Bonjour-soir lecteurs/lectrices !

Bon. Oui. La ré-écriture du chap 3 ne s'est pas faite, MAIS, I come bearing gifts ! J'ai bouclé le chap 9. *sort les confettis* Et je pense avoir atteint la moitié ? Enfin... vu ma facheuse manie de rallonger et d'ajouter des scènes, NORMALEMENT, je suis à la moitié de la partie 1. Ha. Haha. Ce truc est un monstre... Marrez-vous, je suis incapable de passer du point A au point B sans prendre des mégas détours.

Bref.

! RAR !

Encore merci d'avoir pris le temps de laisser un commentaire. ^^ 3

"toujours bien écrit" *essuie sa petite larme avec un mouchoir brodé*

"Le "monstre" du chemin de traverse c'est Hagrid ?" Yep "Il accompagne une première année ? Je te demande ça parce que dans le canon Hagrid n'accompagne Harry que parce que c'est Harry, c'est des profs qui s'en occupent normalement (voire même uniquement le sous-directeur mais je ne suis pas sûr de ça)" Euh... je pensais que c'était l'une fonction du Gardien des Clefs ? Mais en imaginant qu'il y ait deux nés-moldus par classe, ça fait huit par promo. Et j'imagine que trimbaler un enfant dans une rue commerçante ne doit pas être particulièrement enrichissant pour des gens comme, disons, Severus Snape. Et donc, qu'ils refilent la corvée dès qu'ils le peuvent.

"Corvus veut garder la baguette en cerisier ? Hâte de voir sa déconfiture quand il va se rendre compte que les autres élèves se débrouillent mieux que lui." Oui, mais non. Parce qu'il y a deux moyens pour devenir le maître d'une baguette. Soit elle te choisit (Ollivander) ; soit tu bottes le derrière de son précédent propriétaire (Harry avec la baguette de Draco), ou tu la chopes au nez et à la barbe dudit propriétaire (Grindelwald, et accessoirement Corvus). Et, oui, peut-être que Corvus va égarer malencontreusement la baguette d'un ou deux camarades légèrement tyranniques.

Alors oui, la grammaire est ma hantise. Navrée... Je fais de mon mieux, mais bon...

"Courage pour la suite !" Merciiiiiii !

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Chapitre 5

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Rapport d'enquête à remettre au macaque pourvu de gélatine putréfiée en guise de cerveau et se prenant pour le chef des aurors.

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A la question, "Comment se fait-il que la criminalité magique ait drastiquement diminué depuis la chute de Grindelwald ?", notre estimé Département 一 justifiant sans problème la moindre noise dépensée, contrairement à d'autres que nous ne citerons pas 一 a découvert plusieurs éléments de réponse 一 qui, j'en suis sûr, passera sous votre gros nez de réactionnaire allergique à la moindre avancée scientifique, comme tout le reste.

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Premier élément : Notre service national de régulation de la criminalité magique est dirigé par un vieux con aveugle dont l'incompétence est légendaire.

Exhibit A : Regardez-vous dans une glace.

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Deuxième élément : Après enquête, nous sommes arrivés à la conclusion que notre statut insulaire ne nous protégeait pas des arrivées clandestines sur notre territoire.

Exhibit A : Il m'a fallu littéralement dix minutes dans l'Allée des Embrumes pour trouver quelqu'un capable de me faire traverser illégalement la Manche.

Exhibit B : N'importe qui avec un minimum de sens pratique peut embarquer sur un navire moldu et atteindre les côtes britanniques sans que le Ministère ne soit au courant.

Exhibit C : Je vous aurai bien dessiné un bras d'honneur pour illustrer tout ce que je pense de vos capacités cérébrales, mais j'ai trop d'estime pour mes dons artistiques pour les gâcher sur vous.

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Troisième élément : La présence d'Albus Dumbledore sur nos terres fait fuir tout individu ayant quelques ambitions controversées et/ou malhonnêtes.

Exhibit A : L'exode sans précédent des diplômés les plus brillants du pays, trouvant bien naturellement les régulations concernant les expérimentations sur les moldus plus souples ailleurs. (Nous vivons la crise la plus dangereuse de notre temps, et c'est la fuite de nos cerveaux, pas celle des fonds de chaudrons trop minces. Arrêtez de pousser les jeunes générations à l'exil en interdisant le progrès, en tuant dans l'œuf toute idée avant-gardiste, sous prétexte qu'elle est immorale.)

Exhibit B : Cet homme donne UNE interview, et l'opinion publique tourne à 180°. Ses vues pro-moldus et nés-moldus se sont propagées même parmi les familles les plus traditionalistes. (J'attends d'ailleurs sa déclaration allant entériner le nouveau projet de loi concernant l'assouplissement du Secret. Le dernier coup de maillet dans le cercueil, si je puis dire…)

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Quatrième élément : En ce qui concerne votre affirmation, prétendant qu'aucun criminel international n'a mis le pied sur notre territoire ces derniers mois, j'ai pris un immense plaisir à prouver que vous étiez, encore une fois, loin de la vérité.

Exhibit A : Un rapport de la Confédération Internationale des Sorciers a été adressé le 17 Août à votre service, vous prévenant que Charlus et Dorea Potter 一 criminels internationaux recherchés par une liste impressionnante de gouvernements 一 ont été aperçus du côté français de la Manche. Le rapport spécifie que 一 malgré le manque de mandat et l'absence de crimes perpétrés sur notre territoire 一 si ces individus venaient à trouver le moyen de pénétrer chez nous, leur arrestation et incarcération serait grandement appréciée et récompensée. (Je vous joins au passage leur avis de recherche et la somme indécente offerte pour leurs cadavres.)

Exhibit B : Une plainte pour effraction a été déposée le 18 Août en Cornouailles, au domicile de (roulement de tambours, je vous prie) Fleamont et Euphemia Potter. Notez que la plainte vient de leurs voisins, et non pas des concernés. La description de l'individu en question possède d'ailleurs une ressemblance frappante avec l'un des avis de recherche, vous ne trouvez pas ?

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Conclusion : Grand A, vous faites honte à notre Ministère. Petit un, je vous emmerde. Petit deux, je viens de prouver que je faisais mieux votre travail que vous en à peine deux jours de recherche. Petit trois, si vous pensez que vos menaces m'effraient, laissez-moi vous dire, mon petit bonhomme, que vous ne savez pas à QUI vous vous adressez. Petit quatre, j'ai écrit un courrier édifiant à la Gazette vantant votre professionnalisme. J'imagine que vous avez lu l'article en question.

Et grand B, des criminels grouillent sous votre nez et vous êtes juste incapable de vous en rendre compte.

Et je vous emmerde.

Premintus Selwyn

Directeur-adjoint du Département des Mystères.

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Des yeux fixaient Corvus.

"La peur, mon p'tit, c'est quand ton instinct te dit de fuir pour ta vie." résonna dans son crâne les paroles d'un sorcier intelligent.

Ses pieds s'arrêtèrent brutalement d'eux-mêmes. Sa colonne vertébrale se redressa dans un craquement sec. Des sifflements sonnèrent à l'intérieur de ses oreilles.

Il sentait la pression d'un regard sur la peau, comme des doigts crasseux aux ongles sales caressant sa nuque, comme un souffle putride et moite frôlant son cou.

La nausée qui le saisit n'avait rien à voir avec les cadavres flottants.

"Les vieux pervers vont se l'arracher." avait rêvassé un trafiquant en posant ses mains sales aux ongles jaunis sur sa peau dénudée, en posant ses yeux avides et lubriques sur son corps d'enfant.

Ce n'était pas la première fois qu'un individu lui inspirant une légère pointe de dégoût et une dose saine d'effroi le fixait inconfortablement du regard. Il s'agissait même d'une réaction atrocement familière. Ces yeux ne le lâchant pas du regard, braqués sur lui comme s'il était le seul être présent dans la pièce ; ces yeux le jaugeant, l'inspectant de bas en haut, le soupesant comme une pièce de viande sans conscience ; ces yeux cherchant quelque chose, fouillant sans honte dans son âme d'enfant, sans jamais trouver ce qu'ils cherchaient ; ces yeux aux nuances différentes, parfois marquées de lubricité et d'avidité, parfois adoucies par une pitié écoeurante, mais toujours, toujours

Le fixant comme s'il était une curiosité, une abomination dont jamais personne n'aurait imaginé un jour l'existence.

Son souffle resta coincé dans sa poitrine.

"Ne montre jamais à quel point tu es intimidé. C'est donner du pouvoir à ceux qui en possèdent déjà trop." retentirent les paroles de son père.

L'enfant obéissant força l'air à sortir calmement de ses poumons. Il décrispa sa posture en roulant nonchalamment les épaules. Il inspira une dose parfaitement mesurée d'oxygène.

"Ton père et moi ne serons pas toujours là pour t'aider." l'avait prévenu sa mère.

Observation. Analyse. Action.

Les maîtres mots ne l'ayant jamais trahis, quelle que soit la dangerosité de la situation.

"C'pour ça qu'y faut toujours pouvoir se carapater en courant à tout moment et préparer ses sorties à l'avance."

Une entrée à soixante-huit mètres, avec Euphemia et le commerçant véreux pouvant servir de distraction ; et c'était tout. Il n'avait relevé aucune arrière-boutique, aucune fenêtre suffisamment grande pour passer à travers, aucune sortie de ce bourbier autre que la porte par laquelle il était entré.

"Parce que la chance, c'est bien beau, mais ça finit toujours par tourner et te renvoyer ta merde en plein visage."

"Nenorocit de rahat." juraient les habitants de Transylvanie.

Le fugitif habitué aux guet-apens chercha précautionneusement du regard une surface pouvant servir de miroir. S'il ne pouvait pas fuir en quelques secondes, il avait besoin d'informations sur son poursuivant. En hauteur, légèrement à droite, se trouvait une collection de chaudrons en fer blanc, offrant une magnifique vue sur le plafond.

- Père dit que les seuls chaudrons dignes de ce nom sont en étain, et avec un fond d'au moins huit centimètres d'épaisseur, lâcha le marmot ignorant tout de la crise qu'ils vivaient.

Se mettant sur la pointe des pieds, Corvus récupéra son outil d'espionnage et le porta au niveau de son visage.

L'objet en lui-même était trop petit et trop léger pour être autre chose que du toc, mais la surface bombée offrait une vue merveilleuse sur l'individu braquant ses yeux de prédateur sur sa nuque. Entre deux bocaux de poudre turquoise, le fugitif pouvait distinguer deux yeux jaunes sur un visage émacié, surmontés d'un chapeau melon noir.

Corvus n'avait pas besoin du couvre-chef pour reconnaître le dernier client de la boutique. Les yeux jaunes, en revanche, étaient un détail mortellement nouveau.

"Toi qui aime tant les questions, Jurgen, j'en ai une pour toi : Est-ce que te manger est vraiment du cannibalisme, si je ne suis plus vraiment humain ?" avait ricané un lycanthrope résidant dans la Zone Incartable de Transylvanie.

Sa main commença à devenir moite entre celle de James.

"Tu ne veux quand même pas laisser tes petits camarades tous seuls avec moi, n'est-ce pas ?" avait essayé de l'amadouer un trafiquant d'enfants.

L'ancien fugitif baissa les yeux sur la chose ignorante collée à lui. Son cousin de neuf ans leva ses orbes magnétiques, posant sur lui un regard brillant d'émotions écoeurantes mais pas dégoûtantes.

"Nécessité fait loi." résonna la maxime dans son esprit.

Corvus sentit quelque chose mourir à l'intérieur de lui. Ce même quelque chose que quand le garçonnet avait avalé les bonbons au citron empoisonnés, et qu'il n'avait rien fait, rien dit, pour empêcher la catastrophe imminente.

- T'es tout vert, nota James en fronçant ses sourcils de perplexité.

Corvus avait déjà fait le choix conscient de laisser les pauvres victimes innocentes entre les griffes de leurs bourreaux. Il avait même laissé cette fillette一

Corvus eut la soudaine impression d'avoir loupé une marche.

A peine quinze minutes auparavant, il avait croisé la route d'une autre créature louche s'intéressant de trop près aux enfants des autres. Quelle était la probabilité qu'il rencontre si tôt un autre individu ayant des intentions similaires ?

Son cerveau tourna un instant dans le vide comme un tourne-disque défectueux.

Ce n'était… que peu probable qu'un autre pervers pose ses yeux dégoûtants sur lui.

"prévenu que Charlus était un paranoïaque." avait osé insulter Albus Dumbledore.

"Il ne s'agit pas de paranoïa, quand on se fait réellement persécuter." avait feulé l'intrus sans pouvoir se contenir.

Mais.

Est-ce que les yeux posés sur lui étaient autre chose que de la curiosité mal placée ?

Est-ce que Corvus n'imaginait pas des intentions malhonnêtes à un simple client trouvant le lynchage du commerçant véreux distrayant ?

Est-ce que… Corvus était paranoïaque ? Comme l'avait accusé ses terreurs nocturnes personnifiées ?

"Tu peux douter de tout, toutes tes croyances, tout ce que nous t'avons appris vont d'ailleurs se faire ébranler一 " l'avait averti son père.

"Ce qui est important, ce n'est pas d'avoir toujours raison, c'est de ne jamais réfuter la nouvelle réalité qui se présente à toi en s'accrochant à des croyances obsolètes." avait expliqué Charlus.

Alors, peut-être que Corvus se fourvoyait. Peut-être que le lycanthrope cherchait juste à faire ses courses sans se faire lyncher. Peut-être qu'il interprétait trop vite les intentions de passants innocents. Peut-être, que le sentiment de dégoût profond qui le saisissait à chaque fois qu'une paire d'yeux se posait sur lui, ne venait pas des autres. Et peut-être que quelque chose clochait chez lui.

"Tu sais comment on reconnaît une victime, gamin ?" lui avait demandé sa redoutable professeure. "Quand elle voit des choses qui n'existent plus que dans son crâne." avait-elle dit d'une voix grinçante d'ironie.

Est-ce que ses peurs supplantaient la Réalité ? Est-ce qu'il avait tellement souffert entre les griffes dégoûtantes d'un trafiquant qu'il était désormais incapable de reconnaître une menace véritable d'une simple curiosité ?

Le monde paraissait tourner sur lui-même en laissant Corvus derrière.

L'enfant baissa le produit conçu pour les pigeons n'y connaissant rien en brassage de potions.

- Tu as raison, força-t-il ses lèvres à remuer. Ce chaudron est de mauvaise qualité, prononça-t-il en gardant son visage et sa voix aussi inexpressifs que possible.

Le fils de traqueurs sentait toujours le poids inconfortable d'un regard s'attarder sur sa nuque.

- Père fait venir les siens d'Irlande, lui souffla le garçonnet comme s'il s'agissait là de la plus exotique des destinations.

Pour un sorcier, l'île voisine était peut-être le bout du monde connu. Les magiciens préféraient en règle générale rester cantonnés à leur morceau de terre, et visitaient rarement les ethnies, pays, villes, voisins. La barrière du langage, bien évidemment, était aussi un obstacle que peu de sorciers franchissaient. Principalement parce qu'il s'agissait là d'un problème qui ne pouvait être réglé en un coup de baguette magique. Si quelqu'un voulait communiquer avec les locaux, il se devait d'apprendre l'idiome locale. Sa mère, en particulier, avait eu un mal fou à exprimer sa pensée par autre chose que des sifflements excédés et de lames brandies sous la gorge de grossiers personnages. Elle préférait laisser parler son époux, ou son fils quand les circonstances l'exigeaient.

Un tissu se froissa dans leur dos.

" 'coute-moi, bien, gamin." lui avait instruit un jeune moldu appartenant à la pègre locale. "Quand on t'attaque dans l'dos, le mieux, c'est d'frapper d'abord. Comme j't'ai montré : les noix d'abord, les tibias et les rotules si ça rate."

Corvus regretta atrocement la perte de sa lame et l'oubli volontaire de sa baguette.

- Ah oui ? s'obligea-t-il à faire preuve de légèreté en reposant le chaudron à son emplacement initial.

Le môme hocha la tête avec tellement d'entrain que ses cheveux volèrent en tous sens.

- Et devine d'où viennent ses racines roses ? lui murmura-t-il dans un ton conspirateur.

- D'Ecosse ? supposa Corvus en se demandant comment manipuler le marmot pour qu'il les fasse sortir de la ligne de vue du client indiscret.

- Du Brésil, répondit le gosse dans un murmure trop fort.

Son sourire de niais était tellement large que l'intrus pouvait voir des trous à la place de ses incisives latérales manquantes.

- Vraiment ? fit l'étranger dont l'attention était accaparée par l'ombre glissant dans son dos. Et penses-tu que l'on puisse en trouver ici ? trouva-t-il enfin une raison pour bouger sans fuir.

- Tu crois ? leva-t-il des yeux remplis d'étoiles vers son cousin. Ça fera tellement plaisir à Père, rêvassa-t-il.

- Ce n'est pas comme si nous avions quelque chose à perdre à chercher, raisonna Corvus.

- Chouette ! rayonna dans un murmure le gamin. J'adore les chasses au trésor, se perdit-il dans ses propres jeux.

- Si tu veux, ne chercha pas à le contredire le Potter plus âgé.

- Le premier qui trouve a gagné ! ne fit-il même plus semblant de chuchoter avant de trottiner gaiement dans les profondeurs du magasin.

Corvus s'apprêtait à faire de même, quoi qu'avec plus de dignité, et à se cantonner aux abords de l'entrée et près d'Euphemia et de sa baguette, quand il remarqua une singularité.

Plus aucune sensation de dégoût ne rampait sur sa peau comme une limace gluante.

Le fugitif s'empêcha de fixer frontalement l'espace entre les bocaux d'où l'observait le client.

Plus aucun regard ne pesait sur lui, il en aurait mit sa main au feu.

Calmement, comme si ce changement de rythme ne le perturbait en rien, Corvus marcha vers sa tante et son arme soigneusement mise à disposition des nécessiteux. Il entendait les souliers de James claquer le parquet dans une cadence fébrile, si différents de ses propres pas. Une raison supplémentaire pour conserver ses précieuses bottes aux semelles silencieuses.

Quand on se faisait traquer, tout avantage était bon à prendre.

"La préparation, mon grand, y'a qu'ça de vrai." lui avait appris un sorcier un peu trop alcoolisé.

Le fugitif fit semblant de jeter un regard blasé sur l'étagère le séparant du voyeur. Derrière l'étagère en bois, entre les pots en verre conservant de la gelée rougeâtre, ne se trouvait aucune silhouette, ni regard inquiétant.

Ses pieds s'arrêtèrent d'eux-mêmes.

Une sensation funeste naquit dans le creux de son estomac.

"La peur, mon p'tit, c'est quand ton instinct te dit de fuir pour ta vie." répéta encore la voix du cambrioleur dans son esprit.

Le type louche aux yeux jaunes n'était plus là.

Sans la moindre prudence, contredisant toute son éducation dans un bref instant de panique, Corvus se jeta contre l'étagère, chercha la présence mortelle qu'il n'avait pas pu imaginer.

Il ne vit rien.

Sa bouche devint subitement sèche.

Corvus n'entendait plus de trottinements enjoués résonner à travers les étagères.

"Tu ne veux quand même pas laisser tes petits camarades tous seuls avec moi, n'est-ce pas ? " avait essayé de l'amadouer le pire monstre qu'il ait connu.

Ses jambes s'actionnèrent d'elles-mêmes, l'emmenant vers la dernière source de bruit sans qu'il ne fasse l'effort conscient de décider quoi faire exactement. Que faisait-il d'ailleurs, à courir désespérément dans les profondeurs de la boutique, à dépasser les étagères les unes après les autres, à changer d'allée dans un dérapage silencieux, à chercher à sauver un enfant qu'il avait d'ors et déjà condamné ?

N'avait-il pas acté sa décision de non-agissement ? N'avait-il pas déjà décidé de le laisser se fracasser le crâne en bas d'une falaise sans même chercher à l'aider ? Ne venait-il pas de laisser à son sort une fillette innocente ?

Alors … Pourquoi courait-il comme si sa propre survie était en jeu ? Pourquoi regardait-il tous les coins sombres à la recherche de taches de sang ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi James ?

Corvus aperçut la menace avant son cousin. La créature se trouvait penchée devant un rayonnage d'insectes séchés, ses genoux pliés pour lui permettre d'observer sa proie plus facilement à travers les bocaux.

"Corvus." avait calmement prononcé sa mère. "Il serait de très mauvais goût de blesser le fils de tes hôtes." avait-elle ajouté avec une pointe de désapprobation dans sa voix impassible.

L'homme ne remarqua même pas le léger bruit de sa respiration rapide, ou même l'odeur de la transpiration glacée lui coulant dans le dos, ou encore le subtil son de ses pas quand il approcha discrètement du traqueur.

"N'oublies jamais que quand on s'abaisse au niveau de ceux que l'on traque, on finit fatalement par devenir comme eux." lui répéta à nouveau la voix de son père.

Ou, comme Corvus le constatait une fois de plus, les traqués devenaient les traqueurs ; et rien ne les distinguait plus vraiment à part leurs principes. Et qui sortait vainqueur de la confrontation.

"Les yeux ça reste toujours un point faible de choix, mais vu ta taille, vaudrait mieux viser plus bas." lui avait enseigné un membre de la pègre moldue new yorkaise. "Comme j't'ai montré : les noix d'abord, les tibias et les rotules si ça rate."

Le digne fils de ses parents regretta une fois de plus la perte de son couteau.

Le lycanthrope ne tourna toujours pas sa tête loin de son cousin.

Observation. Une menace fixait James de son regard jaune.

Analyse. Ils étaient trop loin pour qu'Euphemia rapplique en vitesse et intervienne avant l'inéluctable.

Action.

"La magie, Janet, la magie ! Un art sacré transformant le banal du quotidien en un merveilleux miracle !" avait rêvassé un moldu en sortant une fleur de sa manche. " Le secret, ma mignonne petite assistante, consiste à attirer l'attention de son public loin de l'action. " lui avait-il révélé. "Un mouvement extravagant de la main droite ; un soutirage de porte-feuille de la main gauche. Une jolie fille aux vêtements un peu courts sur la scène ; l'actionnage d'un mécanisme en coulisse. Tu détournes l'attention d'une pirouette mirobolante ou d'une jolie perruque, et tu as miraculeusement le champ libre pour faire gober n'importe quoi, à n'importe qui. Pas mal, pour une "fausse magie", hein ?"

La main droite de l'enfant fila dans sa poche.

"Ça t'arrive jamais, parfois, de juste… prendre le temps de t'arrêter et de te demander si t'es pas en train de faire une connerie ?" avait demandé le jeune moldu lui apprenant à frapper les noix de ses adversaires à l'un de ses camarades mafieux.

Il n'avait pas eu besoin de lire l'étiquette pour savoir exactement ce que contenait ce bocal à confiture.

"Ne jamais sous-estimer la stupidité humaine, mon fils." avait philosophé son père dans un sourire. "Elle peut faire bien plus de dégâts que l'intelligence."

Il attrapa le récipient en verre, et dévissa le couvercle dans un crissement de rouille.

"La peur, mon p'tit, c'est quand ton instinct te dit de fuir pour ta vie." lui avait appris un cambrioleur aux instincts de survie intacts.

Les yeux jaunes du prédateur se braquèrent sur l'autre Potter.

"Le jour où tu mourras, mon enfant, tu pourras regarder ton assassin dans les yeux et lui faire comprendre que la Mort ne t'effraie en rien." avait proclamé sa mère dans un sourire carnassier.

Action.

Corvus ne détourna pas le regard, fixa ce visage émacié et stupéfait, fixa ces yeux de fauve comiquement exorbités sans laisser la moindre trace de peur sur ses traits. Corvus fit honneur à sa mère, et fixa la Mort bien en face, avant de lui jeter au visage l'entièreté du bocal de Poudre d'Obscurité.

"Alors qu'si tu glisses de la Poudre d'Obscurité dans ta poche ou qu'tu repères à l'avance toutes les fenêtres d'un bâtiment louche, tu transformes une situation merdique en une fuite miraculeuse." lui avait appris l'un des seuls sorciers ayant survécu au braquage d'un mage noir.

Un nuage opaque prit place dans l'espace exigu ; trop noir pour voir à travers, aux particules trop épaisses pour capter une autre odeur que celle de la cendre, s'infiltrant dans les oreilles et causant des sifflements stridents. L'arme de fuite parfaite contre les créatures se reposant trop sur leurs sens exacerbés.

- C'est pas moi, j'ai rien fait, j'vous jure ! retentit la voix paniquée de James de l'autre côté de l'étagère.

"La préparation, mon grand, y'a qu'ça de vrai."

Corvus fit volte-face, se fiant à sa carte mentale du lieu, et se précipita vers l'embranchement lui permettant de rejoindre James. Il pivota d'un quart de tour sur la gauche et ne cogna dans aucun meuble, ne renversa aucun récipient fragile.

- Corvus ? fit une voix frêle et inquiète dans l'obscurité.

- Tais-toi, siffla sèchement le fugitif en se dirigeant vers la source du bruit.

Nul doute que quelqu'un d'autre, possédant la force physique nécessaire pour envoyer voler une lourde étagère, avait lui-aussi entendu l'appel à l'aide du marmot.

Corvus ralentit à peine sa course, et tendit ses mains en avant, s'attendant à tout instant à toucher une robe soyeuse, des cheveux incoiffables, ou une forme étrangère.

Un grognement énervé perça l'obscurité.

"La peur, mon p'tit, c'est quand ton instinct te dit de fuir pour ta vie."

Il percuta une masse, son menton cognant dans un crâne dur, sa clavicule égratignée par une branche métallique.

- Ouille, gémit James contre sa poitrine.

"C'pour ça qu'y faut toujours pouvoir se carapater en courant à tout moment et préparer ses sorties à l'avance."

Corvus ne perdit pas un instant. Il attrapa ce qu'il pouvait saisir de l'autre garçon, et courra loin, loin, loin, de la menace à quelques centimètres d'eux.

- Mais att一 tenta de protester le gamin trainé contre son gré.

- Silence, siffla abruptement le fugitif en leur faisant prendre un virage dans l'obscurité omniprésente.

Son épaule gauche buta contre un angle. Des dizaines d'objets en verre tintèrent les uns contre les autres.

Corvus n'arrivait pas à entendre autre chose que son souffle rapide et les battements frénétiques de son cœur à travers les sifflements stridents. Il ne savait pas s'ils se faisaient poursuivre. S'arrêter était hors de question.

"Cours !" lui avait ordonné sa mère pendant qu'elle était en train de lutter contre un vampire et que son père se vidait de son sang sous ses petits doigts.

Et l'enfant obéissant courut. Traînant derrière lui un petit garçon inquiet et déstabilisé. Et, jamais, pas même un court instant, ne pensa-t-il à lâcher le boulet humain.

"Ça va aller." lui avait promit vainement le garçon. "C'est pas grave de pleurer, tu sais." lui avait-il dit avec une compassion qui n'avait pas écoeuré, pour une fois, l'étranger.

Corvus courait, traînant derrière lui le sale gosse ayant réussi à saboter son entière éducation en à peine une semaine.

"Il va rester avec nous pour toujours." avait osé prétendre l'horrible sale gosse dans une conviction surréelle.

"Certainement pas !" avait protesté par réflexe Corvus, outré par l'assurance sans fondement de cette chose à visage humain.

"Si." avait-il répliqué dans une moue boudeuse. "Et tu vas aimer ça." avait-il prophétisé.

Corvus courait, traînant derrière lui一

"J'ai toujours rêvé d'avoir un frère." perça les ténèbres la voix de James.

Et, là, devant eux, à quelques mètres de la sortie et de la sécurité de la foule, se trouvaient toujours sa tante et sa victime réfugiée derrière son comptoir. Le visage horrifié du commerçant véreux concurrençait la figure proprement hors d'elle d'Euphemia.

- C'est pas moi, j'ai rien fait ! intervint rapidement James avant de se faire violemment catapulter dans les bras de sa mère.

La dernière cliente, une vieille chouette aux yeux exorbités de perplexité, le regarda balancer le garçon en reculant sagement de quelques pas. Corvus se jeta sur les bocaux présentés sur le comptoir, ignorant les cris d'orfraie et les protestations outrées de sa tante. Ailes de fées, yeux de scarabées, botrucs séchés, poudre de corne d'éruptif一

Poudre de corne d'éruptif.

L'enfant attrapa le récipient de la taille d'une boîte de conserve et retira le bouchon de liège dans un "pop" sonore. L'odeur de soufre confirma son analyse.

La grande majorité des sorciers ne savaient même pas ce qu'était le soufre.

Une toux grasse retentit dans son dos.

Les cheveux courts de sa nuque se relevèrent au moment où il plongea sa main dans le bocal.

" 'coute-moi, bien, gamin." lui avait instruit un jeune moldu appartenant à la pègre locale. "Quand on t'attaque dans l'dos, le mieux, c'est d'frapper d'abord. Comme j't'ai montré : les noix d'abord, les tibias et les rotules si ça rate."

Corvus se retourna comme on lui avait appris, tout en souplesse et rapidité, sa main pleine de poudre explosive, prêt à défendre sa peau et celle de James.

Il ne croisa aucun regard jaune.

Le précieux cerveau de Corvus tourna de nouveau dans le vide comme un tourne-disque défectueux.

Le visage qui se présentait à lui n'était pas celui du lycanthrope aux yeux trainants.

Ce qui induisait deux options. Soit il venait d'halluciner les dernières minutes ; soit la menace était intelligente.

"Du calme, mon garçon." avait prononcé dans un sourire de Saint Nicholas l'incarnation de ses cauchemars les plus effrayants.

Un frisson remonta l'échine de la proie ayant mal calculé le degré de dangerosité de l'homme le fixant sans ciller sous l'ombre de son chapeau melon.

Corvus le savait, pourtant, qu'il existait dans ce monde des monstres contre lesquels lutter ne servait à rien. Il avait appris cette leçon quand un auror l'avait attrapé par la nuque et avait posé sa baguette contre sa tempe ; quand un trafiquant l'avait poursuivi sur des quais déserts ; quand une sorcière avait torturé son père sous ses yeux, juste pour le plaisir du geste ; quand son impitoyable professeure lui avait appris à protéger son esprit en lui maintenant la main au-dessus d'une flamme ; quand Albus Dumbledore avait balayé ses défenses mentales.

Corvus le savait ; il avait déjà appris cette leçon : Le monde était hostile et regorgeait de monstres en tout genre contre lesquels il ne pouvait tout simplement pas lutter.

Et, maintenant, c'était au garçon de faire face à un homme le privant de toute fuite et contre lequel il était impuissant.

"Doucement, mon garçon. Je ne te veux aucun mal." avait menti Albus Dumbledore.

Et, si la menace plantée devant lui, devant James, était aussi dangereuse que l'actuel possesseur de la Baguette, l'enfant ne pourrait pas sortir vivant d'une confrontation physique.

Mais Corvus Potter n'était pas qu'un simple enfant de onze ans. Parce qu'il avait passé ces onze années à survivre aux ennemis de ses parents, à un monde ne désirant que sa perte ; et qu'il était loin d'être une proie sans défense.

"Relève-toi, sèche tes larmes, et défends-toi." lui avait ordonné, à quatre ans, Dorea.

Corvus changea brutalement de stratégie.

"On appelle ça du 'damage control', Jurgen." lui avait enseigné un allemand au pragmatisme légendaire.

Le fugitif laissa un masque de perplexité confuse parer ses traits enfantins. Il fit glisser ses doigts vides hors du récipient. Il cligna quatre fois des yeux, et tourna enfin sa tête brune vers la sorcière hurlant toujours des futilités sur lui.

- ...一 comprends pas dans "Surveille一 la mit-il en sourdine tout en arborant une mine contrite et perturbée.

"Dignité ? Quelle dignité ?" avait reniflé un prestidigitateur. "Crois-moi, Janet, plus tu passes pour un idiot, moins on pense que tu viens de faire les poches de ton voisin." avait dit ce moldu au sourire contagieux.

Du coin de l'œil, il vit la menace épousseter sa robe sombre et son chapeau melon.

Observation. Analyse. Action.

Les maîtres-mots ne l'ayant jamais trahi.

Son cœur battait toujours à tout rompre dans sa poitrine, ses mains tremblaient autour du pot ; mais la panique refluait, son esprit s'éclaircissait. La situation présente n'était maintenant rien de plus qu'un problème, un puzzle, dont la solution ne demandait que de la concentration. Et, s'il y avait bien une chose dont il était fier, c'était ses capacités cérébrales.

Observation. Analyse. Action.

Il n'y avait eu que deux clients dans cette boutique, et un seul planqué entre les rayonnages, possédant cette exacte robe, et cet exact chapeau melon.

La probabilité que ses capacités d'observation se soient dégradées à ce niveau, et qu'il ait raté la présence d'un autre individu, était risible. La probabilité qu'il ait imaginé les yeux jaunes traquer James comme une bête en chasse, devenait impossible par le changement de visage. Ce qui laissait supposer deux possibilités.

Un : Corvus souffrait d'hallucinations, chose qui ne lui était jamais arrivée au cours de ses onze années d'existence.

Ou deux : L'individu louche venait d'utiliser la magie pour cacher son identité, ce qui signifiait qu'il était préparé à toute éventualité ; et de ce fait effroyablement plus dangereux qu'il ne l'avait initialement prévu.

Corvus venait de sortir d'une confrontation avec un sorcier doué de capacités mentales décentes, il savait qu'il n'était pas de taille à sortir vainqueur de la rencontre. Ou à faire comprendre à Euphemia la dangerosité de la situation. Ou à fuir sans laisser James entre les griffes du prédateur.

L'homme dangereux ne paraissait pas vouloir se révéler en public. Jouer son jeu et faire comme si les dernières minutes n'avaient pas existé était la meilleure conclusion possible. Par conséquent, la solution la plus logique, et ayant le plus de chance de réussite, consistait à passer pour un idiot.

Corvus cligna à nouveau les yeux comme un ahuri atteint de déficience cognitive.

La petite main de James, noire de suie, lui présenta un mouchoir brodé ayant vu des jours meilleurs. Le regard de poisson mort de l'intrus ne fut pas uniquement dû à son jeu d'acteur.

- Pour tes yeux, marmonna le plus jeune en se mettant sur la pointe des pieds et en passant son mouchoir sur ses paupières.

Corvus n'eut pas le cœur d'écarter les petits doigts de son visage.

- ...一 pas sortables ! explosait toujours en fond sonore Euphemia.

Le menace expulsa une dernière fois de la Poudre d'Obscurité de ses poumons avant d'enfin prendre la parole.

- Ne les punissez pas trop sévèrement, prit-il suspicieusement sa défense. Je crains d'avoir accidentellement effrayé ce jeune homme.

Qu'il le fasse passer pour une pauvre petite chose fragile incapable de faire le tri entre ses souvenirs et la réalité, si ça pouvait guérir son ego. Honnêtement, le lycanthrope pouvait bien l'insulter de tous les noms d'oiseaux, l'étranger s'en fichait comme de sa première couche. L'important, était que la menace se sente suffisamment satisfaite d'elle-même pour qu'elle ne cherche pas à se venger de l'affront par d'autres moyens que des piques inutiles. L'important, était que la menace les laisse fuir.

De bonne grâce, Corvus rentra dans son jeu. Il leva un regard humide vers les adultes, et lâcha de sa voix la plus pathétique :

- Je voulais pas casser le bocal, bégaya-t-il comme un acteur professionnel.

Les sourcils de James se perdirent dans ses cheveux, son visage exprimant un degré sain d'incrédulité. Euphemia, quant à elle, arrêta sa logorrhée verbale et fusilla son neveu de ses yeux intenses. La vieillarde à la curiosité exacerbée et le commerçant véreux, pour leur part, gardèrent sagement leur bouche close.

- C'est ma faute, reprit la menace en agitant sa baguette et nettoyant les taches de suie de ses vêtements. Mon épouse me répète toujours que fureter dans les coins sombres m'attirera un jour des problèmes, rit-il à sa propre blague en se grattant la nuque de gêne.

L'intrus fronça les sourcils.

Pourquoi le lycanthrope cherchait-il à coller le plus possible à la vérité ? Est-ce que l'individu louche cherchait à convaincre Corvus qu'il ne venait pas de le voir baver sur James ? Ou pensait-il plutôt que le fugitif était véritablement un petit garçon effrayé par les ombres trop imposantes ? Alors qu'il venait de prouver qu'il était capable de se déplacer dans le noir dans un lieu inconnu ? Alors qu'il venait de neutraliser ses sens exacerbés d'une façon particulièrement brillante ?

Corvus se sentit extrêmement vexé. Apparemment, l'enfant avait été le seul à croire qu'ils jouaient à un jeu de faux-semblants. L'adulte semblait le prendre vraiment pour une créature à peine capable de marcher droit.

"Le monde appartient à ceux qui réussissent à s'en tailler une part, Janey." l'avait averti un gobelin s'épanouissant dans le crime organisé. "Et ceux qui n'en sont pas capables servent de marche-pied aux autres."

Corvus Potter saisissait toujours au vol les opportunités offertes sur un plateau d'argent. Tant mieux si le sorcier baissait stupidement sa garde, juste parce qu'il avait à faire à un garçon de onze ans.

- Tante Euphemia, chouina-t-il dans une parfaite imitation de James tout en s'accrochant au bras de la sorcière. On peut rentrer, s'teu plaît ? copia-t-il sans honte le regard luisant du plus jeune Potter.

Sa tante marqua un temps d'arrêt dans sa fusillade de regard furieux. Corvus s'engouffra dans la brèche en enfouissant une partie de son visage dans sa robe bleue nuit. Le fugitif gardait toujours un œil sur la menace et la petite silhouette. Euphemia posa une main hésitante sur son dos, sans doute déstabilisée par ce comportement aux antipodes de sa personnalité.

Le nez dans la robe, le digne fils de ses parents avait le champ libre pour observer plus attentivement la créature pas si prudente que cela. A la périphérie de son regard, il pouvait distinguer sur le faux visage de la menace des traces subtiles de confusion. Disparues, les joues creuses de la pauvreté ; disparues, les fines cicatrices couvrant son front ; disparus, yeux jaunes trahissant sa nature. A la place, l'enfant ne voyait qu'une barbe finement taillée ; qu'une figure pourvue de quelques rides et grains de beauté ; qu'une paire d'yeux marrons se posant à nouveau sur la silhouette de 一

"… rêvé d'avoir un frère."

Dans la sécurité de la robe bleue, les dents de Corvus grincèrent.

James, l'innocente petite chose ignorant tout des dangers du monde dans lequel il vivait, ne remarquait pas le poids des yeux de l'ennemi, et continuait d'expliquer à sa mère que le bocal était tombé tout seul de l'étagère.

Connaître la raison de l'intérêt de la créature était secondaire. Seul se soustraire à ce regard importait. Seule la fuite importait.

- Tante Euphemia, geignit Corvus avec urgence.

Il était primordial de profiter de la légère confusion de l'ennemi, de mettre le maximum de distance entre eux avant que ses camarades ne rappliquent..

"Les loups vivent en meute, Jurgen." lui avait expliqué une habitante de Transylvanie.

La vieille duelliste prit enfin une initiative. Dans un commentaire sec et insultant à l'attention du commerçant véreux, la sorcière, sa main toujours sur le dos de son neveu, fit un pas vers l'unique sortie. L'intrus sentit une bouffée de soulagement et de reconnaissance naître dans sa poitrine. Mais James, l'imbécile incapable de comprendre que sa propre sécurité était en jeu, resta planté où il était.

Les yeux marrons brillèrent de convoitise.

La main de Corvus attrapa le bras du garçon avec tellement de violence que ses ongles lui rentrèrent une nouvelle fois dans la peau. James grimaça un court instant avant de lui offrir un sourire trop lumineux pour être intelligent.

Les trois Potter sortirent de la boutique, et la nuque du fugitif le brûla sous le poids d'un regard insistant.

- A une prochaine fois, j'espère, retentit dans son dos la voix polie du lycanthrope.

La prise de l'intrus se resserra davantage sur le fin poignet de l'autre garçon ; ignorant le cri de terreur et de détresse qui retentissait dans son esprit ; se concentrant uniquement sur la sensation réelle du corps chaud, vivant, entre ses doigts.

- Corvus... gémit faiblement James.

Corvus ne faisait aucune illusion. Il savait que l'ennemi allait un jour ou l'autre recroiser leur route. Il reconnaissait les traqueurs des autres curieux. Il reconnaissait l'éclat de convoitise qui avait brillé dans ce regard traînant. Et parce qu'il existait en ce monde des monstres contre lesquels les jeunes garçons étaient incapables de lutter.

"Petit, petit, petit..." avait chantonné un homme.

Mais, ce qu'ignoraient chacun des individus ayant posé leurs yeux dégoûtants sur lui, et ce qu'avait ignoré le lycanthrope, était que Corvus n'était pas une proie comme les autres.

"Es-tu sûr que tu veuilles nous assister dans cette traque, Corvus ?" lui avait demandé une ultime fois Charlus. "Nous pouvons nous débrouiller sans appât." lui avait-il répété.

"Je veux le faire." avait affirmé l'enfant ne désirant qu'arriver à la cheville de ses parents en relevant son menton. "Ces sorciers doivent être stoppés." avait-il répété les mots de ses dieux.

Corvus avait déjà causé la ruine et la mort de sorciers avides pensant qu'il n'était rien de plus qu'un enfant vulnérable.

"Ton père et moi ne serons pas toujours là pour t'aider." lui avait expliqué sa mère pendant qu'il s'arrachait la peau contre le chanvre d'une corde.

Cette fois-ci, il n'aurait pas besoin de ses parents pour éliminer une menace posant ses doigts crasseux sur un enfant.

"Ta mère et moi sommes des tueurs, Corvus." lui répéta à nouveau la voix de son père.

Cette fois-ci, Corvus Potter allait devenir le digne fils de ses parents.

.


.

- Alors ? demanda impatiemment Euphemia en croisant les bras sur son imposante poitrine.

Corvus prit le temps de siroter son thé aromatisé d'une potion calmante avant de répondre.

- Alors quoi ? leva-t-il des yeux innocents sur sa tante.

Dire la vérité sur les évènements de l'après-midi n'était même pas concevable dans l'esprit de l'intrus. Il avait passé sa vie à cacher les informations importantes, vitales, au reste du monde. Regarder droit dans les yeux un adulte "s'inquiétant" pour sa sécurité, et lui mentir comme un arracheur de dents, était pour lui un automatisme plus rapide que s'excuser après avoir bousculé quelqu'un.

La sorcière plissa ses sourcils grisonnants de suspicion.

- Ne me prends pas pour une imbécile, Corvus, gronda-t-elle.

Si Euphemia venait à savoir qu'un individu louche s'intéressait de trop près à sa progéniture, elle règlerait elle-même le problème ; et priverait Corvus de sa proie, ainsi que sa chance de prouver à tous qu'il était le digne fils de ses parents. Et, peut-être, que Charlus et Dorea changeraient d'avis et viendrait le chercher.

L'intrus aspira bruyamment une nouvelle gorgée de thé, et garda le silence.

Euphemia expira un grognement de frustration avant de laisser tomber son interrogatoire bâclé.

Si elle avait vraiment voulu des réponses, elle aurait dû chercher à le déstabiliser, pas à lui offrir une potion calmante. Erreur de débutant. Personne ne parlait juste avec des paroles douces et une tasse de thé. Non, les gens parlaient quand on leur mettait un couteau sous le nez et menaçait leurs bijoux de famille. Corvus était bien placé pour le savoir, il avait assisté à plus d'interrogatoires qu'Euphemia.

"Je compte jusqu'à trois." avait dit un moldu braquant un revolver entre les deux yeux d'une femme innocente. "Et si l'espion capitaliste ne se dénonce pas, aucun de vous ne sortira d'ici." avait-il menacé les huit personnes entravées.

Corvus perdit tout appétit pour le breuvage chaud.

Il était, véritablement, le mieux placé dans cette pièce pour savoir quels ultimatums avaient le plus de chance de fonctionner.

.


.

Corvus commençait à en avoir franchement marre des techniques de communication de Fleamont. Il fut tenté de balancer le cadre incriminant contre un mur, histoire de soulager ses nerfs. Mais, la simple pensée que ce geste puisse être interprété comme un message lui fit perdre toute envie de massacrer cette photographie.

Si Fleamont voulait avoir une discussion avec lui, il allait devoir faire preuve de courage et de maturité en se plantant devant son neveu et en lui adressant la parole. Pas en envahissant les couloirs de guéridons et de clichés photographiques.

Corvus retint l'impulsion de donner un coup de pied dans l'un des indénombrables guéridons. A la place, il prit une profonde inspiration et marcha à pas furieux vers la Chambre Bleue.

- Coco ! jaillit de nulle part le sale gosse.

L'intrus poussa un grognement de frustration ; exactement le même que celui d'Euphemia quelques minutes plus tôt.

- Va ennuyer ta mère, grinça-t-il en accélérant son allure.

- Pour qu'elle m'oblige à terminer mon exercice de mathématiques ? répliqua le gamin avec un degré d'horreur exagéré dans sa voix de fausset.

Et, si l'intrus se fiait à sa mémoire, James était censé avoir terminé ce fameux exercice avant de partir pour le Chemin de Traverse.

- Rien à cirer, grogna l'étranger en martelant les escaliers de ses pas excédés.

- Allez, une seule partie de cartes. St'eu plaiiiiiit, gémit pitoyablement le marmot trottinant toujours désespérément derrière lui.

Corvus avait autre chose à faire de sa soirée que de servir de hochet à un gosse braillard et pourri-gâté.

Un énième cadre, posé sur un énième guéridon, capta son regard.

L'intrus sentit sa paupière droite tressauter sur son visage.

Après la journée qu'il venait d'avoir, après toutes les émotions qu'il avait soigneusement enterré au fond de son cerveau, honnêtement, trop était tout simplement trop.

La photographie suivante finit jetée contre la porte de la Chambre Bleue, et le cadre en bois explosé en une dizaine de copeaux.

Derrière lui, Corvus entendit James pousser une petite exclamation surprise.

"Corvus ?" avait fait une voix frêle et inquiète dans l'obscurité d'un magasin.

Quelque chose se serra dans la poitrine de l'enfant.

Il avait envie de claquer cette porte au nez du morveux. Mais il avait aussi envie de se retourner pour s'assurer qu'aucun individu louche ne bavait sur lui ; de le secouer comme un prunier pour être aussi aveugle aux dangers du monde ; de lui prendre le bras et de ne pas le lâcher.

Corvus avait presque peur de la nouvelle possessivité qui se manifestait pour ce gosse tenant plus du lemming que de l'être humain. Rien que d'imaginer le marmot louvoyer au bord d'une falaise, il avait déjà une montée de tension.

Mais… mais n'avait-il pas déjà décidé de laisser James tomber d'une falaise sans intervenir ?

N'avait-il pas acté sa décision de non-agissement ? N'avait-il pas déjà décidé de le laisser se fracasser le crâne en bas d'une falaise sans même chercher à l'aider ? Ne venait-il pas de laisser à son sort une fillette innocente ?

Mais… mais ne venait-il pas de le sauver de l'attention d'un lycanthrope ?

Alors… Pourquoi courrait-il comme si sa propre survie était en jeu ? Pourquoi regardait-il tous les coins sombres à la recherche de taches de sang ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi James ?

Pourquoi maintenant ? Alors qu'il était seul sur une île isolée, loin de toute familiarité et de tout lien avec ses parents ?

Pourquoi James, parmi les dizaines d'autres pauvres âmes innocentes qu'il avait déjà sacrifiées ?

Était-il juste un substitut pour le vide abyssal que représentaient ses parents ? Est-ce que ce gosse, aux yeux si lumineux et resplendissant d'amour, avait déjà réussi à se tailler une place dans le cœur aride d'un monstre en devenir ?

Corvus n'appréciait pas cette révélation, et les conséquences qu'elle induisait.

Est-ce que l'intrus était à ce point faible aux émotions qu'il se laissait manipuler comme un bleu par le premier bienheureux venu ? Était-ce une réaction naturelle ? Était-ce la marque d'une magie que ne connaissait pas Corvus ?

"Le procédé de création de votre progéniture m'indiffère au plus haut point." avait expliqué Dorea en reposant ses iris couleur acier sur James. "Mon époux, en revanche, a émis quelques hypothèses, chacune dépassant largement les limites de la légalité." avait-elle enfoncé le clou sans pitié, ses lèvres toujours contorsionnées dans un sourire affable.

Sa mère n'avait-elle pas émis des doutes sur la conception de cette créature ?

Etait-ce pour cela que le lycanthrope avait posé ses yeux jaunes sur lui ?

Etait-ce pour cela que Corvus se sentait de plus en plus contaminé par des émotions malvenues et seulement ressenties pour ses propres parents.

Les yeux gris du futur criminel se posèrent sur le garçon.

James était à genoux, en train de ramasser la photographie parmi les débris de bois, complètement hermétique aux pensées de son cousin. Sa manche dévoilait la peau de son poignet, exposant une multitude d'hématomes et de petites plaies en forme de croissants de lune.

Une vague de honte et de remords balaya Corvus. Noyant en un instant les quelques pointes de ressentiment et d'incompréhension envers ce nouveau sentiment de protection.

La tentation de s'arracher lui-même les ongles le titilla, pour que plus jamais il ne soit la source de telles blessures, pour que plus jamais son manque de contrôle ne cause de mal à son 一

- Ah ouais, souffla l'individu ruinant l'entièreté de son éducation en examinant le cliché. Même en souriant, ta mère fout les pétoches, frémit-il d'une terreur justifiée.

Donc. Fleamont laissait des photographies de sa mère, de ses parents, partout dans le manoir, pour effectivement entrer en communication avec lui.

Corvus avait envie de frapper la porte de la Chambre Bleue jusqu'à ce qu'elle soit réduite en un tas de sciures.

L'étranger prit une profonde inspiration, essayant de calmer ses nerfs à vif, et se contre-fichant de la faiblesse qu'il présentait à l'autre Potter.

"Rien que de la faiblesse." siffla sa mère dans son esprit.

Le fils indigne expira pendant de longues secondes, la honte de ne pouvoir obéir aux préceptes de sa mère refroidissant sa colère plus efficacement qu'un seau d'eau froide.

- C'est ton père, le type à côté d'elle ? demanda le garçonnet en lui mettant la photographie sous le nez.

Corvus n'eut pas le temps de décider s'il souhaitait ou non rouler le papier glacé en boule et le jeter par la fenêtre, ou le déchirer en un milliards de petits morceaux. Ses yeux se posèrent malgré lui sur la peau meurtrie de son petit cousin, et tout agacement disparu, emporté par une honte glacée. Il se retrouva à fixer cette main tendue vers lui, bleuie et griffée, et à observer les personnages soigneusement campés devant l'objectif.

Une jeune femme vêtue de voiles noirs souriait à l'objectif, dévoilant ses canines pointues dans un rictus terrifiant, et semblant menacer le pauvre photographe dans le processus. Un sorcier d'une petite trentaine d'années était engoncé dans une robe traditionnelle et lui tenait cérémonieusement le bras. Autour d'eux, tout un assortiment de vieillards perdus dans leurs fourrures, de femmes aux cheveux ressemblant à des pièces montées, d'hommes aux chaussures vernies, d'adolescents aux poitrines gonflées et de jeunes filles aux robes sophistiquées. La vieille peau que Dorea avait défigurée de sa dague enchantée foudroyait régulièrement de son regard clair la sorcière au sourire effrayant. Un nombre conséquent d'individus portaient fièrement les armoiries des Black sur une broche ; les hommes sur leur poitrine, les femmes dans leurs cheveux ou dans un collier de soie leur étranglant la gorge. Au bord de la photographie, deux adolescents se marchaient vicieusement sur les pieds en essayant de garder leur visage impassible. Fleamont et Euphemia se tenaient serrés l'un contre l'autre, gardant leur distance avec la vieille peau à la figure dépourvue de plaie béante. La tête d'Albus Dumbledore dépassait de la mêlée en arrière-plan, adressant un sourire de Saint Nicholas au photographe, et grignotant ce qui ressemblait à des cacahuètes.

Le haut panier de la bonne société, tous droits dans leurs vêtements du dimanche, célébrant le mariage de Dorea Black et Charlus Potter.

Corvus n'avait jamais vu sa mère offrir de vrais sourires à un public anonyme.

"Seuls les idiots désirant perdre ce qu'ils ont de plus cher professent leur amour devant un public anonyme." avait-elle un jour reniflé de dédain.

Sur ce cliché en noir en blanc, Fleamont lui servait sur un plateau la preuve que ses parents n'avaient pas toujours été les personnes que leur fils connaissait.

Pourquoi ? Pour bien évidemment faire comprendre à son neveu que tout le monde était susceptible au changement. Qu'avant leur exil et leurs crimes, Fleamont les avait considérés comme des amis. Et qu'aucun destin n'était tracé à l'avance.

Peut-être que Corvus se fourvoyait gravement sur l'interprétation des intentions de son oncle. Peut-être que le vieux fossile avait juste voulu lui montrer la photo de mariage de ses parents pour que l'enfant possède un souvenir des êtres les plus chers à son cœur.

Peut-être.

Si le vieillard ne se décidait pas à faire preuve de maturité et à venir lui parler, Corvus avait tous les droits de tirer des conclusions erronées.

- C'est leur photo de mariage, tu crois ? demanda James en penchant légèrement sa tête sur la droite.

Ses lunettes à montures d'écailles glissèrent sur son nez pointu.

Apparemment, le gamin était encore plus protégé du monde extérieur que l'étranger ne l'avait imaginé, s'il ne savait pas reconnaître quelque chose d'aussi évident. Pas de camarades de jeu, pas d'amis de son âge, pas de sortie en dehors des quelques visites au Chemin de Traverse qu'il arrivait à grappiller au vol, pas de vie autre que la morne existence dénuée de stimuli que lui donnait Euphemia.

Normal que le gosse soit complètement stupide, même pour un morpion de neuf ans. Tourner en rond dans le même habitat sans rien pour attiser la curiosité intellectuelle, comme un poisson rouge dans son bocal, ne pouvait que causer des atrophies majeures au cerveau.

Pauvre chose, pensa Corvus avec une pitié condescendante. Après tout, tout le monde n'avait pas la chance d'être élevé par les incarnations de la perfection qu'étaient Charlus et Dorea Potter.

- Ça m'en a tout l'air, répondit enfin l'étranger d'une voix plate en détournant soigneusement le regard.

L'intrus ne savait pas quoi penser de ce cliché. De ces visages si familiers et si jeunes, si souriants et heureux. De ces personnes qui n'étaient pas encore les parents qu'il connaissait et vénérait.

Et… la vérité était que ces personnes n'étaient tout simplement pas ses parents.

Les personnes qu'avait connu Fleamont n'existaient plus, et cette photographie en était la preuve parfaite. Ces deux mariés, sur ce cliché en noir et blanc, n'étaient pas les fiers sorciers éliminant les tueurs et criminels qui croisaient leur route.

- Pourquoi elle est en noir, à ton avis ? s'interrogea James en posant son index sur la jeune Dorea Potter.

Le personnage parut offusqué par le doigt laissant des empreintes de gras sur son visage.

- Pour ennuyer sa famille, lâcha Corvus sans réfléchir aux informations qu'il dévoilait librement.

Comme pour lui donner raison, le personnage retira le voile noir de son crâne, exposant à tous les invités le massacre qu'était sa chevelure. Pas d'œuvre d'art capillaire, pas de chignon, pas de mèches tirées jusqu'à ce que la peau soit solidement tendue. Sur le crâne de Dorea, seules des plaies fraîches prouvant qu'elle s'était débarrassée elle-même de ses cheveux.

- Beurk, grimaça James.

Sa mère ne gardait ses cheveux que quand ils plongeaient dans le monde moldu, pour mieux se fondre dans la masse anonyme. Dès qu'elle pénétrait sur un territoire sorcier, elle se faisait un point d'honneur de tondre sa glorieuse toison, usant du couteau volé aux Black. La lame enchantée empêchait la moindre guérison magique. Chaque éraflure et coupure restaient jusqu'à ce que le temps ou des sutures moldues fassent leur œuvre. Dorea se retrouvait invariablement avec des plaies et cicatrices tranchant avec les peaux vierges de toute marque des autres sorciers.

Corvus était habitué à la vision du crâne sanglant de sa mère, des trous béants dans son cuir chevelu et des croûtes purulentes.

"Ta mère est un être d'une complexité regorgeant de contradictions, Corvus." lui avait expliqué son père. "Et, comme tous ses pairs, elle est le résultat d'une éducation tenant plus de la barbarie qu'autre chose ; où les apparences ont plus d'importance que les émotions et les opinions d'une fillette. Contrairement à ce que tu as pu entendre, on ne nait pas fou, on le devient. Par des expériences tellement horribles que ton esprit, pour survivre, se contorsionne en des nœuds irrémédiables. Alors n'aies crainte, mon enfant, les tares des Black n'ont que très peu de chances de se manifester chez toi." l'avait-il rassuré en posant une main apaisante sur sa chevelure ébouriffée.

Ce n'était pas pour autant qu'il pardonnait aux bourreaux de sa mère, qu'il éprouvait autre chose que des envies de destruction envers la génitrice de Dorea.

Sa mère n'avait que rarement osé promener ses doigts dans les cheveux de son fils. Si ses ongles venait à érafler son cuir chevelu, si elle venait à ne serait-ce que croire qu'elle avait fait du mal à son enfant, elle s'arrachait elle-même les ongles.

Corvus ne pardonnerait jamais aux bourreaux de sa mère. Pour les cicatrices invisibles marquant son âme et la blessant plus que n'importe quelle plaie physique. Pour l'expression de pure horreur sur son visage quand elle pensait reproduire les mêmes sévices que sa génitrice. Pour la folie qui couvait en elle et qui n'était dûe qu'à ceux l'ayant élevée.

Corvus Potter ne pardonnait pas à ceux blessant les êtres qu'il aimait.

Violetta Black méritait amplement le coup de dague lui ayant taillé le visage.

Sa mère avait tellement haït son enfance, sa famille, ses propres parents, tout ce qu'avait été sa vie avant sa rencontre avec Charlus, que se taillader le crâne pour se débarrasser de ses cheveux était la seule chose qu'elle avait trouvé pour montrer au monde qu'elle ne serait jamais esclave de ce que la société attendait d'elle.

A chaque goutte de sang, à chaque mèche touchant le sol, Dorea Potter affirmait qu'elle était sa propre personne, avec ses propres lois, sa propre morale, et qu'elle ne ploierait devant aucun pouvoir, aucun diktat.

"Le jour où tu mourras, mon enfant, tu pourras regarder ton assassin dans les yeux et lui faire comprendre que la Mort ne t'effraie en rien." avait-elle proclamé dans un sourire carnassier.

Dorea Potter ne pliait devant rien ni personne, regardait la Mort en face et la défiait de ses yeux d'acier de réclamer son dû.

Sa mère était une force de la nature, une tempête grondant éternellement au fond de ses yeux, une divinité de marbre que même la Mort ne pouvait toucher.

Le sourire provocateur de la mariée tira un frisson à James.

- Elle fait vraiment peur, lâcha-t-il dans un souffle respectueux.

Corvus esquissa un sourire.

- Personne n'est plus terrifiant que Mère, prononça-t-il avec fierté.

Les mages noirs sans âme, les meurtriers sans morale, les criminels sans cœur, fuyaient tous devant la silhouette sombre de Dorea Potter comme l'ombre de la Mort elle-même.

- Et c'est vraiment ton père, à côté ? posa-t-il son index sur le marié resplendissant de bonheur. Il te ressemble pas du tout, fronça-t-il ses sourcils de confusion. Ou alors, c'est le premier mariage de ta mère, supposa faussement le morpion.

Corvus et Charlus Potter partageaient beaucoup de choses en commun : un respect immodéré pour l'ingéniosité moldue, une curiosité naturelle envers le monde qui les entourait, et une intelligence dont ils étaient fiers. Leur aspect physique, en revanche, n'en faisait pas partie. Corvus avait toujours cru, avant de se perdre dans le couloir aux portraits, qu'il tenait son intellect brillant de son père, et sa physionomie de sa mère. A part une crinière incoiffable et défiant les lois de la gravité, Charlus ne lui avait légué que des paroles sonnant inlassablement dans son esprit et le poids d'un nom.

"Rien n'est plus important que le savoir, mon fils." avait dit et répété Charlus Potter.

"Le poids de notre nom, Corvus, signifie que nos devoirs et responsabilités passent avant notre bonheur ou nos vies." lui avait répété son père un nombre incalculable de fois, ses yeux sombres luisant de tristesse.

Ses yeux gris, de l'exacte même teinte que Dorea et les vieux fossiles hantant le Square Grimmauld, se posèrent sur le visage innocent du marmot.

Est-ce que James savait ?

Est-ce que cet ignorant bienheureux avait connaissance du devoir que le nom Potter incombait ?

Fleamont avait au moins dû lui dire certaines choses. Euphemia devait au moins lui avoir lu le conte de leur famille.

Bien sûr que le caractère exubérant du môme ne permettait pas la transmission de toute la vérité. Bien sûr qu'il s'agissait là d'une prudence élémentaire. Mais… Mais ne lui avait-on rien dit ? Lui avait-on sciemment caché la raison même de l'existence de leur famille ? Lui avait-on retiré le droit inaliénable au savoir ?

Qu'y avait-il de pire, que de naître dans une cage et de ne pas imaginer les merveilles du monde extérieur gisant hors de sa portée ; de ne connaître que l'apathie d'une existence de prisonnier dénuée de curiosité et de vie ?

Corvus serra inconsciemment les poings, senti à peine la morsure de ses ongles perforant ses paumes.

"Rien n'est plus important que le savoir, mon fils." avait dit et répété Charlus Potter.

Il s'agissait là d'un affront que ne pouvait tolérer le digne fils de son père. D'un affront dont Corvus lui-même s'était rendu coupable.

Tout conseil était bon à prendre, toute leçon bonne à retenir ; quelle que soit la source, quelle que soit la situation dans laquelle il était embourbé. Le moindre temps libre devait être utilisé pour affûter ses capacités intellectuelles. Même alité, même l'esprit accaparé par sa survie incertaine, si un livre était à sa disposition, Corvus n'avait pas le choix, il devait s'instruire.

Et, depuis qu'il avait mis les pieds en Cornouailles, Corvus n'avait fait qu'une seule chose et seulement une : regarder l'océan et admirer le vol des oiseaux.

L'intrus ne s'était pas instruit depuis son arrivée sur le sol britannique, ne s'était pas intéressé aux grimoires dont recelait l'immense bibliothèque de Fleamont, avait à peine esquissé le plan mental de la demeure trafiquée des Potter.

Peut-être était-il enfin temps de rectifier le tir. Pour lui, qui s'était trop longtemps laissé aller à la mélancolie improductive ; et pour James, qui méritait au moins de savoir qu'elle était sa place dans l'Univers, et quels trésors existaient hors de ce trou paumé qu'était la Cornouailles.

"Il était une fois trois frères qui voyageaient au crépuscule, le long d'une route tortueuse et solitaire." lui souffla la voix de son père.

- Laisse-moi te proposer un marché, commença lentement Corvus.

Le garçon remonta ses lunettes dans un froncement de narines contrarié.

- Tu vas encore me dire d'arrêter de te courir après comme un boursouf en manque d'attention ? rétorqua avec une pointe de sarcasme le jeune Potter.

Pour ponctuer sa phrase, il croisa résolument les bras sur sa poitrine, imitant comiquement Euphemia.

La manche de sa chemise laissait voir les hématomes et coupures sur son avant-bras.

Corvus perdit immédiatement toute envie de sourire.

- Non, répondit l'intrus en baissant les yeux de honte. Je pensais plutôt suggérer une activité plus enrichissante qu'une partie de bataille explosive, vu que tu es apparemment décidé à me harceler, termina-t-il en se demandant s'il ne venait pas de se damner pour les sept prochaines années.

Le visage de James s'illumina de joie enfantine. Sa moue boudeuse mua en un sourire béat, ses dents aveuglant Corvus de leur blancheur surnaturelle. Ses grands yeux noisettes brillaient d'enthousiasme et de jubilation. L'étranger pouvait presque sentir son petit corps vibrer de surexcitation.

- Tout ce que tu veux ! capitula sans honte le marmot en sautillant sur place d'euphorie.

Corvus prit une inspiration ; et fit taire les quelques voix anxieuses résonnant dans son crâne lui rappelant que James était condamné à un destin funeste, que s'attacher était une mauvaise idée, qu'il trahissait ses parents en donnant à ce gamin le même statut qu'eux, qu'il se laissait manipuler par ce gosse aux émotions trop voyantes, que son cousin ne pouvait qu'exposer ses faiblesses au monde, que rien de bon ne pouvait sortir d'une amitié avec son 一

Corvus prit une inspiration, enterra au plus profond de lui des peurs sans fondements et ses émotions nullement désirées, et prononça dans un calme qu'il ne ressentait pas :

- Tu connais l'histoire des Trois Frères ?

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Reviews ?

Comme toujours, si une faute vous crève les yeux, n'hésitez pas à me le signaler.

Bonne journée ! ^^

SEY