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Le shérif Newton fixa d'un regard vide la porte qu'Isabella avait laissée ouverte dans sa hâte de quitter l'église.

Jamais dans ses rêves les plus fous il ne s'était attendu à ce qu'elle le rejette. Après tout Isabella approchait du statut de vieille fille, très près de l'âge de dix-huit ans, alors elle devrait sûrement s'inquiéter. Celles de son âge avaient déjà eu le second ou leur troisième enfant maintenant. Elle se devait de réaliser que ses chances de trouver quelqu'un qui la 'veuille' étaient en train de grandement diminuer.

Peut-être était-elle sortie pour se ressaisir, contrôler l'euphorie qui l'avait engloutie quand il avait consenti à l'épouser et à la sauver d'une vie de solitude. Ça devait être ça. La Bécassine serait mariée et couchée avant la nuit.

Réalisant qu'il n'était pas seul, Michael redressa complètement sa taille peu impressionnante, il bomba le torse et remonta sa silhouette affaissée, complètement inconscient des points de couture qui sautaient sous la tension.

Et du grondement sourd qui venait de sous la robe en laine noire.

"Elle voulait juste se rendre présentable," marmonna Michael avant de se diriger vers les portes de l'église. "Nous reviendrons bientôt."

Le shérif s'arrêta alors qu'une idée lui apparut, ce qui n'était pas particulièrement courant.

"Je serais au Twilight Moon, appréciant mon repas de midi. Envoyez-moi chercher quand la morveuse reviendra."

Dans un tourbillon et un signe de main, il quitta l'église.

La rage traversa Edward. Il n'y avait aucunement moyen qu'il permette à ce type de prendre ce qui était à lui. Il fit un pas vers la porte avant qu'une main sur sa poitrine ne l'arrête.

"Qu'est-ce que tu crois faire ?" demanda calmement Carlisle.

"C'est…Il… Non…"

Carlisle étudia son fils avec curiosité. Il n'avait jamais vu Edward incapable de terminer une pensée. Quelque chose clochait.

"Le shérif désire une nouvelle épouse," murmura-t-il d'une voix basse et apaisante. "Il a le droit de poursuivre qui il veut. Nous n'interférons pas dans les affaires humaines."

"Ce n'est pas n'importe quel humain," marmonna Edward entre ses dents serrées. Il jeta une main pointue vers la porte par laquelle Isabella était sortie. "Celle-là est à moi."

"A toi ?"

"A moi."

"Nous ne possédons personne Edward. Explique-moi s'il te plait."

Carlisle croisa ses bras et attendit silencieusement une réponse logique.

"Je n'ai pas à expliquer quoi que ce soit. Ni à toi ni à quiconque."

Avant que Carlisle puisse réagir Edward avait disparu. Il avait toujours été le coureur le plus rapide de la famille. Et personne ne pouvait espérer le suivre s'il désirer s'échapper.

Secouant la tête, le révérend revint vers son sermon et murmura une prière silencieuse pour que son fils à la tête brûlante ne fasse rien d'irréfléchi.

L'heure de midi approchait rapidement et il faisait partie de sa routine de paraître rentrer à la maison pour le repas. Il rassembla quelques objets et après avoir sécurisé les portes de l'église, se dirigea vers la ruelle en terre battue jusqu'au presbytère. Il sourit en réalisant que sa femme n'était pas seule à la maison.

"Du sucre avec ton thé, Isabella ?" demanda Esmée, sa voix flottant à travers les rideaux fermés de la cuisine du presbytère et dans l'allée alors qu'il s'approchait.

"Vous n'avez vraiment pas besoin de me préparer quoi que ce soit Mme Cullen."

Carlisle sourit en imaginant Isabella assise sur l'une des deux chaises de la petite table devant le feu de la cuisine, ses pieds atteignaient à peine le sol alors qu'ils se balançaient d'avant en arrière comme ils le faisaient souvent quand elle venait rendre visite à sa femme.

"Alors combien de fois t'ai-je demandé de m'appeler Esmée ? En plus, ce serait mal élevé de ne pas avoir un petit quelque chose à siroter quand la compagnie arrive. Bien que tu sois bien plus que de la compagnie, ma chère. Maintenant, dis-moi."

Carlisle entendit une chaise frotter le sol pendant qu'Esmée y prenait place.

"Qu'est-ce qui te met dans un tel état ?"

Il l'entendit siroter sa première gorgée de thé ainsi que le soupir joyeux qu'elle poussait toujours.

"Ce n'est rien."

"Isabella." La voix d'Esmée prit le ton de celui d'une mère qui ne croit pas un instant le mensonge qu'on vient de lui servir.

Carlisle en profita pour entrer dans la cuisine. Il enleva son manteau et l'accrocha avant de se pencher pour embrasser sa femme sur la joue alors qu'ils échangeaient des plaisanteries.

Isabella sourit avec nostalgie à la démonstration d'amour devant elle. Elle se demandait souvent à quoi ressemblait la relation de ses parents. S'étaient-ils aimés et avaient-ils été aussi affectueux l'un envers l'autre ou détestaient-ils se voir ? Parlaient-ils de rêves ou se disputaient-ils au sujet de promesses non tenues? Charles était resté très discret sur Renée, disant à Isabella que sa mère n'était pas revenue d'un voyage pour voir sa patrie, que personne ne savait ce qu'il s'était passé.

Il lui disait souvent qu'elle tenait ses cheveux bruns de sa mère et qu'elle lui ressemblait beaucoup mais Isabella se demandait toujours ce que cela aurait été de grandir avec ses deux parents.

"'Est-ce que ça va Isabella ?" demanda calmement Carlisle alors qu'il prenait le siège que sa femme avait laissé vacant pour lui.

"J'irai très bien père Carlisle."

Il lui lança un regard qui lui dit qu'il ne la croyait pas tout, ce qui fit dégonfler tout son corps.

"C'est juste… j'ai eu la plus merveilleuse expérience dans cette église sans vouloir offenser votre prédication mais cette musique… c'était…" Ses yeux prirent un air lointain alors qu'elle se rappelait la mélodie de l'orgue et comment cela la transportait dans un endroit qu'elle n'était même plus sûre d'avoir rêvé visité. "Et ça a été suivi si rapidement par l'offre de mariage la plus horrible… jamais."

"Mariage ?" s'exclama Esmée regardant entre Isabella et Carlisle. "Ma chère, je ne savais même pas que tu étais courtisée."

Isabella secoua la tête frénétiquement.

"Oh non. Oh non pas de cours, pas de mariage. Non merci."

"Qui ?" Esmée regarda son mari après que les yeux d'Isabella soient tombés sur ses genoux où ses doigts tiraient nerveusement sur son tablier.

"Le Shérif Newton," dit calmement Carlisle, prenant la main d'Isabella dans la sienne alors que sa femme jetait ses mains sur sa bouche, sous le choc. "Isabella à moins que tu ne me dises le contraire je ne vous marierai pas tous les deux."

"Oh merci !" Elle jeta ses bras autour de son cou et l'étreignit fermement.

"Je ne peux pas croire que Charles t'ait donné la permission d'épouser le shérif Newton," dit Esmée incrédule.

"Je ne suis pas sûr qu'il l'ait fait," dit Carlisle.

"Mais le shérif a dit..."

"Il a dit que ton père avait donné la permission mais il n'a jamais dit pourquoi."

"Pourquoi ça…" Les yeux d'Isabella se plissèrent alors qu'elle essayait de penser à la pire insulte qu'elle pouvait avant que Carlisle ne pose un doigt sur ses lèvres pour la faire taire.

"On ne sait jamais qui écoute, Isabella," murmura-t-il, faisant un signe de tête vers la fenêtre. "Mais je suis d'accord."

"Il faut que j'aille parler à mon père."

"Cela semble être la chose la plus sage à faire."

"Immédiatement."

"Le shérif est allé à l'auberge pour manger à midi. Tu devrais pouvoir voir ton père avant qu'il n'ait fini."

Isabella gloussa et sourit malicieusement.

"D'après ce que j'ai vu, je peux rentrer chez moi avant qu'il ait fini. Merci," dit-elle avant de faire une brève révérence.

Isabella se retourna et se dirigea vers la porte avant de s'arrêter et de se tourner pour faire face à Carlisle et Esmée.

"Et Père Carlisle ?"

"Oui Isabella ?"

"Si votre ami décide de jouer à nouveau, faites-le moi savoir."

"Je ferai de mon mieux."

Son visage s'illumina d'un énorme sourire et avec un signe de la main Isabella sauta hors du presbytère et descendit la rue où Charles était resté.

"Quel ami ?" demanda Esmée en débarrassant les tasses et les soucoupes.

"Edward était à l'église," répondit Carlisle, regardant sous le rideau pour voir Isabella jusqu'à ce qu'elle disparaisse au coin.

"Il était là-bas ? Et il a joué de l'orgue ?"

Cela faisait des décennies que l'un ou l'autre n'avait pas entendu jouer leur premier fils.

"Et… il a prétendu qu'Isabella était à lui."

"A lui ?" Les yeux d'Esmée s'écarquillèrent devant les implications de la déclaration.

"Oui."

"Et qu'est-ce qu'il veut dire par là ?"

"Je ne suis pas sûr, mais cela vaut certainement la peine de chercher à comprendre à la fois dans l'intérêt d'Edward et d'Isabella."


A bientôt