Avertissement : description graphique de blessures physiques graves.
Chapitre 3 : Un vent de printemps
Gabriel était dans le flou total et il détestait ça. En tant que Messager Divin, il était toujours au courent de tout, bien avant les autres. Mais là, il ne savait juste pas. Que se passait-il en bas ? Devait-il faire confiance à Belzébuth et se rendre en Enfer ? Un Archange comme lui pouvait s'en échapper s'il s'agissait d'un piège mais, devait-il prendre le risque ?
Oui…
La réponse dans son esprit troublée s'imposa soudainement. Il était le putain d'Archange Gabriel, il n'allait pas craindre un Démon, quand bien même il s'agissait de Belzébuth lui-même. Et quel que soit le problème que cet incompétent rencontrait, il allait trouver la solution et plus jamais il n'entendrait parler des traitres, si ce n'était pour l'annonce de l'anéantissement total d'Aziraphale.
D'un claquement de doigt, Gabriel s'échappa de son bureau pour atterrir dans celui de Belzébuth. Le Démon, installé sur un ridicule trône d'os, penché sur son téléphone portable, sursauta, la main enflammée prête à répondre à toute attaque.
- - Crétin ! Cria-t-il en reconnaissant l'Archange. J'aurai pu te tuer !
En parlant, il secoua sa main pour l'éteindre, et Gabriel eut un sourire froid en réponse :
- - Je voudrais bien te voir essayer.
Belzébuth bourdonna, agacé, ses mouches tourbillonnant autour de sa tête avec un bruit presque assourdissant, mais d'un geste, le Démon les calma. Quittant son siège, il glissa son téléphone dans sa poche avant de prendre le chemin de la sortie, invitant l'Archange à le suivre.
- - Quel problème rencontres-tu ? Demanda encore Gabriel, agacé lui-même de ne pas avoir de réponse.
- - Je préfère te montrer directement.
Gabriel pinça les lèvres, énervé, mais il ne rajouta rien, suivant silencieusement le Démon dans un dédalle de couloir insalubre heureusement vide. Outre l'odeur nauséabonde, une chaleur infernale régnait, obligeant l'Archange à faire un effort conscient pour ne montre aucun inconfort. Par endroit, les murs de béton ou même le sol, étaient brisés, laissant apparaitre les lueurs rougeoyantes de la Fosse, en dessous, bouillonnante de lave incandescente.
Pourtant, à mesure qu'ils progressaient, descendant assurément vers les étages inférieurs, plus près de la Fosse, la température sembla descendre au point que lorsqu'ils atteignirent une lourde porte de bois qui aurait plus sa place dans un château médiéval que dans un couloir de béton ressemblant à une station de métro, elle était devenu même supportable. Et Gabriel cru même voir Belzébuth frissonner un instant, comme s'il avait froid, avant d'ouvrir la porte.
Mais avant qu'il ne puisse le charrier sur sa faiblesse, le Démon entra dans la pièce, laissant la porte ouverte en une invitation claire à le suivre. Gabriel hésita un instant mais il était venu en Enfer pour une bonne raison, il n'allait pas reculer maintenant, et il entra.
La pièce était grande et lumineuse : le néon au plafond était presque trop puissant, et s'il n'était pas habitué aux lumières célestes, Gabriel aurait peut-être été ébloui un instant. Le sol était sale, tâché de tout ce qu'un corps pouvait produire et sans doute plus. L'odeur qui régnait était nauséabonde, un mélange de tout ce qu'il y avait de plus putride et Gabriel était heureux de ne pas respirer en cet instant.
Au fond de la pièce, attaché au mur, toujours bâillonné, portant toujours les mêmes vêtements que ce fameux soir, Rampa le regardait, ses yeux jaunes brillant de colère froide. Mais Gabriel ne lui accorda que peu d'attention, plus intrigué par Aziraphale lui-même.
L'Ange était enchainer au sol, au milieu de la pièce mais vu son état, Gabriel était certain que les chaines étaient plus décoratives que nécessaires. Bien que sa posture n'ait rien de naturelle, à cause des multiples fractures visibles, il semblait… agenouillé. Ses ailes, en majeurs partie déplumées, brisées elles aussi en plusieurs endroits, étaient clouées dans le sol à l'aide de gros pieux de métal démoniaque qui brûlaient la chaire délicate.
Les vêtements, son hideux costumes du siècle dernier, avait disparu, sans doute depuis longtemps, mais il y avait tellement de sang, tellement de souillure autres que le sang, tellement de plaies ouvertes que peu de peau était visible. Et malgré tout cela, Gabriel voyait.
Aziraphale irradiait de lumière. Elle ne s'échappait pas, ne s'éteignait pas non, elle irradiait juste. Son enveloppe charnelle blessée jusqu'à l'os laissait voir son essence d'Ange, mais sa Grâce semblait intact comme si… comme si les Démons avaient été incapable de l'atteindre réellement.
Gabriel hésita un long moment, ne comprenant pas d'où un Ange comme Aziraphale, un lâche, un faible comme Aziraphale pouvait trouver la force de tenir encore après presque trois ans de torture. Ca n'avait pas de sens.
Aziraphale aurait dû mourir depuis longtemps. Sa Lumière aurait dû lui échapper dès la première blessure profonde, et s'éteindre quelques temps plus tard. Pourquoi ne voulait-il pas mourir ? Toutes les tortures de l'Enfer aurait dû le faire abandonner, prier la mort pour qu'enfin tout s'arrête. Pourquoi n'était-ce pas le cas ?
Gabriel finit par se reprendre et il détourna le regard, observant à nouveau la pièce et ses autres occupants. Comme il l'avait annoncé, Rampa n'avait aucune blessure visible si ce n'était autour du cou et des poignets, du fait des restrictions. Il se contentait de regarder, et oui, l'Archange eut un frisson de plaisir en le voyant si pitoyable, si inutile. Un Démon avait eu la bonne idée de recouvrir les murs de miroirs, pour être certain qu'il ne manque rien du spectacle.
- - Alors ? Finit par s'impatienter Belzébuth, visiblement mal à l'aise.
L'Archange l'ignora, s'approcha d'Aziraphale pour s'accroupir devant lui. Avec dégout, il saisit ce qui restait de ses cheveux, poisseux, dégoutant, pour lui relever la tête. Malgré les souillures, le touché était frais, comme saisir une brise de printemps, tellement hors de propos ici en Enfer… Gabriel retint un mouvement de recul en voyant son visage, les yeux brulés, le nez coupé, la mâchoire pendante, cassée. Etait-il seulement conscient ?
D'un claquement de doigt, Gabriel répara le strict minimum pour avoir l'attention de l'ange. Les paupières noircies s'écartèrent pour laisser voir ses yeux injectés de sang et ses pupilles, toujours d'un bleu éclatant rappelant le Ciel. Sa mâchoire à nouveau en place, Aziraphale s'autorisa même un petit sourire serein qui agaça Gabriel.
L'Archange dû se retenir de lui fracasser le crâne contre le sol, il se contenta de grogner et de sourire lui aussi, mais c'était froid et cruel.
- - Le Ciel t'a abandonné, Aziraphale. Lui murmura-t-il. Tu n'as plus aucune raison de vivre. Tombe ou meurt.
Mais Aziraphale ne répondit rien. Le pouvait-il seulement ? Gabriel n'était pas sûr d'avoir réparé ses cordes vocales et de toute façon, il ne voulait pas de réponse. Ses paroles étaient celle du Ciel, les Siennes, elles ne pouvaient pas être remises en question, et Aziraphale n'avait pas la force de faire. Il céderait. C'était obligatoire.
- - Tombe ou meurt, créature. Répéta-t-il plus fort en le lâchant.
Après s'être relevé, il épousseta son costume, comme s'il craignait que les souillures d'Aziraphale ne l'atteignent et il rejoignit Belzébuth resté près de la porte. Un miracle démoniaque plus tard, ils étaient enfermés dans une bulle de silence.
- - Il influence l'Enfer autour de lui, fit le Démon d'une voix basse et colérique.
Gabriel était surprit, ne s'attendant pas à ce que la fraicheur agréable de l'endroit soit du fait du condamné. Mais c'était logique. Sa lumière irradiant sans s'éteindre, elle apaisait les feux infernaux autour de lui. Enfin, cela lui parut logique maintenant qu'il y réfléchissait. Il n'y avait aucun précédent d'Ange survivant à l'Enfer.
- - J'ai de plus en plus de mal à trouver des Démons pour s'occuper de lui. Ils se lassent. Quoi qu'ils fassent, ça en change rien, et sa… Grâce est désagréable.
Oui, cette lumière divine, cette essence angélique si visible sous les tortures du corps, n'avait pas sa place ici en Enfer. Gabriel resta silencieux en y réfléchissant. Aziraphale devait mourir. Son énergie ne pouvait pas être contenue indéfiniment. Même s'il ne voulait pas céder, avec une force vraiment surprenante, les blessures étaient là, trop profondes et trop nombreuses pour qu'il en soit autrement.
L'Enfer souffrira de sa mort…
- - S'il meurt ici, finit-il par dire, incertain du déroulé de ses pensées, il risque de détruire cette partie de l'Enfer. Pas que ça me gêne mais…
Oui, c'était logique, l'énergie était là, intacte, divine. Et lorsqu'elle sera libérée, à l'instant de la mort prochaine de l'Ange, elle détruira toutes traces d'obscurité autour de lui. Il n'y avait pas de précédent mais Gabriel était sûr de lui. Il ne se trompait pas.
Belzébuth le regarda un instant perplexe, mais finis par répondre :
- - Il ne peut pas détruire l'Enfer.
- - Mais il le fera s'il reste ici. Répondit Gabriel avec assurance. Il influence l'Enfer autour de lui, tu l'as toi-même dis. Libère-le.
- - Que… Quoi ?! Tu veux que je le libère ? hors de question. On avait un accord, c'est à l'Enfer de décider de sa punition et je dis qu'il n'est toujours pas puni !
- - Tu m'as demandé de venir ici, je te donne ma réponse : il va mourir. Ce n'est qu'une question de temps, et si ça arrive ici, et bien, l'Enfer perdra quelques quartiers. Et quelques habitants. Un bonus pour le Ciel, assurément.
Gabriel soutint le regard colérique de Belzébuth, un sourire suffisant sur les lèvres. Les mouches du Démons bourdonnaient de colères, et il s'attendait presque à les voir foncer sur lui dans une veine tentative pour lui faire ravaler ses paroles, mais finalement, le Démon se détourna.
- - Et qu'est-ce qu'on fait de lui ? Demanda-t-il encore en pointant du menton Rampa, au fond de la pièce.
- - Bien… fit-il en réfléchissant, la tête tourner vers le Démon captif. Je l'ai condamné à regarder. Qu'il regarde. Lorsqu'Aziraphale mourra, il mourra lui aussi.
- - Ne pense-tu pas qu'il va plutôt chercher à fuir ?
L'Archange resta silencieux encore un instant, réfléchissant. La question était pertinente. Rampa, à l'image d'Aziraphale, était pleutre lui aussi, et c'était un Démon de surcroit. Qu'il fuit et abandonne lâchement l'Ange était un comportement attendu de sa part.
Mais pourtant, comme pour ses précédentes déductions, il était certain que le Démon ne ferait pas ça, qu'il resterait fidèle à l'Ange, pour une raison qui lui échappait totalement.
- - Non, il restera près de lui. Et il mourra avec lui.
Et alors il n'y aurait plus de traitre, plus de problème et dans quelques millénaires, ils allaient enfin pouvoir régler une bonne fois pour toutes cette histoire et anéantir l'autre camp, selon Ses Plans !
Belzébuth ne sembla pas vraiment convaincu mais finit par acquiescer d'un signe de tête.
- - Bien, si tout est réglé, je m'en vais. Fit Gabriel, en levant une main, les doigts prêt à claquer.
- - Gabriel, le retint Belzébuth en osant poser une main sur son avant-bras. J'espère pour toi qu'ils seront morts dans le mois.
L'Archange se dégagea, agacé :
- - Tes bourreaux n'ont qu'à faire correctement le travail !
Et il disparut aussi soudainement qu'il était apparu.
A suivre...
