Chapitre 4 :
Harry ouvre les yeux et soupire. Il roule dans son lit et manque de s'étaler à cause d'un drap encore entortillé à sa cheville quand il se lève. Donc c'est fort naturellement qu'il jure tout haut. Il est aussi maussade que quand il est parti se coucher –pas de miracles nocturne pour lui -. Il sait qu'il va lui falloir pas mal de temps pour digérer sa rencontre de la veille avec Malfoy et que la ressasser dans sa tête ne fait rien pour alléger son humeur mais autant lui interdire de respirer.
Il file sous la douche avant de se la faire voler par Hermione. Ron étant normalement déjà au boulot c'est un rival en moins ce matin pour accéder à la salle de bain.
Il savait pourtant que se retrouver en face de Malfoy allait être difficile. Il a essayé d'avoir l'air indifférent mais c'est juste impossible, pas quand il s'agit de Draco Malfoy. Depuis qu'il a onze ans, à chaque putain de fois qu'il l'aperçoit quelque chose vibre en lui, un peu comme si il y avait une flamme cachée dans ses terminaisons nerveuses et que Malfoy avait le pouvoir de l'allumer. C'était déjà déstabilisant quand il était gosse mais à présent qu'il le connait vraiment, la flamme a vite fait de se transformer en incendie.
Il suffit qu'il pense à ses yeux, son souffle, sa peau ou juste à la façon dont il peut sourire et comment il parle, sa gestuelle de dandy, son humour grinçant…Harry grogne et se tape la tête contre le mur de la douche avant de prendre de profondes inspirations.
« Ça va aller. » dit-il tout haut et le son de sa voix le rassure un peu car elle n'est ni tremblante, ni rauque de chagrin- à peine éraillée, mais il met ça sur le compte du matin-.
Au début de leur rupture, c'était tellement douloureux d'énumérer en pensée tout ce qu'il a perdu qu'il avait envie de se rouler en boule et de pleurer –et il l'a fait une ou deux fois d'ailleurs-. A présent, ça fait toujours mal mais c'est supportable ou alors c'est parce qu'il s'est fait une raison et qu'on s'habitue à tout.
Il l'aime toujours c'est vrai. C'est ridicule. C'est pathétique. C'est affreux mais c'est vrai.
Par contre il n'était pas prévu qu'il le laisse échapper au premier concerné. Il en a honte quand il repense au regard choqué de Draco. Il en a honte et à la fois il s'en fout, c'est trop tard de toute façon. Et Malfoy n'a rien à craindre avec lui, Harry n'a peut-être pas encore cessé de l'aimer mais il finira par y arriver. Il n'a aucune envie de retourner avec lui.
L'amour n'empêche pas de se déchirer, l'amour ce n'est pas une loi universelle pour « ils vécurent heureux à jamais ». L'amour dans leur cas ça rend tout juste plus difficile, plus douloureux.
Et un matin cette connerie d'amour nous amène à un point où on se roule en boule dans un lit froid mais qui n'a plus l'odeur de l'autre. Cependant on se vautre quand même dedans espérant qu'il subsiste quelque chose puis on pleure comme un gamin abandonné car ce n'est pas le cas. Quand on en arrive à ce point, l'instinct de préservation finit par se réveiller de sa longue sieste et dit : « Ok, on va arrêter là les frais. Je ne veux plus, je ne peux plus, souffrir comme ça pour lui ou pour n'importe qui d'autre. Je vais être bien. Je vais guérir. Et plus jamais ça. »
« Ça va aller » répète Harry et il finit de se laver avec des gestes mécaniques.
Vingt minutes plus tard, quand il se retrouve devant son petit déjeuner à la table de la cuisine de ses amis, il se sent mieux. La routine est une alliée qu'il a appris à apprécier à sa juste valeur. Savoir que ses journées sont remplies par le travail aide vraiment –même si c'était plus facile quand il bossait à l'étranger-. On est jeudi et il est rentré de Pologne avant-hier soir, le chef n'attend pas qu'il revienne au ministère avant lundi mais Harry a décidé de reprendre aujourd'hui. Quelqu'un finira bien par lui trouver une affaire sur laquelle il puisse se pencher.
Ça sera aussi la première fois qu'il va faire face à ses collègues depuis son coming-out. Il essaie de se convaincre qu'il ne donne pas une merde à ce qu'ils peuvent bien penser de lui à présent mais au fond de lui il n'est pas aussi confiant. Il sait que ça sera dur car il y a partout des trous du cul qui sont persuadés que la vie sexuelle de leur congénère les regarde et que l'homosexualité est une tare tellement affreuse qu'elle les offense personnellement. D'autant plus quand cette tare concerne leur Elu –sûr qu'il n'est plus l'Elu de grand monde à présent-. Mais Harry n'a pas fait sa déclaration à la presse la bouche en cœur et avec la chanson « Imagine » dans la tête. Non, il a toujours été conscient de ce qu'il allait se passer, il a toujours su que le chemin dans lequel il s'est engagé va devenir un parcours du combattant. Mais en être conscient et ne pas appréhender tout ça sont deux choses différentes.
Il entend les pas de sa meilleure amie se rapprocher alors il essaie de se détendre. Il n'a pas besoin qu'Hermione essaie de le psychanalyser parce qu'il a le malheur d'avoir l'air renfrogné. Elle a tendance à croire que si Harry se met à verbaliser tout ce qu'il ressent alors il ira mieux. Harry a une autre théorie : Garder ses soucis pour lui en espérant qu'ils finissent par s'envoler. Il est presque certain que sa technique finira par payer.
-Harry, la presse ne te croit toujours pas, grogne-t-elle en jetant sur la table une nouvelle une dont le titre est éloquent :
« Harry Potter est-il vraiment gay ? 10 raisons pour lesquelles nous sommes convaincus du contraire :»
Harry quitte le journal des yeux pour les poser sur sa meilleure amie.
-Bonjour à toi aussi, dit-il en croquant dans son toast.
Hermione a le bon gout d'avoir l'air embarrassée.
-'Jour, marmonne-t-elle en reprenant le journal pour le parcourir alors qu'elle l'a probablement déjà lu un peu plus tôt.
-Depuis quand tu perds ton temps avec ces inepties, lui dit-il en étirant ses bras au-dessus de sa tête. Les journaux écrivent toujours des merdes sur moi, c'est pas nouveau.
Hermione abaisse le journal pour le fixer.
-ça va faire presque un mois depuis ton annonce publique, ils devraient déjà s'en être remis.
Apparemment elle a mal calculé le temps que mettraient les médias à enlever leurs œillères. Harry ne s'en plaint pas, il reçoit une dose conséquente de beuglantes chaque jour et il pense, à juste titre, que ces missives vont augmenter une fois que plus aucun doute ne subsistera sur son homosexualité. Il n'a pas vraiment hâte de voir se multiplier les insultes en tout genre à son encontre.
-Je me fiche de la presse, reprend Hermione, mais elle reste une bonne indicatrice de la température générale des sorciers.
-37° ?
Hermione cligne des yeux avant de sourire un peu. Son premier vrai sourire depuis qu'elle a mis les pieds dans sa cuisine.
-Idiot.
Harry se contente de se gratter la nuque.
-Je ne prends pas ça pour une insulte. Tout le monde est idiot comparé à toi.
Hermione secoue la tête en rougissant un peu.
-La flatterie ne te mènera nulle part avec moi Harry Potter.
-Belle, intelligente et intègre, tant de qualité dans une seule personne. Je ne sais pas comment tu fais au quotidien…
Cette fois Hermione rit de bon cœur.
-Et tu oublies que j'ai aidé à sauver le monde sorcier, proclame-t-elle une main sur le cœur d'une voix faussement dédaigneuse. Je ne veux pas me la ramener avec mon curriculum vitae mais on m'appelait la tête pensante du trio d'or autrefois.
-Wahou, ça sonne bien ! s'extasie exagérément Harry en chapardant le journal des mains de son amie pour regarder la page des annonces immobilières.
-Je veux changer cette loi fin décembre, grogne Hermione de nouveau de mauvaise humeur, mais si la presse en est encore à se demander si tu es vraiment gay, ça risque de retarder mon programme. Tu trouves quelque chose ?
Harry lève les yeux au ciel, ce n'est pas comme si Hermione peut le voir derrière le journal de toute façon. Il connait par cœur le programme, à court terme du moins, de son amie. Son premier but est de changer la loi sorcière qui si elle ne condamne pas l'homosexualité proclame encore qu'il s'agit d'une maladie mentale. Comme chaque fin d'année les députés vont se réunir pour retravailler, abroger ou éditer des lois et Hermione compte proposer un texte visant à interdire les discriminations liées à l'orientation sexuelle et à rayer définitivement l'homosexualité de la liste des maladies mentales de la Classification Sorcière Nationale des Maladies. Harry se demande en quoi le fait qu'une partie de la population sorcière doute encore de son homosexualité peut être un handicap dans ce projet de loi. Il pense qu'Hermione lui prête une influence sur les sorciers qu'il n'a pas. Du moins il espère ne pas avoir une telle influence, la pression serait trop énorme dans le cas contraire.
-Pas vraiment, dit-il en se reconcentrant sur les petites annonces, mais dans la Gazette d'hier il y avait un appartement qui semblait pas mal… Faudrait que j'envoie un hibou.
-Tu sais que tu peux rester ici autant que tu veux.
Harry sait ça, mais il sait aussi qu'un couple n'a pas besoin d'avoir un invité sur le long terme. Même si cet invité est leur meilleur ami. Il pense aussi aux beuglantes qu'il ouvre chaque soir et même s'il les décachette toutes en même temps et que les mots qui s'élèvent ne forment qu'un capharnaüm auditif pendant quelques minutes, il se sent toujours mal à l'aise de savoir qu'ils peuvent entendre toutes ces insultes dans la pièce à côté. Puis son intimité aussi commence à lui manquer. Il adore Ron et Hermione mais il veut pouvoir laisser trainer son linge sale par terre s'il en a envie, se balader en caleçon dans un appartement qui serait à lui, se gratter les couilles si besoin, se murger tranquillement les soirs de déprime et découcher sans avoir à prévenir qui que ce soit pour éviter de vaines inquiétudes…
-Je sais, mais je pars pour mon bien être personnel. Ron est un maniaque du rangement et ta cuisine est affreuse. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai frôlé l'intoxication alimentaire.
-C'est de la cuisine expérimentale, réplique Hermione en fronçant les sourcils, Ron la supporte très bien, c'est ton estomac qui est ridiculement fragile.
-Mon estomac est normal. Ron par contre mangerait sa grand-mère sans sourciller si ça pouvait lui éviter de sauter un repas.
Hermione semble partager entre l'offuscation et l'amusement.
-Tu es affreux !
-Je remarque que tu ne me contredits pas sur le côté maniaque de ton cher mari.
Une fois, alors que son meilleur ami grognait, parce que Harry avait malencontreusement rangé « une assiette à usage quotidien » sur la pile « des assiettes du service des occasions spéciales », Harry lui avait demandé comment ça se faisait qu'il était devenu un adepte du rangement (il n'avait pas utilisé le terme de « maniaque excessif », il n'était pas fou, mais il l'avait pensé très fort) alors que du temps de Poudlard il était plutôt du genre bordélique. Ron avait répondu que quand on a sa mère ou des elfes de maison qui passent après vous, le rangement est juste un vague mot de vocabulaire sans importance.
-Et moi, je remarque que tu changes le sujet initial de notre conversation. J'ai pensé à quelque chose.
-Tu penses toujours à quelque chose.
Hermione lui fit sa tête qu'elle fait toujours lorsqu'elle a quelque chose d'important à dire mais qu'elle ne sait pas comment son interlocuteur va le prendre.
-Je t'écoute, soupire Harry.
-En ce qui concerne le fait que les gens doutent encore de ton homosexualité. Il serait peut-être temps que tu t'affiches publiquement avec homme.
-Pardon ? siffle presque Harry.
-ça n'a pas besoin d'être une vraie relation, reprend trop rapidement Hermione, je ne te demande pas de t'engager avec qui que ce soit. On pourrait quelqu'un qui accepterait de jouer le jeu pendant quelques semaines…Non seulement ça clouerait définitivement le bec aux théoriciens du complot mais en plus ça serait un bon début pour normaliser les relations homosexuelles. Si tu commences à aller dans des galas ou des soirées, accompagné d'un autre homme ça va avoir un grand impact pour la cause.
-Attends, reprend Harry en sentant un mal de tête pointer le bout de son nez, si je comprends bien, tu me demandes de jouer l'amoureux transis avec un inconnu.
-Pas forcément, si tu as quelqu'un en vue, je suis certaine que…
-Tu sais très bien que je n'ai personne de sérieux en vue, coupe Harry plus froidement qu'il l'aurait voulu. Et je ne jouerais aucune comédie homo-romantique pour convaincre une poignée de septiques. Si j'ai accepté de faire mon coming-out ce n'est pas seulement pour aider des gens comme Leto ou Devnet. J'ai fait ça aussi pour ne plus avoir à jouer la comédie. Je ferais autant de discours que tu veux, j'ai déjà accepté d'être le foutu porte-parole des homosexuels, mais ne me demande pas de commencer à raconter des craques. Ça serait hypocrite et ce n'est pas notre but, n'est-ce pas ?
Hermione semble ébranlée et il se demande s'il n'y est pas allé un peu fort avec elle mais elle finit par lui offrir un sourire un peu tremblant.
-Tu as complétement raison et j'ai eu tort, dit-elle d'un ton piteux. Je n'ai pensé qu'à faire avancer les choses au plus vite. J'en ai oublié le but premier de tout ce qu'on entreprend. Je veux que les gens puissent arrêter de se cacher qui ils sont et si pour y arriver j'utilise des méthodes basées sur le mensonge et la manipulation, je manquerais de dignité et de morale.
-Ne te fustige pas trop, soupire Harry de nouveau en attrapant la main de sa meilleure amie. Tu cherchais juste une solution pour faire au mieux. Ecoute, si jamais un jour je trouve un mec qui me donne envie de sortir publiquement avec lui et qui n'est pas effrayé par toute la surmédiatisation qu'il en découlera, je le ferais. Mais ça sera une vraie relation avec quelqu'un qui compte réellement.
Hermione presse doucement sa main en retour.
-J'espère que ça arrivera alors, lui dit-elle, ça voudra dire que tu te donneras une chance d'être heureux à nouveau avec quelqu'un.
Harry hoche consciencieusement la tête mais pense : « être heureux avec quelqu'un est trop de travail ».
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Il ne revoit Malfoy que deux mois et demi plus tard, à cause du boulot.
Il avait été contre, bien entendu, qu'on fasse appel aux services du professeur de magie noire de Poudlard. Mais sa voix n'a pas vraiment compté à partir du moment où Ron a convaincu le chef que l'aide de Malfoy leur ferait probablement gagner du temps considérable.
Toute une famille de sorcier-une grand-mère, les parents et leur trois enfants- avait été retrouvée assassinée chez elle cinq jours plus tôt et la presse en faisait déjà les gros titres avec les spéculations les plus folles. La dernière théorie des journalistes consistait à dire que la famille avait été attaquée non pas par un mais par toute une meute de loup-garou.
Harry a pensé et espéré jusqu'au bout que Malfoy ne viendrait pas. Après tout Ron avait précisé à l'ancien serpentard qu'il allait devoir travailler avec eux deux, rien que cette information aurait dû le convaincre de décliner l'offre de travail.
Mais il est là, dans le bureau que Harry et Ron partagent, en train d'enlever sa lourde cape de velours noir dont l'intérieur est doublé de satin gris foncé. Sous la cape il porte un pantalon noir, une chemise blanche et par-dessus la chemise un veston du même gris que la cape.
« Elégant comme toujours. » remarque Harry avec un frisson d'envie.
Harry enregistre malgré lui des détails concernant Malfoy qui devraient être sans importance. Comme la façon dont il a coiffé ses cheveux sur le côté mais quelques mèches blondes sur son front sont un peu ébouriffées à cause du vent dehors. Ou la légère tension entre ses épaules qui est le seul signe visible d'une quelconque nervosité car son visage ne montre au mieux qu'un léger ennui. Il a l'air un prince venant visiter ses sujets de basse extraction parce que le protocole l'exige. Harry remarque aussi que Malfoy hésite dans un premier temps à le regarder dans les yeux. Quand il le fait finalement le gris l'engloutit encore une fois et ébranle son stoïcisme.
-Salut Malfoy ! Content que tu ais pu venir, dit Ron tandis que Harry doit se faire violence pour ne pas sortir de la pièce et fuir cet homme.
-Tu me connais, répond Draco de sa voix trainante qui l'agace autant qu'elle le fascine, je ne vis que pour servir mon pays.
L'ironie est accrocheuse mais Ron ne rentre pas dans son jeu, il est en mode professionnel et Harry en est soulagé. Il n'a vraiment pas besoin d'entendre plus que nécessaire l'humour sardonique de Draco.
Il écoute Ron relater les faits de l'affaire tout en se demandant s'il va lui-même passer tout son temps se taire ou s'il va lui pousser une nouvelle paire de couille qui lui permettra d'agir comme l'Auror qu'il est censé être et pas comme un adolescent impressionné par son béguin du moment.
Finalement Malfoy dit :
« -Il faut que je vois les lieux moi-même. Les meurtres datent de cinq jours mais avec un peu de chance l'aura du sort utilisé plane encore dans les airs. Ça pourrait m'aider.
-Comment ça une aura ? demande Harry qui, merci Merlin, semble retrouver ses facultés mentales.
Il n'aime pas l'idée d'emmener un civil sur les lieux d'un crime, même si ce civil n'en est pas à son premier travail en tant que consultant pour les Aurors. Même si Malfoy en a vu d'autres.
A sa grande surprise Malfoy lui répond sans en profiter pour persiffler sur son ignorance, au contraire il utilise un ton professoral patient et concentré. Harry se rappelle l'avoir entendu s'adresser ainsi à ses élèves et ce souvenir est aussi indésirable que tout ce qu'il ressent en ce moment.
« -Quand le sortilège est vraiment puissant, ce qui est souvent le cas en ce qui concerne la magie noire, ça laisse une aura ou une trace si tu préfères », leur explique Draco. «La plupart des gens ne sente qu'un malaise, de la répulsion voir du dégout et mettent ça sur la vision des corps ensanglantés qu'ils ont sous les yeux sans chercher plus loin. Etant donné que j'ai beaucoup étudié et… utilisé cette magie, j'y suis plus sensible si je puis dire. Il se peut que je parvienne à savoir quel sort a été lancé ce soir-là.»
« Plus sensible, tu parles ! », pense Harry avec un reniflement intérieur de dédain, « Dis plutôt que tu t'es tellement vautré dans la magie noire qu'elle n'a plus aucun secret pour toi. »
Heureusement il a la sagesse de garder ses critiques pour lui. Il se demande aussi si Malfoy utilise encore la magie noire ou s'il continue à vivre comme un cracmol. Il a peur de la réponse et de toute façon tout ceci ne le regarde plus. Si Malfoy déconne au point de devenir un futur Voldemort en puissance, alors là seulement Harry s'en mêlerait.
-ça nous aiderait de savoir ça, marmonne Ron en griffonnant un mot sur un bout de papier, on patauge carrément niveau pistes. Je vais demander l'autorisation au chef.
D'un coup de baguette le papier prend la forme d'une grue qui s'envole immédiatement dans le couloir en direction du bureau du chef des Aurors.
Harry a envie de protester mais Ron a raison, ils n'ont aucune fichues pistes et si Malfoy peut les aider il n'a pas à faire la fine bouche sous prétexte qu'ils ont un passif compliqué. Il garde donc le silence et sa grimace n'échappe à personne quand finalement une réponse positive leur revient. Puis il se souvient que Malfoy ne peut pas transplaner donc il s'empresse de se décharger de ce problème efficacement.
-Ok, dit-il en attrapant son manteau, Ron va te faire transplaner Malfoy.
Malfoy le regarde visiblement confus. Harry se demande bien pourquoi. La possibilité que le blond puisse avoir pensé qu'il allait se proposer pour le faire transplaner effleure son esprit et le rend inexplicablement agité. Ça voudrait dire le toucher et ça il en est hors de question. Mais Malfoy se reprend vite et remet sa cape.
-Bien sûr, dit-il sans qu'aucune expression ne transparaisse sur son visage. Prêt Weasley ?
Ron qui connait le traumatisme de Draco concernant la magie lui tend le bras. Harry est soulagé que tout se passe sans remarques embarrassantes mais c'est bien sûr sans compter son meilleur ami.
-En tant que seul mec à l'aise avec ces charmantes retrouvailles, je suis prêt ! dit-il avec un sourire à dix mille watts.
Alors que Harry a, à la fois envie, que le sol l'engloutisse et d'inventer un nouvel impardonnable pour l'essayer sur Ron, la réaction de Malfoy est tout autre. Il sourit, un vrai sourire amusé qui illumine son regard, puis sa main se pose sur l'avant-bras de Ron. Harry serre les dents.
-Weasley ou l'art d'énoncer des évidences, rétorque Malfoy. J'espère que ton transplanage est meilleur que ton sens du tact sinon nous allons nous retrouver éparpillés un peu partout.
Harry transplane avant d'entendre la réponse de Ron. Si Malfoy et lui préfèrent perdre leur temps en plaisanteries débiles, grand bien leur fasse mais lui a autre chose à faire. Il prend de grandes inspirations alors qu'il ignorait en avoir besoin. L'air frais de cette fin novembre pique un peu ses poumons mais ça le calme.
« Ça va aller. » dit-il tout haut.
Trois secondes plus tard, Ron et Draco sont là. Draco se tâte le corps ayant l'air exagérément surpris de se retrouver en un seul morceau.
-C'est…C'EST UN MIRACLE ! s'écrit-il.
Ron râle. Et Harry…Harry se sent tiraillé entre rester de mauvaise humeur et succomber à l'humour de Draco. Le voir plaisanter en sa présence et essayer de détendre l'atmosphère est une chose à laquelle il ne s'attendait pas et il ne sait pas encore comment réagir à ça.
-Bien, montrez-moi cette maison. Après j' hibouterais ma mère pour lui dire que j'ai transplané avec Ronald Weasley et que j'y ai survécu ! reprend Malfoy.
-Si je parviens à terminer cette journée sans le massacrer, je jure que j'exigerais du Ministre qu'il me refile une médaille, grogne Ron à personne en particulier.
Quand ils atteignent la maison des Miller l'atmosphère redevient pesante et plus personne n'a le cœur à plaisanter. Draco a raison, Harry se sent oppressé quand il rentre dans les lieux et pourtant il n'y a plus aucun corps, mais jamais il n'avait mis ce genre de sensation sur le compte d'une aura de sortilège depuis longtemps lancé. Les traces de sang n'ont pas encore été nettoyées et les meubles qui ont été renversés sont toujours à terre.
-La grand-mère et sa fille ont été tuées ici, dans le salon, dit Harry. Le père se trouvait à l'étage et il a été abattu dans l'escalier, probablement en voulant descendre pour aider les femmes. On a trouvé le corps garçon de dix ans et sa sœur de douze ans dans la chambre de la benjamine. La plus jeune, sept ans, a elle été retrouvée dehors en bas de la fenêtre. Les légistes sont formels, elle est la seule à n'avoir reçu aucun sort, elle est morte à cause de la chute. Notre théorie c'est que la grande sœur a voulu la faire descendre grâce à un sortilège de lévitation mais le sort a lâché probablement quand elle s'est faite attaquée.
-Elisa, dit Draco le regard fixé droit devant lui. Tu peux dire son prénom, je la connaissais après tout. Deuxième année à Serpentard.
Harry sursaute. C'est pourtant évident que Malfoy devait la connaître, même si la magie noire n'est pas étudiée par les trois premières années à Poudlard, il reste le nouveau directeur de la maison Serpentard.
-Bon, au travail, dit Draco en s'asseyant par terre contre un mur. Je vous fais un bref topo de ce qu'il va se passer sous vos yeux émerveillés. Je vais utiliser la magie noire pour essayer de remonter jusqu'aux sortilèges qui ont été jeté ici. Vous allez me voir sortir de mon corps, il s'agira de ma projection astrale. C'est visuellement plutôt impressionnant mais il n'y a rien de dangereux. Mon vrai corps sera dans les vapes donc ne vous mettez pas à courir partout en essayant de le ranimer, ça sera totalement inutile. Je reprendrais connaissance dans les cinq…six minutes maximum après avoir lancé le sort. J'espère que ça sera suffisant pour obtenir nos informations. Des questions ?
-Tu plaisantes ? siffle immédiatement Harry. De la magie noire ?
Malfoy lui lance un regard exaspéré.
-Toujours la même agaçante rengaine avec toi. Si ton chef a fait appel à mes services c'est parce que je maîtrise justement cette magie, et que grâce à elle je peux vous aider. Ça serait un changement agréable pour une fois que tu fasses confiance en mes capacités.
-Non, le changement agréable ça serait que tu admettes que tu es sur une pente dangereuse ! répond Harry oubliant rapidement sa nouvelle ligne de conduite qui consistait à ne s'occuper de la magie noire de Malfoy que si elle devenait un danger pour autrui.
-Ce qui serait un changement agréable c'est que vous arrêtiez de vous bouffer le nez, commente Ron soudainement.
-Weasley a raison, admet soudainement Draco. C'est ton enquête Potter, si mes méthodes te déplaisent tant que ça je ne vais pas insister. De toute façon je pense que vous finirez par y arriver avec ou sans moi et j'ai des copies de cinquième année à corriger qui m'attendent à Poudlard...Tout un tas de « Troll » à mettre aux gryffondors, les choses habituelles en somme…
Harry se sent alors ridicule. Depuis que Malfoy a passé la porte de son bureau au lieu d'agir en professionnel, il a passé son temps à être sur la défensive. Malfoy est celui qui depuis le début fait en sorte que leur collaboration se passe dans les meilleures conditions alors que Harry reste focalisé sur l'embarrassante conclusion de leur dernière rencontre. Il est temps qu'il tourne la page, Malfoy y arrive très bien, lui.
-C'est bon, dit-il finalement en croisant les bras sur son torse. On va le faire à ta manière.
Malfoy lui jette un drôle de regard en coin, comme si le fait que Harry lui témoigne de la confiance -toute relative mais confiance tout de même- était intimidant. Mais c'est ridicule, personne surtout pas Harry n'intimide l'homme en face de lui. D'ailleurs Malfoy ne le regarde déjà plus, assis le dos contre le mur du salon des Miller, il pointe sa baguette sur sa main pâle et prononce une incantation qui fait couler son sang. Harry a un mouvement pour arrêter ça mais Ron l'attrape par l'épaule. Draco murmure toujours un sort avec des mots latins et d'autres celtiques et d'autres dont il ne reconnait pas l'origine tandis que le sang issu de la coupure dans la paume de sa main s'écoule silencieusement sur le parquet de la maison.
-Calme toi, la blessure n'est pas profonde, gronde Ron à son oreille quand Harry dégage son épaule de son emprise.
Harry jette un regard noir à son meilleur ami, comme si tout était de sa faute mais il ne veut plus interrompre Malfoy de peur d'empirer les choses. Finalement la voix de l'ancien serpentard se tait, son corps devient mou et sa tête penche sur le côté comme s'il venait de s'endormir contre le mur. Sauf qu'il n'est pas endormi, il est inconscient. La seconde suivante ce que voit Harry peut s'apparenter à un dédoublement, car Malfoy reste évanoui par terre tandis que sa copie parfaite se lève. La projection astrale a l'air réel, on ne voit pas par transparence derrière lui, sa présence emplie la pièce comme celle d'une vraie personne et pourtant Harry à l'intime conviction que s'il essaie de le toucher sa main ne rencontrera que du vide.
La seule différence entre Malfoy et son corps astral c'est que la projection n'a ni pupilles, ni iris, ses yeux sont juste blancs et opaques. D'ailleurs il n'a même pas l'air de voir que Harry et Ron sont ici aussi.
-Il aurait pu prévenir qu'il aurait l'air aussi flippant, marmonne Ron.
« Non, pense Harry sans pouvoir empêcher de ressentir de l'admiration, il est impressionnant ! »
Il n'ose même pas penser à la dose de concentration et à la maîtrise de sa magie qu'il faut pour parvenir à jeter ce type de sortilège.
Le corps astral de Malfoy reste moins d'une minute dans le salon avant de grimper les escaliers. Harry et Ron le suivent jusqu'à la chambre de la plus jeune des filles. Là il y reste trois minutes à contempler de ses yeux vides et angoissants des choses qu'ils ne peuvent pas voir.
Finalement il redescend et réinvestit le corps de Malfoy qui s'anime d'une brusque inspiration.
- Et bien, c'était pas du tout effrayant, dit Ron alors que Draco cligne des yeux dans leur direction comme pour réhabituer son esprit à la réalité.
-T'as fait dans ton froc, Weasley ? demande-t-il finalement avec un petit sourire insolent.
Harry ne dit rien. Il cherche le moindre malaise, une infime fatigue dans les yeux gris, des tremblements dans ses extrémités mais Malfoy a l'air d'aller bien à part sa main blessée. Il se relève souplement et quand Ron veut lancer un sort de guérison sur sa coupure il l'arrête en expliquant qu'étant donné la nature du maléfice qu'il s'est infligé les sortilèges habituels de guérison ne sont d'aucun effet.
-On va t'emmener à St Mangouste, alors, dit Harry.
-Pas la peine, répond Malfoy, ça ne saigne déjà plus. Je suis juste bon pour avoir une cicatrice. D'ailleurs ça tombe plutôt bien, comme elle va être située il semble que ça va prolonger ma ligne de vie.
Harry ne trouve pas ça drôle du tout mais il garde ça pour lui.
-Qu'as-tu vu ? demande finalement Ron.
-Je n'ai rien vu, corrige Draco. Juste ressenti des traces de sorts. L'Adava Kedavra a été lancé trois fois, sur les parents et la grand-mère.
Harry et Ron se jettent un bref coup d'œil, ça ils le savent déjà d'après l'autopsie mais ils n'en ont délibérément pas parlé à Malfoy. Une sorte de garantie pour voir si le professeir les mène ou pas en bateau.
-Les gamins maintenant, reprend le blond songeur, le sortilège m'est inconnu. C'est le même qui a été utilisé pour les deux. Il est beaucoup plus salissant que l'Adava. Il agit comme une sorte de drain…
-De drain ? répète Harry.
-Oui, ça leur a volé quelque chose et pas seulement la vie. Les vampires drainent le sang, les détraqueurs drainent les âmes, ce sort qu'on a utilisé fonctionne de la même manière. Ça a absorbé quelque chose aux gamins.
-Mais tu ignores de quoi il s'agit.
Draco ne semble pas prendre sa remarque comme une critique et hausse simplement les épaules.
-Je vais faire des recherches à Poudlard, répond-t-il. Mais on a utilisé ce sortilège que sur les enfants, les parents ont eu le droit au bon vieux Adava. C'est pour les gosses que le tueur est rentré dans cette maison. Qu'est-ce qu'ils peuvent avoir que les adultes n'ont pas ?
-La jeunesse ? Une sorte d'innocence ? énumère Ron.
-Je ne sais pas, mais c'est à creuser.
-On va devoir aussi vérifier les assassinats des enfants moldus non élucidés ces derniers mois, dit Harry réfléchissant tout haut. S'il vole quelque chose aux enfants alors ce n'était peut-être pas ses premiers homicides. Il est possible que le tueur ait fait sa première erreur en s'attaquant à des congénères.
Harry s'arrête et se tourne vers Draco, les remerciements sortent avec une facilité déconcertante : «-Grâce à toi Malfoy, on a probablement un début de mobile. Ça va beaucoup nous aider. Merci.»
-C'est une de mes élèves qui est morte, répond Draco. Elle était nulle en potion, très moyenne en botanique et savait à peine tenir sur un balai…mais ce n'était qu'une gamine et les coups fourrés qu'elle élaborait pour faire perdre des points aux autres maisons étaient pas loin d'être brillants. Elle était plutôt cool !
L'envie soudaine qu'a Harry de serrer Malfoy contre lui est si forte qu'il croise de nouveau les bras sur son torse. C'est un dérisoire moyen de protection contre ses propres émotions mais ça fonctionne. Un peu.
-Weasley, reprend l'ancien serpentard alors qu'ils s'apprêtent à quitter la maison, j'aimerai parler à Potter. En privé.
« Merde, pense Harry, nous y voilà. »
Il pense aussi que Ron va comprendre qu'il préfère être n'importe où plutôt que se retrouver tout seul face à Malfoy et donc, puisqu'il est son meilleur ami, qu'il va le sortir de se guêper. Mais Ron se contente de dire « Ok, je file alors. Ne vous entretuez pas, les mecs ! » et de l'abandonner.
-Parfait, grommelle Harry alors que la porte se referme sur lui et Malfoy.
-On peut discuter en allant à la zone de transplanage, propose Malfoy, cet endroit me file le bourdon.
-Comme tu veux, dit Harry qui lui a juste envie que Malfoy en finisse rapidement.
Il imagine déjà ses premières phrases « Alors tu me considères comme l'homme de ta vie, hein Potter ? Tu n'as donc aucune fierté ? »
-Tu sais, je n'ai pas seulement accepté ce travail pour trouver l'assassin d'Elisa, dit Malfoy. J'ai beaucoup hésité mais la prime est importante et à chaque fois que je travaille avec les Aurors, ça étoffe de manière positive mon C.V. Crois le ou non mais j'ai encore quelques projets pour ma carrière.
Harry le croit bien sûr. Malfoy n'a jamais caché qu'il était ambitieux. Harry ne lui avouera jamais mais il trouvait ça très sexy de le voir travailler si dur pour parvenir à ses objectifs. Il pense qu'un jour, Malfoy peut, en effet, devenir le nouveau directeur de Poudlard. Il en a les capacités et l'envie. Les seules choses qui l'en empêche aujourd'hui (hormis le fait que la place n'est pas vacante), c'est son âge et son passé. Et probablement son orientation sexuelle. Il n'est pas sûr que les membres du conseil acceptent un jour de mettre à la tête de l'école un homosexuel notoire. Et pourtant, si quelqu'un peut un jour les persuader du contraire, c'est bien Malfoy. Après tout il est déjà devenu le directeur des Serpentards alors que seulement trois ans et demi plutôt il était persona no gratta en Angleterre.
-On dirait que tu essaies de me convaincre que tes intentions n'étaient pas que pure noblesse et amour de la justice, sourit Harry car c'est plus facile de le taquiner que de parler du fait qu'il est fier de ce que Malfoy a déjà accompli. Je le savais déjà, Malfoy.
-Oui, dit Malfoy, tu me connais bien.
Après ça ils marchent en silence jusqu'à ce que Malfoy ouvre de nouveau la bouche.
-Ce que je voulais te dire, dit-il en s'arrêtant donc Harry en fait autant essayant de ne pas se sentir nerveux, c'est que puisque tu sembles vouloir rester en Angleterre cette fois, on risque d'être amené à se croiser. Aujourd'hui, c'était maladroit entre nous et je n'ai pas envie d'avoir l'impression de marcher sur des œufs dès qu'on se retrouve face à face. Je pense qu'on peut parvenir à passer au-dessus de tout ça. Nous sommes des adultes…
Harry a un sourire amer en repensant à leur précédente rencontre sur le terrain de Quidditch de Pouldard, deux mois plus tôt. Cette fois-là aussi Draco avait dit quelque chose comme quoi ils pouvaient être capables d'avoir une conversation civilisée et ils ont juste fini par se crier dessus –puis Harry a conclu la conversation par un regrettable « tu es l'homme de ma vie ! »-
-Je sais que notre dernière conversation a dégénéré, reprend Malfoy comme s'il lisait dans son esprit, mais avec le recul, nous avions probablement besoin de mettre tout à plat. Du moins, moi j'en avais besoin.
Harry plisse les yeux. Il n'est pas habitué à entendre Draco parler comme ça. Sa voix est posée et réfléchie depuis le début de cette conversation. Il sait que ce type analyse tout et donc qu'il l'a probablement fait aussi pour leur dernière discussion mais d'habitude il ne prend pas la peine d'aller jusqu'à lui faire part de ses conclusions. Non, il garde tout pour lui. C'est donc un fait nouveau et déroutant.
Sauf que le mot déroutant prend une toute autre valeur quand l'ancien serpentard reprend la parole, toujours de ce ton placide.
« -Je me suis rendu compte que j'avais aussi mes torts dans notre séparation. Ce que tu m'as dis…avec l'ultimatum et le fait que je ne croyais pas en nous. C'est vrai. Le fait que tu ais couché avec un autre, c'était blessant mais ça n'a jamais été le cœur du problème. Je pense que même sans ça, on aurait fini par se déchirer.»
Harry le fixe sans savoir quoi dire. Il se sent incroyablement soulagé que Mafloy semble avoir pris assez de recul pour parler de tout ça aussi sereinement. Et s'il a un infime pincement au cœur parce que le blond s'adresse à lui sans aucune passion, sans aucun mordant, il se dépêche de le refouler.
-C'est ce que je pense aussi, dit-il parce que le soulagement l'emporte. Je sais que ce que je t'ai fait est inexcusable et je m'en voudrais toute ma vie pour ça. Mais je suis soulagé aussi. Etre avec toi, c'était les montagnes russes pour mon cœur.
Malfoy hausse un sourcil à cette image ce qui fait que Harry se sent légèrement ridicule.
-Mais maintenant, reprend-t-il courageusement mettant ses mains moites dans ses poches, j'ai besoin d'autre chose.
-Tu veux le gentil garçon et l'amour paisible qui va avec ? questionne Malfoy avec un sourire moqueur.
Ses yeux gris le fixent comme s'ils cherchaient à fouiller son âme.
« Je ne veux plus souffrir ! » pense Harry farouchement.
-Je ne sais pas ce que je veux, répond-t-il sincèrement. Mais je sais ce que je ne veux plus. Et je ne veux plus de montagnes russes.
Il y a un infime mouvement au coin de la bouche de Malfoy comme s'il retenait un rictus puis il hoche la tête.
-Bien, dit-il, nous sommes donc d'accord pour nous comporter normalement l'un avec l'autre ?
-Oui, dit-Harry déterminé. On a trente-deux ans, pas dix-sept, je pense qu'on peut y arriver sans trop de difficulté.
Il songe à tous les couples qui se séparent tous les jours et qui arrivent à se retrouver dans la même pièce sans s'entretuer. Certains même deviennent amis. Il ne sait pas si c'est possible avec Malfoy, ou même s'il a envie de ça, mais si déjà la tension entre eux disparait, ça serait grandiose. La sensation d'oppression qu'il ressent depuis leur séparation est déjà en train de s'alléger et c'est simplement dû au fait d'avoir une conversation sans aucune anicroche avec l'homme en face de lui.
-Oui, répond Malfoy.
-Ton moyen de locomotion s'est fait la malle, reprend Harry. Je te fais transplaner ?
Il a l'impression que les yeux de Malfoy sont un peu brillants mais il se trouve ridicule après toute cette conversation de se mettre à s'inquiéter s'il tombe malade ou n'importe quoi d'autre.
-Non, je vais marcher, répond Malfoy d'un ton léger, mais merci pour la proposition. Tu commences déjà à être incroyablement cordial. C'est impressionnant !
-Je te montre juste à quel point je suis mature, rétorque Harry rassuré de le voir revenir à son ironie habituelle.
Il se demande s'il doit insister pour ramener le blond mais il a peur que Malfoy pense qu'il cherche à prolonger sa compagnie alors après un vague signe de la main il transplane.
Une fois au bureau, il rapporte l'intégralité de la discussion à Ron. Mais son ami le regarde étrangement au lieu d'être content pour lui.
-Quoi ? demande finalement Harry un peu agacé.
-Je trouve ça bizarre c'est tout, commente Ron en étendant ses longues jambes devant lui. Vous voulez vous comportez normalement l'un envers l'autre mais entre vous ça n'a juste jamais été normal et par normal je veux dire « ordinaire ». Je suis sceptique quant à la réussite d'un tel projet.
-Et alors ? grogne Harry. Il y a un début à tout.
Il en veut un peu à son ami d'avoir fait retomber sa bonne humeur mais Ron se contente de le dévisager, nullement impressionné.
Bien sûr, Harry sait que ça ne sera pas facile. Qu'il devra, du moins au début, faire attention de ne pas aborder de sujets qui fâche en présence de Draco mais c'est ce qu'il veut. C'est ce qu'il lui faut pour passer à autre chose.
« ça va aller », pense-t-il encore et pour une fois il y croit vraiment.
A suivre…
