accompagné, comme toujours, par cette même jeune fille à l'air indifférent qui le suivait partout.

Le professeur se tourna vers le reste des étudiants réunis.

« - Le match n'est pas terminé. C'est aux capitaines de décider s'ils veulent poursuivre le match ou non. Monsieur Dresstones n'étant plus là, le capitanat est transféré à Mademoiselle Durillon. Je vous laisse cinq minutes pour trouver un accord, après quoi je prendrais la décision moi-même. »

Indy et Elsa Durillon s'installèrent à l'écart des joueurs pour échanger. L'équipe d'Indy menait au score par cent quatre-vingts à cent quarante. Il paraissait évident pour Stan que son ami choisirait de mettre fin au match. Pourtant il n'en fut rien. Très vite Indy revint et, à la surprise générale, annonça la reprise du match.

Chacun reprit donc sa place sous le regard du professeur Churros qui n'avait rien dit concernant la décision des deux capitaines. L'équipe de Durillon se défendit tant bien que mal, mais ils ne parvinrent pas à rattraper leur retard malgré l'absence de Stan, trop secoué pour revenir en jeu. De plus, le départ de Lothar les avait privés de la possibilité de prendre le vif d'or et les cent cinquante points qui allaient avec.

Le match se termina donc assez vite. Tous les joueurs retournèrent au sol et se réunir par équipe. Indy s'avança au centre du cercle, il se mit à bredouiller, soudainement incapable de trouver les mots. Finalement, c'est Henry qui l'interrompit d'un léger coup de balai sur la tête avant de lancer un.

« - Pour le capitaine Indy, hip hip hip….

- Hourra ! »

Ils acclamèrent en chœur, et avec des rires, le petit adolescent blond qui les avait menés à la victoire. Non seulement il avait su faire cesser les divergences et prendre les bonnes décisions. Mais il avait également été l'artisan de la récupération de Stan et Lothar. Il fallait donc bien reconnaitre qu'il n'était pas dénué de talent. Quant à savoir si cela suffirait pour impressionner le professeur Churros… Stan était inquiet, mais ce n'était plus de son ressort.

Le cours terminé, tous, à l'exception d'Indy, partirent en direction de l'académie. Morgane vint au côté de Stan.

« - Dis Stan…

- Hmmm… ?

- Lothar…

- Hmmm…

- Tu n'avais pas dit que tu viserais son balai avec ta batte ?

- Si. C'est ce que j'avais dit.

- Ok… C'était pour être sûr… »

Stan bouscula sa camarade de l'épaule. Il voyait bien ce qu'elle essayait de lui demander, mais n'avait pas tellement envie de répondre. Cependant, il était si rare de la voir inquiète, qu'il fit un effort.

« - Non, Morgane. Si tu te demandes si j'ai voulu assommer Lothar pour qu'il s'écrase par terre, la réponse est non. Je ne l'ai pas fait exprès.

- C'est bon à entendre !

- N'empêche, c'était quand même pas mal, non ?

- Heu… C'était impressionnant, oui… Tu es sûr que tu n'as pas fait exprès ?

- Mais non !

- Ok, ok. Tu sais, je ne te jugerai pas hein, c'est une vraie teigne ce garçon après tout.

- Oui, mais je n'ai pas fait exprès.

- Oui, oui… D'accord, d'accord…

- Mais tu sais… Ça m'a fait plaisir, un petit peu quand même.

- Je le savais ! C'est mal, Stan, c'est mal !

- Pff ! Je suis sûr que toi aussi !

- Seulement après l'avoir rattrapé, j'ai eu trop peur avant !

- Moi aussi.

- Pour lui ?

-Pour moi !

- …

- Et pour lui aussi. Mais d'abord pour moi quand même !

- Stan.

- Morgane ?

- Tu es un drôle de gars, tu sais. Tu es… Je ne sais pas. Tu es tellement dark parfois.

- Je suis dark ?

- Oui, sombre quoi.

- Ok… - Stan réfléchit – Désolé.

- Non, non, c'est bien parfois ! »

L'un et l'autre ne dire plus rien, certain de s'être imparfaitement compris et pourtant incapable de parler plus longtemps.

Est-ce qu'il avait mal agi ? Était-ce cela qu'Indy avait vu chez lui ? Une face sombre qui lui faisait faire de mauvaises choses ? Est-ce qu'il avait vraiment voulu que le cognard frappe Lothar en plein visage ? Est-ce qu'il y avait quelque chose de pas normal chez lui ? Pourquoi se réjouissait-il des malheurs de Lothar ? Avait-il donc un mauvais fond ?

Stan repensa soudainement aux discussions qu'il avait eues avec ses parents, avec Lothar et ce qu'il avait entendu durant sa première nuit à l'académie. Peut-être que ses parents se trompaient. Ou peut-être même qu'ils lui mentaient. Peut-être… Peut-être qu'il était bien un enfant pourpre finalement… Stan frissonna. Il ressentit le besoin urgent de parler à quelqu'un, quelqu'un d'autre que ses amis. Il ne voulait surtout pas qu'ils sachent, qu'ils connaissent ses doutes. Non, il fallait qu'il parle à quelqu'un qui saurait l'écouter et le conseiller. Quelqu'un de confiance, mais pas trop proche : Mademoiselle Tosenblat. Oui ! C'était une bonne idée. Elle saurait l'écouter. Elle saurait le conseiller.

C'était décidé. Demain, il irait lui parler.

Stan se réveilla à l'infirmerie avec un affreux mal de tête. Mais que s'était-il passé ? La salle était plongée dans une lumière blafarde, à travers la fenêtre sur sa gauche, Stan pouvait voir le jardin de l'arrière-cour plongé dans le noir. C'était donc la nuit…

Stan essaya de rassembler ses souvenirs. Il était dans la Grande Salle, il mangeait en compagnie de Morgane, puis Indy les avait rejoints. Il était rayonnant. Ils avaient donc pensé qu'il avait été choisi pour rejoindre l'équipe des Cameleaux. Il n'en était rien. Mais le professeur Churros l'avait félicité pour sa gestion de l'équipe et ses qualités en tant que joueur. Il lui avait expliqué qu'il n'y avait pas de place de Gardien cette année, mais qu'il comptait sur lui pour se présenter l'année prochaine. Il avait ajouté qu'il ferait un excellent Capitaine. C'est ce dernier compliment qui avait touché Indy en plein cœur. « Mieux vaut être Capitaine six ans que Gardien sept ! » avait-il dit avec un sourire qui lui courait d'une oreille à l'autre.

Après cela, ils avaient poursuivi leur repas… Ils en étaient arrivés au dessert et… ? Ha ! Bien sûr… Lothar !

Stan regarda à nouveau l'infirmerie vide, pas l'ombre d'un chat à l'horizon. Il se replongea dans ses souvenirs.

Lothar était entré dans la Grande Salle avec un énorme bandage sur la moitié supérieure de son visage. Stan ne l'avait pas vu rentrer, mais il avait entendu les murmures s'élever dans la salle.

Il s'était retourné pour voir ce qu'il se passait et parce qu'il appréhendait un peu de tourner le dos au grand garçon qu'il avait envoyé à l'infirmerie quelques heures auparavant. Ce dernier l'avait rapidement trouvé et c'était immédiatement dirigé vers lui.

Dans un mouvement aussi commun que naturel, les élèves s'étaient subtilement écartés, et du chemin de Lothar, et de la place où se trouvait Stan. Tous sentaient et attendaient, avec cette curiosité malsaine, la suite des évènements. Lothar s'arrêta devant Stan dans une attitude très digne. À ses côtés, toujours la même jeune fille à l'air indifférent. Son teint noir et les tresses qui courraient le long de son crâne contrastaient avec la pâleur du grand échalas roux. Ce dernier se décida à prendre la parole.

« - Stanyslas Gravel… »

Il n'alla pas plus loin. Stan se dit qu'il fallait peut-être l'encourager ?

« - Lothar Dresstones… ?

Lothar jeta un coup d'œil vers l'adolescente qui l'accompagnait. Si cette dernière semblait indifférente à ce qui se déroulait, l'intérêt que Lothar lui portait prouvait cependant le contraire. D'une façon ou d'une autre, elle devait être liée à ce qui allait lui arriver bientôt.

« - Stanyslas Gravel. Je suis venu… te présenter mes excuses. – Stan n'en crut pas ses oreilles, tout comme la moitié de l'assistance. – J'ai… réagi hâtivement, dans l'émotion du moment. La douleur a… altéré mon jugement… et je reconnais mon erreur. »

Il sembla hésiter un instant, il regarda à nouveau son amie qui se décida enfin à lui rendre son regard. Elle fit un signe de tête et lui tendit deux coupes. Il s'en saisit et en tendit immédiatement une à Stan.

« - Je te propose un verre pour te prouver ma bonne foi. Je me suis excusé, nous buvons et nous n'en parlons plus. »

Stan s'empara du verre avec beaucoup de précautions, il ne lâchait pas des yeux ceux de Lothar. À quel jeu jouait-il ?

« - Ok… Buvons alors… »

Ils burent rapidement et se retrouvèrent alors dans l'une de ses situations inconfortables où aucun des participants ne sait comment quitter la scène… Autour d'eux, les autres élèves s'étaient désintéressés de leur échange, visiblement déçus. Ils auraient pu rester longtemps dans cette situation inconfortable dont ni Indy ni Morgane ne semblaient vouloir les libérer.

Ce fut donc avec un grand soulagement que les deux garçons accueillirent l'intervention de la jeune fille qui avait accompagné Lothar.

« - Salut Stan. Moi, c'est Jordana Abida, je suis une amie de Lothar. Je sais qu'il peut se montrer un peu… borné parfois, mais c'est un gentil garçon au fond. Ses excuses sont sincères et maintenant qu'il les a faites, tu en fais ce que tu veux. Maintenant, on va y aller. Allez, salut. »

Et sans attendre, elle saisit le bras de son ami et ils s'en allèrent à leur propre table. Stan était ébaubi. Il finit sa coupe d'une traite et se tourna vers ses deux camarades.

« - Merci pour votre aide les amis !

- On ne voulait surtout pas s'immiscer dans cette belle histoire d'amour naissante, grand fou !

- Moi, je ne voulais surtout pas me retrouver au centre de l'attention, j'ai une réputation à tenir !

- C'est ça, c'est ça, faites les malins… Mais je peux vous dire que si jamais, un jour, Lothar vient s'excuser auprès de vous… et bien il ne faudra pas compter sur moi ! »

La plaisanterie les fit rire tous les trois, puis Stan reprit avec curiosité.

« - Ça fait un moment que je me pose la question, mais, c'est qui cette fille ?

- Jordana ?

- C'est ça. – On pouvait toujours compter sur Morgane quand il s'agissait de connaître un élève de l'académie. -

- Jordana Abida est une Aigrefeu et une amie d'enfance de Lothar. La rumeur raconte que leurs parents ont prévu leur mariage depuis qu'ils ont trois ans, mais que Jordana n'y est pas très favorable. D'ailleurs il parait que Lothar ferait n'importe quoi pour lui prouver qu'il est digne d'elle, mais en vérité Jordana semble plus intéressée par…

- D'accord, d'accord, d'accord ! J'ai compris, merci Morgane, n'en rajoute pas ! Et donc… c'est une gentille ?

- Je crois. Je ne suis pas trop sûre… Ce n'est pas comme si je la connaissais VRAIMENT après tout !

- Ha ha ! Merci Morgane. »

Le repas était à présent terminé et Stan se dirigeait vers la Salle Commune des Cameleaux. Il était impatient de retrouver son lit, la journée avait été longue et il se sentait épuisé. Une migraine naissante était en train de lui enserrer le crâne et s'il avait osé, il aurait fait le reste du chemin les yeux fermés pour soulager sa douleur.

Il était donc en train de traverser l'Entrée lorsque Lothar le dépassa en le bousculant sans ménagement. Apparemment, il y avait une limite à l'amabilité dont il pouvait faire preuve en une journée. De plus, Stan remarqua que Jordana n'était pas à ses côtés cette fois. Ceci devait expliquer cela. Sans sa petite princesse à éblouir, le garçon roux laissait s'exprimer toute sa méchanceté…

Stan était tombé sur les genoux sous le choc. Cette accumulation de douleur fit monter une vague de colère en lui alors qu'il relevait la tête pour apercevoir le dos du Marbouelin.

« - Hey, tu n'en as pas eu assez, la momie ?! »

Les mots étaient sortis tout seuls. Ils firent mouche, Lothar se retourna, l'œil noir. La colère monta encore. Stan se releva et pointa son doigt dans sa direction.

« - Tu penses peut-être que tu peux faire ce que tu veux ? Tu penses que tu es une petite terreur ? … - Ce n'était plus de la colère, mais de la rage qui brûlait à présent en lui. - Je vais te montrer, moi, ce qu'est la terreur ! »

Stan avait écarté les bras, adoptant une attitude arrogante qui ne lui correspondait pas du tout. Morgane et Indy voulurent l'arrêter, le retenir, mais il les repoussa avec violence.

« - Tu crois que tu me fais peur, Gravel ! Je vais montrer à tout le monde qui tu es vraiment…

- Tu es trop faible… trop vulnérable… »

Le ton de Stan était devenu lugubre à mesure que la sueur s'accumulait sur son front et que son souffle devenait court. Lothar leva sa baguette avec fulgurance, mais resta paralysé lorsque Stan s'écria.

« - Regarde-moi ! »

Ses yeux étaient totalement noirs, la fièvre le faisait délirer. Il fit quelques pas en avant. Il ne regardait plus Lothar. Il y eut des cris, des gestes flous, mais Stan n'entendait plus, ne voyait plus vraiment.

Il ferma les yeux, les rouvrit, puis tout bascula.