Chapitre 5
Charles n'avait plus le cœur à rien. Valence lui avait même fait une tarte aux patates pour lui remonter le moral, mais rien n'y faisait. Il ne pouvait pas oublier le dernier regard de Flavien, ses dernières paroles, son dernier souffle. Il savait qu'ils devaient reprendre la mission, mais maintenant, rien n'était pareil.
Se forçant à se rendre à la Salle de Commandement, il passa par la Salle de Repos où il savait qu'il trouverait Bob, probablement en train de manger pour oublier sa peine.
Lorsque la porte s'ouvrit, Charles entra et alla directement trouver Bob qui mangeait, ou plutôt grignotait sans enthousiasme un pogo sur son lit.
-Bob…
-Capitaine…
Un long silence s'installa. Chacun savait la douleur que l'autre ressentait. Chacun la vivait à sa manière, mais elle n'en était pas moins intense pour autant.
Finalement, Charles brisa le silence :
-Bob, on va…quitter l'orbite de Meilia dans quelques minutes…rejoignez-moi à la Salle de Commandement.
Il se leva pour quitter la pièce.
-Oui Capitaine, Répondit Bob d'une voix lasse.
Le pilote avait eut de la difficulté à accepter la perte de son ami. Flavien avait été pour lui un frère, et le perdre de cette manière…Il aurait préféré prendre sa place s'il avait pu. Mais bien sûr, c'était impossible.
Il se posa son pogo sur son lit et partit pour la Salle de Commandement.
Pétrolia était à côté du radar. Être à cet endroit la réconfortait. Elle avait l'impression que Flavien vivait, même si au fond, elle savait la triste vérité. Elle n'arrivait pas à accepter sa mort, à comprendre…Il n'y avait rien à comprendre. La vie était parfois cruelle. Il était étrange comme elle pouvait vous choyer, puis tout emporter en un instant.
Au fond d'elle, Pétrolia gardait toujours une douleur atroce, si intense que l'extérioriser la détruirait sûrement. Comme elle aurait voulu pleurer, se défaire de cette agonie qui la rongeait petit à petit, mais elle en était incapable. Incapable de crier, incapable de gémir, incapable de verser une larme. Et elle s'en voulait. Comment rester de marbre lorsque l'être le plus cher vient de vous être arraché?
Lorsque le Capitaine entra dans la Salle de Commandement, suivit de Bob, elle n'osa même pas les regarder. Le Capitaine prit sa place dans son fauteuil, et Bob au volant. Ils semblaient tous deux abattus.
-Par où est-ce qu'on va Capitaine, Demanda Bob sans entrain.
-Bof…Y a une Galaxie par là-bas…
Pétrolia ne voulut pas assister au départ. Elle quitta la pièce précipitamment. Une fois dans le couloir du secteur C, elle attendit quelques instants. Puis, au son des moteurs qui venaient de s'enclencher à Oméga 3, elle s'adossa brutalement au mur et se laissa glisser par terre. Sa tête s'appuya doucement contre ses genoux, et finalement, un sanglot la prit et elle mordit le bord de sa main pour s'empêcher de crier tant elle avait mal.
Enjambant un énorme bloc de béton, Flavien suivait hâtivement Laëllia au travers des décombre de la cité. Ils étaient maintenant au cœur de celle-ci, où il restait encore quelques immeubles encore debout. L'opérateur radar leva les yeux vers le ciel et observa les nuages lourds qui se mouvaient au-dessus d'eux, menaçants.
-Attention où vous marchez, Murmura Laëllia, Nous sommes maintenant à l'endroit le plus dangereux de la ville. Il pourrait y avoir des explosifs dissimulés.
Flavien ne se le fit pas redire deux fois. Il fixait intensément le sol avant de faire chaque pas. Laëllia s'adossa à un mur près d'un édifice et Flavien en fit de même. Le bâtiment en question s'élevait à plusieurs dizaines de mètres et semblait résister encore aux attaques.
-L'ancien centre de communication sub-spatial se trouve à l'intérieur, Chuchota la jeune Hörinui. Il y a longtemps qu'il a été abandonné, les voyages dans l'espace n'étant plus possible avec les dépenses militaires.
Flavien hocha la tête et regarda prudemment à l'intérieur. Tout semblait désert. Il n'y avait pas le moindre son, pas le moindre mouvement. Il questionna Laëllia du regard et elle lui fit signe d'entrer. Ils pénétrèrent le bâtiment à pas feutrés, ne voulant pas risquer d'être repérés.
Laëllia lui indiqua du doigt une gigantesque machine qui faisait un mur entier. Flavien s'en approcha et fit glisser ses doigts sur les écritures insolites. Comment comprendre le fonctionnement de cet émetteur? Il pianota sur les touches bizarroïdes des claviers et soudain, tout se fit clair dans sa tête. Il venait de comprendre le fonctionnement de cette machine et appuya sur quelques touches, comme s'il avait toujours su s'en servir. Sûrement ses connaissances en communications lui permettaient de comprendre les engins de ce genre sans les avoir étudié. Il se rendit compte qu'il manquait quelque chose. Il chercha les claviers du regard, et trouva ce qu'il cherchait. Il appuya sur une touche, puis approcha le micro de sa bouche.
-Flavien appelle le Romano Fafard…Flavien appelle le Romano Fafard…M'entendez-vous? Je suis sur Meilia, dans la cité de Zehava…Capitaine, je ne suis pas mort…Capitaine…
Mais il n'entendit qu'un crépitement d'interférences. Flavien baissa le micro et regarda Laëllia tristement.
-Ils doivent déjà être partis…Ils doivent être loin maintenant, hors de portée.
La jeune femme posa une main sur son bras pour lui apporter son soutient. Flavien baissa la tête. Il ne reverrait plus jamais le Romano Fafard…plus jamais le Capitaine, Bob…Pétrolia… Son cœur était en miettes. Tout le monde qu'il aimait, sa seule famille, était loin et il ne les reverrait plus jamais. Il était pris sur cette planète qui se détruisait elle-même, seul et sans but. Et Pétrolia…sa chère Pétrolia, son amour, sa vie…il ne la reverrait plus…
Laëllia sentit la douleur qui traversait Flavien et tenta de lui apporter un peu de réconfort. Flavien accepta volontiers l'étreinte qui lui était offerte. Il ne la connaissait pas depuis longtemps, mais elle était maintenant sa seule amie, sa seule bouée dans ce monde cruel où il était atterri.
-Je…leur souhaite de trouver ce qu'ils cherchent, Murmura Flavien, déchiré.
-Rien n'est encore impossible, Rassura la jeune fille.
Flavien pesa le poids de ces paroles. Il était vrai qu'il pouvait toujours croiser des E.T qui pourraient l'embarquer. Il y avait sûrement un moyen. Il se promit d'essayer.
Après quelques instants, le 6e sens du second officier se mit en alerte. Quelque chose clochait. Il regarda Laëllia avec un regard inquiet, puis examina les environs.
-Allons-nous en…Je sens un danger…
Comme ils allaient partir, ils entendirent une détonation et une partie du pilier à côté d'eux s'écroula. Se retournant Laëllia vit trois hommes à l'entrée du bâtiment.
-Des Jeïlaes! S'écria-t-elle.
Elle se mit à courir et Flavien la suivit à toute vitesse, mais une autre détonation se fit entendre. Laëllia poussa un cri incohérent et s'affaissa sur le sol. Flavien la suivit immédiatement.
-Laëllia!
Il tenta de la prendre par la taille pour la remettre debout mais sa main ressortit de sous le corps tremblant baignée de sang. Il les regarda avec horreur. Il l'essuya sur sa pèlerine et prit le doux visage de la jeune fille délicatement.
-Laëllia…, Murmura-t-il d'une voix brisée.
Son visage devenait encore plus pâle, si cela était possible, et ses yeux de cristal les fixaient, éplorés.
-Laëllia…t'en vas pas…s'il te plait…
Un doigt tremblant se posa sur ses lèvres et les yeux du jeune homme s'emplirent de larmes. Laëllia murmura difficilement :
-Faites…bon…usage…
Flavien fronça un sourcil, ne comprenant pas ses paroles, mais les yeux cristallins de la jeune fille s'assombrirent et ses paupières se refermèrent.
-Non…
Flavien ferma les yeux et les larmes inondèrent sont visage. La seule personne qui lui restait au monde, la douce et céleste Laëllia, venait de s'éteindre elle aussi, comme un mirage dans la brume.
Le jeune technicien radar ne résista même pas lorsque les hommes que Laëllia avait appelé Jeïlaes le saisirent brutalement et l'emmenèrent avec eux.
