§ JE TE RETROUVERAI §
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Chapitre 5 : L'Origine de nos Liens
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La pauvreté. Orihime ne l'avait jamais connue. En revanche, elle l'avait vue dès le début de son voyage à travers des gens qui mendiaient ou n'avaient pas de quoi s'habiller convenablement. Cela l'avait choquée, elle qui n'imaginait pas que pire pouvait exister ailleurs. Pourtant ici, ça l'était. Un mot résumait ce que la princesse voyait : misère. Des personnes pariaient leur misérable place de couchage abritée en échange de quelques pièces, d'autres se battaient pour un morceau de pain ou encore, et cette vision tua presque Orihime, des enfants d'une dizaine d'années (ou moins) livrés à eux-mêmes volaient pour survivre. En cet instant, elle avait honte de sa condition très privilégiée.
- Je t'avais prévenue, lança Ichigo qui marchait devant. Il y a différentes classes sociales ici et même pires que ce que tu vois.
Il gardait un œil attentif sur les alentours, cette partie du Rukongai n'était pas la plus accueillante. Le roux avait déjà collé son poing dans le visage d'un homme pour lui faire ravaler ses paroles salaces à l'égard d'Orihime, et fait déguerpir une femme très intéressée par son châle probablement pour le revendre.
- C'est horrible, renifla Inoue, un poing fermé devant sa forte poitrine. Personne ne mérite de vivre dans de telles conditions.
- Tu ne peux rien faire pour eux. La plupart des gens ici détestent ta mère qui n'éprouve que du mépris pour les « non riches ».
Le silence lui répondit.
- Orihime ?
- Je peux tout de même essayer de venir en aide au plus grand nombre possible, s'entêta-t-elle. Je ne suis pas comme ma mère. De retour au palais, je n'oublierai pas ce que j'ai vu. Je ne pourrai pas reprendre ma vie comme si de rien n'était. C'est mon devoir que je devienne impératrice ou non.
Ichigo lui jeta un regard par-dessus son épaule, un discret sourire aux lèvres. En plus d'être têtue, Orihime parlait d'un futur dans lequel elle avait sa place. Elle n'envisageait plus de perdre la vie, pas sans se battre en tout cas.
Loin d'imaginer ce qui se tramait sous la touffe rousse d'Ichigo, Orihime porta son regard sur la gauche : la Falaise du Sokyoku, très impressionnante de près, s'élevait à une faible distance, témoin de celle qu'ils avaient parcourue. Avec Ichigo, ils avaient quitté le Manoir Kuchiki il y a quelques minutes à la recherche de la vieille femme dont ils n'avaient toujours pas repéré la moindre trace. La belle commençait déjà à se décourager. Le Rukongai était vraiment immense, elle comprenait qu'Ichigo se soit montré dubitatif. Parmi ces ruelles tentaculaires grouillant d'habitants en tous genres, comment trouver une dame âgée en particulier ?
- Orihime, dit soudain Ichigo, arrêté au bout d'une impasse.
- Hmm ?
- Regarde.
Elle vint à sa hauteur pour mieux voir ce qu'il lui indiquait. Il s'agissait d'une maison décrépite de taille moyenne. Sous le porche, assise sur une chaise, une femme les fixait ostensiblement.
- C'est elle ? murmura Ichigo.
- Oui, souffla Hime qui ne croyait pas sa chance.
- Allez-vous venir me rejoindre ou prendre racine, jeunes gens ? prononça la femme en se mettant debout.
Surpris, les deux « jeunes gens » échangèrent un regard, hochèrent la tête puis avancèrent vers l'inconnue dont la voix et la manière de se mouvoir contrastaient avec son âge apparemment avancé d'après son visage très ridé. En effet, la mamie possédait une voix plutôt énergique et s'était levée avec une agilité déconcertante. Vêtue d'un kimono gris, qui semblait avoir connu plusieurs vies, assorti au foulard autour de sa tête d'où dépassaient des cheveux de la même couleur, elle tenait fermement serré dans sa main... un sabre.
- Tu es aussi intelligente que tu en as l'air, reprit la femme lorsqu'ils arrivèrent devant elle. Je savais que tu comprendrais que je cherchais à attirer ton attention et que tu me retrouverais, Inoue Orihime.
Cette dernière sentit une étrange sensation la traverser.
- Vous me connaissez, n'est-ce pas ?
- En quelque sorte, sourit la vieille dame de sa bouche édentée. Suis-moi, ton petit ami est également le bienvenu.
Ichigo rosit légèrement. Orihime devint carrément écarlate au point que ses joues chauffèrent, la rendant incapable de croiser les yeux d'Ichigo.
- Ichigo kun n'est pas mon... mon petit ami.
- Ouais, on est juste amis, vint-il à son secours.
- Haha, ils disent tous ça, répliqua la mamie en ouvrant la porte d'entrée.
- C'est la vérité ! jurèrent-ils en chœur.
- Ce qui sort de la bouche d'un individu n'est pas forcément ce qu'il pense, les contra-t-elle.
- Hein ?! s'étouffa presque le roux.
- J'ai été jeune moi aussi, vous savez.
- Et le rapport, il est où ?
- Qui êtes-vous ? questionna Inoue pour couper court à leur échange gênant. Et pourquoi avez-vous un sabre, madame ?
- N'as-tu pas vu la misère qui règne ici ? Des petits malins croient pouvoir m'intimider et voler ce qui m'appartient sous prétexte que je suis une vieille femme. Avec ça, ajouta-t-elle en montrant son sabre, je suis prête à les accueillir et m'en servir s'il le faut. Entrez vous réchauffer.
Elle verrouilla la serrure dès qu'ils pénétrèrent dans la maison, laissa sa canne à l'entrée et attrapa la bouilloire.
- Vous n'êtes pas telle que vous semblez être de prime abord, marmonna Ichigo plutôt impressionné.
- Je vais prendre ça pour un compliment, répondit-elle en s'affairant à préparer du thé. Prenez place, je vous en prie.
L'intérieur de la maison composé d'une pièce principale avec une porte dans le fond n'était pas bien grand, mais suffisant pour une personne. Ichigo et Orihime s'installèrent à la table ronde peu encombrante entourée de deux chaises à côté du minuscule coin cuisine. Il y avait aussi un vieux vaisselier en bois à l'opposé, deux tableaux de paysages et un tapis rongé par les mites épousait le sol. Une décoration minimaliste qui ne rendait pas l'endroit moins chaleureux pour autant. La cheminée, seule source de lumière, brûlait allègrement dans des craquements appréciateurs et les baignait de son réconfortant halo orangé. Face à celle-ci se trouvait un rocking-chair de toute évidence sculpté à la main à en juger par ses gravures élégantes sur les accoudoirs et le dossier en bois fin. Orihime avait le sentiment que ce fauteuil à bascule était l'élément le plus précieux de la pièce.
C'est justement dessus que la femme alla s'asseoir après leur avoir servi une tasse de thé chaud chacun. Son sabre appuyé contre la cheminée à portée de main, une tasse entre ses doigts osseux, elle se balançait tranquillement comme si elle n'avait pas de visiteurs. Mal à l'aise, Orihime n'osait pas la happer de ses pensées profondes. Ichigo, lui, ne s'embarrassa pas de ce genre de scrupule.
- Écoutez grand-mère, vous aviez l'air d'attendre Orihime. Si vous nous disiez pourquoi vous l'avez attirée ici au lieu de perdre davantage de temps inutilement ?
La beauté auburn lui jeta un regard réprobateur pour son manque de tact. Il haussa les épaules, souffla sur son thé et en but une gorgée. Ils avaient quand même risqué leur peau pour trouver cette femme, ce n'était pas pour l'admirer sur sa chaise une fois miraculeusement tombés sur elle.
- Tu es direct, j'apprécie ce trait de caractère, s'amusa justement la mamie, ses yeux clairs sur eux.
- Vous ne m'avez pas dit qui vous êtes, la relança la princesse, ses petites mains autour de sa tasse.
- Ideka Sawako, j'ai autrefois travaillé au palais, plus précisément pour ta maman.
La belle se figea. Elle se doutait que cette femme avait un lien avec sa famille, mais elle pensait plus... avec son frère.
- Tu as raison, jeune fille, reprit Ideka.
- Je vous demande pardon ?
- Je t'ai reconnue à ta chevelure flamboyante et à ta ressemblance frappante avec ta maman. Je me doutais que tu viendrais ici un jour pour ton frère. C'est bien lui que tu cherches, n'est-ce pas ? Je ne vois pas d'autre raison susceptible de t'inciter à venir dans cette partie du pays.
Orihime s'efforça de prendre une expression déterminée pour masquer son inquiétude. Elle faisait un nouveau pas vers ce frère inconnu.
- Je le cherche, en effet, confirma-t-elle. Que pouvez-vous me dire à son sujet ?
- Comment as-tu eu vent de son existence ?
- Rangiku san m'en a parlé. Elle sentait que ma mère lui cachait quelque chose et...
Sa voix s'éteignit comme la flamme d'une bougie. Ce « secret » vieux de près de vingt ans devait encore être accepté par son cœur.
- Rangiku, oui, bien sûr, se rappela Sawako en tournoyant sa cuillère. Je ne l'ai pas bien connue mais elle s'est toujours montrée polie envers moi. Une femme perspicace, une des rares à oser dire sa façon de penser à l'impératrice Miyako.
Ichigo posa sa tasse à moitié vide et décida de participer à cette conversation.
- Vous dites avoir travaillé pour l'impératrice et connaître l'existence de Sora. Quel lien avez-vous avec eux ?
Difficile de savoir s'il elle l'avait ou non entendu, Sawako enchaînait les gorgées en fixant la cheminée. Gagné par l'impatience, Ichigo s'apprêtait à la relancer lorsqu'elle lui répondit enfin.
- Dans ma jeunesse, j'ai beaucoup voyagé pour venir en aide aux femmes, amorça-t-elle.
- Aux femmes ?
- Que voulez-vous dire ? l'encouragea Hime, tout ouïe.
- Je n'ai jamais pu enfanter, les éclaira posément Ideka. Plutôt que de me lamenter sur mon sort, j'ai dédié ma vie aux autres en devenant médecin pour aider les femmes à donner la vie. Mes parents ont exercé cette profession avant moi, c'était donc naturel me concernant. Je ne suis jamais restée très longtemps au même endroit, mon but étant d'offrir mes soins au plus grand nombre, notamment dans les villages pauvres ou reculés.
Elle marqua une pause. Les flammes se reflétaient dans ses yeux chargés de souvenirs.
- Un jour mes pas m'ont menée aux abords du palais, dans une ville qui n'en était séparée que par un immense champ.
Le cœur d'Orihime se serra. Elle voyait parfaitement de quelle ville il s'agissait : elle avait hésité entre la traverser ou passer par la forêt le jour de sa fuite.
- Je venais d'aider un enfant à naître, je me préparais à faire un tour de la ville à la recherche d'une autre femme qui aurait besoin de moi, continua la vieille dame sans cesser de se balancer d'avant en arrière. C'est là que je l'ai entendue.
- Qui ? demanda Ichigo également suspendu à ses lèvres.
- Ma mère, saisit Orihime.
Sawako approuva silencieusement.
- Elle venait de congédier sèchement ses gardes. Je l'ai trouvée seule dans une ruelle en train de crier, penchée en avant, une main sur son ventre plat. J'ai tout de suite compris pour avoir vu d'autres cas comme celui-ci, où la femme n'avait pas conscience de sa grossesse.
La luminosité faiblit. Sawako se leva et remua les bûches avec le tisonnier. Ichigo remarqua des morceaux de bois grossièrement empilés derrière lui. Il en prit deux et les jeta dans le feu qui ne tarda pas à repartir.
- Merci, jeune homme.
Tous deux reprirent leur place tandis que l'impatience se répandait en Inoue qui avait hâte d'entendre la suite.
- La douleur peut nous pousser à dire des choses qu'on n'oserait pas avouer en temps normal, poursuivit Sawako, ses mains ridées agrippées à l'accoudoir, sa tasse au sol. C'est ce qui s'est passé avec l'impératrice qui m'a d'abord repoussée. Ensuite, elle m'a confié qu'elle ne devrait pas être là, que l'empereur Eiji l'avait forcée à se rendre dans cette ville pour la confronter à la misère dans laquelle le peuple vivait au quotidien. Misère dont elle n'avait que faire.
Elle ferma brièvement les yeux.
- Par chance pour l'impératrice qui ne voulait pas être vue, la maison près de laquelle nous nous trouvions était abandonnée. C'est là que le petit Sora chan a vu le jour, sourit-elle avec émotion. Un très beau bébé en bonne santé.
Rapidement cependant, son sourire s'effaça pour céder à la tristesse.
- L'impératrice l'a immédiatement rejeté, m'a ordonné de le tuer et m'a juré le même sort pour me faire taire à jamais, confessa-t-elle à Orihime qui était choquée. Je ne pouvais commettre une telle atrocité contre nature, j'ai alors suggéré à l'impératrice de confier son fils à une famille sans dévoiler son identité. A force d'arguments, j'ai fini par la convaincre à une condition : que je sacrifie ma liberté. L'impératrice voulait m'avoir à l'œil pour être certaine que je ne dévoile jamais son secret à qui que ce soit, surtout pas à son mari. C'est ainsi que j'ai dû travailler au palais en tant que médecin de l'impératrice.
La princesse retint difficilement ses larmes et inspira à plusieurs reprises avant de parvenir à formuler sa question.
- Qu'est devenu mon grand frère ?
- Comme promis, je l'ai confié à une gentille famille qui avait perdu un enfant, répondit la grand-mère dans un soupir peiné. Ils l'ont accueilli avec reconnaissance, voyant là un signe qu'ils ne devaient pas renoncer à vivre.
Un autre sourire se dessina sur son visage marqué par le temps.
- L'impératrice n'a pas donné de prénom à ton frère, refusant tout lien avec lui. C'est donc moi qui l'ai appelé « Sora », comme le fils que j'aurais aimé avoir. Pour mon plus grand bonheur, sa famille adoptive a validé ce choix.
Pendant quelques instants, seuls les craquements de son fauteuil en mouvement résonnèrent dans le silence nécessaire pour digérer ces assommantes informations.
- A part celui de médecin, quel rôle avez-vous endossé les années suivantes auprès de l'impératrice ? se renseigna Ichigo, perplexe.
- J'avais pour mission de garder un œil sur Sora chan et rendre des comptes à l'impératrice à son sujet. Elle voulait être absolument sûre qu'il ne soupçonnait pas qui il était vraiment, c'est-à-dire le futur empereur du pays. Je prétextais toujours la même chose pour lui rendre visite : m'assurer gratuitement que ses parents et lui allaient bien. De par ma profession, ils n'ont jamais douté et ça leur permettait d'économiser l'argent qu'ils auraient donné à un autre médecin. Puis un jour, le pire est arrivé.
Sa voix maîtrisée devint tremblotante.
- Lorsque Sora chan a eu six ans, ses parents ont décidé de déménager ici pour fuir la misère. Tout le Rukongai n'est pas pauvre, une partie à l'Ouest connaît un sort meilleur, c'est là-bas qu'ils se sont installés. Nous correspondions régulièrement par faucon messager, c'est ainsi que j'ai appris que les parents de Sora chan étaient morts dans un accident quand il avait onze ans, fit-elle sans cacher sa peine. Le pauvre s'est retrouvé seul, anéanti. J'étais incapable de l'aider depuis ma position.
Sawako extirpa un mouchoir en tissu de sa poche pour sécher ses joues humides. Orihime, très émue également, vint s'agenouiller à ses côtés pour couvrir ses mains avec les siennes, lui témoigner son soutien. La femme, touchée, pressa ses doigts. Une sorte de connexion silencieuse s'établissait entre elles.
- Quand Sora chan a atteint sa douzième année, il travaillait déjà pour survivre. Nous nous échangions des lettres tous les mois. Un jour, l'empereur Eiji a émis la nécessité de se rendre au Seireitei pour rencontrer le chef du clan Kuchiki, le père de Byakuya, pour créer une alliance. Du pain bénit pour l'impératrice qui m'a piégée. Car à ma grande surprise, j'étais invitée à prendre part à ce voyage.
- Piégée ? Que vous a fait l'impératrice ? se renseigna Ichigo, les sourcils très froncés.
Certes, il n'était pas concerné par ces histoires de famille. Impossible de rester insensible pour autant.
- Je l'avais évidemment informée que son fils était orphelin. Elle m'a dit regretter de l'avoir abandonné, qu'il méritait d'être l'élevé au palais comme cela aurait dû être le cas depuis sa naissance et moi, je l'ai crue, raconta Sawako avec une certaine colère. Une fois au Seireitei, l'impératrice Miyako a accompagné son mari dans toutes ses entrevues avec le clan Kuchiki et a insisté pour rester un jour de plus le jour du départ. C'est là qu'elle m'a demandé de lui montrer où vivait son fils d'après les indications qu'il m'avait données.
Sa poigne augmenta autour des mains d'Orihime.
- J'étais si émue de revoir Sora chan après toutes ces années, évoqua Sawako avec fierté. Il semblait en bonne santé et vivait apparemment avec un vieil homme comme décrit dans ses lettres. Sora chan n'avait pas remarqué notre présence, trop occupé à remplir des seaux d'eau au puits. Alors que j'étais sur le point d'aller le prendre dans mes bras, une main de fer m'a retenue par l'épaule, m'interdisant de faire un pas de plus. L'impératrice fixait ton frère avec mépris, froideur presque... de la haine, souffla-t-elle à la beauté auburn en frissonnant. J'étais choquée et avant de comprendre comment, nous étions au palais impérial. J'ai oublié tout ce qui s'est passé entre ce moment où nous avons retrouvé Sora chan et notre retour. Avec le recul, je crois que voir une mère haïr son propre enfant m'a profondément ébranlée et je redoutais que quelque chose de grave en découle.
La pauvre femme, sans doute pas habituée à parler autant, toussa.
- Je vais vous chercher un verre d'eau ! se chargea la princesse en voyant sa tasse vide.
C'était aussi une bonne raison pour s'éloigner un peu et assimiler ces nouvelles déclarations difficiles à entendre. Inoue reposa la carafe sur la table et donna le verre plein à Sawako qui but avec reconnaissance. Orihime retourna sur sa chaise en face d'Ichigo pour laisser de l'espace à la vieille dame.
- Les mois ont passé, je m'inquiétais de n'avoir aucune nouvelle de Sora chan qui m'envoyait toujours une lettre par mois, enchaîna cette dernière, la voix plus claire. L'impératrice m'a alors annoncé son ordre d'exécution à l'encontre de Sora chan sans le moindre remords. Mon univers s'est effondré. C'était de ma faute, je lui avais montré où il vivait. Les trois années suivantes, je les ai vécues comme dans un mauvais rêve, un brouillard de culpabilité sans fin, se souvint-elle non sans émotion. L'impératrice Miyako m'a gardé « prisonnière » même après la mort de Sora chan pour être certaine que je tienne ma langue. J'étais traitée comme une domestique et nous n'avons plus jamais évoqué Sora chan comme s'il n'avait jamais existé.
Elle observa ses mains d'un air absent.
- Cependant, l'âge a fini par avoir de plus en plus d'emprise sur moi, ce qui l'exaspérait. Elle m'a donc renvoyée. A ses yeux, je ne valais plus rien et la mort m'emporterait avec son secret bientôt de toute façon. Pourtant, je voulais rester.
- Pour quelle raison ? ne comprit pas la belle qui avait honte de l'odieux comportement de sa mère.
- Pour toi, répondit Sawako en lui faisant signe d'approcher.
Hime alla s'accroupir à ses côtés, ses grands yeux gris reflétant toute sa compassion.
- Ta maman était enceinte de toi, continua Sawako. Même si tout le monde le savait à l'inverse de sa première grossesse, je craignais qu'elle te fasse du mal. J'ai finalement choisi de faire confiance à ton père et j'ai eu raison. Je me doute que tu n'as pas eu une vie facile, mais tu as au moins connu l'amour d'un parent.
- Oui, j'aime mon père plus que tout, affirma Orihime, les yeux embués.
- Avant de quitter le palais, j'ai dû « passer le flambeau » à la personne qui accoucherait ta maman et t'accueillerait dans ce monde. Le jour où tu es née, j'ai reçu un faucon messager inespéré de Sora chan : il était bel et bien vivant ! déclara Sawako avec joie. Cette maison où nous nous trouvons est celle dans laquelle il a vécu avec le vieil homme dont je vous ai parlé. C'est devant cette même maison que l'impératrice et moi-même l'avons vu pour la dernière fois.
Cette nouvelle information perturba Orihime qui voyait cette maison différemment, comme si une partie de l'âme de son frère subsistait ici. Ici... l'endroit qui témoignait de la pauvreté et des différents foyers qu'il avait connus en plus du reste.
- Je n'ai jamais révélé à quiconque que Sora chan était en vie et j'ai décidé de m'installer quand j'ai trouvé cette maison à l'abandon, leur apprit Sawako. J'en ai informé Sora chan qui ne m'a pas répondu. Par précaution, nous ne nous sommes plus jamais envoyés de lettres. Je suis persuadée que nous nous reverrons un jour et c'est dans cette maison qu'il me trouvera.
- Ça veut dire que Sora ignore tout de ses origines ? déduit Ichigo, abasourdi par cette histoire.
- Ce rôle ne m'incombait pas, décréta la mamie.
Elle se tourna vers Orihime.
- Quelles que soient les raisons qui te poussent à le retrouver, c'est à toi que revient ce rôle. Ta maman le croit mort et ne ferait jamais une chose pareille de toute façon. Son fils ne représente qu'une menace à ses yeux.
- Comment Sora nii réagira-t-il quand je lui dévoilerai la vérité ? l'interrogea Orihime dont l'esprit était assailli par le doute.
- Tout ce que je peux te dire, c'est que Sora chan était un bon garçon malgré les épreuves traversées et qu'il l'est sans doute resté.
Les prunelles remplies d'eau, la beauté auburn la serra dans ses bras.
- Je vous remercie, j'avais besoin d'entendre tout cela même si ça fait mal.
- Allons, ne me remercie pas. Je n'ai pas pu venir en aide à ton frère comme je l'aurais voulu, alors je peux au moins aider son adorable petite sœur, marmonna Sawako en lui tapotant le dos.
- Oh si vous avez aidé mon frère de la plus belle manière qui soit : vous avez sacrifié votre liberté pour lui sauver la vie, lui murmura à l'oreille Orihime.
Sawako ne dit rien, préférant laisser sa phrase couler en elle. Lorsqu'elles se séparèrent, un sourire illuminait leurs visages sillonnés de traînées salées.
- Comment Sora a survécu à la sentence de l'impératrice ? s'informa Ichigo debout près de l'unique fenêtre.
- Je l'ignore, ce sera une question à lui poser, répondit la grand-mère.
- Savez-vous où il se trouve, Ideka san ? s'enquit la belle.
- Eh bien… Dans sa dernière lettre, d'après mes souvenirs, il se trouvait dans la ville de Karakura.
Le corps d'Ichigo se raidit sans qu'aucune des deux femmes ne le remarque.
- C'était il y a dix-huit ans, je ne sais pas s'il s'y trouve encore. Je t'aurais volontiers montré sa lettre mais je l'ai brûlée. Personne ne devait la lire, précisa-t-elle à Orihime.
- Ce n'est pas grave, je comprends, assura la princesse.
Elle s'efforçait de cacher son appréhension grandissante. Partie de rien, elle avait désormais une piste sérieuse, une destination où potentiellement retrouver son frère. Les retrouvailles passaient d'impossibles à probables.
- Il faut qu'on y aille, intervint Ichigo en se détournant de la fenêtre. Désolé mais Rukia va se demander où on est passés et elle va nous cuisiner jusqu'à avoir des réponses.
- Oh oui, c'est vrai que nous sommes partis depuis longtemps ! bondit Inoue. Pardon de vous laisser de cette façon, Ideka san.
- Aucun problème ! Oh, attendez.
Elle déplia son corps âgé pour extirper quelque chose de l'un des tiroirs du vaisselier et le remettre à Orihime.
- Tiens. Sora chan a connu une vie difficile, peut-être est-il devenu méfiant... Remets-lui ceci, il saura que tu es venue me voir et que tu lui dis la vérité.
Hime regarda avec curiosité le petit paquet enveloppé d'un nœud rouge dans sa paume avant de le fourrer dans sa poche.
- J'en prendrai soin, je vous renouvelle mes remerciements, souffla-t-elle, inclinée.
- Allons, redresse-toi jeune fille ! répliqua Sawako en agitant la main. Je ne fais que ce qui me paraît juste, à toi d'en faire autant en retrouvant ton frère. Bonne chance !
- Au revoir, Ideka san. Prenez soin de vous.
Orihime s'engagea à l'extérieur pour mieux examiner le puits devant la maison, celui dans lequel son frère avait si souvent puisé de l'eau. Une manière de se rendre compte de son quotidien.
- Merci pour votre aide, Ideka san, dit Ichigo. Orihime n'était vraiment pas bien. Grâce à vous, elle va pouvoir avancer et mieux s'armer pour échapper au sort qui lui est réservé.
- Le sort qui lui est réservé ? s'alarma Sawako, appuyée sur sa canne.
- Ne vous en faites pas, rien de grave ne lui arrivera tant que je serai là, jura Ichigo.
- Quelle détermination dans ton regard, on ne voit pas ça tous les jours. Tu tiens vraiment à elle, tu refuses simplement de l'admettre, n'est-ce pas ?
Ichigo s'étouffa avec de l'air. Sawako rit de bon cœur.
- Q-Quoi ? Qu'est-ce qui vous... Je n'ai jamais... Merde, d'où vous sortez ça ? s'emmêla-t-il, les pommettes chaudes.
Putain de merde, il espérait que Sawako ne s'en rende pas compte dans le peu de lumière de la rue.
- Je n'en attendais pas moins de toi, Kurosaki Ichigo.
- Vous me connaissez ?! se bloqua-t-il. Nan, je comprends, c'est l'avis de recherche. Pff...
Il se passa une main dans les cheveux d'un air las. C'est vrai que sa tête était placardée partout notamment dans les endroits comme celui-ci où les gens étaient prêts à tout pour de l'argent. Beaucoup n'osaient pas l'approcher par peur de se faire massacrer ou de représailles du clan Kuchiki chez qui il vivait. D'autres tentaient leur chance en se fichant des conséquences...
- Pas seulement, le contredit Sawako avec grand sérieux. Tu devrais parler à ton père.
Le roux la regarda sans comprendre.
- Il y a des choses que tu as besoin d'entendre toi aussi. Soyez prudents toi et Orihime chan, continuez à veiller l'un sur l'autre comme vous le faites déjà. Avoir à ses côtés quelqu'un sur qui on peut compter est parfois la plus précieuse des aides. Bonne soirée à vous, acheva simplement Sawako.
Sur ces mots empreints de gravité, elle retourna dans sa maison en laissant un Ichigo stupéfait. Que signifiaient ces mystérieuses paroles ? Un craquement sur sa droite attira son attention. Il plissa les yeux sur les premiers arbres de la forêt bordant l'impasse. Cette même zone qu'il avait observée depuis la fenêtre quelques instants plus tôt. Sur ses gardes, Ichigo s'approcha. Le buisson devant l'un des troncs frémit, il se tint prêt à faire usage de son sabre.
- Qu'est-ce... ?
Un lapin s'était échappé dudit buisson pour se faufiler entre les panneaux en bois de la clôture défoncée, passer à toute vitesse devant ses pieds en griffant ses bottes au passage et disparaître dans la nuit.
- Ichigo kun ? l'appela Orihime intriguée par son bras sur le point de dégainer. Tout va bien ?
Elle s'était détournée du puits en le voyant intéressé par quelque chose.
- Euh... ouais, fit-il.
- Que regardes-tu comme ça ? questionna-t-elle en ne discernant rien de particulier.
- Rien. Allons-y.
Après un dernier coup d'œil sur l'orée de la forêt, Ichigo éloigna la main de son sabre et s'assura qu'Orihime marche bien à côté de lui.
- Tu as dû entendre les petits lutins farceurs des bois, suggéra Inoue, un doigt sur le menton tandis qu'ils reprenaient la route en sens inverse.
- Alors ça, j'en doute, tu vois.
- Beaucoup de gens ne croient pas en leur existence...
- Il y a une bonne raison à ça : tes lutins n'existent pas, marmonna Ichigo en roulant les yeux.
- Ce n'est pas parce qu'on ne voit pas une chose qu'elle n'existe pas, bouda-t-elle.
- Tu dis ça parce que ton imagination n'a aucune limite.
- Est-ce une mauvaise chose ?
- C'est pas ce que j'ai dit.
- Alors qu'est-ce qui t'empêche de croire aux lutins ?
- Bon sang, Orihime, tu veux pas laisser tomber ? s'exaspéra-t-il.
- Mouuu, tu n'es pas drôle... Oh ! Et que penses-tu des « grobeuls » ?
- Des quoi ?!
- Les grobeuls ! Ce sont des...
- Je ne veux pas savoir en fait.
- Ichigo kun !
Ils continuèrent de se chamailler sur ce sujet passionnant. Derrière eux, une silhouette émergea de la zone boisée suspecte et enjamba la clôture. Ses yeux brillant au-dessus d'un sourire carnassier, elle se posta ouvertement devant la maison de Sawako.
- Je t'ai enfin retrouvée avec ton chien de garde, princesse, murmura Grimmjow, ses iris braqués sur Orihime et Ichigo qui disparaissaient au loin.
{…}
Le jour était levé depuis des heures. Couché sur son lit tout habillé, ses orbes marrons rivés au plafond, Ichigo n'avait pas dormi de la nuit.
La veille au soir après leur « visite » à Sawako, il avait raccompagné Orihime jusqu'à la chambre qu'elle partageait avec Rukia. Par chance, la petite Kuchiki n'était pas encore revenue de son entretien avec son frère, ce qui leur épargna la contrainte de se justifier. Avant d'aller se coucher, Orihime avait sincèrement remercié Ichigo pour son aide et lui demanda de ne pas partager ce qu'ils avaient découvert. Du moins, pour le moment. Le roux accepta, lui souhaita également une bonne nuit et regagna la chambre qui lui était attribuée dans cet immense manoir. Le reste se résuma à cogiter jusqu'à maintenant.
- Bonjour onii chaaaaan ~ !
Ichigo sursauta. Cette voix perça ses pauvres tympans en même temps que la porte coulissait avec force.
- Yuzu ! Karin !
La première, qui avait failli lui causer un infarctus, lui sauta dessus visiblement heureuse de le revoir. Yuzu et Karin, ses sœurs jumelles de quinze ans qui n'avaient pas grand-chose en commun mais qu'un réel lien unissait. Si Yuzu faisait plus enfantine avec ses cheveux caramel toujours agrémentés d'un accessoire, sa grande sensibilité, sa naïveté, son empathie et son côté maternel faisaient qu'elle détestait les conflits et jouait souvent les arbitres dans la famille. Karin avec ses longs cheveux ébènes était perspicace et dotée d'un caractère plus affirmé qui la poussait à défier quiconque lui cherchait des noises. De plus, ses courbes plus généreuses que celles de sa sœur attiraient des garçons qui repartaient toujours en courant, la mâchoire fracturée.
- Vous êtes rentrés, articula Ichigo dès que Yuzu le libéra enfin.
Il se remit sur ses pieds avec une grimace. Il avait si peu bougé que son corps s'était engourdi.
- Oui, papa nous a emmenées dormir à la belle étoile dans la forêt près de la rivière !
- Tu veux dire qu'il nous a forcées, corrigea Karin, les bras croisés. Des semaines qu'il nous agace avec ça, on a fini par céder pour qu'il nous lâche jusqu'à sa prochaine idée loufoque...
- C'est pas gentil, Karin chan ! lança Yuzu avec un regard de reproches. Nous nous sommes amusés tous les trois ! Dommage que tu n'étais pas avec nous, onii chan.
- Vous avez passé un bon moment malgré tout, j'en suis sûr, sourit Ichigo en lui tapotant la tête.
Il avait une relation différente avec chacune d'elles. Avec Karin, c'était des échanges pudiques et la pratique d'« activités cool » comme le tir à l'arc à l'inverse de Yuzu qui, elle, arrivait à faire ressortir son côté attentionné et grand frère protecteur. Ses sœurs partageaient tout de même ceci : elles étaient exceptionnellement douées pour voir quand il n'allait pas bien. Aussi, Ichigo le cacha-t-il comme il le pouvait.
- Papa nous a montré comment pêcher avec une chaussette au bout d'une canne...
- Répète ?
- Si, si, c'est vrai onii chan ! assura Yuzu pendant que Karin approuvait d'un air blasé. On a aussi allumé un feu, cherché des baies et on a même vu une famille de renards ~ ! Même toi, tu aurais pensé à autre chose si tu avais été là, finit-elle à voix basse, la mine triste.
- C'est vrai, approuva fermement sa jumelle. Tu es rentré quand, Ichi nii ?
- Hier, mais ce n'était pas prévu.
- Tu as trouvé ce que tu voulais ?
- Je n'en suis pas certain, répondit-il évasivement.
- Ah oui ? Comment ça ?
- Peu importe, ce n'est rien d'important.
Karin plissa les yeux à cette réponse qui clôturait l'interrogatoire.
- Vous avez pris votre petit-déjeuner ? changea de sujet Ichigo en allant ouvrir les rideaux.
Les rayons du soleil se déversèrent à flots dans la chambre, ce qui agressa ses yeux habitués à l'obscurité. Il aéra dans l'espoir que l'air dissipe la brume qui enveloppait son cerveau.
- Tu es là maintenant, c'est le principal ! s'exclama Yuzu pour diminuer la tension entre sa sœur et son frère, son sourire de retour. Nous allions justement manger quelque chose, tu veux te joindre à nous ?
- Non, merci, j'ai déjà mangé, mentit son frère en s'asseyant sur le futon.
- Bon, alors on repassera te voir tout à l'heure. Viens, Karin chan ! dit-elle en l'entraînant avec elle et masquant sa déception.
- Hein ? Non, attends ! Yuzu !
La porte se referma sur leur passage. Ichigo soupira, conscient d'avoir -encore- été percé à jour par ses sœurs.
- Pff...
- FiiistooooOOON !... Ouch !
- Putain ! Combien de fois je vais devoir te dire d'arrêter avec ça ! s'égosilla le roux.
Comme d'habitude, son père avait volé vers lui tel un boulet de canon à travers la fenêtre et comme d'habitude, il avait manqué sa cible (Ichigo) et s'était pris le mur de plein fouet. Apparemment insensible à la douleur (ou habitué à la ressentir), Kurosaki Isshin se redressa à toute vitesse, un énorme sourire aux lèvres, le torse bombé, les poings sur la taille. Grand, brun, une barbe de trois jours, laxiste et d'humeur la plupart du temps taquine, on avait toujours du mal à croire qu'il était père de famille... et médecin.
- Plus tu me diras d'arrêter, plus je continuerai ! Haha… argh !
Le poing rageur de son aîné en plein visage coupa net son rire.
- Qu'y a-t-il, fils ? l'interrogea-t-il, une main sur le nez.
Les mains dans ses poches, Ichigo arpentait nerveusement la pièce pour finalement s'arrêter devant la fenêtre.
- Inoue Orihime est ici, lui annonça-t-il en guettant sa réaction. Je l'ai rencontrée par hasard quand j'étais avec Renji et... disons que je la protège durant son voyage.
Isshin cligna des yeux, laissa retomber sa main et adopta une rare expression sérieuse.
- Tu veux encore connaître l'origine de vos fiançailles.
- Pas seulement.
- Lui as-tu dit pourquoi tu les as rompues ? le testa son papa, méfiant.
- Elle m'a posé la question. Je lui ai répondu.
- La vérité ?
- Qu'est-ce que ça peut faire ? s'impatienta Ichigo. Elle a cru ce que je lui ai raconté, le reste on s'en fout ! De toute façon, ce n'est pas ce que je voulais te dire. J'ai rencontré une femme hier soir, Ideka Sawako, elle m'a dit qu'on devrait parler toi et moi, déclara-t-il. Pourquoi elle m'a sorti ça ?
Son père soupira en se frottant la nuque.
- Je ne connais pas vraiment cette Sawako...
- Alors pourquoi elle... ?!
- Mais ta maman, si.
Ichigo cessa de marcher.
- Comment c'est possible ? articula-t-il, la voix incertaine.
- Masaki a pris la relève de Sawako après son départ du palais. Autrement dit, c'est ta maman qui a aidé l'impératrice à mettre au monde Orihime chan et qui a été le médecin de la famille impériale quelque temps. Je pense que Sawako a vu en toi le côté protecteur que tu as hérité de ta maman -qui a dû lui parler de toi- et elle t'a reconnu tout simplement.
Son fils resta sans voix.
- Ichigo kun ?
Les deux hommes tournèrent la tête d'un même mouvement vers la porte derrière laquelle s'élevait la voix d'Orihime qui frappa.
- Tu es là ? Tout va bien ? s'inquiéta-t-elle.
Voyant Ichigo incapable de bouger, Isshin alla lui ouvrir.
- O-Oh, excusez-moi ! bafouilla la belle. Je me suis trompée de chambre, je crois. Je cherchais Ichigo kun et...
- C'est la bonne chambre, sourit l'homme. Je suis Kurosaki Isshin, le papa de cet idiot.
- Vous êtes... ? Oh Kami sama, vous étiez en pleine conversation ! Veuillez m'excuser, je reviendrai plus tard ! débita-t-elle, mortifiée.
- Ne dis pas de sottises, l'arrêta Isshin en s'écartant. Entre.
- Euh... Vous êtes sûr ?
- Absolument ! affirma-t-il sur un ton jovial.
Intimidée, Orihime progressa dans la pièce. Le père d'Ichigo kun... Elle se doutait qu'elle le rencontrerait tôt ou tard mais dans des circonstances différentes ! D'une certaine manière, voir Ichigo présent aussi la rassura.
- Je suis Inoue Orihime, se présenta-t-elle avec un sourire lumineux. Je suis ravie de faire votre connaissance, Kurosaki san.
- C'est réciproque, Orihime chan, assura aimablement le médecin.
En temps normal, il se serait fait une joie de lui faire des compliments qui auraient hérissé son fils à coup sûr. Sauf que le moment était mal choisi. Orihime, elle, se disait que la familiarité était de toute évidence de famille... Elle s'approcha d'Ichigo.
- Bonjour, Ichigo kun, le salua-t-elle sans perdre son sourire. Je m'inquiétais, je ne t'ai pas vu ce matin au petit-déjeuner avec Sado kun, Kuchiki san et Renji kun.
Ichigo la regardait étrangement, ce qui augmenta son inquiétude.
- Quelque chose ne va pas ?
- Il sait qui tu es, répliqua-t-il.
- Pardon ?
L'ombre de la colère se déploya sur le beau visage d'Ichigo.
- Tu tombes bien, Orihime, gronda-t-il, les yeux sur Isshin posté à l'entrée de la chambre. Mon père s'apprêtait à me révéler le lien entre nos deux familles et enfin l'histoire de nos fiançailles. Tu n'auras pas à te plier en quatre comme moi pour lui faire cracher le morceau.
Interloquée, Orihime se tourna vers Isshin.
- Que veut-il dire, Kurosaki san ?
- Que je me doutais que ta route croiserait un jour celle de mon fils et qu'il me faudrait vous révéler certaines choses, répondit-il, le cœur lourd.
Le cœur de la princesse, lui, menaça de s'échapper de sa poitrine. Combien d'autres révélations allait-elle encore devoir entendre ? Quelles émotions allaient envahir son être cette fois ? Elle pensait en avoir fini avec les secrets ! Orihime avala difficilement sa salive pour hydrater sa gorge sèche.
- A quelles choses faites-vous référence ?
- Si tu es bien décidé à dire toute la vérité cette fois, grogna Ichigo. Autrement, c'est pas la peine de l'ouvrir.
- Je suis décidé, affirma Isshin. Asseyons-nous.
Ichigo refusa de bouger.
- Fils, s'il te plaît, insista son père installé en tailleur au pied du futon.
- Quelle différence que je sois assis ou debout ?
Ichigo sursauta pour la seconde fois en sentant une petite main se glisser dans la sienne. Il baissa ses yeux surpris avant de les remontrer vers le visage suppliant d'Orihime.
- S'il te plaît, écoutons ce que ton père a à nous dire sans rendre la situation plus compliquée qu'elle ne l'est déjà, murmura-t-elle.
Sa colère toujours active dans ses veines, Ichigo consentit néanmoins à se poser dos au mur, Orihime à ses côtés. Tous deux faisaient face au père Kurosaki.
- Ce qu'il faut bien que vous compreniez, c'est que la vie était différente quand le père de l'empereur Eiji était au pouvoir, commença Isshin. Masaki et moi, ma femme, précisa-t-il à l'adresse d'Inoue, avons grandi au milieu de la guerre et ses combats. C'est cela qui nous a poussés à devenir médecins, venir en aide aux plus démunis. La pauvreté régnait, nous soignions les personnes sous des tentes dans des conditions très difficiles... Lorsque l'empereur Eiji a repris les rênes du pays à la mort de son père, la paix s'est progressivement installée mais les stigmates de la guerre demeurèrent : famine, maladies, misère..., énuméra-t-il, les images défilant dans sa mémoire. Vint le moment où nous sommes tombés à court d'argent, nos patients ne pouvant plus nous payer du tout. Entre-temps, tu es né mon fils, nous devions prendre soin de toi à tout prix.
Sa voix se chargea d'une immense tristesse alors que le cœur d'Ichigo se serrait. Ses parents ne lui avaient jamais beaucoup parlé de sa petite enfance.
- Masaki avait entendu par l'un de nos malades qu'une place de médecin se libérait au palais. Elle s'y est rendue sans mon accord et a obtenu le poste. C'est ainsi qu'elle a fait la connaissance de Sawako, qui lui a en quelque sorte laissé sa place.
Orihime écarquilla les yeux de surprise. Elle interrogea les deux hommes du regard. La maman d'Ichigo kun avait travaillé au palais ? Vraiment ?! Comment se faisait-il qu'elle n'en avait jamais entendu parler avant aujourd'hui ? Et Sawako qui la connaissait... ?
- Masaki a suivi la grossesse de ta maman et l'a aidée à te donner naissance, lui dévoila Isshin, le visage fermé. Ichigo et moi ne la voyions pas beaucoup, tous les deux ou trois mois quand elle nous apportait l'argent qu'elle avait gagné et qui nous a permis d'acheter une maison. Je suppliais ma femme à chaque fois de ne plus repartir, de me laisser travailler à sa place, subvenir aux besoins de notre famille. Elle a toujours refusé, ce n'est que plus tard que j'ai su pourquoi.
- Comment ça, papa ? s'enquit Ichigo sans reconnaître sa propre voix.
Son géniteur lui jeta un regard perçant.
- Tu grandissais et réclamais de plus en plus souvent ta maman. Un jour, j'ai décidé de t'emmener à elle avec l'espoir, cette fois, de la convaincre de travailler plus près de nous, lui faire comprendre qu'elle nous manquait. J'ai donc fait la route jusqu'au palais avec toi, nous y sommes arrivés au bout de quelques jours du côté du grand lac. Tu vois duquel je parle, Orihime chan ?
- Bien sûr, répondit aussitôt celle-ci. Nous l'appelons le Lac de la Mort, personne n'a le droit de s'y baigner, d'y pêcher ou même de s'en approcher.
- Cela ne m'étonne pas, il ne pourrait en être autrement. C'est ton père l'a nommé ainsi, n'est-ce pas ?
Pas très bien, Orihime acquiesça.
- Oui, en référence à la légende qui l'entoure.
- Je vois..., marmonna simplement le père de famille, les yeux dans le vague.
- Pourquoi on parle de ce lac ? C'est quoi le rapport avec maman ? ne capta pas Ichigo rattrapé par son impatience.
Isshin reporta son attention sur lui, l'air grave.
- Ce lac s'étend au Nord des Grilles d'Acier. La première chose que j'ai vue, c'est une petite fille d'à peu près ton âge -environ trois ans- en train de se noyer. Je t'ai ordonné de ne pas bouger puis j'ai plongé pour la sortir de l'eau. La pauvre enfant était bleue et ne respirait plus, détailla-t-il avec une forte émotion devant les expressions choquées d'Ichigo et Orihime. Je te revois me demander ce qui se passait pendant que je la réanimais. Par le plus grand des miracles, cette petite est revenue à la vie. Tu as ôté ton manteau alors que nous étions en plein hiver et tu le lui as donné pour la réchauffer.
Il se tut quelques secondes, encore secoué par ce souvenir.
- En regardant autour de moi à la recherche de ses parents, j'ai repéré une femme debout près d'un arbre. Elle semblait être là depuis le début. La colère s'est emparée de moi, j'étais prêt à exiger des explications, dit Isshin, le poing fermé à l'extrême. Je n'ai pas pu car l'empereur, qui revenait de la chasse avec sa garde rapprochée, s'est précipité vers nous dès qu'il nous a vus et a pris la petite fille dans ses bras en pleurant à chaudes larmes. C'est là que j'ai compris.
Il fixa Orihime qui avait la tête baissée, le corps tremblant.
- La petite fille, c'était toi, Orihime chan et la femme immobile n'était autre que l'impératrice en personne, souffla-t-il avec compassion. Profondément reconnaissant, ton père m'a offert le poste de conseiller personnel en plus de devenir son médecin. Bien que flatté, j'ai décliné l'offre. Mon but était toujours de ramener Masaki chez nous et je craignais que l'impératrice s'en prenne à notre famille.
- Parce que vous m'aviez sauvé la vie, murmura Inoue, en larmes.
- En effet. Elle a joué les mères inquiètes et redevables quand ton père est arrivé, elle a même menacé de mort la nounou qui t'avait laissée t'échapper. Tout cela sonnait faux à mon oreille. L'empereur encore glacé par la peur d'avoir failli te perdre ne sembla pas le relever. Encore aujourd'hui, j'ignore si tu es accidentellement tombée dans ce lac ou si ta maman t'y as poussée en te regardant te noyer.
Pour ce qu'il en savait, Ichigo pencherait plus pour la seconde hypothèse. Il prit conscience de la main d'Orihime encore dans la sienne. Ne sachant quoi dire, il la pressa doucement et elle fit de même en retour.
- L'empereur Eiji tenait absolument à me remercier à la hauteur de mon geste. Je n'avais accompli que mon devoir, ce que n'importe qui aurait fait à ma place, banalisa Isshin. L'idée lui est venue en te voyant avec de moi, Ichigo. Il a proposé un lien entre nos deux familles et c'est ainsi que sont nées vos fiançailles avec pour condition que vous soyez libres de refuser quand bon vous semblerait. J'ai accepté car il a lourdement insisté. Pour l'empereur qui prônait la tolérance, la liberté et la diversité sociale, c'était une vraie preuve des valeurs qu'il véhiculait.
- Et maman dans tout ça ? demanda Ichigo.
Ce récit avait vraiment du mal à passer. Sa poitrine était compressée, presque douloureuse.
- Je l'ai retrouvée au palais en suivant l'empereur, sa femme et donc Orihime chan que Masaki a immédiatement prise en charge malgré sa surprise de nous voir toi et moi. Elle a tout de suite soupçonné l'impératrice concernant « l'accident ». Masaki a fini par m'avouer que c'est pour cette raison qu'elle préférait rester au palais. L'impératrice ne s'occupait pas de sa fille comme une mère, elle la négligeait. Masaki qui pressentait... disons... un « dérapage » de l'impératrice s'en est immédiatement voulue de n'avoir pu empêcher ça.
Le père Kurosaki soupira.
- La réputation de l'impératrice avait poussé ta maman a postuler au palais sous un faux nom pour nous protéger ; raison pour laquelle personne n'a pu me renseigner quand j'ai expliqué être venu la chercher. C'est sans doute ce qui nous a sauvé la vie plus d'une fois.
- Quelqu'un s'en est pris à vous ? grogna le roux.
Orihime, toujours muette, releva le menton avec la crainte d'entendre la suite.
- Une fois certain qu'Orihime chan allait s'en sortir, j'ai parlé à ta maman de votre mariage potentiel. Elle n'était pas contente du tout que j'ai accepté sans la concerter, j'ai passé un sale quart d'heure..., rit-il en se grattant l'arrière de la tête.
Il reprit bien vite son sérieux.
- Masaki a fini par se dire que vous laisser le choix était une bonne chose. Même si elle ne voulait pas que son fils fasse partie de la même famille qu'une mère qui n'avait pas hésité à s'en prendre à son propre enfant.
Las, le médecin s'étira la nuque.
- L'impératrice n'a pas tardé à venir nous voir et nous a bien fait comprendre de partir, ne pas revenir et surtout ne jamais mentionner « l'accident » dont sa fille fut victime. Dans le cas contraire, nous risquerions de le regretter amèrement.
La colère teinta sa voix.
- Masaki et moi voulions lui tenir tête, la dénoncer à son mari mais la peur et le manque de preuves nous retenaient. La peur qu'elle s'en prenne à toi, Ichigo après ce qu'elle avait déjà fait à sa propre fille. Cette femme tenait déjà une partie du pays d'une main de fer. Masaki a choisi de faire confiance à la meilleure amie de l'impératrice et moi, à l'empereur qui aimait sa fille à n'en pas douter. Force est de constater que tous deux ont réussi à te protéger pour te permettre de devenir la magnifique femme que tu es, Orihime chan.
La beauté auburn s'efforça de reprendre contenance après l'effet dévastateur de telles révélations, si peu de temps après le terrible secret que lui avait confié Rangiku et les confessions de Sawako. Sa tante de cœur avait forcément connu la mère d'Ichigo mais ne lui en avait pas parlé pour la simple et bonne raison que Kurosaki Masaki avait, de ce qu'Orihime comprenait, travaillé au palais sous un nom d'emprunt pour protéger sa propre famille de représailles. De toute évidence, elle avait bien fait d'agir ainsi. Orihime réalisa qu'elle aussi avait été en contact avec Kurosaki Masaki les premières années de sa vie et que, par conséquent, elle avait en quelque sorte toujours eu un lien avec Ichigo. Leur « rencontre » à l'auberge d'Ukitake san était-elle le fruit de la destinée ? Et pourquoi son père l'empereur ne lui avait-il jamais raconté cette histoire ? Pour ne pas l'effrayer ? Oublier ce chapitre de mauvais souvenirs ? Concernant l'impératrice, elle n'allait sûrement pas crier sur les toits s'être fait berner par un médecin et n'en avait sans doute pas fait part à Rangiku par honte.
- Rangiku san a longtemps gardé un œil sur moi et mon père a toujours répondu présent quand j'avais besoin de lui, confirma-t-elle avec une forte pensée pour eux. Vous êtes rentrés chez vous après l'avertissement de ma mère, j'imagine ?
- Tout à fait, approuva Isshin. Ta maman en a profité pour répandre des rumeurs à notre encontre, nous faisant passer ma femme, mon fils et moi-même aux yeux de tous pour des personnes à éviter. C'est dans cette ambiance que nous avons retrouvé notre maison... brûlée.
On sentait que cet autre souvenir était encore particulièrement éprouvant.
- Nous nous sommes débrouillés comme nous avons pu pour vivre et restaurer la vérité sur qui nous étions vraiment : de simples médecins avec un enfant qui essayaient de trouver leur place dans un monde d'après guerre. A l'heure actuelle, nous sommes encore considérés par certains comme des pestiférés surtout Ichigo.
Une idée folle traversa l'esprit d'Inoue. Sa mère détestait les Kurosaki et Ichigo lui avait dit qu'une personne avait lancé l'avis de recherche contre lui parce qu'il cherchait quelqu'un... L'impératrice avait-elle lancé cet avis de recherche pour se venger ?
- Quelques semaines plus tard, j'ai appris que le clan Kuchiki cherchait un médecin et j'ai été choisi par le père de Byakuya, narra Isshin. En échange d'un salaire moins conséquent, il nous a autorisés Ichigo, Masaki et moi à nous installer ici. Yuzu et Karin sont même nées dans ce manoir, sourit-il. Ce n'est pas vraiment chez nous mais nous nous sommes adaptés. Mon contrat avec le clan Kuchiki m'autorisait à soigner les habitants du Seireitei durant mon temps libre tandis que Masaki déployait son champ d'action dans le Rukongai. Elle voyait donc régulièrement Sawako sans lui avoir jamais révélé les vraies raisons de notre départ du palais impérial. Quant à l'impératrice, elle n'a jamais manqué de nous rappeler discrètement de nous taire lors de ses visites officielles ici.
Il se releva, Orihime et Ichigo l'imitèrent avec moins d'énergie, encore abasourdis. La gorge sèche, Isshin se dirigea vers la carafe d'eau au fond de la chambre et but le verre d'un trait avant de le poser lentement. Le dos droit, il refit face aux deux jeunes gens et marcha vers son fils. La main sur son épaule crispée, il acheva ses propos, sincèrement désolé.
- Je suis conscient que j'aurais dû te parler de cela plus tôt, Ichigo, mais je ne voulais pas te rajouter un fardeau supplémentaire surtout après ton choix de rompre vos fiançailles. Tes sœurs ignorent tout cela et j'aimerais que ça reste ainsi pour le moment.
Il se tourna vers Orihime.
- J'aurais aimé te venir en aide de manière plus significative, Orihime chan. Je...
Isshin ne put terminer sa phrase : la princesse l'enlaça.
- Ne vous excusez pas, vous avez voulu protéger votre famille tout comme Rangiku san a voulu protéger son fils lorsque ma mère l'a également chassée du palais avec son mari. Je retiens que vous m'avez sauvé la vie, dit-elle avec une infinie reconnaissance, des larmes sur les joues. Merci, Kurosaki san.
Surpris mais touché, Isshin répondit à son étreinte comme il l'aurait fait avec ses filles.
- Vous devez avoir des choses à vous dire, je vais vous laisser, déclara-t-il en la libérant.
Après un coup d'oeil à son fils qui gardait la tête baissée, il s'en alla.
Orihime devait encore accepter que sa mère avait attenté délibérément à sa vie comme à celle de son grand frère. Cependant, comme elle n'en gardait aucun souvenir et que sa mère n'avait pas recommencé jusqu'à ce funèbre mariage qui l'attendait, elle préféra ne pas trop s'y attarder. Tout cela appartenait à un passé qu'elle n'avait pas le pouvoir de changer et ne voulait pas le déterrer davantage. Orihime n'avait aucune envie de sombrer dans les émotions négatives qui avaient bien failli l'engloutir chez Rangiku. Son objectif restait de retrouver son frère. Cela ne signifiait pas pour autant qu'elle n'avait pas de questions. La princesse sécha son visage pour effacer toute trace de larme et s'assura de l'état émotionnel de l'être à ses côtés.
- Ichigo kun, comment... ?
- Désolé, Orihime, la coupa-t-il sans relever le menton. J'ai besoin de rester seul.
Il traversa la pièce à grandes enjambées.
- Quoi ? Mais...
Stupéfaite, Orihime fixa la porte qu'il venait de franchir. Que venait-il de se passer ? Emprisonnée dans ses propres sentiments, elle n'avait pas prêté attention aux siens durant le récit de son père. Était-il triste ? Bouleversé ? En colère ? Et puis... à quel moment s'étaient-ils lâchés la main ? Une impression de vide s'insinua en Orihime qui s'entoura de ses bras. Comment avait-elle pu se montrer aussi égoïste ? Devait-elle le rattraper ? Non, Ichigo voulait rester seul.
- Je n'aurais peut-être pas dû venir dans sa chambre.
Sa chambre. Le rouge lui monta aux joues. Mais oui, elle se trouvait dans la chambre d'Ichigo ! Elle ne l'imaginait pas autrement. Un futon près du mur, une armoire, un bureau et une chaise en bois sur laquelle reposait son long manteau. Une chambre simple et sobre.
- Son aura est partout ici...
Et pas seulement. Timidement, Hime marcha vers le bureau et attrapa le manteau qu'elle porta à son nez. La coloration de son visage s'accentua. Il sentait... si bon. Des coups retentirent et la porte s'ouvrit une énième fois.
- Ichi nii, on a fini de...
Karin et Yuzu gardèrent plusieurs secondes leurs yeux étonnés rivés sur l'inconnue qui leur faisait face et... respirait le col du manteau de leur frère.
- Qui es-tu et que fais-tu dans la chambre de notre frère ? questionna enfin Karin.
Orihime lâcha immédiatement le manteau qui tomba à ses pieds et pria les kamis pour que le sol s'ouvre et l'avale tout entière tellement elle avait honte.
- Je m'appelle Inoue Orihime, je suis ici car... euh... j'avais quelque chose à demander à Ichigo kun, héhé..., rit-elle nerveusement, les pommettes roses.
La mâchoire des sœurs manqua de se décrocher.
- Rukia chan nous a prévenues de ta présence sauf qu'on ne l'a pas... enfin, on ne l'a pas crue, bredouilla Yuzu.
- Eh bien, c'est la vérité, confirma la princesse. J'ai rencontré votre frère durant mon voyage et il a accepté de m'accompagner... Vous devez être Yuzu et Karin, je suis ravie de vous rencontrer ~ ! gazouilla-t-elle plus détendue.
L'expression bouche bée des adolescentes perdura.
- Euh... est-ce que ça va ? s'inquiéta Inoue.
- Tu es si..., débuta Yuzu.
- Ouais, et on ne t'imaginait pas si..., bafouilla Karin en mimant un sablier avec ses bras.
Orihime pencha la tête sur le côté, les sourcils froncés.
- Je suis désolée, je ne comprends pas.
- Ne te vexe pas mais ta mère n'est pas réputée pour être la plus aimable des femmes, lui expliqua Karin en se grattant la tête. On n'a pas pour habitude de juger les gens, seulement comme tu as grandi avec elle, on pensait que tu étais... eh bien...
- ...comme elle, acheva la beauté auburn qui comprenait enfin leur malaise. Je ne suis pas comme ma mère, mon caractère est plutôt similaire à celui de mon père. Je ne me considère pas comme supérieure à vous à cause de mon titre et je ne souhaite pas bénéficier d'un traitement de faveur. Adressez-vous à moi normalement d'accord ? leur sourit-elle largement.
Yuzu et Karin échangèrent un regard.
- Très bien, on va essayer, consentit la première. On voulait voir onii chan mais comme il n'est pas là, je crois que nous allons participer à la décoration finale de la salle de bal. Tu veux nous accompagner, Orihime chan ?
- Oui, avec plaisir ! s'enthousiasma celle-ci en les rejoignant. J'ai si hâte d'y être !
- Moi aussi, Rukia chan a tellement de chance qu'un tel événement s'organise en son honneur !
- Être au centre de l'attention avec des vieux types qui vont la dévorer des yeux, la tête pleine des pensées répugnantes, j'appelle pas ça de la chance.
Elles s'engagèrent dans le couloir en direction de la salle de réception, Orihime entre les deux sœurs.
- Karin chan ! Je t'ai dit plusieurs fois d'arrêter de dire des choses pareilles !
- Ouais, ouais, désolée Yuzu, s'excusa sa jumelle, les mains levées en signe de paix. En tout cas, Orihime chan, tu vas pouvoir nous raconter comment tu as croisé la route d'Ichi nii et s'il a tenté un truc avec toi, ajouta-t-elle sur un ton neutre.
La concernée piqua un fard.
- Tenté... un truc ? répéta-t-elle, couleur tomate.
- Onii chan n'est pas comme ça ! le défendit aussitôt Yuzu. Hein, Orihime chan ?
La pauvre aurait aimé se faire oublier.
- B-Bien sûr, votre frère s'est montré correct avec moi.
Yuzu lança un sourire satisfait à Karin qui leva les yeux au ciel. Orihime, de son côté, se préparait déjà à orienter la conversation vers des eaux moins dangereuses. Rien que penser à Ichigo lui provoquait des papillons dans l'estomac et elle en était encore à se demander pourquoi. Orihime l'ignorait, mais la réponse n'allait pas tarder à se transformer en évidence de manière aussi émouvante qu'inattendue.
{…}
Le début de soirée annonçait l'heure de passer à table. L'alléchant fumet qui se diffusait dans les couloirs promettait un repas succulent.
Assis à son bureau avec vue sur le magnifique jardin, Kuchiki Byakuya terminait de remplir des documents officiels de la plus haute importance à la douce lueur des bougies. Le dos droit, ses cheveux noirs couvrant élégamment ses épaules, le visage impassible, il se dégageait de lui une prestance sans pareille même en plein travail. Seul le son de la plume grattant le papier perturbait le silence qu'il aimait tant.
- Byakuya, tu es là ?
Jusqu'à cette grossière interruption.
- Je ne t'ai pas permis d'entrer, dit froidement le noble.
- Oh ça va, arrête avec tes bonnes manières. Ce que j'ai à te dire est important.
Byakuya plissa les yeux.
- Que veux-tu, Isshin ?
Ce dernier venait de prendre place sur l'une des deux chaises face à lui.
- L'anniversaire de Rukia chan a lieu demain, les clans les plus puissants seront présents, amorça sérieusement le père Kurosaki. Il est important qu'aucun d'eux n'importune Orihime chan.
- La Princesse s'est promenée dans le Seireitei, beaucoup l'ont reconnue, répliqua Byakuya en recommençant à écrire.
- Mais aucun ne soupçonne qu'elle s'est enfuie du palais et cela doit continuer. Si l'impératrice venait à apprendre par le bouche à oreille que sa fille est chez toi, je suis persuadé qu'elle n'hésiterait pas à envoyer une armée la ramener de force si nécessaire.
- Comment sais-tu que la Princesse s'est enfuie de son palais ? Elle nous a affirmé être en voyage pour découvrir le pays qu'elle aura la charge de diriger, lui rappela Byakuya en trempant sa plume dans l'encrier.
- C'est un mensonge que je te demanderai de garder pour toi.
- Dois-je vraiment te signaler que tu n'as pas répondu à ma question ?
- Ça n'a aucune importance, je le sais c'est tout ! s'impatienta l'autre homme.
- Quand es-tu devenu aussi impatient que ton insupportable fils ? s'étonna le frère de Rukia en apposant sa signature en bas de page.
- Et toi quand vas-tu cesser d'être aussi chiant sur des détails ? Vas-tu agir en conséquence ? Et je ne suis pas comme mon fils ! bouda Isshin en croisant les bras, le nez en l'air.
Byakuya reposa sa plume et croisa les mains sous son menton, le regard méfiant. Il y a longtemps qu'il avait abandonné l'idée de se faire respecter par Isshin. Et par Ichigo aussi d'ailleurs.
- Pourquoi te soucies-tu à ce point du sort de notre future impératrice ?
Isshin expira, résigné.
- Tu n'es pas sans savoir qu'Ichigo passe un temps considérable dans ta bibliothèque, je suis presque sûr qu'il a trouvé ce qu'il cherche. Ce matin, je lui ai révélé une partie de l'histoire de son enfance et l'origine de ses fiançailles avec Orihime chan. Connaissant mon borné de fils, il voudra s'assurer lui-même de la véracité de mes paroles. Il est primordial qu'Orihime chan soit à ses côtés lorsqu'il découvrira la partie manquante de l'histoire. D'autant plus que...
Les yeux sur un point invisible, le ton de sa voix s'assombrit.
- Orihime chan n'a pas idée de ce qu'elle va elle-même découvrir, sa vie entière sera bouleversée. Qu'elle reste avec Ichigo est donc essentiel pour faire face à ce qui les attend.
Byakuya resta silencieux plusieurs secondes, le visage illisible.
- Très bien. Le bal aura bien lieu, je vais imposer le port d'un masque et même d'un costume, dit-il enfin.
- Oooh ! s'exclama le médecin en se redressant sur sa chaise. Un bal masqué ?
- Costumé, n'as-tu donc pas écouté ? le corrigea sèchement Byakuya. Cela n'empêchera pas la Princesse d'être reconnue par certains mais elle se fondra plus facilement dans la masse d'invités. Je m'arrangerai pour le reste.
Isshin réfléchit en se tapotant le menton.
- Faisons ça. Orihime chan est intelligente, elle saura répondre de manière convaincante aux plus curieux. Ichigo sera là si un crétin l'approche de trop près de toute façon.
- Tu te débrouilleras avec Ise Nanao pour les nouveaux costumes. Elle travaille sur les tenues de bal depuis des semaines et doit tout recommencer grâce à toi.
- Tu n'es pas courageux dans tous les domaines à ce que je vois, grogna Isshin.
Le courroux de Nanao pouvait être dévastateur, tout le monde le savait.
- Le bal peut encore se dérouler comme prévu initialement, lui proposa Byakuya qui avait serré les dents à l'insulte.
- Nan, c'est bon. Je vais gérer, tenta de se convaincre le père de famille en se grattant la barbe.
- Byakuya, je dois te parler, les interrompit une voix. Ah, tu n'es pas seul.
L'ombre de l'exaspération crispa furtivement les traits de Byakuya.
- Depuis quand entrer dans mon bureau sans permission est-il devenu une habitude ? s'agaça-t-il.
- Désolé, je croyais que tu avais fini de bosser, s'excusa Renji en venant à leur niveau. C'est important.
Isshin lui fourra un billet dans la main avec un clin d'œil.
- Qu'est-ce que ceci ? s'étonna le frère de Rukia.
- Rien, je viens simplement de perdre un pari, expliqua Isshin. Je le croyais incapable d'enfin te tutoyer et être aussi familier avec toi. Il vient de me prouver le contraire.
- Je vous l'avais bien dit, se moqua Renji en mettant l'argent dans sa poche.
- J'admets ma défaite, consentit le médecin en s'inclinant.
L'aura de Byakuya devint glaciale.
- Je constate que Renji continue de te vouvoyer, lança-t-il.
- Je suis docteur, ce qui impose une barrière naturelle entre mes patients et moi, rit Isshin, les bras derrière la tête. Et puis c'est pas avec ma sœur qu'il sort, vous appartenez presque à la même famille tous les deux.
Byakuya préféra s'abstenir de tout commentaire et rassembler ses papiers. Il se demandait encore pourquoi son père avait choisi un tel médecin qui n'hésitait pas à s'asseoir sur le respect.
- Bref, comme je le disais, j'ai une chose à te demander, reprit Renji.
- Je vais vous laisser, opta Isshin en prenant appui sur ses genoux avant de se relever.
- Non, restez, préféra Renji. Votre avis sera aussi bon à prendre.
Les deux autres hommes échangèrent un regard intrigué.
- Nous t'écoutons, prononcèrent-ils à l'unisson.
{…}
La lune dominait le ciel dépourvu de nuages. Orihime déambulait dans le manoir, elle venait de dîner avec Renji, Sado, Rukia et les Kurosaki presque au complet. « Presque » car un certain roux manquait à l'appel. Après avoir vérifié les endroits où il aurait pu s'isoler, elle en essaya un dernier dans lequel il aimait passer du temps : la bibliothèque. La beauté auburn se souvenait de son emplacement grâce à la visite guidée de Rukia. En poussant la lourde porte, Orihime se retrouva à nouveau fascinée par ce lieu du savoir où reposaient des centaines de livres sur d'innombrables étagères soigneusement époussetées. Le silence et les nombreuses lampes à huile rendaient l'endroit sacré. La princesse traversa les allées à l'affût du moindre bruit... qui ne tarda pas à se faire entendre : le son d'une chaise qui craque vers le centre de la salle. C'est là qu'elle le trouva assis devant un livre qu'il lisait attentivement.
- Ichigo kun ?
Il referma immédiatement le bouquin qu'il rangea sur une étagère à proximité.
- Qu'est-ce que tu fais là ? questionna le jeune homme.
A deux mètres d'elle, il était de toute évidence agacé. Inoue frissonna un peu, consciente de tomber à un mauvais moment.
- Pardon d'avoir interrompu ta lecture, ça avait l'air passionnant...
- Ce n'est pas ce que je t'ai demandé.
- Tu aimes lire en fait, j'en étais sûre.
- Orihime..., s'impatienta Ichigo.
- Je suis là parce que je ne t'ai pas beaucoup vu depuis... ce matin, hésita-t-elle en calant une longue mèche derrière son oreille. Tu n'es même pas venu manger ce soir.
- J'avais pas faim.
Orihime s'agrippa le coude et se mordit la lèvre inférieure.
- Tu es différent depuis l'échange que nous avons eu avec ton père, osa-t-elle finalement. Tu...
- Je vais bien, l'interrompit Ichigo en passant près d'elle pour partir.
- Non, tu ne vas pas bien.
Ichigo écarquilla les yeux. De profil à Orihime, il ne pouvait que constater qu'elle lui avait attrapé le poignet. Profitant du fait qu'il ne la repoussait pas, la belle se positionna devant lui, ses perles grises trahissant son immense inquiétude. La veille, Ichigo lui avait apporté le réconfort dont elle avait besoin. A son tour d'en faire autant. Sans libérer son bras, elle porta son autre main sur la joue d'Ichigo qui se raidit, pas certain de ce qui se passait exactement.
- Ce que ton père nous a révélé t'a bouleversé, je peux le comprendre.
- Non, tu ne peux pas, dit-il aussitôt en maintenant tant bien que mal leur connexion visuelle.
Ajoutée à leur contact physique, c'était beaucoup à gérer pour lui surtout dans son état. Orihime baissa la tête, inspira pour dénouer le nœud autour de son estomac puis le fixa à nouveau.
- Je suis désolée de ne pas t'avoir soutenu ce matin, vraiment, reprit-elle en sentant les larmes monter. J'étais égoïstement focalisée sur mes propres...
- Arrête, tu n'as pas à t'excuser pour ça.
- Si, au contraire.
Elle s'approcha un peu plus pour lire dans ses magnifiques yeux bruns. Le cœur du roux cogna furieusement contre ses côtes.
- J'ai raison, murmura Hime, les prunelles humides. Une multitude d'émotions difficiles à démêler, c'est cela que je distingue quand je te regarde.
- Orihime ne commence pas..., débuta-t-il pour qu'elle cesse d'essayer de le sonder.
- J'ai déjà éprouvé ça et je l'ai partagé avec toi, le coupa celle-ci. Si tu ne me dis pas ce que tu ressens, je ne peux pas t'aider.
- Je n'ai pas besoin d'aide, répliqua Ichigo en couvrant sa petite main sur sa joue.
- Alors pourquoi t'isoles-tu ? Pourquoi as-tu l'air si triste ? lança Orihime en augmentant sa prise sur son poignet comme par crainte qu'il s'enfonce dans son mal-être. J'ai l'impression que tu n'es plus vraiment là.
- C'est pour éviter que tu me vois comme ça que je suis venu ici, déclara Ichigo qui s'en voulait de ne pas s'être planqué dans un lieu moins évident.
- C'est donc moi que tu fuis ?
- Je n'ai pas dit ça.
- Non puisque tu ne me dis rien.
- Arrête. J'ai cerné ton côté empathique et je n'ai pas envie de ça, je veux rester seul. Tu comprends ? dit-il en pressant ses doigts qui commençaient à chauffer son visage.
- Non, je ne comprends pas, se vexa Orihime.
- Écoute, je n'ai pas envie de me disputer avec toi, ce n'est vraiment pas le moment. Il vaut mieux que tu...
- …partes ? Désolée, je ne peux pas. Tu combats déjà au quotidien pour protéger ta vie, je ne veux pas aussi te laisser combattre ce qui te ronge tout seul ! finit-elle.
Le roux tourna la tête sur le côté. Sa colère semblait avoir diminué mais Inoue percevait toujours une forme de souffrance émaner de lui. Elle avait parlé plus fort qu'elle ne l'aurait voulu et le regretta aussitôt. Son but était de venir en aide à Ichigo, non lui faire des remontrances. Pourquoi ? Pourquoi se sentait-elle si blessée quand il la repoussait ? C'était comme une blessure ouverte lancinante qui refusait de se refermer à chaque rejet d'Ichigo. Ça n'avait aucun sens.
Tout ce qu'Orihime savait, c'est que le voir souffrir lui comprimait horriblement le cœur. Car durant leur voyage, elle avait vite compris qu'Ichigo était un homme déterminé, fort, qui gardait ses sentiments pour lui. Or, devant elle, se tenait un homme tourmenté, prisonnier de lui-même. Une facette d'Ichigo qu'Orihime découvrait et acceptait mais qui contrastait avec l'homme de caractère qu'il était. Pour cette raison, elle devait le pousser à se décharger sur elle. Seulement pour cela, il fallait qu'Ichigo sache, comprenne, accepte qu'elle était là pour lui. Que ça marchait dans les deux sens...
Le cœur étrangement régulier, Orihime prit son courage à deux mains et entoura son cou pour le serrer dans ses bras. Ichigo se retrouva une nouvelle fois dépassé par cette étreinte. La tête sur l'épaule de la princesse, il resta immobile, pas certain de mériter un tel geste d'affection. Son corps lui apporta la réponse en relâchant la tension qui contractait ses muscles. Des contractures se firent sentir accompagnées d'une sorte de... bien-être. Oui, son corps lui faisait mal et en même temps, quelque chose d'agréable se diffusait dans sa poitrine. C'est cette sensation qu'il n'avait pas éprouvée depuis longtemps qui incita Ichigo à loger son visage dans le cou d'Orihime et l'enlacer à son tour. Son geste soulagea la jeune femme. Leur lien se solidifiait un peu plus.
- Je suis désolé, s'excusa-t-il. Je ne pensais pas que tu t'inquiéterais autant ni que tu serais à ce point sensible à mes changements d'humeur.
- Je te l'ai dit : c'est dans ma nature.
Ses cheveux orange chatouillaient sa joue. Hime émit un petit rire et glissa lentement sa main dans sa touffe aussi douce qu'elle le soupçonnait.
- Pourquoi ce qui peut m'arriver te touche autant ? prononça Ichigo tout en profitant de la danse de ses doigts qui ne détendaient. Tu n'es pas comme ça avec Renji. Je me trompe ?
Orihime décolla sa tête pour replonger dans ses orbes bruns intenses... et dévier ses iris sur ses lèvres. Elle s'empourpra et les remonta aussitôt. Elle ignorait si c'était un effet de son imagination mais Ichigo paraissait plus proche. Ou bien était-ce elle qui s'était rapprochée ?
- Je sais seulement que quand tu ne vas pas bien, moi non plus et que je veux tout faire pour que tu ailles mieux, confia-t-elle sincèrement. Pourquoi compares-tu sans cesse la relation que j'ai avec vous deux ?
- Je... Je ne sais pas, réalisa-t-il, troublé.
L'espace entre eux se réduisait. Son souffle mêlé au sien, le roux se laissa, comme Inoue, porter par l'alchimie du moment. Cependant, Ichigo avait conscience que l'emprise innocente qu'Orihime exerçait sur lui l'apaisait autant qu'elle le rendait vulnérable.
- J'aurais préféré voir n'importe quoi sauf ça, siffla une voix dégoûtée.
Les deux têtes flamboyantes se séparèrent dans la seconde.
- Ishida ! beugla Ichigo. Qu'est-ce que tu fous là, bordel !?
Mal à l'aise, Orihime n'osa pas regarder l'Ishida en question accompagné d'une femme.
- N'est-ce pas évident ? grogna Ishida. Je suis venu emprunter un livre.
Il s'agissait d'un jeune homme brun à lunettes, grand, mince et entièrement vêtu de blanc. Sa voix froide et ses yeux bleus vifs s'apparentaient à un caractère affirmé.
- Pile dans ce rayonnage ? s'énerva le roux encore chamboulé par son rapprochement imprévu avec Orihime.
- Est-ce de ma faute si vous confondez cet endroit avec une chambre ?
- Est-ce de ma faute si tes yeux sont trop délicats ?!
Ishida serra les dents et renonça à répondre, ne voyant pas l'intérêt de gaspiller sa salive dans cet échange stérile.
- Mais... Mais vous êtes..., bégaya-t-il en reconnaissant Orihime.
Il toussa dans son poing et courba l'échine.
- Votre Altesse, permettez-moi de me présenter, se ressaisit-il. Ishida Uryu, héritier de la noble famille Ishida et... cousin de cet imbécile, ajouta-t-il avec raideur.
- A choisir, j'aurais préféré avoir un lien de parenté avec un criquet ! le cassa Ichigo.
- En es-tu sûr ? Vous différencier pourrait s'avérer particulièrement ardu même pour un œil averti, se moqua Ishida en rajustant sa monture.
- Tu sous-entends quoi, enfoiré ?!
- J'ignorais que vous étiez en visite officielle, poursuivit Uryu en l'ignorant royalement.
- Je ne savais pas qu'Ichigo kun avait un cousin, s'étonna Inoue en regardant l'intéressé qui fixait ailleurs. Redressez-vous je vous prie, Ishida kun. Permettez-vous que je m'adresse à vous ainsi ? Ici, je suis simplement Inoue Orihime, enchantée de faire votre connaissance, lui sourit-elle.
- Mais une personne de votre rang...
- Vous pouvez m'appeler « Inoue ».
Les yeux ronds, Uryu lança un regard d'incompréhension totale à Ichigo qui haussa les épaules l'air de dire « Fais simplement ce qu'elle te dit sans poser de questions ».
- Bien, Inoue san, se plia Ishida à contrecœur.
- Orihime..., intervint la jeune femme à ses côtés, médusée.
L'interpellée l'observa avec étonnement. Cette femme qui tremblait de tout son corps avait l'air de la connaître.
- Excusez-moi, nous sommes-nous déjà rencontrées ? lui demanda-t-elle avec une petite moue perplexe.
- Par tous les kamis, c'est bien toi ! se réjouit la jeune femme en courant lui prendre les mains. Tu ne me reconnais vraiment pas ?
Orihime fouilla dans sa mémoire pour mettre un nom sur ce visage. L'exercice s'avéra difficile, son cerveau encore bloqué sur ce qui avait failli se passer avec Ichigo. La jeune femme devant elle possédait des cheveux noirs noués en queue de cheval basse, des yeux remplis de larmes, un visage familier... Non, c'était impossible !
- Tatsuki chan !
Elles se jetèrent dans les bras l'une de l'autre en pleurant. De leur côté, les deux hommes étaient franchement perdus devant ce qui ressemblait à des retrouvailles. Comment pouvaient-elles se connaître ?
- Je te croyais morte, évacua Inoue. Ma mère m'a dit qu'une maladie foudroyante t'avait emportée et que tes parents, dans leur chagrin, ont décidé de quitter le palais.
Arisawa Tatsuki était sa meilleure amie d'enfance. Son père occupait le poste de jardinier et sa mère de cuisinière en chef au palais impérial. Les deux petites filles qu'elles étaient se croisaient souvent et jouaient ensemble parfois en cachette, loin des yeux inquisiteurs de l'impératrice. Un jour, Miyako était venue voir sa fille âgée d'à peine dix ans en plein cours avec ses précepteurs, pour lui annoncer froidement que les Arisawa avaient choisi de partir suite à la mort brutale de Tatsuki. Orihime s'était effondrée et avait trouvé du réconfort auprès de son père lui-même attristé par cette terrible nouvelle.
- Comme tu peux le voir, je suis bel et bien vivante.
Tatsuki recula en conservant ses mains sur les épaules d'Orihime pour la détailler.
- Tu es devenue un sacré canon ! constata-t-elle en provoquant une éruption dans les joues de la belle.
- Euh... Merci...
- Ta mère ne voyait pas notre amitié d'un bon œil, reprit Arisawa avec une certaine rancœur. Elle a renvoyé mes parents en prétendant que je lui avais volé un objet précieux. Je n'avais évidemment rien fait, mes parents en étaient d'ailleurs persuadés.
Elle pinça les lèvres pour retenir les mots impolis qui menaçaient de les franchir.
- Quiconque vole la famille impériale est puni d'amputation des deux mains, tout le monde sait ça. Ce sort injuste m'attendait, nous n'avons donc eu d'autre choix que de partir.
Encore une révélation qui assomma Orihime.
- Mais on ne va pas se lamenter sur le passé, nous avons tant de temps à rattraper ! Viens !
Sans lui laisser le temps de réagir, son bras sous le sien, Tatsuki entraîna Orihime hors de la salle. Ichigo et Uryu clignèrent des yeux. Toutes deux venaient de partir comme s'ils n'existaient pas.
- Que vient-il de se passer ?
- Je n'en ai aucune idée, répondit Ichigo. J'ignorais qu'elles se connaissaient.
- Ce à quoi j'ai assisté tout à l'heure laissait croire que toi et notre future impératrice étiez relativement proches pourtant. De toute façon, ce genre de détail subtil échappe à ta capacité intellectuelle, marmonna Ishida en remontant ses lunettes.
- Va te faire foutre.
Uryu secoua la tête. La réaction de son impulsif de cousin confirmait l'insulte qu'il venait de proférer.
- Bonne nuit, Kurosaki, abrégea-t-il en se détournant.
- Attends. J'ai besoin de ton aide.
A son changement de ton, Uryu comprit l'importance de la demande. Intrigué car cela ne lui ressemblait guère, il lui accorda toute son attention.
- C'est à quel sujet ?
Ichigo délogea de son étagère le livre qu'il avait rangé à l'arrivée d'Orihime et le reposa sur la table.
- Ce bouquin, l'éclaira-t-il, l'air grave.
{…}
- J'y crois pas, le jour se lève !
- On avait beaucoup à se raconter après tant d'années sans se voir.
- Oui, et ce n'est pas fini, Orihime.
Les deux meilleures amies bavardaient dans le parc privé entourant le Manoir Kuchiki. Dès le moment où elles avaient quitté la bibliothèque, elles s'étaient lancées dans de longues conversations centrées sur l'adolescence qu'elles avaient traversée loin l'une de l'autre. Et ce, jusqu'à maintenant.
Orihime apprit énormément de choses sur la famille et la vie sentimentale de sa meilleure amie. Chassés des terres impériales, les Arisawa trouvèrent refuge dans une ville située à quelques jours d'ici où ils eurent la chance de retrouver un emploi. Tatsuki s'y était fait quelques amis mais aucun ne combla le vide né le jour où l'impératrice brisa son amitié avec Orihime.
Dès l'âge de douze ans, la jolie brune travailla avec sa mère jusqu'au jour où elle s'en alla pour enfin trouver le métier auquel elle se destinait. Après avoir traversé le Japon, sa quête de soi avait mené Tatsuki dans le Rukongai où elle y rencontra Uryu qui ambitionnait de devenir médecin, comme ses ascendants avant lui. Le temps d'être diplômé, Uryu mettait ses connaissances en pratique et se rendait régulièrement dans le Rukongai pour apporter son aide aux plus démunis. Il s'attirait autant de bienveillance que d'hostilité. Un jour, il fut pris à partie par un groupe d'habitants prêts à en découdre. Tatsuki, pas loin, s'était joint à la bagarre pour le défendre et Uryu de nature très fière lui en avait voulu. Décidée à lui tenir tête pour lui faire entendre à quel point il n'était qu'un baka, Tatsuki l'avait accompagné dans sa tournée des malades et ils ne s'étaient plus quittés. Aux yeux de beaucoup, ils formaient un couple aussi improbable que solide.
La famille d'Uryu appartenait à l'un des treize clans nobles du Seireitei et il était donc le cousin d'Ichigo, Karin et Yuzu. Toutefois, les Ishida et les Kurosaki ne formaient pas une grande famille soudée, loin de là... Quoi qu'il en soit, vint inévitablement le moment où Tatsuki fit leur connaissance et celle des Kuchiki. Si l'accueil se passa bien de ce côté, il n'en fut pas de même avec la famille d'Uryu. Tatsuki avait dû s'accrocher pour être acceptée par Ishida Ryuken, le père d'Uryu, qui espérait « mieux » pour son fils unique.
Aujourd'hui, ça allait mieux en ce sens car Tatsuki refusa de se laisser intimider et prouva qu'en dépit de ses origines modestes et son fort caractère, elle demeurait une jeune femme tout à fait convenable. De plus, elle avait enfin trouvé sa voie : venir en aide aux femmes. Ce projet mûrement réfléchi trouvait son origine dans sa passion pour les arts martiaux enseignés par un mentor hors-pair. En effet, Tatsuki fut de nombreuses fois témoin de la misère et des violences que certaines côtoyaient au quotidien. Le but de Tatsuki était d'acheter une bâtisse abandonnée dans le Seireitei pour y accueillir ces femmes et leurs enfants. Leur offrir un endroit temporaire où manger et dormir mais également, pour celles qui le souhaitent, apprendre à se défendre. Hélas, il lui fallait encore réunir des fonds. Orihime lui promit de la soutenir financièrement en ignorant ses protestations.
En conclusion, Tatsuki avait su tracer son propre chemin. Si elle souffrait encore de l'absence d'Orihime, elle était bien décidée à ne plus laisser quiconque interférer une nouvelle fois dans leur amitié.
Orihime était très reconnaissante que sa meilleure amie ait eu la chance d'avancer dans sa vie, qu'elle soit heureuse en tant que femme indépendante et amoureuse puisqu'elle était fiancée à Uryu. Néanmoins, Inoue restait persuadée qu'elle ne serait plus en mesure d'encaisser une autre révélation sur sa mère sans que sa jauge émotionnelle n'explose. L'impératrice avait été si loin, brisé tant de vies qu'Orihime s'en voulait de ne pas s'être imposée davantage. Le sentiment de honte l'enveloppait pour s'être ainsi laissée rabaisser quand d'autres s'étaient fait chasser, humilier ou pire encore par sa mère. Pour cette raison, la princesse passa sous silence le mariage auquel l'impératrice la condamnait, l'existence de son frère et étouffa soigneusement le fait que Miyako avait essayé de les tuer tous les deux pour continuer à diriger le pays.
Seul Ichigo connaissait toute la vérité et Renji une partie. Comme à Rukia et les autres, la belle affirma à sa meilleure amie que sa présence ici se résumait à l'envie de découvrir le pays qu'elle était destinée à gouverner et qu'elle avait fait la connaissance d'Ichigo accompagné de Renji par hasard dans une auberge. Ce dernier point n'était pas faux au moins.
- Nous n'en avons pas parlé mais des rumeurs circulent sur la santé de l'empereur, reprit Tatsuki en se mettant debout pour soulager ses membres engourdis. Qu'en est-il vraiment ?
Orihime attrapa sa main tendue et se releva également. Les premiers rayons du soleil réchauffaient son corps.
- La maladie l'affaibli jour après jour, dit-elle, la gorge nouée. Mais il ne se laisse pas abattre, il refuse de rester couché et tient à faire le maximum de choses.
- Il ne pourra plus tenir ce rythme très longtemps, c'est pourquoi tu dois le remplacer plus tôt que prévu, compatit Tatsuki. Je suis désolée, j'ai toujours beaucoup apprécié ton père qui est un homme bon et juste. Si tu as besoin de parler, je suis là.
- Je te remercie, sourit la beauté auburn.
Elle profitèrent un instant du calme environnant, le visage levé vers le ciel de plus en plus bleu.
- Il y a un autre sujet auquel tu ne vas pas échapper, lança soudain Tatsuki avec un air narquois.
- Umm ? ne saisit pas Orihime la tête tournée vers elle.
- Tu sais très bien ce que je veux dire. Ton presque baiser avec Ichigo, la taquina la brune en agitant les sourcils de haut en bas.
- O-Oh ! On n'allait pas... s'emb... s'embrasser ! balbutia Inoue en regardant sur le côté.
- Non, bien sûr. Tu voulais simplement compter ses cils. Je connais Ichigo depuis un moment maintenant, je ne l'ai jamais vu avec une fille, fit-elle en réfléchissant. C'est le genre de chose qui lui passe au-dessus et très haut. Tu vois le genre ? Alors quand je vous ai vus... Orihime ?
Celle-ci, la tête baissée, ne dit rien. Il y a encore quelques jours, quand elle était au palais, aborder un tel sujet l'aurait gênée jusqu'à trouver le moyen de parler d'autre chose. Malgré ses joues roses, ce n'est pas le malaise qui dominait en elle mais la tristesse. En d'autres circonstances, Orihime aurait gardé ça pour elle sauf que la rafale d'émotions traversée récemment avait laissé des traces. De ce fait, la princesse ne se sentait pas la force d'en décortiquer d'autres. Qui mieux que Tatsuki pour se confier comme lorsqu'elles étaient enfants ?
- J'ai rencontré Ichigo kun et Renji kun dans des circonstances particulières, commença-t-elle en relevant le menton. Sans eux, je n'aurais même pas commencé mon voyage, ils m'ont sauvée plus d'une fois. Avec Renji kun, nous nous sommes vite bien entendus, il a pris ma défense à plusieurs reprises, il me considère comme son amie et c'est réciproque. Avec Ichigo kun, c'est différent.
Elle soupira. Tatsuki perçut dans cette réaction toute l'étendue de son mal-être. Les bras dans le dos, Orihime s'appuya contre un tronc d'arbre, ses prunelles dans le vague, la faible brise matinale jouant avec des mèches auburn.
- Quand j'ai commencé à discuter avec Ichigo kun chez Ukitake san, je l'ai trouvé arrogant, borné et grossier, s'amusa-t-elle. Il se moquait de ma capacité à me défendre et survivre seule. Le début sanglant de notre voyage lui donna raison... J'ai vite compris cependant que l'image qu'il renvoyait n'était qu'une façade alors j'ai voulu apprendre à le connaître au risque d'aller trop loin. Ichigo kun m'en a voulu, m'a quasiment m'ignorée après notre halte chez Hirako kun, ça m'a fait beaucoup de peine, confessa-t-elle en reniflant. Chez Rangiku san, sa réaction m'a blessée même si je la comprenais. Heureusement, nous avons fini par nous réconcilier, tisser un lien.
Elle appuya l'arrière de sa tête sur l'arbre et s'entoura de ses bras. Des larmes jaillirent de ses yeux incapables de faire rempart plus longtemps.
- Il ne va pas bien. J'aimerais être là pour lui comme il l'a été pour moi. Tu nous as vus proches mais ce n'était pas le cas peu de temps auparavant. Au contraire, Ichigo me repousse à chacune de mes tentatives pour lui venir en aide. Ça me fait mal et je ne sais pas pourquoi.
Tatsuki s'approcha. Un sourire rempli de compassion aux lèvres, elle essuya avec ses pouces les traînées salées qui coulaient librement sur le visage de sa meilleure amie.
- Ce que tu ressens porte un nom et un seul : l'amour.
Orihime la regarda comme si elle appartenait à une autre espèce.
- Moi, amoureuse d'Ichigo kun ? répéta-t-elle, hébétée. Non, je ne le connais que depuis quelques jours.
- Il n'y a pas de période d'essai, tu sais, se moqua gentiment Tatsuki. Certains tombent amoureux en un regard, d'autres ouvrent les yeux des années plus tard.
- Peut-être mais ça ne change rien, s'entêta Orihime troublée et consciente qu'elle n'y connaissait rien du tout. Je veux aider Ichigo kun parce que je me fais du souci pour lui...
- ...au point que ça te serre le cœur. Tu frissonnes et rougis dès qu'il te touche ou s'adresse à toi différemment, il te manque quand il part, tu le cherches lorsqu'il n'est pas là. Dès qu'il ne va pas bien, toi non plus et ne rien pouvoir y faire te fait souffrir davantage... Je suis passée par là et crois-moi, c'est bien de l'amour, Orihime.
Cette dernière resta sans voix. Ce sentiment lui était totalement étranger, jamais elle n'avait eu l'occasion de passer autant de temps avec un homme, de tisser un lien la poussant à s'ouvrir à lui, à partager son enfance, ses attentes, ses angoisses. Et surtout, c'était la première fois qu'elle s'attachait aussi vite à un homme. Comme si Ichigo était différent des autres, qu'il possédait quelque chose qui l'attirait et lui donnait envie de marcher à ses côtés, être là pour le soutenir, l'écouter, le protéger… l'aimer.
- Je suis amoureuse de lui, réalisa Orihime, un peu sonnée.
- Ça en a tout l'air.
- Est-ce que l'amour est toujours aussi compliqué ?
Tatsuki rit de bon cœur.
- Plus encore mais ça vaut la peine de le vivre !
- Qu'est-ce que je dois faire ?
- Te déclarer à Ichigo me semble l'option la plus logique.
- Ah non, je ne peux pas ! refusa catégoriquement Inoue. En plus d'ignorer sa réaction, c'est nouveau pour moi, je ne me sens pas prête et...
- D'accord, d'accord, calme-toi ! l'apaisa Tatsuki en pressant ses bras. Dans ce cas prends le temps dont tu as besoin. De toute manière, Ichigo doit avoir autre chose en tête alors attendre le bon moment est aussi bien.
- En attendant, je fais quoi ?
- Sois présente pour lui, incite-le à se confier à toi.
- J'ai essayé plus d'une fois, se désola la princesse.
- Alors essaye encore ! la boosta Tatsuki. Ichigo est une vraie tête de mule mais je suis certaine que tu es capable de l'être toi aussi. Ne lui laisse pas le choix quitte à lui rentrer dedans ! l'encouragea-t-elle en tapant le poing dans sa paume.
Orihime se jeta dans ses bras et sourit sur son épaule.
- Merci, Tatsuki chan.
- Les meilleures amies, c'est fait pour ça, pas vrai ?
- Um ~ ! approuva-t-elle en la libérant. Dis-moi...
- Oui ?
- Sais-tu où est la maman d'Ichigo kun ? Je ne l'ai pas vue depuis mon arrivée.
Ichigo ne lui avait pas laissé le temps de poser la question après le récit d'Isshin et elle avait oublié de demander à ses sœurs.
- Elle est morte il y a des années, lui annonça tristement Tatsuki. Je te déconseille vivement d'en parler avec Ichigo, c'est un sujet sensible chez lui.
Orihime sentit ses poumons se vider. Serait-ce pour cette raison qu'il... ?
- Inoue !
Rukia marchait à vive allure dans leur direction et se planta devant elles, les mains sur la taille.
- Je te cherche partout depuis tout à l'heure, tu n'es pas venue te coucher hier soir ! lança-t-elle, agacée. Est-ce là une manière de se comporter ? Je me suis inquiétée !
- Je suis désolée, s'excusa Orihime qui l'avait oubliée.
Elle dut se forcer à rester focalisée sur le moment présent et mettre de côté ce qu'elle venait d'apprendre.
- J'ai retrouvé Tatsuki chan et nous n'avons pas vu le temps passer.
Rukia se tourna vers l'autre jeune femme.
- Bonjour, Arisawa, sourit-elle.
- Salut, Kuchiki, répondit-elle, une main levée. Tu es bien matinale.
- Oui, Renji s'est pris les pieds dans le tapis devant ma chambre. Il m'a réveillée en criant comme une bête sauvage, j'ai cru que le plancher allait céder sous sa chute ridicule, dit-elle en croisant les bras, une veine sur la tempe. Impossible de dormir paisiblement même sans lui. C'est le premier bal que mon frère organise depuis des années, je ne veux pas le décevoir. Tout le monde donne de son temps pour finaliser les préparatifs alors j'espère que tout va bien se passer, confia-t-elle en jetant un œil au manoir en pleine effervescence.
- Mais oui, il n'y a pas de raison !
- Je suis sûre que ta journée sera parfaite, ajouta Orihime.
- Espérons.
Rukia fronça les sourcils.
- Les Ishida sont invités alors je me doute que tu accompagnes ton fiancé Arisawa mais... comment peux-tu connaître Inoue ? Vous aviez l'air proches quand je suis arrivée.
Les deux meilleures amies échangèrent un regard complice.
- C'est une longue histoire que je vais te résumer autour d'un solide petit dej' avant d'aller me coucher, bâilla Tatsuki. Je suis crevée moi. Tu te joins à nous, Orihime ?
L'estomac de la concernée gronda sans discrétion.
- Je prends ça pour un « oui », s'amusa Tatsuki. En route !
Un bras autour des épaules d'Orihime, elle l'emmena avec elle vers le manoir. Rukia resta sur place, stupéfaite.
- Aurais-je manqué quelque chose ? s'interrogea-t-elle, une main sur le menton.
- Dépêche-toi, Kuchiki san ~ ! Et joyeux anniversaire ~ !
- Oh, merci !... Attendez-moi ! se réveilla-t-elle enfin en courant pour les rattraper.
{…}
Allongé dans l'herbe, un long brin entre les dents, un bras sous la tête, Ichigo regardait les nuages cotonneux se déplacer paresseusement dans le ciel qui s'assombrissait à mesure que le soleil déclinait. Ça lui faisait presque saigner la langue de l'admettre mais Uryu lui avait été d'une aide précieuse. Grâce à lui, il pouvait suivre le plan qu'il avait prévu.
- Ichigo kun.
Il ferma brièvement les paupières. Par tous les kamis...
- Je croyais que tu étais avec les filles qui se préparent pour l'anniversaire de Rukia, déclara-t-il en reprenant sa contemplation des nuages.
- Le bal est reporté, lui annonça-t-elle. Le frère de Kuchiki san préfère organiser un bal costumé.
- Un bal costumé ? C'est Nanao qui doit être contente après le temps qu'elle a passé sur les tenues de bal...
- Elle est dans tous ses états, beaucoup ont préféré fuir le manoir dont moi. Ise san est une peu effrayante, héhé...
- A qui le dis-tu, soupira-t-il, des souvenirs précis en mémoire.
- Ichigo kun, reprit-elle sérieusement.
- Si c'est encore pour me dire qu'il y a un truc qui ne va pas chez moi, laisse tomber, la prévint-il en se mettant debout.
Dos à Orihime, les mains au fond de ses poches de pantalon, Ichigo conserva son attention sur l'horizon. Orihime s'attendait à cette réaction et refusa de « laisser tomber ». Ses petits poings serrés près de ses hanches, elle fixa sa crinière rousse en épis embêtée par le vent.
- J'ai cru que tu te serais confié à moi sans l'interruption de ton cousin.
- Ça en avait l'air mais non, je n'aurais pas fait ça, dit-il sèchement. Je suis revenu sur terre après notre... rapprochement.
- Je vois, encaissa difficilement la belle. Tu me repousses une fois de plus.
Il ne dit rien. Elle poursuivit.
- Je t'ai dit chez Rangiku san que nous apprenons encore à nous connaître toi et moi, lança-t-elle. Voilà ce que je pense : tu renvoies l'image d'un homme fort, courageux, impulsif, déterminé qui ne craint rien ni personne et mène sa vie comme il l'entend. Moi, à travers cela, continua-t-elle en reniflant, j'aperçois une douceur, une forme de vulnérabilité, un puissant instinct de protection et tu te soucies du bien-être de ton entourage.
Blessée par le silence dans lequel il se murait, Orihime se força malgré tout à poursuivre.
- Tu l'as prouvé en m'écoutant, en m'apportant du réconfort quand j'étais au plus mal. Tu as même été jusqu'à m'aider à trouver des réponses auprès d'Ideka san... En plus de vouloir te rendre la pareille, sache que comme toi me rendre utile, être présente autant que je le peux fait partie de mon tempérament. En particulier pour les personnes... auxquelles je tiens le plus, termina-t-elle à mi-voix, le cœur tambourinant.
Elle nota une légère crispation du corps d'Ichigo qui ne prononça toujours pas un mot, n'esquissa pas un geste résolument tourné vers l'horizon. La frustration et les prémices de la colère montèrent en Orihime. Pourquoi lui faisait-il subir ça au lieu de se montrer honnête ? Pourquoi préférait-il la repousser plutôt que de parler ? Ne voyait-il donc pas qu'elle ne cherchait qu'à apaiser les choses ?! Le fait qu'ils aient failli s'embrasser ne changeait-il donc rien ? Sa cascade de cheveux semblable à un voile de feu sous le soleil couchant, son visage exprimant clairement les sentiments qui l'habitaient, Orihime tenta une dernière approche conseillée par Tatsuki.
- Tu m'as reproché de tutoyer Renji kun avant toi, évacua-t-elle en surveillant sa réaction. T'es-tu seulement demandé pourquoi ? Je vais te le dire.
La tentation était grande de faire les cinq ou six pas qui les séparaient, mais elle craignait qu'Ichigo s'en aille, poussé par son impatience et son impulsivité. Inoue resta donc solidement plantée sur ses pieds. Au moins, il l'écoutait.
- Lui s'est intéressé à ce qu'il y a sous l'image de la future impératrice et j'ai fait de même le concernant. Renji kun m'a permis de découvrir l'homme qu'il est, si bien que nous avons rapidement construit une amitié qui, je n'en doute pas, deviendra solide. Toi, c'est différent.
Sa poitrine se comprima.
- Tu es d'humeur changeante, tu dresses un mur entre toi et moi mais tu n'hésites pas à insister pour que je t'avoue mes peurs. Et lorsque je fais un pas vers toi à mon tour, tu t'éloignes comme par crainte de dévoiler tes faiblesses ou tes secrets ! craqua-t-elle. Mais ça ne marche pas comme ça, Ichigo kun ! Tu ne peux pas te comporter ainsi et espérer que je l'accepte sans réagir.
Elle sécha ses larmes traîtresses et inspira pour se reprendre, le dos droit.
- Je maintiens que ton attitude a radicalement changé après le récit de ton père hier. J'aurais quand même préféré que tu me reproches ouvertement les épreuves que ma mère a injustement fait endurer à ta famille au lieu de prétendre que « tout va bien », finit-elle, déçue.
Elle tourna les talons en étant au moins fière d'avoir osé exprimer ce qu'elle ressentait. Cette victoire fut rapidement ternie par un puissant sentiment d'injustice. Même à distance, sa mère continuait de faire de sa vie un enfer de par le lien néfaste que l'impératrice avait tissé avec les personnes qu'Orihime croisait. D'abord Rangiku, puis Sawako, Isshin, Tatsuki et maintenant Ichigo ! Orihime avait lourdement payé et payait encore les conséquences des actes de sa mère. C'était absolument injuste ! La tête remplie de souvenirs déprimants, la beauté auburn rentrait au manoir lorsqu'une main chaude et familière attrapa la sienne. Arrachée subitement de ses pensées énergivores, elle s'immobilisa et retint sa respiration.
- Attends. Ne pars pas comme ça, quémanda la voix d'Ichigo derrière elle.
Le cœur de la princesse pulsa, tiraillé entre l'écouter en espérant qu'il se confie ou le fuir parce qu'il avait déjà gaspillé plusieurs occasions.
- T'es pas du genre à lâcher l'affaire facilement, hein ? dit-il pour la faire réagir.
- Pour te dire la vérité, ce n'était pas le cas quand j'étais au palais. J'ai plus confiance en moi loin de ma mère et au contact de Tatsuki chan.
- Rukia m'a raconté l'histoire de votre amitié, elle n'est pas banale. En tout cas, tu as bien puisé dans ta confiance en toi pour me parler comme tu l'as fait.
Orihime le sentit se rapprocher, son torse proche de son dos. Cette fois, son cœur se mit à battre furieusement.
- Eh bien... euh... tu ne m'as pas laissé le choix.
- Je ne te le reproche pas, Orihime. Pas plus que ta voix un peu sèche, là.
Inoue ferma les yeux. Cette attitude froide et distante ne lui ressemblait pas du tout, il avait raison. Elle ne voulait pas ressembler à sa mère y compris sur ce point.
- Quand il s'agit de toi... Cette situation tendue entre nous fait naître chez moi des choses que j'ai du mal à gérer, se justifia-t-elle, chamboulée.
Une légère brise fraîche balaya la zone magnifique en emportant des feuilles qui tourbillonnèrent autour d'eux. Ichigo se pencha, sa bouche près de l'oreille d'Orihime qui frissonna.
- Retourne-toi, souffla-t-il en libérant sa main.
Orihime, décidée finalement à lui laisser une autre chance, s'exécuta et ne put retenir l'afflux rapide de sang vers ses joues. Les ultimes rayons du soleil frappaient Ichigo de plein fouet, donnant à ses yeux une intense couleur ambre. Maintenant qu'elle comprenait la nature de ses sentiments à son égard, elle le trouva particulièrement beau sous cet angle offert par la nature. Elle ne devait pourtant rien laisser paraître.
- Tu n'es vraiment pas du genre à te confier, n'est-ce pas ? le questionna-t-elle pour briser le silence.
- Non, je ne le suis pas, confirma-t-il fermement. Mais tu as marqué un point, plusieurs en fait..., admit le roux en se frottant la nuque. Je t'ai poussée à me parler de ton frère alors la moindre des choses est d'en faire autant surtout quand ton imagination te joue des tours.
Orihime fronça les sourcils dans une moue perplexe amusante.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
Ichigo esquissa un petit sourire malgré lui. Elle possédait indéniablement le don de faire sourire les gens sans effort. Il ne faisait pas partie de ces personnes en raison de son caractère, pourtant elle avait aussi de l'effet sur lui, putain !
- Ce n'est pas parce que je t'en veux que j'ai réagi comme ça avec toi, affirma-t-il. Ce que mon père nous a raconté ne m'a pas laissé insensible, mais je suis suffisamment mature pour ne pas faire payer une fille pour les conneries de sa mère.
Entendre cela soulagea un peu Inoue.
- Tu es distant avec moi pourtant.
- C'est vrai.
- Pour quelle raison si ce n'est pas à cause de l'odieux comportement de ma mère ? insista-t-elle pour éclaircir ce mystère.
Ichigo cilla, la mâchoire contractée. La beauté auburn eut la confirmation que ce n'était pas anodin. La nuit tombait, la lumière quasi inexistante en raison de la portée limitée des torches extérieures du manoir au sommet de la colline. C'est sans doute cette atmosphère qui insuffla du courage à Orihime. Cet environnement était comme un cocon à l'abri des regards. Après une brève hésitation, elle s'avança d'un pas et plaça doucement ses paumes sur les joues d'Ichigo qui orienta aussitôt ses orbes tourmentés vers elle. Pour lui faire oublier ce qui les entourait et le pousser à se livrer sans crainte, Orihime l'attira vers elle. Bientôt, les grandes mains d'Ichigo se positionnèrent sur sa taille.
- Tu pourrais ne pas apprécier ce que tu vas entendre, anticipa-t-il dans un murmure.
- Tu peux me faire confiance, je ne te jugerai pas.
- Ne t'avance pas trop, tu n'en sais rien.
- Ce qui compte, c'est de te libérer de ce poids. Je t'écoute, dis-moi ce qui te ronge, chuchota Orihime, son front contre le sien.
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Bonjour/ Bonsoir ! Pfiouuu ! J'ose espérer que vous avez encore vos yeux et que votre cerveau n'a pas trop de nœuds. Ce chapitre, concentré d'émotions et de révélations, m'a donné du fil à retordre, punaise. J'ai longtemps hésité à le poster en deux parties, j'y ai finalement renoncé. Il s'y passe pas mal de choses que j'ai aimé écrire même si certains passages m'ont pris la tête. J'espère que vous avez apprécié la lecture en tout cas.
Un grand merci à celles et ceux qui me suivent et pour les reviews sur le chapitre précédent qui, vous vous en doutez, m'ont fait plaisir. Ce chapitre 5 marque le milieu de la fanfiction, j'ai commencé le suivant mais je vais souffler avant de m'y replonger. Je vous fais plein de bisoux masqués et comme toujours, prenez soin de vous ~
