A lire sur l'air de piano '' Levi's Pain'' créé par Omake-Pfadlib, visionnable sur youtube; si le coeur vous en dit. La version slowed reverb raining est le combo parfait pour être dans l'ambiance.
Je ne m' y connais pas en musique. J'ai fait de mon mieux pour retranscrire les émotions qui en découle.
LA NOBLESSE DES SENTIMENTS
V. NOTES DE CŒUR.
Erwin est en train de traverser le couloir en direction de son bureau lorsqu'une note s'élève dans les airs. Ce son, long et vibrant, brise le silence seulement rompu par la pluie qui frappe contre les carreaux. C'est un son si soudain et inattendu qu'Erwin ralentit l'allure et relève la tête de ses papiers, intrigué.
Une seconde note, suivit de plusieurs autres, se propagent ensuite dans tout le bâtiment.
Cette fois, le Major s'arrête complètement pour mieux écouter, médusé. Il reconnaît le son caractéristique des marteaux qui frappent les cordes. Il en connaît la nature parce qu'il a déjà écouté jouer de cet instrument, mais il est surpris de découvrir seulement maintenant que la forteresse en est doté d'un.
Les notes s'enchaînent désormais, entamant un morceau qui lui est par contre inconnu mais somptueux.
Le rythme est lent et doux.
C'est si beau... Et si triste à la fois.
Erwin ne saurait dire comment ou pourquoi, mais il y a quelque chose de tragique dans cet air, un quelque chose qui le bouleverse entièrement.
Comme si toute la peine et la souffrance de son auteur se déversait dans ces accords.
Une lamentation ?
Erwin cesse un instant de respirer. Il y a quelqu'un, quelque part en haut, en train de jouer d'une manière si exquise, si poignante, que cela le touche en plein cœur.
Et il ne saurait dire, parmi les explorateurs, lequel est capable de jouer une telle mélodie.
Le grand blond ne résiste pas longtemps. Il se dirige vers les escaliers, monte les marches deux par deux et presse le pas, guidé uniquement par cette petite voix qui semble appeler à l'aide.
Il arrive au troisième étage et se rend compte qu'il n'y a jamais mis les pieds avant. La forteresse comporte beaucoup de pièces inoccupées, mais le bataillon n'en a pas l'utilité. Cet espace a été laissé aux fantômes du passé. Mais, étrangement, aucune trace de poussière ne recouvre cette partie du bâtiment.
La moquette rouge sombre, usée par le temps mais propre, atténue le bruit de ses pas alors qu'il se rapproche de la source du bruit.
Là, au bout du couloir, se trouve une porte entre-ouverte, d'où s'échappe la mélodie.
Erwin peut entendre les battements de son coeur accélérer et sa gorge se nouer alors qu'il s'apprête à jeter un oeil à l'intérieur.
Ces yeux clairs s'agrandissent et sa bouche s'entre-ouvre légèrement sous la surprise.
Au centre d'une grande pièce entièrement vide se dresse un sompteux piano à queue en bois verni.
Il paraît imposant, ou bien c'est l'immensité du vide l'entourant qui fait paraître le musicien si petit et si fragile.
Dans la pénombre, éclairé uniquement par les grandes fenêtres qui laissent passer la faible lumière émanant du ciel obscur, l'homme qui se livre à l'instrument semble être dans un état second.
La transe du musicien ?
Erwin l'observe avec attention en silence, n'osant pas interrompre ce moment si particulier.
Car Levi, penché au dessus du clavier, ne semble pas l'avoir aperçu, tout absorbé par son activité.
Ses longs doigts fins survolent les touches de façon gracile et fluide, dans une chorégraphie parfaitement maîtrisée.
Quelques gouttes de sueur perlent sur son front et roulent le long de sa nuque. Erwin remarque du coin de l'œil balais, plumeaux et produits ménagers posés dans un coin. La pièce -tout l'étage- est impeccable, il vient juste de finir de nettoyer. Alors il a passé tout ce temps, tout seul, ici ?
Ses lèvres, n'exprimant ni colère, ni joie, sont légèrement courbées vers le bas.
S'il semble arborer son expression neutre habituel indéchiffrable, ici c'est plutôt son absence d'expression qui trahit son état psychologique. Si ce n'est pas évident au premier regard, il suffit de tendre l'oreille. Cette mélodie exprime clairement la détresse dans laquelle est plongée son âme.
Erwin peut le ressentir, atteint par la beauté de la musique, cette douce mélancolie saisissante qui s'infiltre un peu plus profondément en lui à chaque note...
L'explorateur remarque aussi que les cernes de son compagnon d'arme sont beaucoup plus creusés que d'habitude. Depuis combien de temps n'a-t-il pas eu un cycle complet du sommeil ?
Ses sourcils ne sont ni froncés, ni haussés par la concentration. Il n'a pas de partition non plus sous les yeux. Il se laisse juste porter par ce que lui dicte son coeur.
Levi ne regarde même pas où il pose les doigts pour jouer -pas qu'il en ait réellement besoin. Ses yeux ont beau être baissés sur le clavier, un voile opaque s'est posé sur eux.
Le regard dans le vague, comme emporté ailleurs, loin, très loin...
Où es-tu Levi ? Tu es perdu ? Dans le tourment de tes souvenirs ? Emporté par le flot tumultueux des sentiments ? C'est ton histoire emplie de tragédies -que même moi n'en connais qu'une infime part- que tu exprimes à travers ces notes ? Est-ce que tu pleures ? Tu pleures pour nos camarades, nos amis, tombés au combat... ? Est-ce que par ce morceau, tu leur rends hommage ?
Le rythme accélère, les accords s'enchaînant rapidement.
Erwin peut à peine respirer, lui aussi emporté par le torrent d'émotions qui déferle en lui, provoqués par les sons créés par les vibrations des cordes.
C'est tellement beau...
Le blond a envie de le lui souffler.
Je sais... Ça fait mal, je porte aussi ce poids en moi à chaque instant. je suis là, je suis avec toi.
Mais les mots restent bloqués dans sa gorge. Ils ne sont de toute manière pas assez puissants pour exprimer assez justement tout ce qu'il ressent. Il ne sait pas jouer du piano, lui.
Alors comment l'atteindre, le toucher ? Comment lui faire savoir ? Comment l'aider ?
Erwin préfère se taire pour profiter de cet instant hors du temps. Il n'est même pas sûr d'avoir le droit d'être là. Car c'est tellement intime, ce que Levi partage là inconsciemment. C'est un morceau de lui-même.
Son caporal s'offre à la musique, pour mieux se libérer, en s'affranchissant des mots. Ça lui vient plus naturellement, plus facilement semble-t-il.
Ainsi, l'homme se livre totalement, il se met à nu, comme jamais il ne l'a fait auparavant.
Le bruits des gouttes d'eau qui roulent le long des vitres et le grondement lointain du tonnerre créer une atmosphère particulière qui a un effet apaisant et rajoute une touche on ne peut plus dramatique.
Les doigts du soldat appuient sur les touches plus lentement, une par une. La musique ralentit, tout comme le temps, comme s'il retenait son souffle lui aussi. Une dernière note, un point final. Le silence retombe, assourdissant.
Levi redresse la tête. Il se sent étrangement plus léger mais aussi vidé de toute énergie. Le voile devant ses yeux tombe, et ses yeux gris d'acier captent enfin la présence d'Erwin qui s'est rapproché sans s'en être rendu compte. Son visage est fermé, mais ses yeux bleus à eux seuls parlent pour lui. Le caporal se lève de son siège, en tournant tout son corps vers son supérieur.
Leur regard se croise, et se fixe sans ciller.
Le plus petit ne le montre pas, mais il est embarassé qu'Erwin ait assisté à toute la scène -parce qu'à coup sûr, cette grande perche est là depuis un moment à l'écouter. Il aimerait incliner légèrement la tête et foudroyer des yeux Erwin pour le mettre en garde comme il sait si bien le faire. Mais il ne s'en donne pas la peine, le blond le connait bien maintenant, il sait ce qui l'attend s'il ouvre la bouche. Parce qu'Erwin sait ce qu'il veut ne pas entendre. Aucun mot ne peut le conforter. C'est purement inutile, ça ne peut changer en aucun cas le passé et franchement, il n'en a pas besoin.
Ce n'est pas qu'il a peur que sa fierté en prenne un coup. Il ne veut simplement pas de sa pitié. Voir ce genre d'expression sur le visage de Smith le mettrait en colère.
Aussi se détend-il lorsqu'il découvre le regard admiratif et emprunt de compassion qu'arbore Erwin.
Et puis, s'il veut bien se l'avouer, sa présence à elle seule le réconforte déjà. Il se dégage de lui une aura bienveillante qui agit sur sa personne et malgré lui comme un catalyseur et un calmant.
Erwin finit par rompre le contact visuel le premier. Il baisse ses yeux bleus sur le papier qu'il tient et se met à le chiffonner. Levi l'observe sans comprendre -ce n'est pas dans ses habitudes de négliger ainsi des papiers officiels, mais ne pose pas de question. Au bout de plusieurs pliages, le papier prend une nouvelle forme et Erwin finit par le tendre à Levi.
Celui-ci, stupéfait, lève les yeux vers Erwin qui lui offre un de ses sourires chaleureux dont il a le secret.
L'orage gronde, des trombes d'eau s'abattent à l'extérieur, mais plus rien n'a d'importance. Il n'y a qu'eux, un piano silencieux à leur côté et ce cadeau en papier original et poétique.
Le caporal s'approche d'Erwin et lève son bras pour prendre la fleur en papier posé au creux de sa paume. Il frôle la peau d'Erwin au passage, s'y attardant un instant. Son doigt glisse sur celui du blond dans un infime caresse lorsqu'il ramène à lui la fleur.
Le message est puissant. Il ne pensait pas, par cette simple mélodie qu'il a créé de toute pièce, ces notes de cœur, toucher autant Erwin.
Il observe la fleur entre ses doigts avec émotion.
C'était sublime, Levi...
Le brun relève les yeux. Erwin s'est rapproché. Un seul pas les sépare désormais.
Levi fait le dernier.
Deux bras forts viennent entourer précautionneusement sa taille. Levi ferme les yeux et se laisse aller contre le torse du blond lorsqu'une main vient masser ses cheveux à l'arrière de son crâne.
Les battements réguliers du cœur d'Erwin apaise son esprit et son âme torturés.
L'espace d'un instant, il oublie tout, enveloppé dans une douce chaleur familière, la fleur en papier reposant tout contre son coeur.
Lorsque Levi regagne sa chambre ce soir-là, il découvre qu'un bouquet de coquelicots rouges repose sur son lit.
~*o*Coquelicot rouge*o*~
Apaisement, réconfort, consolation.
Souvenir, hommage aux morts.
