En y repensant plus tard, Severus aurait dû se douter que quelque chose n'allait pas. Quand il était entré dans le bureau du Directeur, ce dernier semblait surexcité - ce qu'il attribua à un excès de sucre compte tenu de la date - oscillant entre l'euphorie et la tristesse.
Il fut accueilli par l'habituel "Severus, mon garçon, que me vaut le plaisir ?", mais cette fois, il ne protesta même pas. Il n'aimait pas la soudaine familiarité de l'homme, sa façon de vouloir le couver comme s'il était de la famille. Pas après sa scolarité infernale, pas après qu'il ait été piégé près de ce vieux fou manipulateur. Toute la gentillesse du monde n'effacerait pas les blessures du passé.
Il grogna juste.
- Il se passe quelque chose.
À ces mots, le pétillement habituel du regard bleu se ternit soudain, et Dumbledore s'employa à éviter son regard, se prenant soudain de passion pour tout le fatras qui encombrait son bureau. Face à l'absence de réponse du Directeur, trop perturbé par la situation, Severus manqua les indices qui auraient du l'alerter et insista.
- Monsieur, la Marque… la douleur a été affreuse et elle a… disparu.
Le Directeur se lissa la barbe, sourcils froncés.
- Intéressant…
Agacé, Severus remonta sa manche pour la seconde fois face à Dumbledore. Il hésitait toujours à exposer l'affreux tatouage, trop honteux pour exposer ses erreurs de cette façon. Sa plus grande honte.
Dumbledore se pencha et observa de près le bras de son professeur - et ancien élève - avec attention, yeux plissés et lèvres pincées. Puis il hocha sèchement la tête et d'un coup, il sembla vieux et mal à l'aise, refusant de croiser le regard de Severus.
Severus fut frappé par l'évidence, avec la force d'un cognard, et il vacilla un bref instant, avant de reprendre son masque de froideur.
- Vous savez…
Sa voix était celle qu'il prenait pour effrayer les élèves les plus impertinents - selon ses critères. Glaciale et doucereuse.
Dumbledore s'agita sur son siège et soupira, se passant une main légèrement tremblante sur le visage. Puis, il soupira une fois encore, visiblement hésitant.
- Severus…
Le ton était presque suppliant, mais Severus n'eut aucune pitié. Cet homme l'avait piégé même si c'était pour les meilleures intentions du monde. Cet homme avait laissé un groupe d'adolescents le martyriser pendant sa scolarité. Cette homme avait commis bien trop d'erreur alors qu'il se prétendait chef de file de la Lumière.
Face à l'hostilité manifeste du Maître des potions, le Directeur abdiqua, et son air coupable fit pressentir à Severus qu'il n'allait pas aimer les révélations.
Il ne pouvait pas se douter à quel point il était en dessous de la vérité…
Dumbledore ferma les yeux et chuchota presque.
- Il s'est produit quelque chose, un peu plus tôt dans la soirée. J'y ai envoyé Hagrid, mais vous voudrez peut être aller vous même sur place pour… Pour vous rendre compte ?
- Quelque chose ?
Sa voix avait perdu de son mordant alors qu'un terrible pressentiment lui compressait la poitrine, lui coupant le souffle et rendant chaque battement de son coeur douloureux.
- Je suis tellement désolé, Severus. Quelqu'un… ils ont été trahis. Ils devaient être en sécurité et ils ont été trahis.
Severus vacilla, et se pencha pour s'agripper au bureau de bois verni.
- De quoi parlez vous vieux fou ?
Le regard bleu se leva vers lui et se planta dans son regard sombre. Il n'y avait plus aucune trace de pétillement ou de joie, juste une infinie tristesse.
- Severus. Quelqu'un a trahi les Potter. Leurs protections sont tombées et ils ont été attaqués.
Le maître des potions entendit l'information. Cependant son cerveau refusa de la traiter comme si les choses pouvaient encore être changées. Voyant son choc, Dumbledore insista, allant jusqu'à poser sa main sur celle de son professeur, l'air infiniment désolé.
- Je suis désolé Severus. Ils… Ils ont probablement été tués. Voldemort… il les a attaqué. Ils ont tous été tué, mais au moins ce monstre a été anéanti.
Severus dégagea violemment sa main, répugnant à toucher l'homme. Il grimaça, amer, et enferma toute sa souffrance au fond de lui, se débarrassant de tout sentiment.
- Si c'est encore un de vos tours, stupide vieillard…
Dumbledore leva une main hésitante pour le stopper et lui tendit un papier sur lequel était calligraphié une adresse. Machinalement Severus s'en saisit et plissa les yeux.
- Godric's Hollow ? Qu'y a t-il là bas ?
Le Directeur détourna le regard.
- Le fait que vous puissiez lire cette adresse prouve que le Fidelitas est tombé. C'est la maison des Potter, Severus. Allez vous rendre compte par vous même, mon garçon. J'ai envoyé Hagrid mais… il mettra du temps à arriver. Vous serez peut être plus à même de comprendre ce qui a pu se produire cette nuit.
Pour oublier sa peur - et son coeur qui battait follement comme un oiseau effarouché cherchant à jaillir de sa poitrine - Severus laissa la colère l'envahir, et il grogna, quittant le bureau à grands pas, laissant sa cape voler derrière lui.
Il quitta Poudlard, sans voir que Dumbledore l'observait de la fenêtre de son bureau, voûté et terriblement vieux soudainement, et transplana en direction de Godric's Hollow à peine le portail de l'école franchi.
Il atterrit dans un charmant petit village sorcier. Le genre de village pittoresque, comme figé hors du temps. Le genre de village que Lily aimait.
Il resta un instant immobile, observant autour de lui. Tout était silencieux, et il avança prudemment, dépassant la place principale du petit village.
À l'instant où il vit la maison, il sut que c'était là. Sans le moindre doute.
La bâtisse semblait affaissée sur elle-même, et il manquait une partie du toit. Un morceau de charpente pointait vers le ciel, calciné, comme un doigt accusateur.
Il avança comme un automate, s'interdisant de courir, prenant le temps d'observer autour de lui. Ce n'était pas le moment de se trahir et de risquer d'être tué d'un sort dans le dos, par un Mangemort qui serait resté dans le coin - s'il y avait eu des Mangemorts quoi qu'il ait pu se produire. Pas alors que Lily était peut être blessée et pouvait avoir besoin de lui. Il se refusait à envisager qu'elle puisse être morte.
La porte de la petite maison était défoncée, pendant lamentablement sur ses gonds. Lorsqu'il passa le seuil Severus frissonna malgré l'intérieur chaleureux. Il avait l'impression d'entrer dans un tombeau. Malgré la décoration colorée, l'atmosphère était lugubre.
Il sortit sa baguette et lança un Lumos, tout en se tenant aux aguets. Il jeta un coup d'oeil circulaire sur le salon, reconnaissant la personnalité de Lily dans l'aménagement des lieux. Lorsqu'il arriva au pied de l'escalier, il se figea.
