Note de la traductrice : Salut à tous ^^ Et oui, je suis encore décalée cette semaine mais je suis en vacances alors je m'accorde un peu de temps libre :)
On se rapproche de la fin et j'espère que cette histoire alimente toujours autant votre imaginaire ^^
Merci à ceux et celles qui me lisent et à ceux qui me laissent un petit message au passage !
Zazam pour sa fidélité et ses mots d'encouragement
Fanny pour sa longue review. Je suis comme toi concernant la dynamique des perso, c'est pour cela que j'ai voulu traduire cette fic. Je comprends tes réticences et j'espère que tu y trouveras tout de même ton compte ^^
Bonne lecture à tous !
Tout ce que nous sommes
Sam pousse une boite contre l'alcôve de l'Orphée sans chercher à savoir ce qu'elle contient.
Un certain nombre d'étapes lui reviennent en mémoire, lui permettant de juger de l'état de dégradation que provoquent indubitablement les connaissances des Anciens dans l'esprit de Jack. Il a déjà glissé une ou deux fois des mots étrangers à son vocabulaire, mais jusqu'ici, cela n'était seulement arrivé que lorsqu'il avait été distrait ou qu'il était fatigué.
Trois ou quatre jours de plus, calcule-t-elle.
Ensuite, il rentrerait dans sa phase de construction aléatoire. Il avait commencé à amonceler dans des boites un tas d'objets complexes, marmonnant qu'ils seraient importants. Elle n'avait pas pris la peine de demander pourquoi, ne voulant pas voir le tic de frustration de ses mains quand il essayait désespérément de se raccrocher à quelque chose de concret. Elle s'était dit que de toute façon, il serait incapable d'expliquer dans quel but il faisait toutes ces choses.
Quelque chose s'était passé dans l'observatoire, transformant son apathie en un besoin perpétuel de mouvement. Au final, elle ne sait pas bien ce qui est pire. Il ne disparaissait peut-être plus, il brûlait seulement plus vite.
Dans un soupir, Sam soulève une des boites pour l'insérer parmi la déjà très imposante collection en place, essayant de concentrer son esprit sur sa tentative de tétris plutôt que sur l'esprit de Jack qui se dégrade. Il a suffisamment emporté avec eux d'artefacts pour pousser son vaisseau dans ses retranchements, même en employant les parties de l'engin qu'elle devine et qui sont dissimulés pour les transports de contrebande.
Elle déplace un caisson, essayant de grignoter un peu de place, lorsqu'elle repousse le couvercle d'une boite solitaire, étrangement isolée des autres. Un éclair de couleur attire son attention, et en y jetant un œil, elle essaie de comprendre ce qu'elle y voit, sans grand succès. A l'intérieur se trouvent des couches de tissus et des denrées alimentaires qu'elle finit par reconnaitre, faisant le lien entre elles et ce que son père lui avait rapporté au fil des années.
Que faisaient ces choses sur le vaisseau de Jack ?
Fouillant à l'intérieur, elle en sort un bocal de confiture, avec une étiquette soigneusement manuscrite collée dessus.
Sa préférée.
La présence de la couverture en patchwork sur sa couchette l'avait déjà intriguée. Sûrement quelque chose que son père lui avait fourni c'était-elle dit. Mais à la lumière de ce qu'elle avait découvert dans cette boite, elle réalise soudain qu'il s'agit de plus que ça.
Elle remet précautionneusement le couvercle en place.
« Jack ? » L'interpelle Sam, déambulant dans la pièce la plus éloignée de l'enceinte. « J'ai récupéré tout ce qu'il y a d'inscrit sur votre liste. »
Il l'ignore, continuant à préparer son sac. Durant un court moment de panique, elle se demande si cela a déjà commencé, si son esprit est déjà entrain de s'éloigner. Elle se rapproche. « Jack ? »
« Depuis quand suis-je devenu Jack ? »
Son cœur manque un battement et elle ne sait plus si c'est parce qu'elle est soulagée de l'entendre lui répondre intelligiblement ou à cause de la terreur que provoquent ses mots. « Quoi ? »
Pendant un moment, elle se dit – elle prie – pour qu'il passe outre cette question en haussant les épaules mais il finit par se tourner, la fixant. « Depuis quand m'appelez-vous Jack ? »
Il garde son regard planté dans le sien, et elle sait qu'il devrait se retourner, qu'ils ne devraient pas avoir cette discussion, mais une bombe à retardement s'est installée dans sa tête et ses pieds restent plantés au sol. Elle voudrait le haïr en cet instant, parce qu'il est entrain de mourir et qu'il semble penser que cela lui donne le droit de poser ces questions, de détruire cette protection avant de partir.
Il n'en a pas le droit.
Mais ensuite, elle pense à toutes ces années qu'il a passé à prendre soin d'elle à distance, ce que cela a dû lui coûter.
Nous y voilà. Et elle ne peut plus reculer.
« Le jour où… » Elle s'interrompt, tressaillant alors que sa voix se brise face aux mots.
« Ok » dit-il d'une voix monocorde et finit par se reconcentrer sur le panneau devant lui. « Bien sûr. »
Elle sait ce qu'il est entrain de penser, mais il a tort.
Elle se débat avec l'idée de le laisser croire qu'il s'agit du jour où Anhur a changé de tactique. La première fois, cette première fois dont ils ne veulent pas se remémorer. Mais pour elle, de tous les traumatismes, c'est celui sur lequel son esprit refuse de s'attarder, peu importe à quel point elle essaie. Elle était déjà si loin à cette époque, son âme emportée par le sarcophage.
Elle se demande si la vérité n'est pas pire.
« Non » finit-elle par prononcer. « C'était avant cela ».
Il était devenu Jack le jour où elle avait arrêté de penser à lui comme le Colonel. Le jour où elle avait arrêté de suivre ses ordres, prononcés ou sous-entendus. Le jour où elle avait brisé le lien.
Elle déglutit difficilement, souhaitant que la soudaine pression de ses larmes s'évapore, afin de garder à bonne distance ses souvenirs. Rien de tout cela n'a fonctionné ces dernières semaines, au point où elle voudrait presque retrouver le silence, si cela ne signifiait pas une telle capitulation.
« Le couteau » Se force-t-elle, pouvant presque encore sentir l'écho de ses os qui se brisent, la viscosité du sang sur sa peau.
Elle aurait dû le tuer. Il le voulait. Elle le savait, en dépit de son incapacité à le formuler. Elle savait.
Lui l'avait fait pour elle, la tuant plutôt que de la laisser vivre captive d'une entité. Mais elle, n'avait pas réussi. Elle se dit que s'il n'avait été que son commandant, s'il n'avait représenté rien d'autre que le Colonel O'Neill…Elle aurait pu le faire. Mais Jack…Pas Jack. Et c'est ça qui était impardonnable.
Il garde son dos tourné vers elle, raide comme un piquet, les doigts figés, en suspension au-dessus de son sac. « Ok » se contente-t-il de répondre.
Elle ne sait pas trop ce que cela signifie.
Ouvrant une petite trappe devant lui, il en sort un grand cylindre orange qui ressemble à un vitrail. Il allume sa lampe de poche et Sam lui emboîte le pas. Il libère le cylindre d'un mouvement rapide en lui imposant une légère pression, le composé tremble alors dans l'obscurité autour d'eux.
« Nous auront besoin de ça » déclare-t-il
Elle veut bien le croire.
Son corps pend mollement, maintenu par les chaines. Son épaule est disloquée, sa mâchoire inclinée de façon anormale sous les ecchymoses. Son torse reste immobile.
Jack veut fermer les yeux, mais il n'a pas le contrôle. La chose veut qu'il regarde. Qu'il regarde tout le temps.
Jack n'était pas plus prêt que l'intrus à son inattendue résurrection. Il n'a jamais été aussi impressionné par elle. Même la mort ne pouvait pas l'arrêter. La lame qu'elle brandit est froide et tranchante contre son cou et s'il avait pu, il aurait pleuré de gratitude. Elle peut tout arrêter maintenant.
Mais une ombre passe sur son visage. De l'hésitation et une lueur encore pire, car le serpent peut la voir aussi.
« Faites-le ! » lui crie-t-il en silence
Mais elle ne peut pas l'entendre et il voit sa résolution faiblir, cet instant où elle abandonne.
Il entend ses faibles excuses et il sait qu'elle les prononce à la fois parce qu'elle le laisse captif mais aussi parce qu'elle se doute des représailles que le serpent le forcera à faire. Déjà il envahit son esprit des images, des idées qu'il a pour elle.
La nausée tord cet estomac qui ne lui appartient plus vraiment. Il essaie de ne pas regarder, de ne pas sentir son sang couler sur ses mains.
Une part de lui-même la déteste pour cette terrible faiblesse.
Jack se réveille brusquement, désorienté tandis que son esprit cherche à se localiser, visualisant l'alcôve autour de lui, percevant le bourdonnement familier de son vaisseau lancé à toute vitesse.
D'accord, pense-t-il, sa tête retombant lourdement sur son oreiller. Ils se précipitent vers la Terre, à la poursuite d'un évènement intangible, essayant de prendre les devants sur la bombe à retardement installée dans sa tête.
Il n'y a plus de Asgards, alors qui va bien pouvoir le sauver ?
Il va mourir, il le sait.
Il n'y a pas vraiment de regrets à avoir. Juste la certitude que finalement, c'est la bonne voie. Seulement il lui reste une dernière chose à faire avant que les mots disparaissent de son esprit.
Sortant du lit, il se dirige vers l'avant du vaisseau.
Carter est aux commandes.
Sa transformation cette dernière semaine a été surprenante. Non pas qu'il en attendait moins de la Carter qu'il connaissait. Seulement ce n'était plus vraiment la femme qu'elle était autrefois. Elle ne le serait certainement plus jamais, mais elle restait solide, concentrée et suffisamment têtue pour ne pas reculer devant une conversation qu'elle aurait sans aucun doute préféré ne jamais avoir.
Elle n'a plus besoin que lui, ou qui que ce soit d'autre, s'occupe d'elle. Ce constat rend son départ plus facile. Il ne veut simplement pas la laisser accrochée à un fardeau qui n'a jamais réellement existé.
« Il avait un sarcophage »
Carter sursaute tout autant à cause de cette intrusion inattendue qu'aux mots prononcés. « Quoi ? » Demande-t-elle sans regarder en arrière, ses mains serrant les commandes.
Il n'a plus le temps de la ménager. « Anhur »
Elle grimace en entendant ce nom. « Je sais » lui répond-elle d'un ton sec, et il s'imagine qu'elle y pense à nouveau, à cette lumière blanche, au bourdonnement, à cette béatitude que lui offrait le vide. Elle sait mieux que quiconque qu'Anhur avait un sarcophage, mais elle ne comprend toujours pas le sens de ses mots, ne faisant pas le lien aussi vite que l'ancienne Carter l'aurait fait.
Il attend patiemment qu'elle le regarde. Quand elle parvient enfin à lever les yeux vers lui, il plonge son regard dans le sien, voulant qu'elle comprenne.
« Il avait un sarcophage » lui répète-il, en prononçant soigneusement chaque mot.
C'est seulement à cet instant qu'elle semble prendre conscience de ce qu'impliquent ses mots. Elle pâlît, retenant son souffle. « Il avait un sarcophage » répète-elle.
Il ne serait pas resté mort, même si elle avait pu aller jusqu'au bout.
Elle semble s'avachir sur elle-même, la tension quittant sa colonne vertébrale. Elle regarde d'un air absent ses mains vides trembler sur ses genoux, et Jack voit ses larmes tomber librement dans le creux de ses paumes.
Cinq années de silence, de colère et de culpabilité s'y écoulent. Quelques larmes, un dos vouté, et des cheveux retombant sur son visage.
Cela rend les choses encore plus pénibles à regarder.
Il hésite, une fois encore, mais finit par réussir à décoller ses pieds du sol et traverse l'espace les séparant.
Peut-être est-ce parce que cette conversation était inévitable, ou bien à cause de l'urgence du moment, mais il finit par retourner doucement la chaise jusqu'à ce qu'elle soit face à lui, et s'accroupit devant elle. Il approche sa main de son visage, suffisamment lentement pour qu'elle puisse s'éloigner, s'y opposer. Mais elle se contente d'observer son geste.
Il finit par la toucher, son pouce effaçant ses larmes. Elle ne bronche pas, ne recule pas, garde sa position.
Elle ferme brièvement les paupières, puis finit par les rouvrir pour le regarder et il n'arrive pas à croire ce qu'il y voit. Ce fil si mince, si minuscule, si dangereusement révélateur dans ses yeux.
« Comment faites-vous cela ? » demande-t-il d'une voix rauque.
« Faire quoi ? »
« Me regarder sans vraiment me voir »
« Jack… » Son visage est déformé par la peine, « Vous savez pourquoi. Vous le savez. »
Leurs regardent restent accrochés l'un à l'autre, ramenant à sa mémoire cet infime instant qui les avait trahis aux yeux d'Anhur, les condamnant à une torture plus insidieuse encore. En revanche, il n'arrive plus à se souvenir des bonnes raisons qu'ils avaient invoqué, des excuses toutes faites qu'ils avaient employé pour rester dans la même équipe, en dépit de cette vérité qu'ils ne pouvaient plus ignorer. Avait-il vraiment cru que cela n'aurait aucune conséquence ? Le déni ne les avait pas sauvés.
Il retire sa main « C'était de ma faute. Absolument tout. »
« Non » Nie-t-elle
« J'étais votre supérieur »
Elle secoue la tête. « C'était aussi mon choix. Je connaissais les risques. »
Sa mâchoire se serre. Rien de tout cela n'allait changer le plus accablant. « Je vous désirais, et il le savait. »
Elle tressaille, un frisson involontaire mais intense la parcoure. « Ce n'est pas la même chose. » Contre-elle d'une voix à peine plus audible qu'un murmure.
« Si je n'avais pas-.. »
« Non. » L'interrompt-elle, refusant de lâcher prise. « C'était un Goa'uld. Il nous aurait fait du mal de toute façon. »
Jack se redresse, et s'éloigne d'elle, l'air agité.
Dès l'instant où il s'était infiltré, Anhur avait été convaincu que Jack le combattrait, le bloquerait d'une manière ou d'une autre. C'était un pouvoir qu'il n'avait pourtant jamais eu. C'était uniquement l'incompétence d'Anhur à comprendre et utiliser les connaissances de Jack qui l'avait limité. C'était le réel but des morts répétées qu'il infligeait à la jeune femme : une punition, une tentative de briser l'hôte, de donner un sens à tout cela. Du moins jusqu'à ce que l'esprit dérangé du serpent devienne obsédé par autre chose.
Anhur n'avait pas vraiment regardé Carter avant ce fameux jour où elle l'avait menacé d'un couteau. Elle, cette esclave à moitié morte, l'être le plus insignifiant au monde, avait osé menacer la vie d'un dieu. Cet acte avait secoué Anhur, révélant tout, y compris ce lien qui pouvait unir les humains et que lui ne pourrait jamais comprendre. Dès lors, il ne voyait plus qu'elle.
Pauvre, pauvre petit dieu effrayé, cherchant par-dessus tout à rester en vie, se perdant dans ses propres jeux malsains.
Jack a du mal à repousser la bile qui remonte dans sa gorge. « Ou peut-être qu'il vous aurait juste tué, s'il n'avait pas pensé que vous garder en vie avait une forme d'intérêt. »
La voix de Carter est faible lorsqu'elle finit par parler « Cela aurait-il été mieux ? Auriez-vous préféré que je sois morte ? »
Les sensations étaient encore fraiches dans son esprit, chaque détail encore emplis de haine. Il se retourne pour lui faire face. « Si cela aurait été mieux que de m'obliger à faire ce que je vous ai fait ? La réponse est oui »
Elle ne prend pas ombrage de son ton acerbe, au contraire, elle se redresse. « C'est à cause de cela que vous avez fait tout ceci ? » L'interroge-t-elle. « La raison pour laquelle vous vous êtes engagé là-dedans ? »
Il la fixe, l'impression tenace d'assister à un naufrage, mais pourtant incapable de détourner les yeux.
« Quoi ? »
Elle s'humecte les lèvres, obligeant les mots sous-jacents qui rôdent depuis le début de leur discussion à sortir. « Parce que vous préfèreriez être mort ? »
Il ne répond pas, mais il ne pense pas que ce soit nécessaire pour qu'elle comprenne. Elle garde ses yeux accrochés aux siens, attendant qu'il nie les faits. Il lit sur son visage qu'elle réalise ce que cela signifie, alors que le silence s'étire entre eux.
Elle comprend maintenant. Enfin.
Il n'a jamais été question du couteau. Ca avait toujours été Cimmeria.
Toujours.
Pendant un instant, il est persuadé qu'elle va s'effondrer, accablée par le poids de cette prise de conscience. Mais ensuite, en quelques secondes, il voit l'horreur stupéfaite disparaitre de son visage. Elle s'éteint et redevient une coquille vide. Si douloureusement vide.
« D'accord » dit-elle. Il se relève et lorsqu'il la regarde, ses mains sont à nouveau stables. « D'accord. C'est ce que j'avais besoin de savoir. »
Elle s'éloigne.
Enfin.
