Drago était sorti de l'infirmerie dans l'après-midi, avant même que je n'aie à lui rendre visite. Les jours défilèrent. Lui et sa bande ne m'avaient pas adressé la parole depuis le cours d'Hagrid, et je ne m'en portais pas plus mal. Certes, j'aurais espéré un peu plus de reconnaissance de sa part, mais ne pas avoir la mère Parkinson sur le dos me convenait parfaitement.
Marie et moi nous étions donnés rendez-vous dans un des petits jardins du château, après mon cours de défense contre les forces du mal. J'avais entendu beaucoup de bien concernant le professeur Lupin, qui apparemment avait également étudié à Poudlard lorsqu'il était plus jeune.
Le cours débuta par la pratique, ce qui n'était pas pour me déplaire, sur fond de musique entrainante. Nous étudiâmes les épouvantards, des créatures qui nous apparaissaient sous les traits de nos plus grandes frayeurs. Le professeur Lupin nous demanda de nous concentrer sur notre plus grande peur, avant d'imaginer une scène drôle la mettant en scène, tout en lui jetant le sort « Ridiculus ». Rien de bien compliqué, somme toute. Sauf que, plus je voyais les étudiants faire face à leur peur, plus les miennes commençaient à resurgir. Je me mis tout au fond de la classe, espérant que nous ne passerions pas tous pour faire l'exercice.
Les Serpentards, en bout de file, s'amusaient à pousser les autres pour aller plus vite. Mais pourquoi il avait fallu que je me retrouve dans une maison avec des nigauds pareils ? Je sortis du rang, agacée, en me tournant vers eux pour leur faire une remontrance, lorsque le Professeur Lupin m'interpella :
- Pandore, venez, je vous en prie. – Il s'approcha de moi, et m'accompagna jusqu'au début de la file.
- Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée professeur, lui chuchotai-je.
- Je reste à vos côtés, si besoin, m'assura-t-il.
J'étais mortifiée. Comment allais-je pouvoir rendre ça amusant ? L'épouvantard commença à se transformer, et comme je m'y attendais, il prit l'apparence de celui que je redoutais le plus. Ce non-mage, affichant toujours ce même sourire carnassier. Il aurait pu ne pas être effrayant, s'il n'avait pas tenu dans ses mains, la tête de mes parents, ensanglantées. J'étais pétrifiée, littéralement. Je ne pouvais plus bouger. Il était apparu à peine quelques secondes, que j'entendais déjà plusieurs cris horrifiés derrière moi. Le professeur Lupin prit place devant moi pour s'occuper de l'épouvantard, tandis que je me dirigeais vers la porte de la salle de classe, en titubant. A peine avais-je fait trois pas en direction de la cour la plus proche, que je régurgitai l'entièreté de mon déjeuner dans la pelouse. Et moi qui voulais me faire toute petite, c'était raté. Complètement affaiblie, à bout de force, les yeux embués par les larmes, je me dirigeai vers la tour d'astronomie. Là, tout de suite, j'avais besoin de me retrouver seule. Tout le monde allait jaser. Cette histoire ferait le tour de l'école, et les gens finiraient vite par découvrir notre histoire à ma sœur et moi, c'était certain. Je grimpai avec difficulté les dernières marches qui restaient pour atteindre le haut de la tour. Au moins ici, j'étais certaine de ne croiser personne. Mes jambes finirent par céder sous mon poids, et je m'écroulai au sol, désemparée. J'avais envie de mourir ; la douleur de revoir ce monstre face à moi, était incommensurable. Mon cœur entier semblait se briser en mille morceaux. J'avais mal, et je n'arrivais plus à m'empêcher de pleurer.
- Pandore… Pandore, réveille-toi.
J'ouvris les yeux sur une touffe de cheveux roux. Je me frottai les yeux, tentant de me relever tant bien que mal. J'avais dû m'assoupir quelques heures, le soleil offrant une couleur rosée au ciel.
- Fred ?
- Eh bien, c'est assez rare que les gens arrivent à nous identifier.
- Tu as des fossettes… Enfin bref, qu'est-ce-que tu fais là ?
- C'est plutôt à moi de te poser la question. Tout le monde te cherche, en bas.
- Et tu as réussi à me trouver…
- Ça, c'est mon super pouvoir. Tu veux en parler ? – Il s'assit à côté de moi, me planta son bonnet sur la tête et me prit les mains. J'esquissai un mouvement de recul, mais il maintenait mes mains dans les siennes.
- N'y compte même pas, tu es complètement gelée. Tu devrais essayer de prendre un peu plus soin de toi.
Je lâchai un petit rire ironique.
- Tu dis souvent ce genre de choses aux personnes que tu connais à peine ?
- Seulement aux filles qui ont un sourire comme le tien.
Je lui envoyai un coup de coude dans les côtes, tandis qu'il faisait semblant de se tordre de douleur. Je m'esclaffai devant sa mine déconfite.
- Au moins, j'ai réussi à te faire rire. – Il se redressa et repris mes mains dans les siennes – Bon alors dis-moi tout.
J'appuyai ma tête sur le mur derrière moi, regardant droit devant. Je n'avais pas envie d'en parler, encore moins à Fred. Lui qui était si solaire, si bienveillant, comment pourrait-il accepter ce que j'avais fait ?
- Tu sais déjà ce qu'il y a.
- Je préfère que tu m'en parles toi-même.
- Je n'ai vraiment pas envie de m'épancher là-dessus. Je ne comprends pas pourquoi tu veux tellement savoir. C'est une sorte de curiosité malsaine ?
- Alors ça, ça n'est absolument pas mon genre. Je pense surtout que tu ne serais pas venue t'isoler ici pour pleurer, si ça n'était pas important pour toi…
- Je n'ai pas dit que ça n'était pas important, seulement que je ne voulais pas en parler. Ce n'est pas quelque chose que tu pourrais comprendre. Et puis, ne le prends pas mal, mais je te connais à peine.
- Ça, on peut toujours y remédier, me rétorqua-t-il. Je ne t'embêterai plus avec ça alors, mais sache que si tu ressens le besoin d'en parler, je serai à l'écoute. Et puis, c'est pas tous les jours que je croise une jolie brune aux yeux bleus et au sourire comme le tien, me dit-il en me lançant un clin d'œil. Je lui envoyai de nouveau mon coude dans les côtes, amusée.
Il se leva, et m'invita à faire de même.
- On devrait y aller maintenant. Je crois qu'il y a du monde qui t'attend en bas.
- Marie…
- Tu sais, ta sœur s'inquiète beaucoup pour toi. Elle a croisé mon frère, et c'est de là qu'on a commencé à te chercher.
- Ma sœur connait George ? lui demandai-je interloquée. Il me semblait un peu vieux pour faire partie de ses amis.
- Non, Ron. Tu lui avais déjà parlé de lui, semble-t-il.
Eh bien voilà à qui Ron me faisait penser. En même temps, il ne devait pas y avoir énormément d'étudiants roux à Poudlard, j'aurais quand même pu m'en douter. Alors que nous descendions les longues marches de l'escalier en colimaçon, je tapotai l'épaule de Fred qui était passé devant moi. Il s'arrêta un instant et me regarda, tandis que je perdais peu à peu de ma contenance :
- Ecoute, Fred. Je voulais te remercier pour ta sollicitude. Je n'ai pas… Je n'ai pas l'habitude que l'on me soutienne comme tu l'as fait, et ça représente beaucoup pour moi…
- Je n'ai pas fait grand-chose. J'aurais aimé que tu acceptes de me parler. Mais tu finiras probablement par avoir suffisamment confiance en moi pour le faire.
Il me lança un clin d'œil et se remit en marche. En bas des escaliers, un groupe d'étudiants étaient assis au sol. Je reconnus ma sœur, accompagnée de la petite blonde qu'elle côtoyait depuis la rentrée, Gaston et Georges. Ils tournèrent tous la tête dans notre direction. Marie se rua vers moi et me prit dans ses bras.
- Bien, voilà la princesse tant attendue, me lança Gaston, taquin.
- Elle doit avoir une sacrée tête, la princesse, après tout ça, lui rétorquai-je.
Ils éclatèrent tous de rire. Je m'écartai de Marie, et pris son visage entre mes mains pour la regarder droit dans les yeux.
- Je suis vraiment désolée de t'avoir inquiétée.
- C'est moi qui suis désolée. Je passe mon temps à te parler de ça, à te faire culpabiliser… N'en parlons plus, maintenant. Ton professeur est venu nous voir. Tu dois te rendre dans le bureau du directeur.
- Eh bien, on dirait que mon heure est venue. Je suis vraiment désolée que vous m'ayez tous attendue, mais je vais bien, je vous le promets.
- Oh, tu sais, on se doute que tu vas bien ! me lança Gaston.
- Oui, c'est surtout Fred qu'il va falloir convaincre, poursuivit George.
Fred devint tout rouge, et se frappa le front de la paume de la main.
- Ne les écoute pas. Suis-moi, va. Je vais te montrer où se trouve son bureau.
Je fis un signe d'au-revoir à tout le monde et suivis Fred, qui avançait devant moi, bougon, les mains plantées dans les poches. J'accélérai la cadence pour arriver à son niveau et lui plantai mon doigt dans le bras :
- Ils sont moqueurs, mais pas méchants Fred, tu ne devrais pas les écouter.
- Ils peuvent bien se moquer, Gaston est pareil avec Cho ! C'est un véritable canard, ce mec !
- Cho ?
- Une fille de sa classe pour qui il en pince, mais cet idiot n'a jamais osé lui dire.
Je me mis à sourire bêtement. Il insinuait sans ambigüité qu'il en pinçait pour moi, et bizarrement, ça me plaisait plutôt bien. Nous arrivâmes enfin en bas des marches, quand il prononça un mot de passe qui ouvrit le passage vers les escaliers.
- C'est là que je te laisse, Princesse. Je t'attendrai en bas, si tu veux.
- Tu peux retourner au dortoir, je retrouverai bien mon chemin, lui dis-je tout sourire.
J'avançai vers les escaliers d'un pas hésitant, puis fis demi-tour pour me diriger vers mon nouvel ami. Je me mis sur la pointe des pieds et lui déposais un bisou sur la joue, accompagné d'un remerciement. Il devint tout rouge, se caressant la joue. Je le laissai là, bouche bée, tandis que je gravissais les marches, pour enfin voir à quelle sauce j'allais être mangée...
