- OH NOM D'UN….
Je rattrape Scorpius avant qu'il ne tombe.
- Pour un futur briseur de sort, t'es hyper maladroit ! Je commente.
- Je me suis pris les pieds dans un truc...
Il baisse sa baguette pour éclairer le sol et nous avons un mouvement de recul au même moment. Je déglutis faiblement, soudainement livide et tremblant :
- Ce sont des ossements.
- Oui, merci, je sais reconnaître une cage thoracique quand je trébuche dedans ! s'énerve Scorpius. Bordel, bordel, bordel…
Il jure dans sa barbe inexistante, commence à paniquer et fourre ses mains dans ses cheveux.
- C'est ta faute ! m'accuse-t-il en me pointant du doigt.
- T'avais pas à me suivre ! Je m'agace en avançant dans le couloir de droite.
- ARRÊTE TOI !
Je me tétanise, complètement abasourdi. Scorpius est une personne calme, assez réservée de nature. Je l'ai rarement vu s'énerver. Scorpius est toujours celui qui évite les conflits, les disputes. Il s'interpose toujours entre Albus et Rose quand le ton monte entre eux. Scorpius, c'est le gars posé et serein sur lequel tout le monde s'appuie. Ce n'est pas le gars qui pète un câble et qui se laisse porter par son stress et son angoisse.
- T'es en train de paniquer…, je fais doucement.
- De paniquer ? On est complètement perdus ! Et je viens de me prendre les pieds dans des cotes !
Je soupire légèrement.
- Garde ton calme !
- Que je garde mon calme ? T'as vu l'état de ces gens ? s'exclame-t-il. Tu penses qu'ils ont gardé leur calme longtemps, eux ?
Quand j'y songe, de nombreuses disparitions sont liées aux recherches du Temple du dragon foudre…
- Mon père et Charlie sont sûrement partis à notre recherche, j'énonce calmement. T'es un briseur de sorts, Scorpius !
- Un apprenti ! Me corrige-t-il.
- Mon père ne chanterait pas tes louanges si tu ne les méritais pas. Reprends-toi, je murmure doucement.
- Je ne suis jamais allé sur une mission aussi importante, confie-t-il. Je ne sais pas ce que je dois faire !
D'accord. Malfoy nous fait une petite crise de panique parce qu'il a peur de ne pas être à la hauteur. Finalement, son air prétentieux et arrogant n'est que de l'esbroufe.
- T'es préparé à ça, Scorpius ! T'es un bon briseur de sorts !
- Apprenti, grogne-t-il.
- Et alors ?
- Je ne peux pas ne pas rentrer à la maison…, bredouille-t-il. Je ne peux pas moi aussi … Albus et Rose… Rose…
Il murmure son prénom comme on murmure une prière, comme si sa simple évocation allait arranger les choses et lui donnait assez de force pour surmonter cette épreuve.
- Je te l'ai dit …, je souris. Mon père et Charlie vont nous chercher. Et y'a pas plus têtus que deux Weasley, si ce n'est trois et plus.
Il rit légèrement, plus détendu. Mais moi, j'esquisse un simple sourire en regardant les ossements qui jonchent le sol : combien de temps est-ce que leurs proches les ont cherchés ?
- Alors qu'est-ce qu'on fait ?
- Eloïsha Garnet va comprendre pourquoi les ponstastillas sont aussi désorientés. Elle comprendra que c'est parce que le Temple du dragon foudre est sous la forêt, que chaque arbre en est sûrement une entrée et que c'est pour ça, que les ponstastillas sont perdus et n'arrivent pas à se poser. Et une fois cela fait, on viendra nous chercher.
- Si chaque entrée est un arbre, on ne devrait pas rester ici, souffle Scorpius. Il faut qu'on trouve la chambre principale. Celle de la légende.
Dans l'histoire que l'on raconte à tous les gamins, le dragon foudre aurait été enterré et enseveli dans une chambre d'or et de saphir, avec les souvenirs de tous les Hommes qui l'auraient un jour ne seraient-ce qu'aperçu. Il y serait resté jusqu'à en mourir, jusqu'à y être oublié, avec les mémoires de tous ceux qui auraient pu se souvenir de lui.
- T'es certain qu'elle existe cette chambre principale ? On ne peut pas prendre le risque…
- Il le faut. Si d'autres personnes parviennent à comprendre que les arbres sont les gardiens du secret du temple, ils pourront arriver de n'importe où. La chambre principale est surtout une chambre centrale. Toutes les autres conduisent à elle.
- Ok, j'approuve. On fait comme ça. C'est notre meilleure chance.
Scorpius passe devant moi. Il a renfilé son masque d'impassibilité et est redevenu maître de lui-même.
- Merci, murmure-t-il.
- Ne me remercie pas. Je te l'ai déjà dit.
Après tout, c'est de ma faute si nous sommes coincés ici. Il sourit narquoisement, faisant ressortir tout ce qui fait de lui une tête-à-claques en puissance et commence à marcher en serrant sa baguette dans les mains.
- Reste prudent. Le Temple est sûrement piégé de partout…
- Super ! Je me réjouis faussement. Qu'est-ce que j'aime les sorties familiales !
oOo
- Je n'aime pas ça, grogne Scorpius.
Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé depuis que nous nous sommes mis à marcher. Peut-être trois heures… Il doit encore faire nuit à l'extérieur.
- Nous n'avons rencontré aucune difficulté, aucun piège…
- Et tu t'en plains ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Parce que ce n'est pas normal. Un Temple perdu depuis des années, aussi bien protégé ne devrait pas être aussi facile à explorer.
Nous continuons de longer le couloir que nous avons emprunté. Scorpius a lancé un sort pour trouver la chambre centrale. Il suit une fumée épaisse et argentée, qui indique les embranchements à prendre quand nous en rencontrons. Il y a quelques ossements, des crânes d'animaux et d'humains qui se sont probablement perdus et sont morts de fatigue.
Les murs redeviennent lisses parfois. Alors, Scorpius me demande de jeter un sort pour révéler les inscriptions, des gravures.
- Aparecium !
Il s'arrête pour les observer.
- C'est fascinant… Rose serait folle. Albus aussi d'ailleurs, sourit-il.
Rose est curieuse de tout, et Albus, passionné d'Histoire de la magie. C'est certain qu'ils adoreraient être ici.
- On dirait des runes, commente Scorpius. Elles doivent sûrement protéger les lieux, mais je ne les reconnais pas. Allénore saurait sûrement…
Nous nous figeons tous les deux. Il a mentionné son existence comme si elle n'avait pas disparue. Moi aussi, parfois, j'oublie. Je me rembrunis légèrement.
- Il y a peut-être des indications sur la chambre centrale ? Je change de sujet immédiatement.
- Non. Cela raconte l'histoire du dragon foudre. Regarde !
Il pointe du doigt les dessins, qui luisent d'une lumière légèrement bleutée. On y retrouve un dragon, électrisé par la foudre, qui tente de prendre son envol sans y parvenir, parce que les éclairs le maintiennent au sol.
- On raconte qu'en contrepartie de lui avoir offert un aussi grand pouvoir, le ciel le priva de le visiter pour toujours, je me rappelle.
- Pour préserver l'équilibre en toute chose, ajoute Scorpius.
- C'est une malédiction pour un dragon, d'être cloué au sol. Un dragon qui ne peut pas voler, est un dragon mort.
- C'est la version de la légende, commente le briseur de sorts. Mais si on reste logique, le dragon foudre ne pouvait sûrement pas voler à cause de l'amplitude de ses ailes par rapport à son corps, ou à cause du terrain peu adapté… Une forêt aussi dense, pour prendre son envol, ce n'est pas franchement optimal non ?
- Pas vraiment non. Mais regarde ses ailes : un seul battement et il aurait dégagé le terrain pour décoller sans problème. Les dragons sont semblables aux humains sur un point : si leur environnement n'est pas adapté à ce qu'ils sont, ils le transforment.
- Alors pourquoi les dragons foudre ont disparu ?
- Jusqu'à maintenant, rien ne prouve leur existence, je lui rappelle. Nous n'avons trouvé aucune trace. Nous n'avons qu'une légende vieille comme le monde, qui a su traverser les siècles…
- On a bien mis la main sur quelques artefacts, quelques objets, reliques…
- Tout ce qui est enterré remonte à la surface tôt ou tard, marmonne Scorpius.
- Et maintenant nous avons ce temple… Les Hommes font souvent des pataquès. Ils ont sûrement exagéré la puissance de ce dragon, la taille de ses ailes, de ses griffes…
- La légende comporte plusieurs incohérences. A commencer par le fait que le dragon foudre devait être oublié de tous : pourtant, c'est l'une des légendes les plus populaires dans la communauté magique internationale, opine Scorpius.
- Espérons que la chambre centrale existe vraiment, je bredouille faiblement.
oOo
J'ai mal aux pieds, soif et à l'instar de Scorpius, je n'en laisse rien paraître.
- Arrête-toi.
Je m'exécute.
- On est revenu sur nos pas.
- Quoi ?
Il désigne la sculpture du dragon foudre, celle que j'ai admiré au tout début. Scorpius a fait marquer les chemins que nous avons emprunté. Ils nous ont tous ramené sur nos pas et au-dessus de nos têtes, nous pouvons toujours admirer le gouffre par lequel nous sommes tombés.
Je me laisse glisser le long du mur, jusqu'aux pattes du dragon, totalement lessivé.
- On doit se reposer, souffle Scorpius.
Je commence à croire qu'on ne nous trouvera jamais.
- T'aurais jamais dû me suivre, je murmure.
- Je sais.
- Alors pourquoi tu l'as fait ?
- Parce que c'est ce qu'elle aurait fait…
J'esquisse un sourire. Je suis trop fatigué pour me battre avec lui, alors même qu'il vient d'évoquer Allénore. Je repense à ce jour, où les détraqueurs nous sont tombés dessus, quand nous visitions le marché de Noël. Elle m'avait suivi sans douter, sans hésiter un seul instant, et mon cœur s'était gonflé d'un sentiment sur lequel je n'ai toujours pas réussis à mettre de mot. De la fierté, de l'amour, de la joie, de la peur, une crainte, de la voir prendre des risques, juste pour veiller sur moi, un peu d'agacement, parce qu'Allénore a toujours été une quiche en défense contre les forces du mal…
- Elle me manque, avoue Scorpius.
- Pas à moi.
Je mens. Allénore me manque tout le temps. Mais elle n'a pas le droit. Elle n'a pas le droit de me manquer autant, quand elle a disparu de son plein grès. Je vais de l'avant.
- T'es qu'un connard Louis. Et si elle est partie, ce n'est pas pour rien. On y est tous pour quelque chose.
- Si tu n'étais pas raide dingue de Rose, et que je ne t'avais pas observé en train de la regarder avec tes yeux de merlan-fris qui perdent tout leur éclat Malfoyen, je croirais presque que tu es amoureux d'A…
Je n'arrive pas à prononcer son prénom. Il reste coincé dans ma gorge.
- Elle est ma meilleure-amie. J'aurais dû la retenir, quand j'ai remarqué qu'elle n'allait pas bien, qu'elle me cachait quelque chose…
- Quoi ? Je m'étrangle. Tu savais qu'elle avait des ennuis et tu n'as rien dit ?
Il fronce les sourcils et me regarde méchamment :
- J'ai remarqué qu'elle était étrange. Deux jours avant sa disparition, quand on planifiait notre voyage à Los Angeles, elle m'a lancé un regard…
- C'est ridicule…
- C'était comme si elle nous voyait pour la dernière fois, chuchote-t-il.
- Et t'as rien fait ?
- Comment aurais-je pu me douter qu'elle partirait ? s'exclame-t-il.
- T'aurais dû faire ou dire quelque chose !
La colère monte légèrement, prend le pas sur la fatigue et l'angoisse d'être enfermé ici depuis plusieurs heures. Scorpius ne m'avait jamais confié ça !
- Et toi alors ? m'accuse-t-il. Tu ne vas pas me dire que tu n'avais rien vu, rien remarqué. Allénore te disait tout !
Je ricane. J'en ai marre de parler d'elle. Je veux juste qu'elle sorte de ma tête.
- Il faut que tu acceptes la vérité. Elle ne reviendra pas, et n'aurait jamais lancé des sorts d'intraçabilité si elle avait eu envie qu'on la retrouve.
- J'en suis incapable, répond-t-il.
Je me lève. Rester près de lui est insupportable, et je m'adosse contre le corps du dragon. Je laisse ma tête s'appuyer sur la sculpture, et en sentant les deux saphirs faisant office d'yeux au dragon s'enfoncer dans mon crâne je recule. Le dragon de pierre s'est mis à trembler. Scorpius se lève d'un bond :
- Qu'est-ce que...
Il ne parvient pas à terminer sa phrase. Je sens ma langue s'enrouler sur elle-même m'empêchant de prononcer le moindre mot. Scorpius lève le maléfice, et je m'en débarrasse quelques secondes après lui.
- Putain c'était quoi ça ? Je m'écrie.
- T'as touché à quelque chose.
Les murs tremblent. De la poussière tombe sur mes cheveux, dans mes yeux, que j'essuie à la va-vite. Je fronce les sourcils :
- Periculum !
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je vérifie que le plafond n'est pas en train de nous tomber sur la tête.
Et c'est le cas. Les étincelles rouges de ma baguette heurtent le plafond, qui continue de descendre, à tel point que nous pouvons le voir. Scorpius garde son sang-froid, alors qu'il chute de plus en plus, jusqu'à écraser les statues, les hommes de pierres, et ratatiner les ailes immenses qui semblaient porter les murs. La pierre gronde. Les murs tremblent. Tout tangue. Le dragon s'affaisse, se fissure. Les zébrures des éclairs craquellent pour de vrai, comme s'ils s'abattaient vraiment sur lui, avaient pris vie et foudroyaient enfin le dragon de pierre, impassible.
- Finite Incantatem !
Le plafond s'arrête. Mais le sol se met à trembler, se dérobe sous nos pieds. Nous tombons à la renverse tous les deux, en perdant notre équilibre. Les deux saphirs tombent par terre et je les ramasse précipitamment dans ma chute, les enfermant précieusement dans mon poing. Scorpius relance un finite incantatem, sans résultat, et s'acharne :
- Prohibere !
Le sol arrête de bouger. Scorpius gémit de douleur.
- T'es blessé ? Je m'inquiète.
- Non, je crie par plaisir parce que je m'amuse comme un petit foufou ! Grogne-t-il.
Quand il lève sa main pour lancer un sort, il hurle, en tenant son épaule. Il lâche sa baguette, qui roule lentement sur le sol.
- On ne peut pas rester ici. Le temple est probablement protégé par des sortilèges dominos, m'informe-t-il.
Des sortilèges en chaînes… En contrer un fait s'activer le prochain et ainsi de suite. C'est de la vieille magie et de la très bonne. Je m'accroupis à ses côtés après avoir fourré les deux saphirs dans mes poches, et palpe son épaule sans déterminer à savoir si elle est cassée ou non.
- Qu'est-ce que tu attends ? Grimace-t-il.
- C'est luxé.
- T'es médicomage maintenant ?
- Je soigne des créatures magiques, abruti ! Tu crois que je ne sais pas reconnaître un membre luxé d'un membre cassé ?
- Replace-la ! m'ignore-t-il.
- Resouples !
Il hurle et l'os fait un bruit étrange. Je fronce les sourcils sans comprendre. J'ai pourtant lancé le bon sort. Son t-shirt, sa peau prend une teinte violacée, et ses veines commencent à ressortir. Je m'apprête à lancer un nouveau sort, mais il m'arrête :
- Ne fais rien ! Bougonne-t-il. On doit être sous l'emprise d'un maléfice empêchant les guérisons magiques et inversant les effets des sortilèges de guérison. C'est le troisième domino de la chaîne de sorts ! D'abord le plafond qui chute, puis le sol qui s'écroule…
- Je ne peux pas te laisser perdre ton bras…On dirait qu'il se nécrose !
- J'ai pas hyper envie de le perdre non plus ! Par ta faute, qui plus est !
- MA FAUTE ? Tu m'as demandé de lancer ce sort ! Je m'offusque.
- Fouille dans la poche de ma sacoche, fait-il en la désignant d'un bref coup d'œil.
Je m'exécute et attend ses instructions.
- La fiole rouge.
Je la lui tends et il la boit immédiatement, en grimaçant.
- Potion de régénération sanguine, explique-t-il. Mais ça ne va pas réparer mon épaule.
- Je peux te le faire sans magie. A l'école de magizoologie, on apprend à soigner les créatures sans, au cas nous serions en situation de danger et dans l'incapacité immédiate d'utiliser la magie.
- Ça arrive dans quel genre de scénario ?
- T'as déjà essayé de calmer un démonzémerveille ultra en colère ? Je m'agace.
- Fais, accepte-t-il.
Je me place derrière lui et pose mes mains.
- Tu vas avoir mal, je le préviens.
Il grogne quelques mots, et sans le prévenir, remet son épaule en place.
- AH PUTAIN JE TE DÉTESTE LOUIS WEASLEY T'ES QU'UN CONNARD.
Je ne réponds pas. Voir Malefoy perdre son calme deux fois dans la même journée, c'est vraiment pas aussi exaltant que je ne l'aurais pensé. Je le laisse se calmer, et ressors les deux saphirs. Je commence à sérieusement m'inquiéter de savoir si nous allons pouvoir sortir de cet endroit un jour.
