En sortant de la douche, Atsumu enfile un vieux jogging et tee-shirt, puis pose une serviette sur ses cheveux toujours mouillés, avant de remonter dans sa chambre où attend son ami.

Hinata est allongé sur son matelas habituel, déjà changé, une serviette autour du cou, et semble visionner une vidéo sur son téléphone portable. Atsumu s'affale à ses côtés. Leurs épaules se touchent. Shoyo se penche un peu plus contre lui, et alors des mèches rousses lui chatouillent le cou. La sensation est agréable.

-Tu regardes quoi, citrouille ?

-Une vidéo, sur des âmes sœur.

Presque de manière inconsciente, Atsumu s'éloigne d'Hinata, une boule coincée au fond de sa gorge, l'étouffant.

-Je croyais que tu n'aimais pas ça.

Sa voix sonne rauque, trahie, et son ami se retourne vers lui. Hinata semble prendre un temps pour remarquer la distance que le blond a mis entre eux.

-Et c'est vrai. Je n'aime pas ça. Vraiment.

Hinata attend. Atsumu ne bouge toujours pas. Son visage s'attriste, ses doigts tremblent sur le téléphone.

-Tu savais qu'au Brésil et qu'en Argentine, ce système d'âme sœur n'existe pas ? Les personnes ont le choix. C'est de ça que parlait la vidéo.

Atsumu reste silencieux. Shoyo hésite, cache son visage dans sa main, puis murmure :

-J'aurais aimé qu'on naisse au Brésil.

La phrase est belle. Elle semble sortir d'un songe, trop loin de la réalité.

-Dis pas n'importe quoi, arrive-t-il enfin à formuler.

-Je dis pas n'importe quoi.

-Tu changeras d'avis après avoir rencontré ton âme sœur.

-Je compte pas la rencontrer.

-Quoi ?

Le blond prend les épaules d'Hinata et le relève afin de le forcer à le regarder dans les yeux. Atsumu n'y voit que de la détermination, alors que lui est presque effrayé. Effrayé de souffrir, même s'il n'en comprend pas vraiment la raison.

-T'as pensé au malus ?

-Au Brésil, ça n'a pas d'importance.

-Ton âme sœur sera probablement parfaite pour toi, argumente-t-il amèrement. Elle l'est assurément.

-C'est impossible.

-T'en sais rien.

-Je sais.

-Tu…

-Ça te dérange tant que ça que je souhaite pas rencontrer mon âme sœur ? Demande-t-il d'une voix si triste que le cœur d'Atsumu se serre.

Hinata hausse brutalement les épaules, obligeant Atsumu à le lâcher, puis le rouquin se tourne dos à lui. Le passeur ne l'a jamais vu aussi distant. Par sa faute.

-Je…

-Oublie, le coupe Shoyo.

-Non, ça me dérange pas. Mais tu veux vraiment pas la rencontrer ? Demande obstinément Atsumu mais d'un ton un peu désespéré.

-Je ne vais pas la rencontrer, se contente-t-il de dire. Jamais.

-Jamais ?

-Jamais, Atsumu. Fais-moi confiance.

L'emploi de son prénom suffit à faire taire sa légère obstination qui n'a servi qu'à une seule chose : cacher momentanément le profond soulagement qu'il a ressenti à l'annonce de cette nouvelle. Ce sentiment n'est probablement dû qu'à la peur de perdre son amitié avec Hinata. Probablement.

-D'accord, citrouille. Je te fais confiance.


Le week-end suivant, Hinata est encore chez les Miya. C'est réellement devenu une habitude, au plus grand plaisir du jumeau blond.

Comme à l'accoutumé, Shoyo est allé prendre sa douche avant Atsumu. Ce dernier est donc seul dans la chambre. La valise de son ami est ouverte, ce qui pour le coup est inhabituelle et il ne peut s'empêcher de jeter un rapide coup d'œil. Il voit un pull orange. Il suppose que cette nuit, il ne lui prêtera pas de vêtement. Il essaie de chasser la déception qui nait au creux de son cœur.

Quand Hinata revient, les cheveux encore trempés. Atsumu admire un peu plus la vue que la dernière fois, qui était également plus longue que la fois précédente, et ainsi de suite. Hinata lui sourit. Atsumu lui rend avant de partir à son tour dans la salle de bain.

Lorsqu'il revient dans la chambre, il remarque que la valise est fermée et qu'Hinata a allumé l'ordinateur afin de mettre le streaming de leur série. Atsumu s'assoit à ses côtés. Leurs épaules se touchent comme à chaque fois. Aucun d'eux ne s'éloigne.

Au bout d'un moment, ils décident d'aller se coucher, mais Hinata ne cesse de s'agiter dans ses draps. Atsumu a assez vécu ce moment pour savoir ce que cette agitation signifie.

-Tu devrais mettre un pull.

-J'ai oublié le mien, murmure Hinata.

Atsumu fronce les sourcils. Il se souvient parfaitement de la manche du pull qui sortait de la valise de son ami.

-Vraiment ?

-Euh, ouais, répond Hinata nerveusement.

Il ment. Atsumu le sait. Pourtant, il se lève de son lit et fouille dans son armoire jusqu'à lui trouver un sweat. Il lui tend le vêtement.

-Merci.

Hinata se lève de son matelas et enfile le vêtement. Atsumu s'approche, prend la capuche et la lui met. Ses mains toujours accrochées à cette dernière, il repousse de ses pouces quelques mèches rousses afin de mieux l'admirer. Shoyo est toujours beau dans ses vêtements.

-Tu peux le garder, citrouille.

Atsumu croit voir des rougeurs sur le visage de son ami, mais dans l'obscurité, c'est difficile à affirmer.

-Merci.

Ils restent ainsi. Pendant de longues minutes. Ils sont si proches qu'Atsumu peut remarquer sur quoi se porte exactement le regard d'Hinata. Ses lèvres. Il sent son ami se mettre sur la pointe des pieds, mais il fait sombre dans sa chambre. Il doit mal voir.

Lentement, il se recule, laisse tomber ses mains après une dernière caresse sur le visage en face de lui.

-On devrait aller se coucher, rappelle-t-il.

Sa voix est rauque, comme s'il avait retenu son souffle pendant de longues minutes.

-Ouais. Bien sûr, répond-il sur le même ton.

Hinata semble déçu. Atsumu sent son estomac se retourner. Il tente d'ignorer ce sentiment en grimpant sur son lit et en s'engouffrant sous ses couvertures. Loin d'Hinata, mais surtout loin de lui-même, et de ce que chaque fibre de son corps souhaite lui crier.


Après leur entraînement avec le reste de l'équipe, Atsumu et Hinata continue à s'entraîner seuls dans l'immensité du gymnase pendant que Kita est dans le local pour nettoyer certains ballons. C'est également une habitude, et Atsumu n'aurait jamais pensé autant aimer une certaine routine. Ou autant apprécier un ami.

Malheureusement, leur moment est arrêté par une voix, qui n'appartient pas à Kita.

-Vous vous entrainez encore ?

Leur coach se tient devant eux. Une fiche entre les mains. Sa présence est inhabituelle, ce qui les perturbe un peu, mais ils finissent par répondre de concert :

-Oui, coach !

-Vous ne négligez par le temps de repos ?

Ils secouent négativement la tête. Grâce à Kita, ce n'est même pas un mensonge.

-Bien. Je suppose que j'ai eu raison d'élaborer ce changement alors.

-Quel changement ? Demande Atsumu.

-Félicitation, vous êtes tous les deux titulaires. À la place d'Oikawa et de Ren. Je préviendrai l'équipe demain.

Atsumu enregistre à peine le coach partir en direction du local, probablement pour informer leur capitaine de ce changement affreusement conséquent. Il a toujours du mal à admettre la nouvelle. Après plus d'une année à être remplaçant, ce n'est vraiment pas évident. Il se retourne alors vers Hinata afin d'avoir une confirmation qu'il pourrait croire assurément.

Le visage de Shoyo est fendu d'un sourire de vainqueur, et ce dernier se met à rire. Tout est réel. Ils sont titulaires.

Atsumu se sent alors obligé de rejoindre Hinata et son corps agit bien plus vite que son cerveau. Sans prévenir son ami, il le soulève par les hanches puis le fait tourner pendant une longue minute. Le rire d'Hinata s'arrête quelques instants, le temps d'intégrer l'action du blond, puis il reprend encore plus fort. Il finit par le déposer mais le garde serrer contre lui. Il peut sentir des mèches rousses lui chatouiller agréablement la peau tandis que Shoyo lui rend son étreinte avec force.

-On a réussi, citrouille.

Atsumu ne s'est jamais senti aussi heureux qu'en cet instant.


Après une autre journée d'entraînement, Hinata et Atsumu se changent seuls dans le vestiaire. Comme toujours, le rouquin lance un sujet de conversation aléatoire.

-Tu t'es jamais demandé pourquoi on avait qu'une seule âme sœur ?

-Quoi ? Demande-t-il incrédule.

-Je veux dire, pourquoi on a une âme sœur qu'en amour ? On pourrait avoir une âme sœur en musique, ou en cuisine, tu comprends ?

-Je tuerais pour voir l'âme sœur culinaire de Samu.

Hinata rit un peu, ce qui fait sourire Atsumu. Ils terminent de se changer et le blond prend le temps d'arranger ses cheveux devant le petit miroir de son casier. Il sent le regard d'Hinata sur lui, et inconsciemment, il s'applique un peu plus pour donner un aspect joli à ses mèches.

-Au fond, on a peut-être des âme sœurs un peu en tout, continue son ami.

Atsumu fredonne en réponse. Après un silence, ou plutôt une hésitation, Hinata continue :

-Et tu vois, toi, tu serais, non, tu es mon âme sœur en volley.

Et en cet instant, tout s'arrête. Le temps. Le monde. Et Atsumu. Toutes ses pensées le quittent. Son corps cesse de fonctionner. Son cœur s'arrête, son sang aussi, tout est froidement paralysé. En attente.

Puis quand le temps, le monde, et Atsumu redémarre, tout reprend à une vitesse fulgurante. Une vitesse qui ne permettra jamais le retour en arrière.

Ce qu'il a pris comme un petit feu follet remuant ses entrailles est désormais (ou en réalité) un immense incendie le brûlant de la tête au pied. Cette chaleur incommensurable emballe frénétiquement son cœur, et chauffe vivement ses joues, ses oreilles, ainsi que son cou.

-Atsumu ? L'appelle Hinata.

Il tente de cacher son état à son coéquipier en tournant la tête. Il tente de prendre sa respiration, de se calmer, mais l'incendie continue à le ravager. À prendre chaque partie de lui.

-Atsumu ?

Il sent une main sur son épaule, qui le consume davantage, puis Shoyo se tient devant lui et semble l'analyser. Atsumu n'est pas sûr, il a du mal à réfléchir. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il a l'impression d'être un lapin devant les phares d'une voiture. Il se demande brièvement s'il peut encore s'en échapper.

La main d'Hinata se retire, mais ses yeux le fixent encore. Il semble avoir réaliser quelque chose, il semble vouloir en parler. Atsumu n'en a pas envie. Il est toujours perdu dans cet incendie. Il est toujours tel un lapin devant une mort imminente. Et comme tout fragile lapin, il n'affronte pas le danger, il choisit la fuite.

-Samu est à la maison, croasse-t-il. J'ai promis de l'aider à la cuisine.

Sa voix sonne fausse. Pourtant, Hinata ne le contredit pas. Il se contente de rester planter au sol et de le fixer. Atsumu ne comprend pas ce qu'il se passe dans la tête de Shoyo, ni dans la sienne d'ailleurs. L'incendie a probablement ravagé son cerveau. Peut-être n'est-il pas trop tard pour s'en échapper.

Atsumu prend ses affaires et quitte le local en prenant soin de fermer la porte derrière lui. En prenant soin de mettre un obstacle entre eux. Malheureusement, l'incendie le poursuit et Atsumu se met à courir. Pour fuir, mais surtout pour donner un sens logique à ce qu'il ressent actuellement. Si son cœur palpite, si sa peau est rouge, si ses entrailles se retournent, c'est à cause de l'effort et de rien d'autre.

Il a l'impression d'entendre Hinata crier son nom derrière lui. Tout s'embrasse et Atsumu court plus vite. Plus loin. Il passe dans des endroits inhabituels pour être certain de ne pas être rattrapé. Il prend des longs détours, et quand il arrive enfin chez lui, il est tout transpirant, mais surtout, toujours brûlant.

Atsumu jette dans un coin ses affaires, remarque à peine son frère dans la cuisine, et fonce dans la salle de bain pour tenter de se calmer. Il enlève ses vêtements en tremblant, puis se glisse sous un jet d'eau glacée. La transpiration le quitte. L'incendie perdure, alors il reste un long moment dans la douche. Elle finira par l'éteindre. Il en est convaincu. L'eau est propre, pure, et nettoie la saleté. Elle nettoiera aussi ce qu'il ressent. Elle le doit.

Après ce qui lui semble être une éternité, Atsumu finit par se calmer. Ses joues ne sont plus rouges, son cœur a repris un rythme normal, mais l'incendie est toujours présent. Toutefois, il s'est apaisé, et le réchauffe presque avec tendresse. Il lui permet de réfléchir calmement, tout en lui signalant sa présence. Atsumu ne peut plus fuir, il est obligé de vivre avec ces flammes. Ses flammes.

Lentement, après s'être grossièrement habillé, il se dirige vers sa cuisine, vers son point de réconfort inconscient : son frère. Il s'assoit sur un tabouret en face de lui. Osamu, en silence, lui tend une assiette où trône un gâteau au chocolat.

Ses flammes intérieures virevoltent un peu, et il laisse échapper :

-Je crois que je suis amoureux.

-Tu crois ?

Atsumu prend une petite cuillère, puis coupe en deux le gâteau, ce qui laisse une coulée de chocolat s'en échapper. Il réalise qu'il a en face de lui un fondant au chocolat, alors il finit par penser au petit pain fourré à la viande. Le plat préféré d'Hinata. Il songe alors à Shoyo, d'abord un peu à lui, puis comme à chaque fois qu'il pense à son coéquipier, il finit inexorablement par penser beaucoup à lui.

Cette succession de pensée n'a aucun sens. Atsumu s'en rend bien compte. Il s'en rendra désormais toujours compte.

-J'en suis sûr, finit-il par admettre.


FIN CHAPITRE 5

Selon le plan, c'était censé être du slow burn, mais en écrivant, je me suis rendu compte que c'était plus burn que slow. Tant pis, je me voyais mal faire autrement !

J'espère que ce chapitre vous a plus, j'ai vraiment adoré l'écrire (surtout la dernière scène) !

Et bien sûr, j'espère que cette histoire vous plaît !

À la prochaine !