Bonjour c'est encore moi ^^ voici la suite du récit dans lequel je rentre un peu plus dans les détails concernant le rituel nommé Anneau de Prison-Monde. J'ai vraiment essayé de développer un système magique cohérent qui ne soit pas cheaté (comme on dit dans le jargon), parce que Dieu sait que je n'aime pas les récits plein d'OC super fortiche pour un rien, qui pourraient tuer Voldemort d'un claquement de doigt... (genre Thanos avec des préoccupations de gamine de 15 ans).
Bref, j'espère aussi que je respecte bien les persos de JK. Rowling (je sais que je fais un Lupin un peu moins sombre et avec un peu plus de légèreté, mais je me suis dit deux choses : Premièrement, dans les livres, il parle à Harry comme à un élève, donc il reste neutre et ne va pas lui faire des blagounettes à tout bout de champ. Deuxièmement, s'il a été l'ami de James et Sirius pendant toute sa scolarité, il devait forcément avoir un minimum d'humour pour au moins supporter leurs blagues foireuses XD ).
Voilà qui est dit, bonne lecture à vous et à bientôt !
Chapitre 5
-Excellent ! Vous avez tous fait de gros progrès dernièrement, c'est extrêmement encourageant pour la suite.
-La suite ?
Le jeune Serpentard à ma gauche me regarde sans comprendre. Cela fait bientôt trente minutes que mes élèves se plient à l'exercice du rebond, et j'obtiens d'eux de très bons résultats. Jusqu'ici, aucun groupe n'avait réussi à faire passer le flux de magie jusqu'à ce qu'il ait fait une boucle complète et me soit revenu entier. Je suis donc particulièrement fière d'eux.
-Oui Monsieur Douggals, la suite. Cet exercice que je vous oblige à faire depuis le début de l'année n'est là que pour entraîner votre esprit pour d'autres tâches que nous verrons à partir de la semaine prochaine.
-Qu'est-ce que ça sera ? me demande un septième année avec espoir.
-On apprendra à faire ce que vous nous avez montré au premier cours ? s'exclame un jeune Serdaigle en sautillant sur place.
Je lâche les mains des élèves situés à mes côtés dans le cercle et lève les miennes devant moi pour réclamer un peu de calme.
-Vous verrez bien, je ne veux pas vous gâcher la surprise car vous serez les premiers à passer à l'étape suivante. Aucun autre cercle n'est encore arrivé à votre niveau pour le moment.
Je vois de la fierté dans leurs yeux et je les lâche un peu avant la sonnerie pour avoir le temps de prendre des notes avant que mon prochain cours n'arrive. En vérité, je ne pensais pas qu'ils avanceraient aussi vite et qu'un groupe réussirait aussi rapidement à accorder leurs esprits.
Je pousse, sur le côté de mon bureau, un gros tas de parchemins raturés et me fais de la place pour noter le résultat de mes réflexions dans un classeur réservé à cet effet. Un peu avant la fin de l'heure, j'entends frapper trois coups brefs contre la porte de la salle entrouverte. Je me redresse et repousse une épaisse mèche de cheveux bruns qui est tombée devant mes yeux, avant de dire d'entrer.
-Bonjour professeur, s'exclame Fred Weasley en passant le seuil, suivi de son frère. On ne vous dérange pas ?
Mon dieu, enfin ! Je ne cache pas la satisfaction, mais également l'appréhension que leur venue me procure. Fred monte l'estrade et vient se poster à deux pas de moi en croisant les bras, tandis que Georges s'adosse à mon bureau. D'un coup d'œil, je remarque un bleu sur le poignet de l'un et une coupure presque cicatrisée sur la tempe de l'autre.
-Sacré match, leur dis-je en me levant et en désignant l'égratignure de Fred. Je suis vraiment désolé pour votre défaite et la chute de votre attrapeur. J'espère que vous arriverez à remonter votre score.
Ils haussent tous deux des épaules et Fred me tend un parchemin couvert d'une écriture officielle avec une signature apposée au bas de la page. Je reconnais immédiatement l'en-tête du Département des Mystères ainsi que le nom gribouillé dans l'encart prévu : Mr Arthur Weasley.
-Notre père nous a envoyé ça par hiboux hier matin. Il dit qu'il n'y a aucun souci de son côté, m'informe le jeune homme en me regardant prendre le document comme s'il s'agissait du Messie.
-Et on a décidé d'accepter de vous aider, continue Georges en jetant un œil au bazar étalé sur mon bureau. Mais à condition de pouvoir se dédire à tout moment si ça ne nous plaît pas.
J'ouvre grand les yeux et m'affale sans grâce dans mon siège. L'instant d'après, j'ai l'impression que le gros Troll qui a élu domicile sur mon torse depuis des mois vient enfin de s'en aller vers d'autres horizons. J'ai envie de me lever et de les embrasser tellement je suis soulagée et heureuse.
Mon esprit échauffé commence déjà à planifier tout ce que je vais devoir faire, imaginer, tester sans que je ne parvienne à le dompter. Au bout d'une longue minute, je me relève et tente de reprendre un air professionnel devant les deux jumeaux sceptiques.
-Merci…. Sincèrement, merci.
Ils s'échangent un regard amusé et Fred hoche la tête dans ma direction.
-Pas de problème, tenez-nous informé quand vous voudrez qu'on commence.
Il me sort un emploi du temps qu'il a reproduit sur un bout de parchemin et le pose au-dessus de ma paperasse.
-J'ai aussi noté nos heures d'entraînement. Le lundi vers dix-sept heures nous arrangerait bien pour tout dire.
Je récupère le papier et hoche la tête en le comparant avec le mien.
-Oui… Lundi ça peut être possible, ou bien le vendredi matin à neuf heures. Mais j'imagine que je serais un monstre de vous priver de votre grasse matinée, je m'empresse d'ajouter en voyant leurs froncements de sourcils.
Nous nous mettons donc d'accord pour lundi prochain et ils me saluent en partant. Avant de quitter la pièce, Fred se tourne vers moi et me demande d'une voix interrogative.
-Professeur, vous avez dit que ce lien, le même qui existerait entre Georges et moi, aurait déclenché une guerre il y a bien longtemps.
Je hoche lentement la tête.
-Est-ce qu'il est dangereux ?
-Je ne sais pas, Monsieur Weasley, je ne sais pas… Mais je compte bien le découvrir.
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En réalité, Remus et moi mettons plus d'un mois et demi pour étudier et interpréter le rituel que j'ai trouvé à la bibliothèque. Nous obtenons rapidement l'autorisation de la part de Dumbledore de reproduire un anneau de Prison-Monde sur le parquet de ma classe, mais aucun de nous ne réussit à se mettre véritablement d'accord sur la réalisation de celui-ci.
Pour ma part, je suis d'avis de diluer du sel de l'Himalaya dans l'encre utilisée, mais Remus préfère ne rien en faire et le répandre directement sur le sol à chaque utilisation. Dumbledore doit trancher beaucoup de nos désaccords et il accepte de nous aider à façonner la carte de la constellation qu'il nous faut reproduire à l'intérieur de l'anneau.
Même si je ne peux pas encore pratiquer le rituel, je maintiens notre rendez-vous initial au lundi et en profite pour tester ce lien qui existe entre les deux frères. Je les fais asseoir à même le gros tapis du salon et nous formons un cercle en nous tenant fermement les mains.
Pendant près d'une heure, nous faisons aller et venir le flux entre nos mains jointes et je remarque rapidement que les échanges constants de magie entre eux possèdent aussi des caractéristiques propres à leurs natures. Avec beaucoup de mal, j'arrive à isoler des redondances dans la qualité du flux qui les lie indéfectiblement et j'en tire la conclusion que celui-ci véhicule de l'information en même temps que de l'énergie. Il me faut un certain temps et la patience discutable de mes deux élèves pour confirmer cette idée.
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Aux premiers abords, Remus ne me croit pas. Il lui semble impossible que des données puissent être échangées de cette manière. Ce lien, même s'il possède un aspect psychique inhérent à leur état de jumeau, ne devrait pas pouvoir transmettre leurs pensées ou toutes autres choses de cette nature.
Pourtant, je persévère et, lorsque les vacances de Noël arrivent, je sais que je touche du doigt quelque chose d'important.
-Bonnes vacances, professeur, j'entends Fred me dire un soir que nous nous relevons après être resté assis en tailleur pendant une bonne heure et avoir discuté de leurs ressentis.
Zut, j'avais oublié ça.
-Vous rentrez dans vos familles pour Noël ? je leur demande d'un air innocent qui ne les abuse aucunement.
-Ne faites pas cette tête, professeur, me taquine le jeune homme en se frottant les reins. On sait bien qu'on va vous manquer.
Georges fait plier plusieurs fois ses genoux pour redonner un peu de sang à ses jambes et renchérit aussitôt.
-Mais on vous promet que vous serez encore plus ravie de nous revoir après une semaine d'absence.
-Ça, c'est vous qui le dites !
J'ai maintenant pris l'habitude de leurs sarcasmes et de leurs tics de langage qui me font parfois bien rire, et je ne peux m'empêcher de me dire que ces vacances vont me paraître d'autant plus mornes.
-Avant que vous ne partiez, j'ai quelque chose à vous montrer, reculez jusqu'au mur d'abord. Allez, plus vite que ça !
Ils obéissent, perplexe, et j'attrape un bord de l'épais tapis écru pour le faire rouler et révéler le parquet de bois ciré. Sur celui-ci, s'étale maintenant un gigantesque cercle rempli de toutes les constellations que renferme le ciel. Il a été réalisé avec une encre très claire, quasiment blanche, et des centaines de runes compliquées ont été peintes dans un bleu sombre aux quatre coins cardinaux. Enfin, au centre de l'anneau on peut voir deux cercles de plus petite taille accolés l'un à l'autre et également couverts de runes.
-Comme nous ne savions pas si vous grandiriez encore durant votre scolarité, nous l'avons fait le plus grand que nous puissions, c'est-à-dire quatre mètres cinquante de diamètre. Aucun de vous n'a désormais le droit de dépasser les deux mètres, compris ?
Je pointe un doigt amusé sur eux et ne cache pas ma joie.
-Qu'est-ce que c'est ? s'exclame Georges en premier en se baissant pour toucher le bord du cercle du bout des doigts.
-C'est ça la Forge des Âmes ? À quoi ça va servir.
Je fais le tour de la peinture et viens me positionner à leurs côtés.
-Ceci est un anneau de Prison-Monde. C'est un rituel très ancien qui est peu utilisé, mais nécessaire dans certains cas. Vous voyez ces constellations ?
Je tends la main vers l'un des bords.
-Ici, vous pouvez voir la Grande Ourse, puis Orion et, là, Cassiopée qui forme un double-v. Elles sont faciles à reconnaître, ce sont les étoiles que nous voyons toutes les nuits. Par contre, si vous regardez à l'opposé de l'anneau, vous ne reconnaîtrez pas forcément les constellations, car elles ne sont visibles que de l'autre côté du globe. En clair, avec ce rituel, nous reproduisons notre univers proche, c'est-à-dire la terre, pour enfermer le flux dans un microcosme que nous pouvons contrôler.
Je les vois me regarder sans vraiment comprendre.
-Dans la vie de tous les jours, un flux continue de magie nous entoure et interfère continuellement avec notre environnement, même si nous ne nous en rendons pas forcément compte. Pour ma part, j'ai besoin d'isoler votre lien pour l'analyser plus finement, de supprimer ces émanations magiques parasites et c'est en cela que cet anneau est nécessaire.
Je pointe ensuite mon doigt vers le centre.
-Vous vous allongerez tous les deux de part et d'autre avec la tête au centre de chacun des petits cercles. C'est la raison pour laquelle nous avons fait un anneau aussi grand, vos pieds ne doivent absolument pas dépasser, en aucun cas !
-Sinon quoi ?
-Hum… Et bien ça pourrait s'avérer être très dangereux.
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Les vacances de Noël arrivent et apportent avec elles leurs lots de guirlandes, sapins et batailles de boules-de-neige.
Et surtout de batailles de boules-de-neige.
La veille du départ des élèves, j'en fais les frais en ayant la mauvaise idée de traverser le patio pour me rendre au déjeuner. Il me faut plusieurs sorts pour me sécher entièrement et, lorsque j'arrive à la table des professeurs, il ne reste plus qu'une place de disponible entre le professeur Mc Gonagall et le grand fauteuil du Directeur. Ces deux-là sont d'habitude comme cul et chemise, se seraient-ils brouillés récemment ?
Arrivée à leur niveau, le professeur Dumbledore tourne son regard pétillant vers moi et me fait un élégant signe de la main pour m'enjoindre à m'asseoir près de lui
Ok, je comprends, j'étais attendue.
-Comment se passent vos cours, professeur Tio ? s'enquiert immédiatement le vieil homme, une fois que je pose mes fesses sur l'assise moelleuse de la chaise. Tout se déroule comme vous le souhaitez ?
J'attrape la bouteille de vin blanc qui se trouve devant moi et m'en sert un bon verre avant de lui répondre.
-Oui, Monsieur le Directeur, tout se passe très bien. Mes élèves avancent bien et je pense accélérer leur apprentissage dès les vacances passées. J'ai remarqué plusieurs éléments très doués et j'ai hâte de passer à la suite.
Il m'observe attentivement, mais ne dit rien. Son petit sourire ne le quitte pas et son regard me transperce à travers ses lunettes en demi-lune tandis que je continue.
-Avec le professeur Lupin, nous avons également terminé la reproduction de l'anneau pour le rituel. J'attends la livraison que j'ai commandée il y a trois semaines et, une fois en sa possession, je pourrai envisager d'effectuer le rituel avec les Messieurs Weasley.
Je lui lance un regard de biais et, en le voyant acquiescer, je devine que c'était bien là l'objet de sa question. D'un geste vif, je profite de ce temps mort pour me servir une épaisse part de tourte à la citrouille dont l'odeur me donne instantanément l'eau à la bouche.
En avalant une bouchée, je jette un œil à la table des Gryffondor et ne peux empêcher mon regard de s'arrêter sur les deux têtes rousses dépassant de beaucoup leurs voisins. C'est, depuis des mois, devenu une habitude contre laquelle je ne peux plus lutter. À chaque repas, je me surprends à scruter leurs échanges, leurs rires et leurs chamailleries comme si, en plissant bien des yeux, je pouvais espérer apercevoir à l'œil nu la magie les traverser puissamment l'un et l'autre.
Je sais bien qu'ils ont repéré depuis longtemps mon manège, mais ils ne s'en formalisent désormais plus. Parfois, l'un des deux croise mon regard et je les vois alors lever leurs verres vers moi en guise de salut. J'ai de plus en plus l'impression d'être vu comme un argentier gobelin qui surveille ses intérêts avec la peur que ceux-ci ne se fassent la malle en emportant la clef du coffre.
-Vous rendez-vous compte de la chance incroyable que nous avons d'être en présence d'une Forge des Âmes, Monsieur le Directeur ? dis-je d'une voix pensive en me penchant légèrement vers lui. J'ai déjà croisé plusieurs jumeaux durant mes recherches, mais aucun ne possédait pareil lien.
-Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre en lisant les notes que vous m'avez remises. Par ailleurs, le professeur Lupin m'a indiqué que votre programme d'entraînement était prêt, me répond le vieil homme en se servant de jus de citrouille.
Le changement brusque de conversation me sort de mes pensées et je bafouille quelque peu avant de reprendre mes esprits.
-Oui, tout à fait. Nous commencerons le premier cours dès la première quinzaine de janvier si tout se passe bien. Nous avons d'ores et déjà dépoussiéré la longue estrade qui traînait dans la cave de l'aile Nord. Elle est un peu abîmée, mais elle ne devrait pas s'écrouler sous notre poids.
-Merveilleux ! s'amuse le vieil homme en se servant une deuxième part de rognons aux herbes. Maintenant que nous en parlons, je pense assister à votre première démonstration, Mlle Tio. Afin de voir si tout se passe, disons... Correctement.
À son dernier mot, je manque de m'étouffer dans mon assiette. Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Il pense qu'on va faire quoi de ses précieux élèves ? Les transformer en fouine et récurer le donjon avec ?
-Vous n'avez pas confiance en nos capacités, au professeur Lupin et moi-même ? je lui demande d'une voix que je veux la plus douce et posée du monde alors qu'intérieurement, je commence à m'agacer.
Je pense que mon air froncé ne passe pas inaperçu et je le vois rire dans sa barbe avant de tapoter gentiment la main dans laquelle je tiens mon couteau.
-Non, non, rassurez-vous, Mlle Tio, rit-t-il. Je souhaite juste m'assurer que vos qualités de duelliste n'ont rien perdu de leur superbe depuis la fin de vos études.
Sa réponse me laisse perplexe et je finis mon repas dans un silence songeur.
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Noël enfin. Les douze sapins de la grande salle s'illuminent de mille feux pour les quelques élèves et professeurs restés à Poudlard. Je vois chacun arborer fièrement les cadeaux qu'il a reçu tandis que d'autres font bouger leurs énormes chapeaux bariolés pour les faire couiner des chansons de Noël.
Je ne peux m'empêcher de sourire devant ce spectacle, mais la magie de Noël n'est plus présente dans mon cœur depuis bien longtemps. Depuis le décès de ma sœur ce même jour en fait, il y a cinq ans de cela. Mes parents ont, dès lors, refusé catégoriquement de participer à une quelconque fête de fin d'année. J'ai bien essayé de leur expliquer que Soneïs ne pourrait jamais leur en vouloir de se conformer aux traditions, mais rien n'y fait et j'ai fini par laisser tomber.
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Le repas est délicieux et le Directeur fait éclater plusieurs pétards-surprises qui réussissent à arracher un sourire à notre chère Mc Gonagall. De mon côté, je me montre d'aimable compagnie auprès du professeur Flitwick qui est assis à mes côtés et avec qui je discute voyage. On ne dirait pas, mais ce petit homme en a vu des choses dans sa vie !
Mon moral ne réussit cependant pas à décoller, la raison en est la totale absence de Remus à qui j'ai fait parvenir un courrier volant en fin d'après-midi ; duquel je n'ai obtenu aucune réponse. À la fin du repas, je m'éclipse la première en souhaitant la bonne nuit à tout le monde et m'enfonce silencieusement dans les couloirs du château. Celui-ci est si grand que je pourrais marcher des heures sans repasser par le même endroit. Cependant, je me sens si lasse, je suis si vide et si triste que je ne vais pas bien loin et monte tout en haut de la tour d'astronomie pour m'accouder aux créneaux de la terrasse.
Devant moi, se déroule le paysage nocturne hivernal qui ceinture Poudlard comme un amant endormi. Au Sud et à l'Est, les monts abrupts de la campagne écossaise sont couverts d'un épais manteau blanc qui reflète silencieusement l'éclat pur de la pleine lune. À leurs pieds, le lac noir étend sa surface d'huile vers l'horizon. Enfin, plus au Nord, la forêt interdite a perdu de son aura sinistre et semble simplement engoncée dans un carcan de glace trop épais à supporter.
À cet instant j'aimerais que Remus soit avec moi pour admirer ce paysage immobile rappelant les cartes postales que les moldus accrochent sur leur cheminée. Oui, en vérité j'aimerais juste pouvoir partager ce moment avec quelqu'un qui compte depuis que Soneïs n'est plus là pour le faire. Rien qu'une fois.
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Le lendemain, en me réveillant, mon blues n'est pas passé. Il s'étire sur mon être telle une litanie imperceptible qui colle à la peau et à l'âme, impossible à faire partir sans le bon remède.
Je me lève vers neuf heures avec cette envie de me recoucher aussitôt et envisage même de le faire. Après tout, ce sont les vacances.
Après moult atermoiements, je décide de me lever une bonne fois pour toute et j'enfile une épaisse robe de coton pourpre qui ceint ma taille et dont le col haut me tient chaud en ces jours glacials. J'ai dans l'idée d'aller prendre l'air après le repas et j'enfile de hautes bottes de cuir brun fourrées sur toute leur longueur. Ça n'est pas très féminin, mais j'enquiquine Mc Gonagall et ses réflexions discrètes sur la qualité de mes tenues.
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J'enfile mon petit-déjeuner d'une traite, sans accorder un regard au professeur Rogue qui me regarde faire comme si j'étais une échappée d'Azkaban. Quoi, il n'a jamais vu personne manger cinq tartines et un bol de porridge en moins de trois minutes ? Il devrait sortir plus souvent, le pauvre homme.
Une fois sur le seuil de la grande porte, je prends une minute pour observer le paysage ensoleillé et réfléchir à ma destination. Je n'ai aucune idée de ce que je souhaite faire et où aller. Prise d'une inspiration, je retourne à la grande salle et fourre plusieurs tranches de brioche au chocolat ainsi qu'une poignée de raisins secs dans les larges poches de ma cape.
Je retourne enfin sur le palier et inspire à fond avant de quitter son ombre.
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La neige est traîtresse par endroits, je le comprends vite. Mes pas décidés me mènent en premier lieu jusqu'à Pré-au-Lard, mais je m'aperçois vite que je ne souhaite aucune compagnie, et encore moins celle des piliers de comptoir des Trois-Balais. Je continue donc en suivant un chemin partiellement caché par la neige, mais qui me fait longer le lac noir pour atteindre un promontoire rocheux dominant toute la vallée enclavée.
Au bout d'une heure d'ascension, je suis en nage. Le vent est retombé en milieu de matinée et j'ai retiré ma cape pour la garder à la main. En levant la tête, je m'aperçois que je ne suis plus qu'à une centaine de mètres du sommet. Allez ma fille, du nerf, où sont tes années de sport ?
Je m'arrête une énième fois, à une cinquantaine de mètres cette fois-ci, et j'aperçois alors un gros chien noir qui passe la tête de l'autre côté du monticule de neige.
-Salut toi, dis-je en haletant. Qu'est-ce que tu fais là, tu n'es pas avec Hagrid ?
J'ai toujours adoré les animaux, ma cousine en a plein et leur parle comme s'ils étaient ses gosses. Dans ces moments-là, je ne peux jamais m'empêcher de la prendre pour une folle, mais parfois je m'imagine finir vieille fille et je me dis que je lui ressemblerai. Je reprends ma marche après quelques minutes de pause et finis ces quelques mètres avec un sentiment de victoire.
Enfin !
Le chien est toujours là. Il s'est assis sur son train arrière et penche la tête sur le côté, comme s'il attendait que je me présente. Il n'a pas l'air d'avoir froid, mais je remarque rapidement qu'il est famélique et que des griffures anciennes parcourent ses flancs.
-Bah alors mon gars, ton maître ne te donne pas à manger ? Va falloir penser à se plaindre hein.
Je balance ma cape sur le sol tout près du bord et m'assois dessus pour admirer la vue du château et du lac enclavé que j'ai d'ici. C'est tout simplement splendide, à vous couper le souffle. Avec un pincement au cœur, je me dis que Remus aurait aimé venir ici lui aussi. J'espère qu'il va bien.
-Et ouais mon gars, il n'y a que toi et moi, je lance au gros chien qui n'a pas l'air de vouloir s'en aller. T'es bien un gars hein ?
Je plisse les yeux sous cette lumière crue et le scrute plus précisément.
Je crois que ça ne lui plaît pas, car il aboie et se redresse sur son séant. Voilà que je me fais engueuler par la gente canine maintenant, manquait plus que ça.
Je lève les mains en signe d'apaisement et me tourne à nouveau vers le paysage. Après plusieurs minutes, le cabot se décide à bouger et vient s'asseoir à ma gauche.
-Besoin de compagnie mon grand ? Celle de ton maître t'ennuie tant que ça ?
Il ne répond rien évidemment, c'est un animal, et nous contemplons longuement le panorama enneigé ensemble.
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Le soleil est quasiment à son apogée maintenant et je sens mon estomac gargouiller après cet effort inhabituel qui me laisse les jambes en coton. En fouillant dans les poches de ma cape, je sors deux tranches de brioches et vois immédiatement l'intérêt qu'y porte mon compagnon du jour. Sans hésitation, je lui en tends une et il l'avale goulûment avec un jappement de plaisir.
-Paraît que la cuisine de Hagrid est catastrophique, fais-je au molosse qui se lèche parcimonieusement les babines. C'est peut-être pour ça que tu t'es cassé, si ça se trouve.
Je grignote ma propre tranche et apprécie le silence cotonneux qui nous entoure. Quelques chants d'oiseaux se font entendre çà et là, ainsi que le goutte-à-goutte de la neige qui fond des branches et qui vient s'écraser dans la poudreuse.
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Au bout d'un moment, je me relève et fait tomber la neige de ma cape avant de la remettre sur mes épaules refroidies. Je vois le chien qui s'est relevé lui aussi et qui me regarde avec attention. Je fouille à nouveau mes poches et tends les deux autres tranches de brioche à l'animal qui semble aux anges.
-Et bien, la nourriture à vraiment l'air de te faire défaut à ce que je vois.
Je le laisse manger tranquillement et entame la descente vers le château qui se promet d'être plus facile que cette fichue montée. J'ai à peine fait deux mètres, que le molosse me rattrape en bondissant gaiement dans la neige. Je crois qu'il m'aime bien, ou plutôt qu'il aime bien la nourriture de Poudlard. Je lève les mains pour lui montrer que je n'ai plus rien à lui donner, mais il paraît s'en ficher et m'accompagne jusqu'à l'entrée de Pré-au-Lard.
Je lui fais un vague signe d'au revoir lorsqu'il s'assoit dans la neige pour me regarder partir et il ne cesse de m'observer jusqu'à ce que j'ai tourné l'angle d'un bâtiment.
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Il me faut un peu moins de trente minutes pour rejoindre le parvis du château et, lorsque je pousse jusqu'à la grande salle, je m'aperçois avec plaisir que le repas n'est pas terminé. Remus n'est toujours pas présent et j'engloutis rapidement une généreuse portion de ragoût épicé. À l'apparition des desserts, j'attrape une énorme part de pudding de Noël dans une assiette de porcelaine et file vers les étages quasiment vides.
Une fois devant la porte des quartiers de Remus, je ne sais plus trop quoi faire. Je lève une première fois la main pour frapper au battant, mais la laisse retomber tristement. Je la relève une seconde fois, pleine de bonne volonté, mais finis par poser l'assiette au sol en me disant qu'il la trouvera lorsqu'il sortira et que c'est mieux ainsi.
Je fais demi-tour et parcours les couloirs avec l'idée d'aller me blottir dans un gros fauteuil, avec un plaid sur les genoux et un ouvrage à la main, quand j'entends qu'on m'appelle. La voix est lointaine puis elle se rapproche rapidement.
Je vois enfin Remus passer l'angle d'un couloir et son visage s'éclaire lorsqu'il m'aperçoit. Je note les larges marques de fatigue sur son visage ainsi que sa canne en rotin qui l'aide à marcher, mais ne fais aucun commentaire. Il tient l'assiette à dessert à la main et s'approche de moi en la levant devant lui.
-Tu pensais vraiment que j'allais avaler un truc de cette taille tout seul ? s'exclame-t-il joyeusement. Tu veux me gaver comme une oie ma parole.
-Parait que c'est ce que font les Français avec les canards pour faire du pâté, peut-être que ça sera concluant !
Il rit et s'arrête près de moi avec son éternel sourire, étirant finement ses lèvres de part et d'autre de son visage pâle. Pour moi, Remus a toujours eu ce visage de figure paternel un peu permissif qui réprimande ses enfants sans vraiment y croire. Il est un peu le grand frère protecteur que je n'ai jamais eu et, à ce moment précis, c'est l'unique chose dont j'ai besoin.
Sans un mot, je comble la distance qui nous sépare et passe mes bras autour de son torse en posant ma joue sur son épaule. Je crois qu'il ne s'y attendait pas, mais j'en avais besoin, plus qu'il ne peut s'en douter, et il se contente de me rendre ma douce étreinte. Les minutes passent et, lorsque je me sens assez rassérénée, je me dégage doucement de ses bras en écrasant une larme qui a perlé.
-Ta sœur, n'est-ce pas ? me demande-t-il d'une voix douce.
Je hoche de la tête et il acquiesce à son tour avant de lever à nouveau son assiette.
-Viens, nous avons du gâteau à manger et nous serons mieux avec une tasse de thé.
